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Full text of "Annales médico-psychologiques"

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ANNALES MED1C0-PSYCH0L06IQUES. 

JODRML 

de 1'Anatomie, de la Physiologie at de la Pathologia 


SYSTEME NERVEUX. 








?aris. — Iraprimerie de Bourgogne ct Martinet, rue Jacob, 30. 




.MALES MEDICO-PSYCHOLOGIQUES. 

JOURNAL 

de l'Anatomie, de la Physiologie et de la Pathologie 

DU 

SYSTEME NERVEUX, 

DESTINE PARTICULIEREMENT 

A recueillir tous les documents relatifs 

A LA SCIENCE DES RAPPORTS DU PHYSIQUE ET DU MORAL, 



9 0 i s *2 


PARIS. 

CHEZ FORTIN, MASSON ET C ic , 

PLACE DE L’ECOLE-DE-MEDECINE, 1. 

IlfiME JIAISON, CHEZ L. MICHELSEN, A LEIPZIG. 

18i5. 





ASRIALES MEDICO-PSVCnOLOGIQUES. 

JOURM& 

de l'Anatomie, de la Physiologie et de la Patbologie 


SYSTEME NERVEUX. 



Que se passe-t-il dans les centres nerveux au moment do 
sommeil? Par quel mtamisme se produit cette suspension de 
l’action des sens et du sentiment de notrepropre existence? et 
quand les forces sont reparses, comment se fail le retour A l’etat 
de veille ? 


(1) Ce mimoire a dte lu 1 l’Acaddmie royale de midecine dans la sdance 
du 8 mai 1842. 


r. vi. Juillet 1845. 1. 



CAUSES ET THEOR1E 


Voila ce qu’on ne sail point encore anjourd’hui, ma'gre les 
experiences tentees sur les animaux et beaucoup duplications 
plus ou moios hypoth6tiques. 

Mais s’il n’a pas eld donne aux physiologisles de penetrer la 
cause de ces phenomimes, ils ont pu du moins observer et de- 
crire avec soin tout ce qu’il y a d’apparent et de saisissable dans 
le passage de la veille au sommeil, et du sommeil a la veille. Je 
dois rappeler en peu de mots quelques uns des fails qu’on a si¬ 
gnals a ce sujet. 

Le passage de la veille au sommeil ne se fait pas d’une uia- 
nifere brusque. On estd’abord averti par une sensation parlicu- 
liere; puis la lete devient lourde, les idees s’embarrassent et on 
tombe dans un premier degre d’assoupissement; l'influence de 
la volonte a cesse, que le sentiment du moi persiste eneore. On 
a, pendant quelques instants, conscience de certaines percep¬ 
tions; mais ces perceptions sont confuses, incoherenles, et con¬ 
stituent avant le sommeil coraplet une sorte de delire passager 
que presque tous les pbysiologistes ont iudique. Si cet etal de 
demi-sommeil, ordiiiairemcnl ires court, seprolonge, il con- 
stitue la somnolence, et l’espece de delire dont j’ai parle cst de- 
signe sous le nom de revasseries. 

Des illusions des sens eL des hallucinations surviennent assess 
souvent dans ce passage de la veille au sommeil. « A qui n’est-il 
pas arrive, dit Marc, ii la suite d’une digestion laborieuse ou 
de tout autre embarras soit dans la circulation, soit dans les 
lonctions uerveuses, a pres une vive secousse physique oil mo¬ 
rale, d’eprouver, au moment de s’endormir, de ces erreurs des 
sens externes ou internes, d’apercevoir les figures les plus gro¬ 
tesques , souvent les plus effrayanles, d’entendre le son de voix 
d’hommes, d’animaux, leson de cloches, de voir un precipice, 
et en un mot de rever en quelque sorte sans dormir ? » 

Marc aurait pu ajouter que ccs illusions et ces hallucinations 
s’observeut encore assez souvent chez les femmes ii l’epoque 
menslruelle ou dans les jours qui suivent l’accouchement. 




DES HALLUCINATIONS. 


Les plifinomenes que je viens d’indiquer pour le passage de la 
veille au sommeil se rencontrent aussi, mais d’une maniere moins 
tranchfie, iors du passage du sommeil J la veille. Quand les I 
forces sont reparees, on arrive graduellenient ii un etat de som-f 
nolence pendant lequel on a des perceptions confuses, incoraw 
pletes, ct quelquefois des illusions et des hallucinations si on se 
trouve sous l’influence de quelque cause d’excitation. 

II reste a faire l’application de ces donnees h 1’etude des hal¬ 
lucinations chez les abends; It rechercher, par exeraple, si le 
passage de la veille au sommeil qui prevoque quelquefois des 
hallucinations dans l’etat de santd en produit plusparticuliere- 
inent sur les sujets predisposes a la folie ou d6ja atteints de cette 
raaladie. 

Ensupposantqu’il en soitainsi, il importe encore de determiner 
quelle influence ces hallucinations ont dds le debut sur la marche 
du delire, quels rapports surtout el les ont avec les hallucinations 
en general. 

-"''Apres avoir vainement cherchd dans les auteurs qui ont ecrit 
sur les maladies mentales la solution de ces questions, qui n’ont 
pas meme ete posees, j’ai tentfi de les resoudre en interrogeant 
les parents des malades, et surtout les malades eux-memes. 
Cost le resultat de mes recherches sur les points que je viens 
d’indiquer que j’ai consigne dans ce travail, lequel est divise 
‘ en deux parties. 

I Dans la premiere, je cite les observations que j’ai recueillies 
et celles que j’ai trouvees ca et la isolees dans les auteurs. 

Dans la seconde, je fais ressortir les rapports qui existent entre 
les fails cites et les consequences qu’on peut en tirerpour l’6tude 
et pour le traitement de la folie. 



CAUSES ET THfeORJE 


PREMIERE PARTI E. 


§ I"- 

De I'influence de l'etat intermediate a la veille et au sommeil stir 
la production des hallucinations chez les sujets predisposes a 
■la folie, 

Obs. I re . 

Plusieurs parents alienis. — Hallucinations de l’oule et de la vue au 
moment du sommeil, prdcCdant de tiois ans l’invasion de la folie. 

Mademoiselle L..., agee de quaranle-ciuq ans, est depttis 
douze ans a l’liospice de la Salpetriere dans la division des alie¬ 
nees. On observe chez elle des hallucinations de la vue et de 
l’oul'e qui l’obsedeut presque continucllement. Elle parle a des 
etres invisibles et s’emporte contrc eux. Souvent elle s’inter- 
rompt tout-i-coup au milieu d’une phrase pour rdpondre aux 
voix qu’elle vientd’entendre. Ordinairement calmeet laboiieuse, 
elle ne devient guere agitee qu’a 1’epoque des regies. Elle frappe 
alors a grands coups sur lespretendus monstres dont elle se voit 
entouree. 

Voici les renseignements que j’aiobtenus sur les antecedents 
de la maladc et sur sa famille. 

Mademoiselle L... a toujours ete un peu bizarre; quoique 
simple couturidre , elle avait la pretention de fairedes vers, et 
on a impritne plusieurs chansons de sa composition. Apres son 
travail de la journee termine, elle donnait une partie des nuits 
aux inspirations poetiques. 

A trentc ans environ, elle commcnca a eprouver un pheno- 
mene etrangc et qui la jetait dans l’etonnement. Chaque soir 
avant de s’endormir elle entendait des voix qui lui parlaient Ires 
dislinctement. Elle voyait autonr d’elle des personnages et des 
animaux de toute sorlc. Bien souvent elle a entretenu sa mere et 



DES HALLUCINATIONS. 


sesfreres de ce fait, qu’elle ne pouvait s’oxpliquer. Elle com- 
prenait d’ailleurs ti es bien qu’il n’y avail lien de reel dans tout 
ce qu’elle vovail et entendait. Les fausses sensations n’avaient 
jamais lieu pendant le jour, ni meme pendant la nuit quand la 
inalade veillait; ce n’etait qu’au moment du sommeil que toutes 
ces apparitions survenaient. 

Cet dtat durait depuis trois ans sans que la raison ofFrit le 
moindre derangement, lorsque mademoiselleL. perdit lout-it- 
coup la tete a la suite de couches. 

Sa folie, caractdrisee des le debut par des hallucinations de 
l’ouie el de la vue, elait evidemment le resultat d’une predispo¬ 
sition heredilaire, comme le prouvent les renseignements qui 
suivent. 

Le pere de la malade, apres avoir longlemps fait des excds 
de boisson , a fini par perdre la tete. 

Un des oucles paternels, sans etre completeinent alidne, offre 
cependant des signes de folie, et dans le pays qu’il habite oh 
ne- 1’appelle pas autrement que L... le fou. 

Un des freres de mademoiselle L... qui, comme le pere, faisait 
des exces de boisson, a aussi eu un acces de folie. 

Ainsi la malade a eu trois de ses parents alienes ; elle-meme 
avait toujours ele un peu bizarre. Elle 6tait done emineminent 
predisposee a la folie qui, chez elle, a die prdccdde pendant 
trois ansd’hallucinations de la vue et de 1’oui'e ne survenant qu’au 
moment du sommeil. 


Obs. II. 

Plusieuis parents alienes..— Hallucinations de i’ouie et de la vue au. 
moment du sommeil, durant depuis pr6s d’un an sans delire. 

- L..., frere de la malade qui faitle sujet de l’observation prd- 
cedente, est un ouvrier d’environ trente-cinq ans, plein de sens 
et de raison, mais frappe de 1’idee qu’il n’ecltappera pas au sor 
qui aatteint son pere, son oncle, son frere et sa soeur. Deux foi 
deja, a la suited’affections morales vives, il a failli devenir alieue ;. 



CAUSES ET THfcORIE 


ce n’est qu’en prenant des bains, en se faisani mettre de Teat! 
froide sur la tete, en cessant toute occupation qu’il a pu pre- 
venir le delire dans lequel il sentait qu’i! allait tomber. Mais ce 
qui augmente encore scs craintes, c’est que lui-meme eprouve 
depuis pres d’un an le phdnomcne elrange qui, pendant trois 
ans, a precede la maladie de sa soeur ; tous les soirs, avant de 
s’endormir, ila des hallucinations de l’ouie et de la vue. 

Je pouvais ici avoir sur le moment precis ou les fausses sen¬ 
sations se produisent des renseignements posilifs. Or, c’est bicn 
reellement immediatement avant le sommeil, lorsque 1’assou- 
pissement commence, mais que la conscience subsiste encore, 
que les hallucinations ontlieu. L... n’entend ordinairement qu’un 
melange confus de voix; quelquefois, au contraire, il distingue 
les paroles et en comprend le sens ; ce sont des phrases de- 
cousues et se rapportant a des sujels ties varies. Tantot il n’a 
que des hallucinations de 1’ouYe, quelquefois, en meme temps, 
des hallucinations dela vne; il se voil alors enlourd d’hommes 
et de femmes; quand les voix font beaucoup de bruit, elles 
l’empechent de s’endormir completement. L..., d’ailleurs, comme 
eelaa eu lieu pendant trois ans pour sa sceur , sait parfaitement 
bien qu’il n’y a rien de reel dans tout ce qu’il voil et entend, 
et que ce sont des visions. II a souvent parle de ce fait aux aulres 
ouvriers de son atelier, et a voulu savoirsi aucun d’eux n’eprou- 
vait quelque chose de semblable; mais ses camarades se sont 
moques de lui et n’ont pas cru qu’il vit et entendit reellement 
ce qu’il disait. 

Get homme, dont le perc, l’oncle, le frfere et la sceur ont dte 
ou sont encore abends, est 6videmment sous l’influence d’une 
predisposition a la folie, et au nombre des traits qui denotent 
cette predisposition se trouvent les hallucinations de la vueetde 
1’ouie survenant (ous les soirs au moment du sommeil. 




DES HALLUCINATIONS. 


Obs. III. 

Pere en deinence senile; sreur alienee.—Hallucinations de l’oui'e au moment 

du sommeil et du reveil sans delire. — Accfes passagers d’alidnation. 

Mademoiselle D..._, ouvriere, ag6e d’environ cinquante-cinq 
ans, est d’une famille dont presque tous les membres sont al- 
teints dc migraines. En outre, son perc est tom be en deinence 
a l’iige de soixante-douze ans , et uue de scs soeurs est depuis 
quatre ans a la SalpStriere dans la division des aliendes. 

II y a deux ans, mademoiselle D... commenca a entendre, au 
moment de s’endormir, des voix qui semblaient sortir de son 
oreillety Le matin,, a son reveil, elle entendait encore ces voix 
pendant quelques inslants, et de plus elle se souvient les avoir 
entendues en revant ; quelquefois meme la sensation devenaitsi 
vive pendant le sommeil, que la malade etait rdveillde par le 
bruit. Ces hallucinations de l’ouie, quin’ont lieu , en gendral, 
qu’avant, pendant et apres le sommeil, out, it plusieurs reprises 
et it des intervalles plus ou moins eloignds, continue pendant 
la nuit et meme pendant le jour. II semble y avoir eu alors 
un veritable delire, mais qui n’a pas necessite l’isolement de la 
malade dans un dtablissement d’aliends. Quand ce ddlire a cess ' 1 , 
les voix n’ont pas moins continue, a se faire entendre avant et 
apres le sommeil, et, aujourd’hui encore., mademoiselle D., 
qui me donne elle-meme ces renseignements, les entend au 
moment de s’endormir. 

La malade a eprouve souvent un phenomene qu’on n’a pas si¬ 
gnals , mais qui se rencontre chez quelques ballucinfis. Quand , 
pendant le jour, elle fixait un objet, elle le voyai t apres un instant 
se transformer en une tete animee par des yeux brillants et 
mobiles. 

La predisposition a la folie chez mademoiselle D... est bien 
dcmontree, et meme il y a eu chez elle plusieurs acces passa¬ 
gers d’alienation. Les hallucinations au moment du sommeil 
sont, comme chez les deux malades qui precedent, un des traits 
de cetlc predisposition. 



CAUSES ET THEOntE 


§ II. 

Influence de l'dtat intermddiaire a la veille el au sommeil sur la 
production des hallucinations dans le prodrome et au debut do 
la folie. 

Obs. IV. 

Hallucinations de 1’oule et de la vue, se reproduisant d’altord an moment 
du sommeil et devenant ensuite continues. 

AlexandrineJ..ouvriere, agee detrenleans , passait, il y a 
quelqne temps (1) dans la rue du Temple au moment ou la femme 
Renaud venait d’etre assassinee par Soufilard. Elleaccourut aux 
cris de desespoir que poussait la fille Renaud, qui la premifere 
avait penetre dans la chambrc ou le nieurtrc avail ete commis. 

L’impression quecet dvencment fit sur Alexandrine J... fut si 
vive que ses regies se supprimerent. Quelques jours apres, elle 
dtait dans le delire. Conduitc a la Salpetriere, dans le service de 
M. Pariset, elle en sortit guerie au boutde deux mois. 

Depuis lors, plusicurs acces ont eu lieu, et le 13 aout der¬ 
nier A. J... est entree a la SalpStriere pour la quatrieme fois. 

Elle me racontc que depuis trois mois ses regies se sont de 
nouveau supprimees sans cause connue. Depuis lors, elle a des 
frayeurs sans motif, son sommeil est agile; la nuit, elle se re¬ 
veille en sursaut, toute tremblante, et reste longtemps sans se 
rassurer completement. Bieniot elle est.prise d’hallucinationsau 
moment de s’endormir; lorsqu’elle commence it s’assoupir, elle 
voit des figures qui l’epouvanlent, elle entend aussi tresdistinc- 
tement des voix qui lui parlent. Effrayee, elle saute de son lit, 
et aussilot qu’clle a de la lumiere, les hallucinationscessent. 

Apres une douzaine de jours, les hallucinations continucrcnt 
malgrdla lumiere. Elle entendit les voix une partic de la nuit, 
et m6me pendant le jour. Les hallucinations de la vue, au 
contraire, n’eurent toujours lieuqu’au moment du sommeil. 

La tnalade flprouve d’ailleurs le mflme phenomflue que j’ai 
deja fait remarquer dans l’observation qui precede. Lorsqu’elle 

(1) Cette date, ainsi que toutes cellcs qui sont consignees dans ce me- 
moire, n’est plus exacle aujourd’hui, puisque trois annees se sont dcoulecs 
depuis que lecture en a file faite a 1’AcadCmic. 




DES HALLUCINATIONS. 


fixe un objet pendant quelques instants, cetobjet se transforme 
en une figure d’homme ou d’animal qu’eilevoit remuer. 

Alexandrine J... a parfaitement conscience de son £tat; mais 
elle explique tres bien comment, au milieu de la nuit, au plus 
fort de ses hallucinations, elle n’est plus mailresse de sa frayeur 
et tombe dans une sorte de delire; elle repond aux voix el se 
met a erier. La veille de son entrfie a la Salpetriere, elle avail 
e(6 arrfitee a minuil dans la rue, criant qu’on vint a son secours. 

La malade, outre les fausses sensations de l’ou'ie et de la vuo, 
a des hallucinations de 1’odorat, du goQt et du toucher; elle est 
obsedee par des odeurs, par des gouts singuliers; quelquefois il 
lui semble tout-a-coup recevoirsur la tete un pot d’eau froide. 

Peude jours apres l’cntree, M. Mitivie fit faire une applica¬ 
tion de sangsucs aux cuisses; les regies, supprimees depuis trois 
mois, reparurent le lendemain el coulbrent bien ; les hallucina¬ 
tions cesserent apres quelques jours, et la malade fut bienlot 
completement guerie. 

Le seul fait que je veuille faire remarquerdans cette observa¬ 
tion , c’est que les hallucinations de la vue et de l’ouie n’ont 
d'abord existequ’au moment du sommeil; elles ontensuile con¬ 
tinue loute la nuit, et enfin tout lejour; alorsseulemenlil y a 
eu des moments passagersde d61ire. Ainsi, la maladie d'A. J. a 
ete des le debut caracl^risee par des hallucinations, et ces hal¬ 
lucinations ont eu bien evidemment leur point de depart dans 
celles qui d’abord n’avaient exists qu’au moment du sommeil; 
elles n’en ont ete , pour ainsi dire, que l’extension. 

Obs.V. 

Hallucinations de Tome se produisant, pendant plusieurs jours, unique- 

ment avant le sommeil et au rdveil, et devenant ensuite continues. 

Madame L..., fruitiere, 3gee de quarante et un ans, d’unc 
constitution forte, d’un temperament 6minemment sanguin, est 
nee d’une mere atteinte d’une maladie convulsive. Elle-meine, 
depuis vingt aus, a des convulsions avec perte de connaissance, 
ct qui reviennenl a des intervalles tres irrdguliers. Depuis un an, 




10 causes et thuome 

cephalalgies fre'quentes, elourdissements, bourdonnements dans 
les oreilles ct surlout dans l’oreille droile, Ces signps de con¬ 
gestion sont aggraves par des exces de boisson , et la malade est 
obligfie d’avoir de temps en temps recours a la snignee.. 

A lalindu mois de juillet 18!tl , madameL . eprouve des 
contrarietes assez vives. Elle commence alors a entendre des voix 
quand elle est couchee; c’est le soir el le matin qu’on lui parlc 
dans sou lit au moment de s’endormir, ou quand elle se reveille;, 
elle distingue trfcs bien ce qu’ou lui dit; ce sont des menaces, 
des injures, des accusations; on va la mettreen jugement, bri- 
ser ses meubles, etc. Quclques jours se sont a peine ecoules et 
ces hallucinations de 1’oui'e durent une partie de la nuit. La ma¬ 
lade repond aux voix else dispute avecelles. Pendant quinze jours 
environ les faussessensations disparaissentie matin, rnais bientot 
dies continuent pendant le jour. G’est alors que la malade, se 
croyant poursuivie, sejelte par la fenetre du premier etage de la 
maison qu’elle habile; elle etait dans ses regies, qui, malgre 
cet accident, ne furent pas arretees; trois jours aprts, elle fut 
conduile a la Salpelriere. A son entree , madame L... est obligee 
des’aliter;l’unedescuisses, par suite de la chute, est turadiGe et 
douloureuse, le ventre est tres sensible a la pression, et il y a de 
la fievre. Cette malade est d’ailieurs trfes calme, et JI. Milivie, 
dans le cerlificat d’entree, declare qu’elle ne parait pas alienee. 
Cepcndant, apres quelquesjours, on s’apercoit que madameL..., 
en apparence si raisonnable, conserve des hallucinations de 
Louie qui ne reviennent que le soir et le matin quand elle est 
couchee. Elle croit que ce sont des gens de son pays, caches 
derriere lemur, qui viennent ainsi la tourmenler, Apres quinze 
jours, les fausses sensations cessent, et madame L. parait alors 
lout-a-fait bien. A l’epoque menstruelle les hallucinations revien¬ 
nent, mais seulement le soir et le matin quand la malade est 
couchee; il n’y en a point pendant le jour. Avec les hallucina¬ 
tions, relour de delire. La malade croit loujours que ce sont des 
ennemis qui viennent ainsi la tounnenter la nuit. 



DES HALLUCINATIONS. 


Depuis le debut de la maladie, les voix se font beaucoup plus 
entendre de l’oreille droite; c’est aussi a droite que les bour- 
donnements sont le plus foi ls. Vers le 15 octobre, 1’oreille de 
ce cote commence a couler; la malade trouve, le matin , son 
bonnet tachfi, lantot d’une eau roussatre, et tantot d’un peu do 
sang. Les regies ont reparu le 16 octobre et ont cess6 le 19. Les 
hallucinations continuent d’ailleurs au moment du sommeil et 
du r6veil, et elles existaient encore, quoique plus faibles, lors 
de la sortie de la malade, le 23 octobre 1841. 

On voitdans cette observation les hallucinations de Tome sur- 
venir d’abord au moment du sommeil et au reveil, durer bien- 
tot une partie de la nuit, et enfin avoir lieu pendant le jour 
puis rcvenir a leur point de depart. 

OBS. VI. 

Hallucinations de i’oule, se produisant d’abord uniquement au moment du 
sommeil, et devenant ensuite continues. 

Denise B..., agee de trente-trois ans, couturiere, a toujours. 
eu des migraines a l’epoque des regies; elle a l’habitude de se 
faire saigner tous les ans vers lemoisdejuillet; cette annee elle 
n’a pas voulu recourir au meme moyen , et depuis deux mois 
les migraines sont devenues plus fortes. II y a deux mois aussi, 
elle a commence it entendre des voix quand elle 6lait couchee et 
qu’elle commencait a s’assoupir. A pres peu de temps, les 
hallucinations de route, qui n’avaient lieu que le soil - avant le 
sommeil, sont devenues continues. La malade attribue le bruit 
qu’elle entend a des ennemis qui la poursuivent par la physique. 
Le 24 aout dernier, elle est conduite 4 la Salpetrifere. Aujour- 
d’hui, 20 fevrier 1842 , elle est dans un dtat de delire difficile 
a .classer, mais dont les hallucinations fonnent un des princi- 
paux symptomes. Le datura stramonium, essaye chez cette 
malade a tres haute dose par M. Mitivie, a determine des signes 
dc narcotisme, mais sans modifier les hallucinations, qui ont 
toujours principalemenl lieu pendant la nuit. 



12 


CAUSES EX THEORtE 


Obs. VII. 

Hallucinations de l’oui'e au moment du sommeil, continuant, des 'a pre¬ 
mitre Ibis, pendant loute la nuit. 

Mademoiselle S..ageede cinquante ans,est entreele 7 juillet 
1841 dans le service de M. Mitivie; depuis plus de neuf mois elle 
est poursuivie par des craintes chimeriqucs ; elle se figure que 
qu.elqu’un bouleverse ses eflcts danslachanibrequ’elle occupe; 
a plusieurs reprises elle a cru que de petites sommes d’argent 
luiavaienlete voldes; dela une apprehension vague etdes soup- 
cons envers lous cetix qui l’entourcnt. Depuis deux ans elle 
u’etait plus rdglee, lorsqu’il y a. trois mois les regies ont reparu, 
mais sans revenir depuis. 

Le 4 juillet au soir, elant couchee et lorsqu’elle com- 
mencait it s’endortnir, elle entendit du bruit dans sa cheminee; 
elle se reveille toul-a-fait ti es effrayee, mais le bruit continue 
pendant toute la nuit; ellefaisait tous ses efforts pour resister au 
sommeil, de peur d’etre surprise; cependant elle a dormi, un 
peu; le matin, le bruit cessa. Le Iendemain au soir, lorsqu’elle 
fut couchee, le mcme bruit recommenca au moment ou elle allait 
s’endormir, et il dura encore toute la nuit. Cependant, quand 
elle dtait bien completement reveillee, quand, par exemple, as¬ 
sise dans son lit, elle appelait sa petite chicnnc et lui parlait pour 
se rassurer, alors le bruit n’avait plus lieu. 

Ces hallucinations.de l’oui'e ont cesse d’elles-memes quelques 
jours aprfes l’entrde de la malade a la Salpetriere. 

OBS. VIII. 

Hallucinations de l’ouie el de la vue au moment du sommeil et du rCveil, 
suivies d’un delire passager. 

Marie L..., agee de quarante-deux ans, domestique, est en¬ 
tree it la Salpetriere, le l cr octobre 1841 , dans le service de 
M. Mitivie. Elle estd’une constitution forte, tres plethorique et 
sujetle a des etourdissements. II y a deux ans, les regies se sont 
derangdes, et depuis un an ellesn’ont paru qn’une fois. 



MS HALLUCINATIONS. 


13 


Lo 10 aoOt, cette femme se reveille au milieu de la nuit, en- 
iendant des voix qui 1’appellent par son nom. Kile distingue entre 
autres la voix de sa mere, de sa stcur et de sa belle-soeur, qui 
lui demandent des messes. A pres quelques instants, le bruit 
cesse , etla journee se passe bien ; niais le soir, etant couchee et 
au moment du sommeil, elle eutend ies memes voix qui sont si 
fortes, si distincles qu’elles l’empechent de s’endormir tout-a- 
fait quand elle s’assoupit. R6veillee, elle n’entendait plus rien, 
mais l’assoupisscment ramenait constamment les voix. Dcpuis 
quelque temps elle revait beaucoup de ses parents morts, mais 
elle n’y pensait pas pendant le jour. 

Les hallucinations de i’oui'e, qui avaient aussi lieu au moment 
du reveil, ne reviurent que pendant deux jours; mais apres trois 
semaines, lejour merneou une saignee futpratiqueea la malade, 
ellesreparurent de nouveau; c’etait, comme la prcmifere fois, uni- 
quemenl au moment du sommeil. On la menafait de la tuer; on 
lui demandait des messes; elle a aussi vu des papillons, desoiseaux 
qui voltigeaient autour d’elle , des souris qui couraient dans la 
chambre, elle elait tout etourdie. Les hallucinations entraine- 
rent sans doute la malade a quelque acte deraisonnable qui la fit 
couduire a la Salpetriere; mais, des son entree, les fausses sen¬ 
sations n’eurent plus lieu , et cette femme put sortir pcu apres 
sans avoir pr&ente ancun signe bien tranche de dflire. 

On. IX. 

Hallucinations de la vue et de 1’oule au moment du sommeil, suivies 
de delire. 

8 ..., agee de quaranleel un ans, domeslique, est entree a la 
Salpetriere,lei0 septembre dernier, dans unetat delvpemanie. 
Depuis trois ou quatre ans l’abondance des regies avait toujours 
ete en diminuant, mais la sante generate etait rest6e bonne, et 
la malade avait a peine de legeres migraines. II y a huitmois, 
cette femme a commence a fitre tourmentee par des hallucina¬ 
tions qui ne revenaient que le soir quand elle elait couchSe, 



1 £l 


ET THitC 


quelques instants avant le sommeil. Des qu’elle s’assoupissaif, 
die entendait un bruit de tambour el voyait desmililaires. Quel- 
quefois les bruits elaient d’une autre nature, el il lui apparais- 
sait des figures bizarres et Ires variees ; mais Ie bruit du tam¬ 
bour ct la vuc des militaires etait ce qui revenait le plus 
conslamment. Les halludnalions de la vue ct de 1’oule n’a- 
vaient d’abord lieu que par un commencement d’assoupisse- 
ment. Quand il arrivalt a la malade de rester au lit pendant plu- 
sieurs heures sans aucune envie de dormir, elle ne voyait et 
n’entendait rien; jamais elle n’a eu de fausses sensations pen¬ 
dant le jour. Les visions qu’elle avait et les bruits qu’elle enlen- 
daitle soir avant de s’endormir ne firent d’abord que rdfrayer; 
mais, peu a peu, elle en est venue a penserque peul-etre on 
envoyait des tambours autourde la maison pour la tourmenter. 
Quand, pendant le jour, il lui arrivaitpar hasard d’entendre le 
tambour ou de rencontrer des militaires, cela l’impressionnait 
tres vivement en lui rappelant ce qu’elle entendait et voyait la 
nuil. Elle est devenue defianlc et croit qu’on la suit dans les rues, 
qu’on entre dans les maisons dontelle sort pour la surveiller; 
elle est surtout tourmentee par le remords d’avoir dd obfi a ses 
maitresquelquesobjets depeu devaleur; elles’exagerebeaucoup 
la I'aute qu’elle a connnise dans celte occasion et se croit indigne' 
de pardon, etc. 

La guerison a etc complete apres qualre mois environ, et 
aujourd’hui (20 fevrier 1842) la malade, depuis longtemps con- 
valescente, est sur le point de sortir de l’hospice. 

Obs. X. 

Hallucinations de Poule et de la vue survenant dans un demi-sommeil, 
suivies d’agilations et de dClire. 

Je trouve 1’observation suivante dans le cahier de renseigne- 
ments de la Salpetrifere du mois d’aout 1840, ou elle a dl6 con¬ 
signee par M. Gratiolet. 

M..., agee de vingt-deux ans, est enli 
le service de M. Pariset. 


ree le 13 aoull8/i0dans 




I)£S HALLUCINATIONS. 15 

Cclte femme, an moment clc ses regies, a dtd lemoin d’une 
dispute trds vivei un hommc a dtd frappd de plusieurs coups de 
couteau devanl elle; elle est rcntrd'e trds effrayde et poursuivie 
par l’iraage de cet homme qu’elle avait vu convert de sang. Pen¬ 
dant la nuit, elle s eve ill ait a derni et entendait une rumeur 
confuse, un bruit vague de voix se mdlant dans une dispute ; 
puis, il lui semblait entendre un bruit de trappes etde poulies 
situdes au-dessous de son lit; des cliauffeurs s’approchaient 
d’elle pour lui bruler les pieds. Effrayde de cetle vision , elle 
se levait, s’agitait dans sa chambre et troublait ainsi les voisins. 
Elle est aujourd’hui moins tourmentee. 

Cette malade est sortie guerie de la Salpetriereapres un ires 
court sejour dans cel hospice. 

Les faits qui prdcddent, recueillis dans un temps assez court, 
prouvent que les observations analogues doivent etre assez com¬ 
munes, et j’ai pensd que j’en trouverais quelqucs unes dans 
les auteurs. II m’a suffi en effet de parcourir les ouvrages les plus 
recents pour en renconlrer plusieurs ca et Id. Je citerai entre 
autres les suivantes, qui ne sont accompaguees d’aucune re¬ 
flexion , et dans lesquelles l’influence du passage de la veille au 
sommeil ne parail pas meme avoir ete remarquee. 

Obs. XL 

Hallucinations de l’oule au moment du sommeil, suiviesplus tard d’kallu- 
cinations de I’oule et de la vue pendant la veille. 

Antoine, age de trente-six ans, ciseleur, non marie, est entrd 
a Bicetre le 3 novembre 1839. Voici, entre autres details, ceux 
que le malade donna a M. Leurel sur ce qui avait prdcdde sa 
maladie. Apres avoir racontd la mort d’une femme qu’il avait 
magndtisee, il continue ainsi : 

« Peu de temps apres , j’dprouvai un singulier phenomene; 
tous les soirs, au moment oh j'allais mendormir, une espece 
do frappement s’opdrait sur moil tympan; j’dcoutais ce bruit, et 



16 


CAUSES ET TllfiOIWE 


mes sens etaient assez eveilles pour comprendre qu’il existait 
reellement. Plus tard il m’arriva souvcnt d'etre evcille sponta- 
neinont et d’entendre frapper trois ou qualre fois sur I’extremile 
demon lit; un jour je semis line main qui me frappa sur l’6panle; 
plusieurs fois il m’etait arrive d’entendre des voix qui me fai- 
saient de grands reproches ; car, il faut le dire , je suis l’adul- 
lere personnifie, je portais le trouble dans toutesles maisonsou 
je penetrais. Enfin, j’eus un jour une veritable vision, j’entendis 
d’abord un croassement sur le sol, et j’apeivus un trophec em- 
blematique ou l’on voyait un pigeon, une plume et un cncrier; je 
suis sur d’avoir vu ce trophee, j’en eus une grande frayeur, etc. » 

11 serait difficile de rencontrer une observation ou l’influence 
du passage dela veille au sommeil soit plus evidente. 

La maladie debute par des hallucinations, etces hallucinations 
nesurviennentd’abord qu’au moment dusoinmeil. C’est Antoine 
qui precise ce detail sans qu’onleluidemande; car 11. Leurcl, dans 
lesriflexionsquisuivenl l’observation, ne fait pas meme remarquer 
cette particularite du debut des hallucinations; mais il v a plus, 
le maladc decrit trfes bienl’etat dans lequel il so trouvait lorsque 
les hallucinations survenaient. J’ecoutais ce bruit, dil-il, et 
mes sens 6laient assez eveilles pour comprendre qu’il existait 
i ecllement. Ainsi, c’esl bieu positivement dans un etat de leger 
assoupissement, mais non pendant le sommeil, que le pheno- 
mene avait lieu. Comme dans plusieurs des fails qui precedent, 
les hallucinations, apres avoir existe uniquement au moment du 
sommeil, se soul ensuitc produites pendant le jour. 

Ons. XII. 

Hallucinations de l’oute, ayant lieu aussitdt que le malade esl couche cl 
devenant plus tard continues. 

II. Aubanel rapporte dans sa these l’observation d’un hallu- 
cine qui entendait dans son estomac des bruits singulars qu’il 
comparait a des detonations. G’etail surlout la nuit que le ma¬ 
lade etaiepoursuivi par ses hallucinations, et il luiarrivait sou- 



DES HALLUCINATIONS. I*] 

vent de rentrer fort tard et meme de passer toute la nuit dans 
les rues, dans la crainte d’etre tourment6 par ses ennemis pen¬ 
dant le sommeil. 

« Sitot quil etait couche , en effet, les voix ne cessaient de 
retentir a ses oreilles et a son epigastre. Bientot il n’eut pas 
meme de repos dans les rues; il entendit la mfime chose que 
chez lui, et souvent il se mettait it courir a toutes jarnbes, etc. » 

Le phfinomfene est ici moins bien precis^ que dans l’observa- 
tion prdcedente; mais on remarquera que les hallucinations 
survenaient aussitot que le rnalade etait couche; plus tard elles 
ont eu lieu pendant lejour. 

Obs. XIII. 

Hallucinations au moment du rfiveil, durant, d£s la premiere fois, pendant 
six heures. 

Un marchand de vin, ayant dej& eu plusieurs accfes de folie par 
suite d’exces de boisson, raconte qu’il a ete eveillfi vers niinuit 
par des diables lout noirs, grands et petits, par des homines et 
des femmes qui dansaient dans sa cave; il les voyait au moyen 
d’une dalle qu’il avait enlevee; quelquefois ces diables venaient 
danser a cot6 de son oreiller. Tout cela dura jusqu’a six heures 
du matin, et pendant ce temps il lui fut impossible de dorrnir; 
il&ait toutcouvertde'sueur. Lejour suivant, ces apparitions re- 
vinrent & la meme heure. 

Chez ce malade, les hallucinations ont suivi immddiatement 
Ier6veil. Jepourrais emprunter aux auteurs plusieurs exemples 
analogues; je me bornerai ii ciler le suivant, que j’ai moi-meme 
recueilli, il y a peu de temps. j 

Obs. XIV. 

Hallucinations de l’ouie au reveil, suivies imm<5diatement d’un delire qui 
n’a plus cesse depuis huit ans. 

Madame L..., agee de trente-sept ans, avait dfejaeu un pre¬ 
mier accfes de folie dont elle etait parfaitcment guerie depuis 
plusieurs annfies. Un soir, apres s’etre couchee, sur les dix heures, 
elle se reveille a minuit poussant de grands cris.«Les entends-tu ? 

ANNM.. MED.-PSYCH. T. VI. Jllillct 1815. 2. 2 



18 CAUSES ET THE0R1E 

dit-elle a son mari, les voila, ils viennent nous assassiner.» Elle 
appelle du secours et entre dans une grande agitation. Les hallu¬ 
cinations del’ou'iecontinuenljusqu’aulendemain midi; alors U 
y a un peu de calme; mais le soil - elles recommencent de nou¬ 
veau. Depuis Iors, huit ans se sont ecoules, et inadame L. est 
restee alienee; elle est aujourd’hui a la Salpetribre dans un etat 
complet de demence. 

II me serait facile d’ajouter aux observations qui precedent 
d’autres fails dans lequels les hallucinations out ires probable- 
ment commence au moment du sommeil, ou iramediatement 
apres le reveil; mais les details donnas par les auteurs ne sont 
point assez precis. Ainsi, un malade, jusque la bien portant, est 
pris d’hallucinations au milieu de la nuil; il se leve, et on le 
trouve dans le delire poursuivi par des fanloines, etc... Voila 
le plus souvent comment le debut est indique : Les observations 
qui precedent peuvent sans doute faire admetirequetres proba- 
blement ces hallucinations survenues au milieu de la nuit, le 
malade etaul couchfi, ont precede ou suivi le sommeil; mais il 
suffil que le fait ne soit pas mieux precise pour que je m’abs- 
tienne de citer les observations de ce genre, qui sont assez nom- 
breuses. Esquirol, dans son chapitre sur la demonomanie, rap- 
porteentre autres 1’histoire d’une femme qui, apres une longue 
course , se couche par terre tres fatiguee; bientot elle emend 
dans sa tete un bruit qu’elle compare a celui d’un rouet ii filer. 
Plus lard elle est poursuivie par d’aulres hallucinations, et de- 
vient demonomaniaque. Cette femme s’elait-elle assoupie ? Voila 
ce qu’il est pcrinis de penser, mais qu’on ne saurait aflirmer, 
l’auteurn’ayant riendila cet^gard. lien est de meme d’autres 
observations qu’on trouve dans les memoires de MM. Lelut, 
Moreau, Bottex, dans 1’ouvrage de Fodere, etc. 

Je me bornerai a faire remarquer pour les observations de la 
seconde serie, que, dans toutes, les hallucinations, au moment 
du sommeil, ont precede le delire ou ont marque son debut. 11 
u’en est plus de meme dans celles qui suivent. 



DES HALLUCINATIONS. 


19 


'§ nr. 

De l’influence de I'etat intermediaire a la veille et au sommeii 
sur la production des hallucinations pendant le cours de la 
folie. 


Troisifeme serie (13 observations). 

OBS. XV. 

Hallucinations de l’ouie au moment du sommeii et du reveil cliez une 
mdlancolique. 

Voici ce qu’ecrivait a Pinel une melancolique dont il a rap- 
porte 1’observation dans sa Nosographie. Je cite d’abord ce fait, 
parce qu’aucun ne m!a paru plus important pour le sujet de ce 
travail. 

« Je cede, dit-elle , au desir de rendre compte d’un ph6no- 
mfene dont je me garderais bien de donner connaissance ci 
Thomme peu instruit, il me rirait en face; rnaisje le crois digne 
d’etre communique a l’observateur pbilosophe s’il veut bien se 
persuader que je respecte trop ses lumieres pour vouloir les 
exercer sur des reveries. Le matin it mon rfiveil, et le soir avant 
de m’endormir, les arteresde raa tete etant plusvivementagit6es, 
j’entends Ires distinctement, vers le derrifere et au sommet de 
la tete, une voix (je manque d’autre expression ou plutot je sens 
que celle-lii seule est exacte); ceite voix rend des sons fran- 
chement articules, construit des phrases dont le sens est rare- 
ment obscur; levee sur mon seant, cette voix cesse de se faire 
entendre. » 

Ainsi les hallucinations n’avaient lieu qu’au moment du soin- 
meil et du r6veil; elles se produisaient memo d’une fncon en 
quelque sorte toute mecanique. Il sulBsait en effet a la malade 
de quitter la position horizontale pour que la voix cessat de se 
faire entendre. 

Je m’etonne que cette observation et plusieurs de celles qui 
la precedent, dans lesquclles l’infiuence du passage de la veille 



20 CAUSES ET THEORIE 

au sommeil sur la produclion des hallucinations est si neltement 
indiqufie par les malades eux-memes, n’ait point eveille 1’atten¬ 
tion sur ce point. Pinel, non plusque les auteurs cites plus haul, 
n’a fait a ce sujet aucune reflexion. 

Ons. XVI. 

Hallucinations de la vue, sc produisant uniquement au moment du som¬ 
meil. — Hallucinations de l’ouie pendant la veille, mais devenant plus 
fortes avant et apres le sommeil. 

L’observation suivante est celle d’un malade avec lequel j’ai 
v6cu pendant plusieurs mois chez M. Esquirol. Je possede 
beaucoup de papiers que ce malade m’a remis, et des notes 
que j’ai recueillies sur son delire, qui est des plus curieux. 
Ccpendant je renonce it dire ce que j'ai moi-meme observe, 
airnant inieux me borner a trauscrire le fait tel que l’a deja rap- 
porteM. Leuret dans ses Fragments psychologiques. J’aurais 
arrange aplaisir cetteobservation pour demonlrer 1’influence du 
passage de la veille au sommeil sur la production des hallucina¬ 
tions , qu’elle ne saurait prouver cette influence a un plus haut 
degre. 

« Je donne des soins, dit SI. Leuret, de concert avec mon 
confrere M. Mitivie , a un aucien employe superieur dans l’ad- 
ministralion des finances, age d’environ soixante ans, qui eprouve 
ce qu'il appelle des suscitations. Lorsqu’il se sent excite it faire 
quelque chose, il attribue ledesir a un autre qu’a lui; cet autre, 
pour le determiner it agir, lui repr6sente les objets dont il veut 
1’occuper. » 

«11 u’est pasen mon pouvoir, dit un jour ce malade a M. Leu¬ 
ret , de faire cesser mes suscitations; je ne vois pas metne ceux 
qui les produisent, je lesentends, et rien de plus. Cela m’arrive 
surtout le soir au moment ouje vais mendormir , et le matin 
lorsque je in eveille. » 

Un peu plus loin le malade ajoute : « Independaminent de 
cela, il y a un autre objet tres considerable : ce sont des visions 



DBS HALLUCINATIONS. 


21" 


qui se pr£sentent i mes yeux avant mon sommeil. Je ne puis 
mieux comparer ce que j’eprouve qu’au theatre pittoresque de 
Pierre; mais les objets qui se presententa moi sonlde grandeur 
uaturelle; ce sont des places, des rues, des monuments, des 
eglises, des interieurs d’appartemeuts, des hommes nus , des 
femmes aussi, mais rarement. » 

« ISst-il sur, demande M. Leuret au malade, que vous no 
dormiez pas quand tout cela se presente a vous ? 

— Surement je ne dors pas, car je vois tres distinctement. 

— Avez^vous quel.quefois pendant le jour, de semblabjes vk 
sions? 

— Le jour, quand je ferine les yeux , je vois aussi quelque 
chose; ce n’est pas le theatre, maisdifferents objets. C’est lorsque 
je rnassoupis qije ,ces visions arrivent. 

— Avez-vous des visions chaque fois que vous vous assou-r 
pissez? 

— Oh non! quand je m’assoupis de moi-meme je ne vois rien, 
c’est quand on m’assoupit, Je suppose que c’est par.le souffle, 
par. la. respiration qu’on me fait dormir. ». 

M. Leuret rapporte celte observation dans son chapitre des 
visions, lesquelles ne sont pour lui que les hallucinations surve- 
nant pendant le sommeil. Je crois qu’il faut soigneusement dis- 
lingucr les fausses sensations dont il s’agit ici , et dans lous les 
exeraples qui precedent, de celles qui ontlieu pendant les reves. 
G’est ce que j’essaierai de prouver plus loin; mais je dois faire 
remarquer des ce moment que le malade dit positivement que 
c’est h l’instant ou il va s’endormir et quand il s’eveille, et non 
pendant qu’il dort, que les.hallucinations ont lieu. Un premier 
degre d’assoupissenient dans lequel les perceptions exterieures 
continueut a avoir lieu, au moins en partie, n’est pas non plus 
le sommeil. C’est de l’etat intermediate ii la veille et au sommeil 
qu’il s’agit ici, et non du sommeil meme. 



22 


CAUSES ET THEORIE 


OBS. XVII. 

Hallucinations de la vuc dans un etat de demi-sommeil, cl se produisant 
pendant le jour d£s que la malade abaisse les paupieres. 

G...,3g6ede vingt-sept ans, domestique, etait depuis quelque 
temps tourmentee par la crainte des mauvais traitements dont 
un ancien amain 1’avait menacfie. A cliaque instant elle redou- 
tait de levoir paraftre, et elle a cru plusieurs fois l’apercevoir 
dans la rue; peu a peu elle perdit le sommeil et l’appetit, et se 
mit a parler seule et tout haut; elle oubliait ce qu’on lui disait, 
et a cbaque instant elle s’attirait des reprimandes pour les be- 
vues qu’elle commettait. Un jour, elle se figure entendre des 
tambours autour de la maison et croit qu’on vient la chercher 
pour la conduire en prison; elle se frappe d’un coupde couteau 
a l’epigastre, et va ensuite se precipiter dans un puits d’ou elle 
fut retiree sans blessures graves. Quelques jours aprfes, elle fut 
amenee h la Salpetrifcre. 

Cette fille eprouve pendant la nuit, et dans un 6tat de demi- 
sommeil , des visions singulieres. Le diable lui apparait et 1’en- 
leve par les pieds dans les airs; elle voit en outre beaucoup de 
figures d’hommes, d’animaux, etc.; elle sentdes odeurs infecles, 
ce qui lui fait penser quo le diable la transporte dans des lieux 
d’aisances. D’ailleurs, elle ne peut dire si elle veiile ou si elle 
dort quand loutcela se passe. Elleentend toutce qui se fait au¬ 
tour d’elle, et quand elle ouvre les yeux, il lui semble qu’elle 
n’a pas cess6 de veiller, et n’eprouve point la sensation qu’on a 
au rGveil. 

v Dans le jour, la fille G. offre un phenomfene curieux ; dfes 
j qu’elle ferine les yeux elle voit des animaux, des prairies, des 
1 maisons, etc... II m’est arrive plusieurs fois de lui abaisser moi- 
mfimeles paupieres, et aussitot elle menommait unefoule d’ob- 
jets qui lui apparaissaient. 

Je trouve dans les fragments psychologies de M. Leuret 
deux exemples semblables. 



DES HALLUCINATIONS. 


23 


Obs. XVIII. 

Hallucinations du toucher, survenant des que 1c malade ferme les yeux.. 

« Un malade dont R. Whytt fait mention, dit M. Leuret, 
n’fiprouvait pendant la veille rien d’inaccoutuind et raisonnait 
tres juste. Des qu’il fermait les yeux , meme sans dormir , il 
tombait dans le plus grand desordre d’esprit. II lui semblait elre 
transport^ dans les airs, sentir ses membres se. detacher, etc, » 

Obs. XIX. 

Hallucinations de la vne, se modifiant lorsque le malade ferme les yeux 
et cessant d£s qu’il les ouvre. 

« Nicolai futattaque en 1778 d’une fievreintermittente pen¬ 
dant laquelle il lui apparaissait des figures coloriees ou des pay- 
sages. Fermait-il les yeux, il se faisait, au bout d’une minute, 
quelque changement dans sa vision; s’il les ouvrait, tout dispa- 
raissait. » 

OBS. XX. 

Hallucinations de la vue, survenant quand les yeux sont ferm£s ou couverts 
d’un drap. 

Je retrouve dans mes notes l’observation d’une femme at- 
teinie de paralysie, qui se plaignait aussid’avolr des visions en 
pleiiijour, dfes qu’elle avait les yeux fermes ou couverts d’un 
drap; les objets qu’elle voyait eiaient tres varies. Cette femme 
ajoutait que, pendant la nuit, il lui apparaissait des fantomes, 

Obs. XXL 

Hallucinations du toucher chez une mtiancolique, survenant dds qu’elle 
voulait s’endormir. 

M, Cazauvielh, dans son livre sur le suicide, rapporte This- 
toire d’une femme atteinte de lypGmanie suicide dont l’etat 
s’etait beaucoup ameliore sous l’influence d’une saignee, de¬ 
bains generaux et de quelques purgatifs; maiselleretomba lout- 
a-coup dans la nuit du 7 juin. « Aussitot qu’elle voulait s’en- 



u 


CAUSES ET THfiORlE 


dormir, dit M. Cazauvielh, elle se croyait dans l’eau jusqu’aux 
aisselles, ou bien on la soulevaitpar Ie cou avecunecorde, etc.» 

Obs. XXII. 

Hallucinations de l’oule, ayant lieu pendant la veille et survenant, avantde 
cesser complement, uniquement au moment du sommeil. 

Un malade chez lequel les hallucinations de route paraissent 
n’avoir eu lieu d’abord qu’au moment du sommeil, mais chez. 
lequel elles dtaient devenues continues, fut mis a l’usage du 
datura par M. Moreau, qui, dans l’observation, donne entrc 
autres les details suivanls: 

« 29 janvier. Dans la soiree, au moment de s'endormir , le 
malade a encore entcndu des voix. II a moins bien dormi que 
la nuit prdcGdente, et a beaucoup reve. 

« 2 fevrier. Des bourdonnements, des voix confuses ont en¬ 
core inquiete le malade, toujours immediatement avant de s’en- 
dormir. » 

Obs. XXIII. 

Hallucinations de l’ouie, ayant lieu pendant la veille et survenant, avant de 
cesser completement, uniquement au moment du sommeil. 

Dans unc autre observation , l’auteur que je viens de cker 
parle d’un malade tourmenle nuit et jour par des hallucinations, 
de 1’oute, lesquelles, avant de ceder a l’usage du datura, re- 
vinrent encore deux nuits de suite , mais seulement avant le 
sommeil., 

« Le mieux se maintient jusqu’au i cr mars , dit M. Moreau. 
A cette epoque, G... ayant eu deux nuits de suite de nouveJles 
hallucinations, peu durables cependant et seulement quelques 
minutes avant de s’endormir , je lui prescrivis une nouvelle 
potion avec 25. centigrammes de datura, it prendre par petites 
cuillerees avant de se coucher. La nuit a ete exempte d’hallu- 
cinations, mais il en est survenu. de nouvelles la nuit d’aprbs. » 

II arrive que des malades, hallucines d’un ou plusieurs sens 
pendant le jour, ont des hallucinations d’un autre sens lorsqu’ils 



DES HALLUCINATIONS. 


25 

eommeucent a s’assoupir : c’est ee qu’on a deja pu remarquer 
dans 1’observation XVI. Des hallucinations de 1’oui'e avaienl lieu 
pendant la veille , mais des hallucinations de la vue survenaient 
en outre uniquement au moment du sommeil. J’ai vu le memo 
fait chez trois malades de la Salpetriere. 

Obs. XXIV. 

Hallucinations de l’ouie pendant la veille. — Hallucinations de la vue des- 
que la malade s’assoupir. 

Madame Es..., ag6e de quaranlc-six ans, est depuis plusieurs 
annees tourmentee par des hallucinations de l’oule. Les voix 
ne lui laissent pas un moment de repos, et elle demande avec 
instance a etre d61ivrce des souffrances que cela lui cause. 
M. Mitivi6 a vainement essaye sur cette malade l’emploi de l’e- 
leclricit6 et celui du datura. Outre les hallucinations de 1’oui'e, 
elle a des illusions ou des hallucinations du toucher, et accuse 
plus particulierement dans la tete les sensations les plus Stran¬ 
ges. Mais cette femme n’a jamais d’hallucinations de la vue, 
excepte quand il lui arrive quelquefois de s’assoupir pendant le 
jour; alors il lui apparait des figures bizarres qui l'effraient. 
Elle explique Ires bien, d’ailleurs, l’etat dans lequel elle se 
trouve lorsque les visions ont lieu : je ne dors ni ne veille, dit- 
elle, je commence a m’assoupir. 

Obs. XXV. 

Hallucinations de 1’ouie pendant la veille. — Hallucinations de ia vue 
lorsque la malade s’assoupit. 

La femmeP..., agee de cinquante-sept ans, est entree a la 
Salpetriere, dans la section des alienees, il y a plusieurs annees. 
Cette malade entend pendant le jour la voix d’une ancienne sur- 
veillante qui la poursuit.Elle aen outre, pendant le sommeil,des 
visions effrayantes et qui reviennent toujours les memes; ce sont 
des femmes, des enfants qu’elle voit couper par morceaux et 
torturer de toutes les manieres. Elle croit que ce sont ses pa- 



26 


CAUSES ET THE0R1E 
rents qu’on tue ainsi les uns apres les autres. Je iui demandai si 
elle ne voyait jamais rien de semblable pendant !e jour:—Cela, 
me repondit-elle, ne m’arrive que ires rarement et seule- 
ment quand, ayant mal dormi la nuit, je m’assoupis Icg&re- 
inent sur une chaise; alors mes visions reviennent et disparais- 
sent des que j’ouvre les yeux. 

Ons. XXVI. 

llallucinalions de Tome pendant Ie jour. — Hallucinations du toucher dfcs 
que la inalade esl couchde. 

D..., agde de irente-huit ans, est entree a la Salpetriere 1c 
18 janvier 1862. Cette femme est tourmentee depuis plusieurs 
mois par des voix qui lui parlent pendant le jour et qui setri- 
blent partir de dessous terre. Elle ne coHcoit rien a ce qu’elle 
eprouve et croil bien que c’est le diable; mais ce dont elle se 
plaint bien plus, c’est que, dfes qu’elle est couchfie , on la pique 
avec des fourchettes, des coutcaux, avec la physique, etc.; 
les douleurs sont telles qu’elle est obligee de sauter du lit, et 
elle affirme que depuis deux mois elle n’y est pas restee une 
seule fois pendant une heure de suite. 

Obs. XXVII. 

Hallucinations de l’ouie et du toucher pendant la veille. — Hallucinations 
de la vue dans un demi-sommeil. 

M. Lelul rapporle, d’apres Bodin, dans son livre sur le De¬ 
mon de Socrate, l’histoire d’un hallucine qui oflre beaucoup 
d’analogie avec celle du celebre philosopbe. Ce malade dtait di- 
rige par un bon ange qui lui tirait l’oreille droite quand il s’en- 
gageait dans une mauvaise voie, et au conlraire 1’oreille gauche 
quand il n’avait rien a craindre et pouvait perseverer. « Je lui 
demandai, dit Bodin , si jamais il avait vu 1’esprit en forme; 
il me dit qu’il n’avait jamais rien vu en veillant, hormis quel- 
ques lumieres en forme d’un rondeau bien fort clair; mais 
un jour, etant en extreme danger de vie , ayant pric Dieu de 



DES HALLUCINATIONS. 


27 


lout son cceur qu’il lui plut le preserver, sur tepoint du jour, 
entre-sommeillant , il dit qu’il apercut, sur le lit od il etait cou- 
ch6, uu jeune enfant vetu d’une robe blanche changeant en 
couleur de pourpre, d’un visage d’une beauts enicrveillable, ce 
qui l’assura bien fort, etc., etc. » 

§ iv. 

Influence de l'etat intermed/aire a la veille et au sommeil sur la 
marche des hallucinations en general. 

Ouatrifcme serie (3 observations). 

On verra plus loin que la nuit a ete signalee, par plusieurs au¬ 
teurs , comme uu moment de paroxvsme pour les hallucines. 
En interrogeant ces malades avec soin , on pourra se convaincre 
que ce paroxysme est souvent du au passage de la veille au 
sommeil el du sommeil a la veille, comme le prouvent les obser¬ 
vations suivantes. 

Obs. XXVIII. 

Hallucinations de l’oule pendant la veille, devenant beaucoup plus fortes 
et plus distinctes au moment du sommeil et apres le rfeveil. 

M. B..., dont j’ai recueilli l’histoire dans la maison de saute 
de M. le docteur Belhomme, est un des hallucines les plus cu- 
rieux que j’aie rencontres. Je me borne a indiquer ici ce qui a 
trait au paroxysme de ses hallucinations pendant la nuit. 

i\I. B... a presque continuellemcnt un bourdonnement dans 
les oreilles, et de plus il entend les voix de diverses personnes 
avec lesquelles il est, dit—il, en rapport magnetique. Pendant 
le jour le bourdonnement d’oreilles est tres faible, et il compare 
le bruit des voix a celui que ferait une pcrsonne parlant bas a 
vingt pas de lui, ce qui, chose etonnante , ne l’empeche pas 
de comprendre ties bien tout ce qu’on dit. Le soir , avant le 
sommeil, et le matin au reveil, le bourdonnement d’oreilles de- 
vient beaucoup plus fort, et les voix , dit M. B . , atteignent 
leur medium. Ce qu’il eprouve est si different de ce qui se 



28- CAUSES ET THfiORlE DES HALLUCINATIONS: 
passe pendant Ie jour, que M. B... pretend etre alors dans un etat 
particulier, qu’il designe sous le noui de crise magnetique. 
Cette crise, qui n’est autre que le paroxysme de ses hallucina*-. 
lions avant le sommeil et au reveil , dure quelquefois pr6s. 
d’une demi-heure le matin. 

Obs. XXIX et XXX. 

Illusions ayant leur point de depart dans les organes gduitaux et devenanl 
beaucoup plus fortes au moment du sommeil- 

J'ai donnd des soins a une jeune fille clilorotique el niono- 
inane qui eprouvait spontanement dans les organes genitaux des 
sensations tantot voluptueusesettantotdouloureuses. La sensibi- 
litfide ccs organes elait si exalt6e, que la marche, et quelquefois 
meme Ie simple contact des draps pendant la nuit suffisait pour 
dGvelopper des crises. Cette malade passait ses jouruees dans un 
fauteuil, les jambes relevees et 6cart6es; quelque peu decente 
que fut celte posture , elle pretendait n’en pouvoir supporter 
d’autre, parce que le simple rapprochement des cuisses don- 
nait lieu aux sensations qu’elle voulait eviter. Dans une sdrie de 
leltres qu’elle m’a adressees, celte malade decrit avcc soin tous 
les accidents qu’elle a eprouves, el je trouve signals dans 1’une 
d’elles le paroxysme qui a lieu dans les hallucinations au mo¬ 
ment du sommeil. 

« J’aieu vers ce temps, dit-elle, de tres fortes sensations qui 
se rfipandaient partout et qui me produisaient un calme et une 
paix d’esprit inexprimables. Pour les combattre, je travaillais 
continuellement, souvent depuis cinq heures du matin jus- 
qu’au soil - ; je me donnais ma tache, je m’occupais avecachar- 
nement, je me privais toujours d’un peu de sommeil dont j’au- 
rais eu grand besoin dans le milieu du jour; mais aussitdt que 
je voulais my livrer, les sensations devcnaient si exccssives 
qu’il me semblait que j’aurais etc coupable de m’y exposer. » 
J’ajouterai que cette jeune fille est aujourd’hui mariee et com- 
pletement guerie. 



ETUDES HISTOHIQUES SUR L’AEiEN A.T10N MENTALE. '29 
J’ai vu, il y a peu de mois , un hypochondriaqoe chez le- 
quel 1’approche du sommeil produisait les memes diets. Les 
sensations, au moiiis tres exagerees, qu’il accusait danspresquc 
tous les orgaues, prenaient alors une telle intensity, qu’il re- 
doutait singulieretnent le moment oil il allait s’endormir. 

Je rappellerai encore que le malade qui fait le sujet de la 
seizieme observation dit, en parlant des hallucinations de I’ouie, 
qu’il avait presque continueHeuient: « Cela m’arrive surtout le 
soir,.au moment ou je vais m’endormir, et le matin lorsquc je 
■m’eveille. » 

v {La suite au prochain numtro.) 


tiTUDES HISTORIQUES 

suit L*ALIENATION MENTALE, 

CH. LASEGIJE. 

fiCOLE PSYCtlXQUE ALI.EMANDE. — LANGERMANN ET IDELER. 


Nous avons essaye, en exposant le systeme de Heinrotb, de 
montrera quels resultatspouvait conduire i’etude philosophique 
de i’alienation consideree comme une alteration maladive de la 
moralite. Je me propose aujourd’hui d’apprecier, avec Langer- 
mann et Ideler, l’intervention de la psychologie proprement 
dite dans la theorie et le traitement de la folie. 

Les principes sur lesquels repose 1’observation de l’esprit 
humain sont peu eleves; ils se rapprochent des conditions ha- 
bituelles de l’observation medicale. Aussi, parmi les medecins 
d’aiifines, en trouve-t-on un grand nombre qui reconnaissent 
volontiers l’ulilite des notions psycliologiques dans 1’etude de 



30 feTUDES MSTORIQUES 

l'alienalion mentale; la plupart, au conlraire, repoussent commc 
sans application les donnees metaphysiques de la nature de 
cedes sur lesquelles s’appuie Heinrolh. 

Sans partager, bien s’en faut, une semblablc manierc de voir, 
je me conformerai cependanl aux opinions recues, et j’entrerai ici 
dans des detailsque nous avions laisses de cole jusqu’a present, 
pour no presenter qu’un apercu plus general. 

Ideler cst, en Allemagne, un des representants les plus distin- 
gues de l’ecule don tje viensd’indiquer la tendance. Pourlui, toute 
counaissance approfondie des alienes doit avoir son point de depart 
dans la notion des phenomenes psychiques a l’etat normal. L’a- 
natomic, la physiologic, ne sont que des accessoires dont la 
valeur se montre plusou moins clairement dans les cas particu¬ 
lars , mais qui no sauraient fournir les principes. La pathologie 
de 1’esprit humain doit, en un mot, etre ramenee aux memos 
conditions logiques que l’histoire de toutes les maladies. Or, si 
l’ctat malade se reconnait et se juge par la contparaison avec 
l’elat sain, que ce soit ou le corps ou 1’inielligence qui souffre, il 
faudra toujours remonter par une investigation attentive aux lois 
de Petal normal. Dans les affections physiques, 1’anatomie et la 
physiologie sont aples a donner ces lois; dans les affections men- 
tales, c’est a la psychologic qu’on doit les empruntcr. 

Toutefois, si on parvient a demontrer que les troubles de 
l’intelligence out leur source dans des alterations organiques, et 
n’ont pas d’autre origine, le role que j’altribue a la science 
psychologique semble lui echapper: la methode n’est plus seule- 
ment contestable, elle est vicieuse. Deux precedes se presentent 
naturellement a l’esprit pour resoudre cette difficulte. 

L’un consistc it comparer les resultats que fournissent les 
autopsies et les observations. Si les memes phenomenes ne cor¬ 
respondent pas a des lesions analogues, s’il n’y a pas la le paralle- 
lisme, sur lequel seul ou pout fonder la pathologie anatomiqtie, 
on doit au moins concevoir des doutes, et ne pas accepter coinme 
demontrecs des lois auxquelles il manque ce qui fait les lois 



suit u’ALIENATION MENTALE. 31 

dans unc science, la gdneralile : beaucoup tie bons esprits ont 
preface cette maniere negative. 

Ideler en adopte une autre plus directe et plus vraie. Au lieu 
de faire ressortir les contradictions de ses adversaires, il s’atiachc 
a metlre en luraiere l’harmonie et l’unitd de la methode qu’il a 
choisie. 

I/alienation n’est pas dans l’intelligence un fait isole, elle n’est 
pas settlement un symptome, une traduction exterieure d’altd- 
rations accidentelles. Au contraire, dans ses formes, dans son 
origine, elle appartient a 1’esprit, elle est une consequence ex¬ 
treme, mais souvent possible it prevoir, de l’organisation morale. 
Une fois qu’on aura pu montrer comment et par quelles grada¬ 
tions l’intelligence se trouve ainsi menee d’elle-mfime it la folie, 
on aura fait voir en ineme temps qu’il est inutile de recourir it 
ties explications etrangeres a la science psychologique. 

Ideler a toujours eu ce but present it 1’esprit, soit dans ses 
observations particulieres, soit dans ses traites gdneraux. II a 
voulii rendre evidentes les relations qui unissent l’esprit sain it 
l’esprit malade, et c’est une justice de dire qu’il l’a fait avec une 
graudc habilete. 

Malheureuseraent les tendances de son esprit ont et6 trop ex¬ 
clusives pour qu’il ne subtt pas l’influence bonne et mauvaise de 
sa methode. 

L’etude desfacultes detachees, misesit part, commeautant de 
forces sans lien, ne pouvait convenir it un penseur eminent et 
naturellemcnt systemalique. II lui fallait faire concorder toutes 
ces puissances diverses et ramener it une activite commune 
tous les moteurs qu’on avait isoles. 

Ideler a deploye dans ce travail de coordination une 
finesse de vues, une profondeur de jugemeut qu’on ne saurait 
trop apprecier. II a fait voir, et nous y reviendrons en son lieu, 
quelle merveilleuse harmonie s’etablissait et it quelles conditions 
elle devait persister. Puis, suivant dansleurcleveloppement suc- 
ccssifles facultes ainsi reunics, il a represen le leur accroisse- 



32 Etudes historiques 

ment inegal s’effectuant avec plus ou moins dc vilesse, raais 
loujours au detriment de l’uoite. Pen a peu la folie se glisse 
sous la forme de la passion, 1’dquilibre cst enfin rompu, la ma- 
ladie est declarer. Mais, en attribuant ainsi a la nature memo 
des forces de I’intelligence le principe de ces modifications suc- 
cessives, Ideler, qu’on me permette cette expression, fut trop 
psychologue pour etre vrai. Sa science se basa sur l’etablisse- 
ment des degres que chaque faculty a parcourus avant d’arriver 
a l’alienation, et, comme toute science qui porte sur des inter- 
mediaires a peine saisissables, elle manque de precision. La 
psychologic, en diet, telle qu’elle est aujourd’hui constitute, 
independaute de la philosophic, estsansprincipes directeurs. Iillc 
pretend trouver dans les fails ce qu’ils ne peuvenl donner, c’cst- 
a-dire leur but et la loi de leur production. 

Tel est, suivant moi, le grave reproche qu’on peut faire au 
systeme; il s’adresse a Ideler comme a la plupart de ceux qui ont 
adopts les mettles errernents. Avec une apparente exactitude, 
puisque 1’observation marche loujours a cote de la regie, on se 
trouve it la fin riche de details precieux, mais sans criterium et 
sans priucipes. Toutes les pierressoul admirablement sculplees, 
il manque la puissance superieurc qui doit elever l’edifice. 

Ces considerations preliminaires, qui resultent de I’etude con- 
sciencieuse des ouvrages d’Ideler, m’ont scrnble necessaires 
pour donner l’intelligence, sinon de 1’auteur, qu’on peutjuger 
diversement, au moins du point de vue ou je me suis placS. 

Toutefois, ce ne serait pas assez de connailre Ideler comme 
thSoricien. On trouvera, je pense, quelque interet it voir com¬ 
ment il se represente la mission du medecin d’alicnes. Pour 
nous, en efiet, il n’y a de science rnedicale vraiment puissante 
queccllequi vivifie le medecin charge de la meltre en oeuvre et 
qui donne non seulement des rSgles a son esprit, mais une 
direction et des inspirations it ses sentiments. 

Cette tache est ici rendue facile; Ideler avait eu pour maitre 
un liontme sur lequel se sont conccntrecs ses affections, et qui 



33 


SUR [.’ALIENATION M ENT ALE. 
esi devenu pour lui le type du caraclfere le plus digue, de l’atrie 
la plus dtivouee, de 1’intelligence la plus heureuse que doive 
ambitionner le medecin qui se livre a la spdcialitd si pdnible de 
l’alifination. 

En raconlant ici la vie de Langermarin et en exposant briiive- 
ment ses doctrines, je ferai mieux qui si je citais Ideler', puisque 
je parlerai de celui qu’il avait choisi pour module, 

Langermann 6taitn61e8aoutl768. II n’a pas laissfi de livres, 
mais il a laisse un el6ve. Ideler prend plaisir a le comparer, 
sous ce rapport, a Socrate, avec lequel il avait, dit-il, plus d’une 
analogie. On doit convenir que si la comparaison est vraie, 
elle honore le maitre, et n’estpas moius flatteuse pour le dis¬ 
ciple. 

Elev6 5 la campagne pour les rndes travaux de l’agriculture, 
transports dela brusquement au milieu des Studes acadSmiques, 
Langermann s’adonne a la musique , qu’il cultive avec passion. 
Plus tard il l’abandonne pour la jurisprudence. En sortant de 
1’Universite de Leipzig, il entre dans une nouvelle carriere et se 
consacre a l’Sducation des enfants. Plusieurs annSes aprSs, Lan¬ 
germann change encore de direction etserend ISna, ou il soutin t 
sa these De methodo cognoscendi curandique animi morbos 
stabilienda. 

La mSdecine cependant, quoiqu’elle fut devenue son occu¬ 
pation principale, n’absorbait pas tous ses moments: il cooperait 
a la redaction d’un journal litteraire et entretenait avec Schiller 
et Goethe des relations qui ne finirent qu’avec sa vie. 

Professeur d’accouchements, puis directeur de la maison d’a- 
liends de Saint-Georges a Bayreuth, enfin elevS aux plus hautes 
dignitds medicales de la Prusse, Langermann trouva encore le 
temps de s’occuper de medecine veterinaire. Il mourut le 5 sep- 
tembre 1832. 

Ges details biographiques auraient peut-etre peu d’interet, 
s’ils ne devaient servir qu’a faire mieux connaltre un ecrivain 
ANNAL. MKD.-Psmi. r. vi. Juillet 1845. 3. 3 



34 ETUDES HISTOIUQUES 

dont les ouvrages peu nombreux n’ont pas eu de relentissenieni 

en France. 

Un fait doit frappercependant, c’est ia diversity et la contra¬ 
diction apparente de tant de directions suivies et abandonndes 
successivement par Langermann. Ideier l’a fait rcssorlir avec 
raison, eten gdndralisant sa pensde, on peut comprendre com¬ 
ment il veut que le medecin d’aliends se prepare a sa mission. 

Quaud un homme ordonne d’avance son existence tout enliere 
en vue d’un seul but, il arrive plus surement au lerme de ses 
efforts. Ainsi peuvent fairc un chimiste, un mathemalicien, un 
astronome; l’esprit saisit d’autant mieux que le champ de 
son observation est plus restreint : ses forces moins dis¬ 
perses gagnent en energie ce qu’elies perdent en dtendue. 
Mais, d’un autre cote, ces homines assidus, renfermds dans 
le cercle de la pratique, deviennent hors d’etat de s’dlever a un 
point de vue general. Bientot, comme on dit vulgairement, 
chacun tire a soi; on exagdre, et l’importance de la science 
qu’on cultive, et dans cette science la valeur de ses propres re- 
chercbes. Ces speciality sont'„ par rapport i) l’ensemble des 
connaissanceshumaines, ce que sont les spdcialitds plus rdlrdcics 
pour chaque science en particulier. 

Supposez le medecin d’aliends entralne par cette pente facile 
et seduisante, lui qui doit comprendre, et le inouvement de la so- 
cidtd, et les mille relations des hommes, et les causes secrdtes de 
leurs acles on de leurs pensdes, et surtout les lois les pins dlevdes 
quiprdsident a l’intelligence; supposez-le renfermddansce cercle 
artificiel, etvoyez quelle sera la mesure de son influence. Quand 
onveutdirigerles hommes, bienplus, quand on veut les ramener 
par sa propre dnergie dans une voiequ’ilsonlquittde, il faut, en 
quelque sorte, avoir voyage dans des rangs et dans des profes¬ 
sions diverses. L’esprit doit etre habitud 4 saisir les influences 
des milieux oil nous pouvons etre placds, et & mesurer ainsi ce 
qu’il convient d’aitribuer au caractere propre de chacun, et ce 
qu’on doit rapporter aux circonslances extdrieures. 



suit LALlfciNATIOlN MENTALE. 35 

L'education medicale de Langerinann, telle que la fireiit les 
virconstances, reprfsente done pour Ideler la multiplicite des 
eonnaissances par lesquelles il est necessaire de se preparer au 
trailement de la folie. Si cette diversite deludes semble a tout 
liomme reOechi un antecedent singulierement favorable, on 
comprendra plus tard quelle importance elle acquiert aux yeux 
du medecin psychologue. 

Langerinann y avail gagne d’ailleurs une merveilleuse inde- 
pendance. Entrave par le conseil superieur dans les formes qu’il 
voulut introduire a l’asile d’alienes de Saint-Georges, il ecrivail 
officiellement enl798 :«Je n’oublierai jamais mon devoir au 
point de sacrifier mes vues d’amelioration a la crainle ou meme 
a la certitude de deplaire & l’autoritd superieure, lorsqu’elle se 
laisse guider par les caprices de l’arbitraire.» En choisissant son 
maitre comme le type de ce que doit etre le medecin d’alienes, 
Ideler se laissa facilement entrainer h idealiser son modele. 11 
prit plaisir h grouper dans un homme auquel le rattachait l’af- 
fection la plus vive un rare ensemble de qualites eminentes. 

Qu’il me soil permis d’abandonner un moment cette forme 
biographique etrangere a notre dessein, et d’esquisser a grands 
traits une sorte de physionomie du medecin, telle que 1’ecole 
psychologique aime a le reproduire. 

Il estd’autant plus pardonnable de s’arrdter surces conside¬ 
rations qu’elles se rattachent it l’essence meme des doctrines 
que nous etudions. Un des plus beaux resullats des habitudes 
philosophiques est certainement d’agrandir la pensee et de rap- 
procher dans une meme science des donnees qui semblent a 
peine devoir y prendre place. 

Le medecin d’alienes, prepare par une instruction riche et 
multiple, doit avoir acquis la plus severe habitude de l’obser- 
vation de soi meme. Son point de dispart est dans le jeu de ses 
propres facultes. 11 conclut de lui-meme a tous les autres. Ilein- 
roth admet en apparence le meme principe; mais une recher¬ 
che plus approfondie detruit bientot ce semblanl d’analogie. Pour 




36 ETUDES HlSTOtUQUES 

Ideler, la legitimate de la conclusion vient de l’identitfi des fa- 
cultfis qui nous sont communes et qui different seulement dans 
lenr subordination. Pour Heinroth , l’induction n’est valableque 
parce qu’au-dessus des forces de [’intelligence il exisle des lois 
et des axiomes qui dominent tous les phfinomenes secondaires. 
Ideler veut que le medecin s’applique it filaiilir dans son ante la 
plus parfaite harmonie; il faut, cotnme il le dil avec bonheur, 
que son esprit se meuve dans une ellipse dont la logique et Pin- 
tuition constituent les deux foyers. Son caractere doit surtout 
Sire libre, l’indfipendance de tout prfijugfi est sa premiere vertu. 

Exempt de preoccupations metaphysiques, il apporte & l’ob- 
servation de chaque malade une intelligence prete & juger sur 
les faits et non sur des suppositions faites a l’avauce. Le me¬ 
decin a done dfiveloppfi tous les instruments dont il dispose, il 
les a amenes a leur plus haute perfection. Lit Unit, pour Ideler, 
son laborieux apprentissage; lk seulement, il commence pour 
le veritable philosophe. En effet, est-ce assez d’ouvrir la route 
sans donner une impulsion aux hommes qui doivent la par- 
courir ? 

Toute ficole essentiellenient pratique a ce defaut qu’on re- 
trouve dans celle que fondait Langermann. Elle craint de re- 
monter plus haut que les faits, oubliant qu’au-dessus du phfi- 
nomfine, il y a la loi qui le r fig it, et que plus on monte , plus 
l’horizon s’agrandit et plus la thfiorie embrasse duplications a 
la fois. 

Langermann n’a laisse qu’nne these, dont j’ai parlfi prfice- 
demment. Il serait sans profit de reproduire des idfies que nous 
retrouverons dfiveloppfies dans Ideler. Elies peuvent d’ailleurs 
etre ramenfies a un petit nombre de chefs principaux que j’iu- 
dique rapidement. 

L’alifinfi mficonnait reellement le but de la vie; il interverlit 
la vraie subordination qui doit regler les rapports de nos fa- 
cultfis. 

Cette erreur, qui domine ses actes, n’est pas le simple resullat 



SliR L’AUfiNATION MENTALE. 37 

d’une faute de logique; car, de meme que la vie de l’hpmme 
n’est pas ordonn6e suivant la seule intelligence, de meme les 
troubles les plus graves ne trouvent pas leur origine dans des 
alterations de la connaissance. 

L’homme est dirige vers le vouloir, dernier terme de son 
activit6 interieure, par le desir qui le precede et le determine. 
De la coordination des dcsirs depend l’unit6 et par suite la r6- 
gularite de l’existence humaine. La regie a laquelle tout vouloir, 
tout desir, tout acle meme de l’esprit doit etre sounds est donn6e 
par la conscience. 

Le principe plus 6lev6 de la moralite, qui sanctionne et meme 
ctablit les lois de la conscience, est inutile it cette recherche. 

Gu6rirl’alienation, c’est la ramener aux conditions premieres 
de 1'uuite, c’esl rentrer dans les dispositions naturelles a 1’esprit 
huraain, c’est retablir l’ordre au lieu du desordre. 

La melhode de traitement consiste et parcourir de nouveau, 
mais en sens inverse, les intermediaires par lesquels le malade 
etait arrive jusqu’i la folie. Comme on le voit, rien ne d6passe 
les bornes accontumees de I’observation et de I’induclion. Lan- 
germann dcmande, pour ainsi dire, qu’on examinechaque point 
eclaire, sous ses diverses faces, mais sans se preoccuper d’ail 
leurs ni de la lumiere, ui de son origine, ni de son essence. 

Telles sont en resume les doctrines ou [dcler a puise les de¬ 
ments de son systeme, et auxquelles il a emprunte sa direction. 
Liles conduisaienl necessairement a l’emploi d’un traitement 
individuel. plutot qu’a l’adoption de principes abstraits. Cette 
tendance s’explique par les habitudes memes d’un enseignement 
cliuique et s’accorde merveilleusement avec l’esprit indepen¬ 
dant deLaiigermann, qui ne voulutjamaiss’astreindre it formuler 
ses opinions. 

L’elfeve fut oblige de metlre plus d’ordre et de methode et de 
revetir les vagues apercus de son maitre d’une precision sans 
laquelle une exposition fut devenue impossible. 

J’entrerai a present dans l’analyse dfitaillee du systeme qui 



38 


ETUDES HISTORIQUES 


nous oceupe, et je l’examinerai successivement dans ses deux 
divisions naiurelles: psychologie de l’homme a l’6tat normal, 
psychologie appliquee & l’etude de la folie 

On comprendra facilement pourquoi je m’ahstiens ici de tout 
detail biographique. Les livres des homines vivants appartien- 
nent h la critique dGs qu’ils sont publics; les actes, au contraire, 
se rattachent par trop de liens aux sentiments intimes, pour 
qu’il soit possible de les apprecier isolement. 

La psychologie a pour objet 1’etude du moihumaindanstoutes 
ses manifestations : science delicate, elle exige de celui qui s’y 
applique une grande habitude de s’observer soi-mepie et d’exa- 
miner les autres. Son but est l’etablissement des lois qui re- 
gissent nos facultes, sa methode est celle de toute science 
d’induction. 

Elle a cela de particulier cependant, que 1’observateur conclut 
hardiment des fails qu’il a reconnus en lui-meme, h des ph6- 
nomenes analogues qui doivent se produire chez les autres. C’est 
ainsi qu’il saisit les intermddiaires nombreux et mobiles dont 
aucun caractere exterieur ne revele l’existence: aussi ldeler, 
consequent a ses precedes scientifiques, veut-il, comrac on l’a 
vu, que le m&lecin essaie en quelque sorte de tous les etats de 
I’aine, afm d’arriver a la connaissance la plus complete. 

La psychologie, d’ailleurs, diff&re essentielleinent de la philo¬ 
sophic proprement dite. Les ecoles modernes la considerent 
comme un premier degr6 qu’il faut frauehir avant d’arriver aux 
solutions transcendantes; d’autres , comme Kant, dont ldeler 
adopte les vues.enfont une science a part, independante de la 
metaphysique. Si Ton veut se representer cette distinction dans 
un type plutot que dans une definition genera le, ldeler et Hein- 
roth seront les representants, l’un de la metaphysique, 1’aulre de 
la psychologie appliquee. 

J’ai eu deja l’occasion de montrcr quelle influence la philo¬ 
sophic suptfrieure pouvait avoir sur l’etude de la folie. Pour ap¬ 
precier egalemeut la valeur des donuces psychologiques, il est 



SDR L’ALlfMATION MliNTALE. 39 

ndcessaire d’iudiquef et les limites de la science au poiut de vue 
de l’alienalion et les fondements sur lesquels elle repose. 

L’observation de l’homme sain est possible, des conclusions 
legitimes peuvent etre tiroes des pbenomenes. Ainsi les grandes 
divisions des forces de I’arne , en intelligence, sensibility, vo- 
lont6; la limitation meme des forces secondaires, les principes 
d’une classification m6thodique des facultes isolees, toutes ces 
choses sont hors de contestation. Mais leur vulgarity fait qu'elles 
seraient d’un mydiocre profit. II est inutile de constater ce que 
tout le monde admet sans exiger de demonstrations plus pro- 
bantes. La psyehologie appliquye a la folie doit done s’attacher 
a d’autres elements. II faut qu’elle etudie moins la nature et 
I’essence des forces morales que le degre de leur activity : it 
faut qu’elle examine dans l’ydifice inlellectuel ce qui peut s’e- 
crouler ou ce qui menace ruine, sans se preoccuper des fonde¬ 
ments immuables et yternellement rysistants. 

Tels sont du moins les sentiments d’Ideler a ce sujet. II veut 
qu’ou laisse de cote, outre la morale, la thyodicee et I’esthy- 
tique, tout ce qui tient a la logique, a la thyorie du raisonne- 
ment, a celle de la synthese et de l’analyse; en un mot, il 
n’admet dans son cadre que les forces qui president it la direction 
de l ? esprit. Si done on voulait esquisser, pour ainsi dire, le por¬ 
trait psychologique d’un homme, avec les seules couleurs que 
conserve Ideler, on devrait avoir la reprysentafion , non pas de 
I’homme sous toutes ses faces, mais seulement de son carcictere. 

Cette delimitation exclusive ainsi tracee dans un but dupli¬ 
cation , est-elle vraie, est-elle legitime? On verra par la suite 
quelles imperfections elle introduit dans I’analyse. Neanmoins , 
si quelques points de vue sont ainsi sacrifiys, on n’en doit pas 
moins reconnailre que placer la sensibilite dans toute son etendue 
comme le priucipe actif, la force dyterminante, la faculle qui 
doinine toutes les autres dans la vie de 1’ame, e’est etablir la 
seule subordination conformc it la verity. I’autc d’avoir ainsi en- 
visagy l’esprit huinain, les ideologues se sont laisse cnlrainer a 



40 ETUDES HISTORIQUES 

de graves erreurs dont quelques medecins d’alienes subissent 
encore le contre-coup. On a cherche dans l’altention, dans la 
comparison, dans la reflexion , des elements de diagnostic ou 
detraitement qu’on n’y pouvait trouver. Des troubles, qui n’e- 
taient qu’un produit secondaire, sonl alors devenus le fait prin¬ 
cipal, et les medecins, conduits a d’autres fautes, par cette pre¬ 
miere erreur, ont essaye de redre.-ser par le raisonnement les 
folies qu’ils regardaient comme une simple lesion du raisonne¬ 
ment lui-meme. 

L’exageration contraire, qu’on pourrait reprocher 4 Ideler, 
n’est pas non plus exempte de toute consequence facheuse. En 
reduisant les alterations de l’intelligence a un role plus que se¬ 
condaire, on se prive d’un moyen de diagnostic et de classifica¬ 
tion souvent precieux. Dut-on croire que la sensibility passionnee 
est la premiere origine de la folie, la reaction que subissent nos 
facullds raismnantes est, du moins le plus souvent, la mestire de 
l’inlensitede la passion. D’une autre part la deinence, qui est a 
l’imbdcillile ce que l’etat d’enfance chez les vieillards est a l’igno- 
rancede 1’enfant, la demence ne porte presque toulequesur des 
lesions de 1’intelligence, et cela est si vrai qu’entraine par son 
systeme, le medeci n de Berli. tieni 4 peine compie des conditions 
particulieresaux dements. Les formes logiques comprises ala ma- 
niere des peripateticiens sont, j’en conviens, d’un mediocre in- 
terdt; mais, en se renfermant dans la sphere psychologique, 1’iu- 
telligeuce offraitdes elements d’analyse qu’Ideler dvideminent a 
trop negligds. 

La psychologie, concentree dans les bornes que je vieus d’in- 
diquer, comprend 1’etude des penchants, des sentiments, des 
dispositions generates de l’ame et des passions envisages , soit 
isotemenl, soit dans les divers rapports qu’ils ont it soutenir. 

Les penchants, eludies au point de vue de la vie pratique, 
puisque lout autre est sans valeur dans cette doctrine, ne sont 
que les tendances par lesquelles nous sonnnes diriges vers la 
satisfaction de nos besoins. Elements primilifs de la nature hu- 



SUR L’ALIENATION mentale. 41 

maine, ils se manifestent chez i’homme a des degr&s divers et 
anlerieurement a toute culture d^l’esprit. 

Leur but etleur resultat sont d’exci ter noire activity et de pro- 
voquer le libre ddvelopperaent de nos facultes. Du moment que 
l’existeuce des penchants est constatee et qu’il est demontre que 
ce ne sont pas des creations artificielles, on ne doit tenter 
aucun effort pour les aneantir, mfime partiellement. Ils sont et 
se manifestent par le droit qu’a toute faculle spontanee de se 
produire. 

Pour le psychologue.eneffet, la raison d’etre est toute et tou- 
jours dans le fait. Prouver qu’une force a agi, cVst prouver 
qu’elle etait I6gilime. Si les considerations de haute moralite 
interviennent, e’est seulement afin de moderer les progres de 
son developpement, et non pour reduire au neant une forme 
quelconque de noire activity. Ce principe, incontestable au fond 
et qui semble se concilier si bien avec la pratique , eutraiue a sa 
suite des difficultes sans nombre. 

L’educateur ou le medeciu qui J’adopte dans sa rigueur 
finit bientot par se perdre dans l’appreciation des degres. 
La guerre qu’ils entreprennent con ti e les penchants nuisibles 
devient comme ces jeux d’escrime ou le but n’est pas de frapper 
son adversaire, mais d’atteiudre dfilicatement telle ou telle parlie. 
Estimer l’intensite legale d’un penchant dans le caractere d’un 
rnalade, cn 6tudiant seulement ce qu’on pourrait appeler l’dqui- 
libre psychologique, e’est faire un travail au-dessus de nos forces 
depreciation. La moralite, celle mesure toute prete, uous ofl're 
un bien autre secours. 

Pour Ideler, la rfegle et le principe directeur du m&lccin 
ne soul pas dans la loi morale. Tout penchant existe et doit exis- 
ter. Tout penchant est bon par lui-mtime. La seule Iimitedeson 
activity est dans la necessity que les autres peuchauls aient aussi 
leur libre impulsion, puisque tous ont les tnemes droits. 

Nos tendances sont done placees sur la meme ligne ou plutot 
sur autant de lignes egales et paralleles. 



42 ETUDES H1ST0RIQUES 

Chacune inarchc , par sa nature, vers un d(5veloppement illi- 
mile. Cliacune par consequent peut au meme titre faire son 
apparition et dominer les autres. 

De celte 6galite de puissance virtuelle r£sulte dans i’individu 
le calmc et le repos. Ce sont autanl de forces qui sollicitent les 
deux plateaux de la balance a se mouvoir , et dont la somme 
maintient l’equilibre. La liberty inlerieure est le produit de cette 
lutte continue. 

I’lacez I'lioinnie dans I’dtat social entoure d’etres semblables 
it lui; il sc trouvcra avec eux dans les meraes rapports que ses 
penchants entretenaient dans son ame, c’est-it-dire que sa 
liberty exterieure sera assuree par le principe qui maintenait sa 
liberty interne. Chaque liorame ayant des droits egaux au deve- 
loppement de sa nature, 1’equilibre resultera de i’opposition 
meme des interSts. 

Telles sont, suivant Ideler, les lois generates qui president a 
(’organisation de nos forces actives. II s’agit maintenant, apres 
avoir exprime ce qu’on pourrail appeler la formule abstraite du 
mouvenient, de descendre aux cas particulars. 

L’dquilibre parfait est au-dessus de la nature. Dans la rdalite 
un ou plusieurs penchants domincnt et entravent les autres. Les 
differents degres de celte domination constituent autant de 
formes particu litres, qui out chacune leurs lois spdcialcs. 

Ainsi la tendance 2i la liberty exterieure devient, dans son 
cxag^ralion, le penchant de la gloire, celui de la domination, 
celui de ^acquisition ou de la propriete, l’amour de soi et 
1’amour de la vie. 

La n6ccssite d’un developpemenl indefini dans nos faeullcs 
eritrainc le desir de connaitre, la recherche de la v6rite. 

D’autres penchants enfin sortent du milieu ou nous somincs 
places el nc prcnneul plus leur source dans les conditions pri¬ 
mitives de notre nature psychologique. Ce sont le sentiment 
religieux, les penchants sociaux et la tendance a l’imitation. 

Jc nc suivrai Ideler ni dans les details ingenieux qu’il repro- 




SUR L’ALIENATION MENTALS. 63 

ttuil a 1’occasion de ces diverses analyses ui dans les apercus 
plus Aleves qu’il presente, soil dans son Anthropologie, suit 
dans sou ouvrage sur le traitement des maladies mentales. 

J’ai l’intention de tracer les grands contours du systeme 
plutot que de le suivre pas a pas dans chacun des embranche- 
ments. Mon but, je 1’ai d6jadit, est moinsdejugerunhomme 
que de faire ressortir les consequences d’une doctrine uette- 
ment pOsde. 

Jusqu’a present, nous avons vu les pencil a nls a I’etat d’isole- 
mcnt aualytique et dans le premier degre de leur manifestation. 
Mais quelque importance qu’on leur altribue, ils lie peuvent 
seuls constituer Fame enliere , et soil en vertu de leur nature , 
soit par suite d’excitations elrangeres, ils sont susccptibles d’une 
exaltation plus vive. C’est en parcourant ainsi les periodes de 
leur accroissement que nous arriverons a la folie confirmee. 
L’alienation n’est pas en effel une situation exceplionnelle 
greffee , pour ainsi dire, sur une branche elrangere : file n’est 
que le summum des facultes nalurelles successivement exagcrees 
dans leur action. 

On compreud qu’en vertu de ces idees, la psychology nor- 
male a des liaisons si intimes avec 1’histoire de la folie, qu’6- 
clairer l’une, c’est forcdment r6pandre quelque lumiere sur 
l’autre. 

Les penchants sont en rapport direct avec les sentiments et 
avec l’intelligence. 

Le sentiment, si on me permet cettc definition gcrmanique , 
est l’expression subjective des diverses tendances. 

II se traduit dans ses deux points extremes sous la forme de 
la joie ou de la douleur. 

Les intermedia ires ecliappcnta une nomenclature methodiquc; 
il faudrait presque, pour les representor, les comparer, comine 
Fourrier le faisait, aux touches d’un clavier. 

La joie est 1’indice et la tncsure de I’aclivite fibre. File tie 
saurait dcvcnir un but definif, mais elle est unaccompagncinent 



lik ETUDliS HISTORIQUES 

et comme un symptome. La douleur au conlraire est la preuve 
<jue nous avons conscience d’une tendance entravee. Kile est 
aux penchanis de 1’arne ce que le vice est a la morality. 

Toutes deux reagissent par laloi dela spontaneity indefinie sur 
nos penchants primitifs; l’une, pour produire 1’excitation tur- 
buiente; l’autre, pour ainener la depression el les sentiments 
mixtes de colerc, de depit, d’orgueil, de crainte, etc. 

Etant donne un caractkre ou predomine tel ou tel de ces 
sentiments, on doit les lenir pour des elements secondaires et 
rechercher plus haut le penchant ou la passion a laquelle ils se 
sont joints: sculement, comme ils ont eux-memes une influence 
reciproque sur les desirs qui leur ont donne naissance, il faul 
tenir un compte exact de leur intervention. 

Ces principes sont importanls par rapport a la sensibility; ils 
le sont encore bien plus quand on les applique a rintelligencc. 

La raison a cela de particulier, qu’elle obeit a des lois fixes 
et que ses combinaisons peuvent souvent elre prevues. Cette 
slabilite est en opposition manifeste avec la mobility excessive 
des elements que nous venous d’etudier. Mais si les interme- 
diaires de nos raisonnements se soumellent k des regies geome- 
triques, les pi-ymisses s’y soustraient complytemenl. 

Le penchant dominant determine done el la direction et l’ac- 
tivity de I’inteliigence Pour un observateur profond, I’un est 
la traduction de l’autre, chez les peuples comme dans les indi- 
vidus. 

D’un autre coty, l’intelligence spontanee peut ryagirk l’en- 
contre de la passion; elle reprend alors son caractere de fixity 
et met une borne aux egarements. Celle opposition de l’enten- 
dement prend le nom de presence d’esprit; pour qu’elle 
s’exerce d’une maniere efficace et que 1’imagination ne vienne 
pas sans cessc meltre obstacle a ses efforts, une condition est 
indispensable, suivant Ideler, e’est la connaissance de soi- 
merae. 

Nous voici done au nosce te ipsum. Mais n’est-ce pas la 




SUR L'ALIENATION MENTALE, 


U5 

lettre morte, plutot que 1’esprit de la formule de Socrate? 

L’individu qui a etudie tousles replis de son etre a distingui 
le penchant dominant et a rassemble contre lui toutes les forces 
de son intelligence. Mais quel est le principe, quelle est la raison 
de cet effort? ldeler est contraint de revenir sans cesse & sa 
loi de spontaneite. 

L’intelligence veut gtre libre comme le penchant; elle y a le 
inSme droit, car elle est aussi une faculty primitive, si la lutte 
s’engage et si l’entendement triomphe, qui a decide de la vic- 
toire. En placant toutes les puissances de l’ame sur un ineine 
plan , ne conclut-on pas a l’egalite definitive de leur influence? 

Or, c’est Ik le defaut, et il est grand, de 1’analyse psycholo- 
gique appliquSe a l’alienation, que les fails acquikrent une 
meme valeur logique et se placent uaturellement sur le pied 
d’une egalite trompeuse. 

L’inteliigence resiste; les phenomknes le prouvent; la passion 
se revolte; les faits sont encore Ik pour le confirmer. Mais le 
comment et le pourquoi echappent sans cesse a 1’observateur 
trop rigoureux pour etre veridique. 

Si on veut se convaincre encore mieux de I’insuflisaijce des 
procEdks analytiques, on n’a qu’a poursuivre la combinaison 
des Elements dans ce qu’Ideler appelle la description de l’esprit 
et ce que nous pourr ons nommer l’ensemble du caractere. 

La notion du caractere resulte, dit-il, de la recomposition des 
Elements isoles; quand le rapport uaturel est inierverti, il y a 
folie. 

Qu’on admette avec lui les varietes dans les degres, la fai- 
blesse et la force d’esprit, la rudesse el la douceur excessive, 
l’excitationetl’affaissement, qu’on fasse ou non correspondre ces 
varietes aux temperaments physiques, on n’obtiendra jamais une 
loi d’aprks laquelle se dirige le medecin. 

La nature une et complete de l’esprit n’est pas exprimde; 
nous ne voyonsque les instruments dont il dispose. La psycho¬ 
logic est a l’observalion ce que la dialectique est k la philosophic; 



46 Etudes histomques 

c’est l’histoire dcs proc&les, moins 1’explicalion de leur valour 

ihforique. 

En r6sum6, les conditions fondamentales de 1’activile psy- 
chique peuvent etre reunies dans ces lois : 

1° Tout penchant est nature! et spontane dans son priucipe. 

2” Ii est susceptible d’un dEveloppemenl illimity. 

3° Tout penchant satisfait se repose. 

U" De ces alternatives d’activile et de repos rfisulte la satis¬ 
faction successive de chaque tendance. 

5° L’dquilibre normal ou la sant6 de l’ame depend de la libre 
activity des penchants. 

6° Les aulres faculty n’ont qu’une influence secondaire et 
recoivent leur impulsion des tendances primitives. 

7° Elies sont n&tnmoins spontan6es comme toutes les forces 
morales. 

8° Elle sont capables, en vertu de cette spontaneity, de reagir 
centre les penchants et de les moderer. 

Le passage de I’6tat normal tel que je viens de 1’exposer a 
I’alienation proprement dite, se fail par la passion. 

La passion n’est qu’un degre superieur du penchant. 

Elle entralne a sa suite une plus grande activity de (’intelli¬ 
gence et marche avec plus d’6nergie a l’accomplissement de ses 
desirs. 

Dans son accroissement extreme, elle ne peut se resigner 4 
altendre les lenteurs de la reflexion, elle la devance et reste ainsi 
mattresse du terrain. Alors disparail la presence d’esprit et avec 
elle le seul moderateur possible. 

Les lois de la pens6e en contradiction avec la rapiditede la pas¬ 
sion quiveul etre satisfaite, ne peuvent sepreler a ses exigences ; 

I homine passionne brise bientot tous les obstacles que la so¬ 
ciety ou la morale lui opposent; il devient criminel ou aliene. 

Si la passion a yty graduclle, si elle a conserv-y assez d’empire 
snr elle-meme pour donner place it la reflexion , le vice est sa 
consequence; dans le cas contraire, c’est la folie. 



SUR L’ALlfiNATION MEN 17 


47 

La passion est done d6j4 un etat maladif de l’ame. Coniine 
toute raaladie, elle s’accoinpagne de phenomfenes niaciionnels. 
Ainsi l’inquiolude , les angoisses niarchent toujours 4 sa suite. 
Le fou qui se croit dieu, qui regne en empereur, qui com- 
niande en general, qui se donne 4 lui-meme des titl es et des 
pouvoirs imaginaires n’est jamais un homme heureux ; car le 
bonheurestleresultatdu libre monvemeut de toutes les forces de 
l’esprit; la passion, aucontraire, a pour premier effet de r&luire 
4 une sorte d’etat negatif tous les penchants qui ne sont pas 
elle. 

La croyance presque populaire, qui attribue aux passions une 
influence utile, est done fausse, et se refute par le fait memo 
de l’aneantissement de toutes les autres tendances. 

Un degre de plus conduit immedialement 4 I ’alienation. 

Le retablissemcnt de la saute morale se fait en parcourant, 
mais en sens inverse, les memes degres; ou la passion se deprime 
sous la puissance d’une force exterieure qui la dompte, ou un 
penchant se reveille et vient par la lutte retablir graduellement 
l’6quilibre. 

Le premier precede est pour Jdeler le plus sur et le plus or- 
dinairement praticable; il se prete mieux aux exigences de la 
society. C’est la p6nalite, telle que la loi l’a faite, transportee 
dans l’educalion et dans le traitement de la folie. 

Dans le detail de ses manifestations, I’elatpassionne represcnlc 
exactement, mais avec une plus graude intensi.te, tous les pen¬ 
chants primitifs. 

Telles sont done les lois generales et particulieres de la passion. 
Ideler fait preuve, dans leur exposition, d’une remarquable 
habilet6. Ses observations, faites avec un soin minutieux, ctdont 
quelques unesont 4te publiees avec les. portraits des malades, 
sont souvent un chef-d’oeuvre de penetration et de finesse. 

Son analyse cependant ne va pas encore asscz loin. L’aliene 
domine par la passion des grandeurs est le plus souvent d’une 
inconsequence frappante avec 1’exaltation de ses idees. D’ou 




A 8 £ XUDBS HISTORIQUF.S 

vient done qu’il n’essaie que faiblement de satisfaire ses plus 
violents dfSsirs, tandis que d’autres, dans le silence el le re- 
cueillement, travaillent sans cesse a realiser leur sentiments ? 
i [In principe d’activite, que tous les psychologues ont re- 
connu, et qui se prete merveilleusement a la theorie du traite- 
ment, rend compte de ces differences. Je veux parler de la 
volonte, qui n’est ni le penchant ni l’intelligence, et dont le 
savant professeur n’a peut-etre pas assez exactement mesure 
' l’etendue. 

J’ai expose la psychologie normale d’Ideler, en faisant ressortir 
tous les points saillants, et en signalant de preference les opi¬ 
nions qui donnent au svsteme son originality et son veritable 
caractfere. On a pu voir dans cette analyse, necessairement d6- 
gagee de tous les accessoires qui peuvent lui donner quelques 
charmes, a quelles consequences conduit l’6tude de 1’homme 
consideree au point de vue exclusif de la psychologie. 

II me reste maintenant a faire voir l’observation concue d’apres 
les m<?mes donnees aux prises avec la folie. 

La pathologle mentalc a presque toujours suivi les errements, 
on de la medecine corporelle, ou de la philosophie. Ni l’une ni 
1’aulre de ces directions ne semble a Ideler suffisainment 
molivee. 

La theorie des affections organiques tient par desliens etroits 
it l’etude de ('alienation; mais elle reste, par la nature m6me 
de son objet, en dehors des conditions qui font de la science 
des maladies mentales une science distincte. 

La philosophie, d’un autre cote , n’offreque des applications 
indirectes, des notions abstraites trop eloignees de la pratique 
pour qu’on puisse baser sur elle une doctrine et un traitement. 

La psychologie seule, et celle qui traite des penchants de 
l’homme sous toutes leurs apparences, est capable d’6clairer et 
de guider le m6decin 

La folie en effet, qu’on 1’envisage ou dans l’hisloire des na¬ 
tions , ou dans celle des individus, n’est que la passion, rnoins la 




SCR L’ALIENATION MENTACF. l\ 9 

presence d’esprit et par suite la responsabilite morale. Si elle se 
coraplique d’autres phenomcnes, on ne doit leur accorder qu’une 
valeur secondaire. Ainsi, la perversion de l’attention ou de la 
conscience sont des resultats d’une haute gravity pratique, mais 
accessoires seuleraent pour la theorie. 

Ce n’est pas que l’ali6ne doive etre simplement pour le me- 
decin une sensibility malade; sa sant6 physique souffre souvent, 
et l’idfie du bien-etre organique est incompatible avec les alte¬ 
rations morales dont il est la proie. 

Mais les affections physiques ont avec son 6tat mental une 
relation si variable, sicapricieuse, qu’elles ne peuvent rien ex- 
pliquer. Ainsi, les maladies les plus graves n’entrainent aucune 
deterioration de l’intelligence, tandis que les plus profonds 
desordres se trouvent lies a des alterations somatiques a peine 
prononcees. 

Sans vouloir exclure l’influence du corps , Ideler la considere 
comme l’origine d’une folie symptomatique. L’alienation idio- 
pathique, celle sur laquelle doit reposer tout le systSme, est plus 
ou moins independante, mais Test toujours a un haut degre. 

Dans la folie idiopathique, le penchant passionne s’est empare 
de l’ame; il est le ressort de toute son activity, le but de toutes 
ses tendances, le centre ou aboutissent toutes les id6es. D6cou- 
vrir la nature du penchant dominant, c’est avoir la clef du 
caractere, la possibility de rapporter chaque manifestation a son 
point de dypart. 

Non settlement 1’intelligence et les sentiments, mais les forces 
organiques elles-memes, se moulentsurle typede la passion. 

On reconnait, dans ces idees, les enseignements de I’ecole 
de Stahl, dont Ideler est, dans sa Pathologie, le disciple avoue. 

Si la passion absorbe tout le reste, le malade entre violem- 
mentdans le cours de ses idees dyiirantes. Si, aucontraire, 
des penchants paralleles persistent & un suflisant degre, une 
hesitation penible vient assaillir l’esprit. 

Ainsi j dans la forme religieuse, les passions qui portent 

ANNAL. MED.—PSYCH. T. VI. Juillet 1845. 4. 4 



50 Etudes historiques 

l’homme a la volupte, tourmentent sans cesse le malheureux 

qui ne peut s’y soustraire. Elies deviennent une cause d’inquie- 

tudes renaissantes, de desespoir douloureux, et finissent par la 

melancolie. 

La passion qui lend & la folie presente d’ailleurs un caractere 
particulier. Elle se glisse furtivement, ou fait une brusque in¬ 
vasion ; mais dans tous les cas, elle devauce les previsions du 
inalade qui n’a rien fait pour s’y preparer. 

La contradiction entre la violence du desir et l’impr6voyance 
ou l’irr6flexion qui l’accompagne, est done un caractere pro¬ 
gnostic de la predisposition a la folie. L’homme vicieux ou cri- 
ininel prepare les voies, pr6voit les obstacles, calcule les chan¬ 
ces, ajourne les effets et raaintient ainsi son intelligence dans 
une activity qui la preserve. 

En outre comme la passion, si mal secoudee, ne trouve pas a 
les satisfaire, I’ali6n6 eprouve tous les tourments d’un besoin 
qu’il ne peut realiser. De la des defiances, des soupcons, des 
craintes continuelles qui ne font qu’aggraver sa position , en y 
ajoutant l’61ement depressif de la douleur. 

L’intelligence est bieototlesee. 

Incapable de marcher de pair avec les mouvements turnul- 
tueux de la passion, elle se paie de vaines fantaisies L’imagi- 
nation cree ce que la raison ne peut ex6cuter, et ces deux etais 
de depression ou d’excilation mensongere ne font que confirmer 
la maladie en d<5truisant toute reaction salutaire. 

En recherchant des causes plus prochaiues, on voit comment 
les circonstances exterieures contribuent a aggraver les predis¬ 
positions facheuses. 

En effet, l’equilibre des penchants n’est pas inn£ dans 
I’homme La culture de 1’intelligence peut seule l’etablir en pro- 
duisant la connaissance et par suite l’empire de soi-meme. 

L’Mucation de l’enfant, bien comprise, serait done la premiere 
de toutes les prophylaxies. Bien loin de s’opposer au developpe- 
ment d’un penchant exclusif, le plus souvent elle y contribue. 



SUR L’ALlkYATlON mentale. 


ou par Pabandon moral de 1’enfant, ou par [’exaltation meme 
d’une passion vive comme excitant de son activity les relations 
sociales, les influences mal senties des arts, les formes de gou- 
vernement, les pratiques religieuses inintelligentes, sontautant 
d’aliments pour les troubles de 1’ame. 

La passion se developpe sourdement ; des qu’elle a atteint un 
certain degr6, elle entraine un isolement force comme chaque 
passion exclusive et egoiste. La solitude, si redoutable pour 
Phomme sain, devient alors funeste & l’espril d6ja malade. 

D’autres conditions, il est vrai, font obstacle. La passion en 
effet ne mene pas de sa nature a l’alienation , mais 5 la satisfac¬ 
tion du desir par une activity bien entendue. Son d6veloppement 
successif d’une part, de l’autre la puissance spontanee de l’en- 
tendement sont autant de motifs d’une resistance fructueuse. 

Si, malgre ces empechements, la folie fait des progres, elle 
revet avec plus ou moins d’Svidence le caractere de la passion 
qui a doming. 

Les formes de l’alienation nesont done que la reproduction , 
avec une intensity croissante, de celles de la passion , qui n’etait 
elle-m6me que le penchant exagerfi. 

C’est en etablissant cette serie regulierement progressive 
qu’ldeler montre avec une grande superiority la justesse des 
opinions qu’il defend. Pourquoi chercher, en effet, dans des rap¬ 
ports eloignes une generation dont tous les temps peuvent etre 
si clairement presentes ? 

La forme sympathique de la folie se prSte moins facilement a 
une exposition theorique. Le fil conducteur nous manque et 
les intermediaires nous echappent sans cesse. 

On peutbien, enconsiderantiesinfluences maladives, se rendre 
compte de l’atteinte profonde que subit la constitution morale 
par suite d’un affaissement ou d’une excitation prolongee; mais 
de ces vagues apercus a des lois positives, il y a si loin, que la 
tentative d’une theorie serait sans chances de succes. 

Ideler etait d’ailleurs trop occupy de la demonstration de ses 



52 ETUDES UlSTORlQUES SUR l’aLIENATION MENTAEE 
doctrines positives pour chercher a demeler des resit I tats ne- 
gatifs. 

Si on veut se representer & 1’esprit les donnees gendrales que 
je viens d’exposer, on comprendra sans peine ce que doit etre 
le traitement. 

La inaliere medicale y occupe peu de place; les influences 
morales au contraire tiennent le premier rang. Leur direction 
est determinee par le but que le medecin se propose: retablir 
l’harmonie en arretant le developpement excessif d’une ou de 
plusieurs tendances, et la retablir a tout prix (1). 

Mais autant i! est facile de se rendre compte du rfisultat qu’on 
veut atteindre, autant il est laborieux d’en ressaisir les moyens. 

La faute en est it la methode. 

J’ai essaye, dans tout le coursde cet expose, de faire ressortir 
1’insuffisance de la psychologie , livr£e it ses seules ressources. 
Gelte impuissance est plus evidente encore quand il s’agit de 
retablir l’equilibre que lorsqu'il suffisait de montrer comment 
il avait 616 rompu. 

Les regies s’eflfacent pour ceder leur place & des conseils. Le 
traitement individuel devient le seul possible, et alors il ne se 
prete it aucune theorie generate. En effet, lorsqu’on songe it la 
diversity des caractisres, it la multiplicity des combinaisons, 
l’esprit s’effraie avec raison el recule devant la puissance d’in- 
telligence qu’il faudrait pour ramener h des lois fixes toutes 
les relations possibles des penchants dans chaque individuality. 
Le mydecin est obligy de faire appel it des principes superieurs 
qui reglent au moinsces combinaisons hasardeuses; il est forcy 
de voir dans son malade autre chose qu’un equilibre numyrique 
a retablir; il depasse les faits, mais alors il a cess5 d’etre psycho- 
logue t il est devenu philosophe. 


(1) Voyei son Memoire sur les i 


‘ moyen de traitement moral. 



LEMONS SUR LES NfiVROSES. 


53 


NEVROSES. 

LECONS SIR LES NEVROSES, 

M. PUCCINOTTI, 

Professeur lie Clinique medicale k la Faculty de Pise. 

DX LA CHOREE. 

TROISlfiME LE£ ON. 

DEMONSTRATION DE L’lDENTlTE LNTRE LA CHORfiE SPORA- 
DIQUE ET LA CHORfiE fiPIDfiMIQCE. — INTERPRETATION DES 
SYMPTOMES PRINCIPAliX DE LA CHORfiE. 

Parrni les phenomenes que nous avons eu l’occasion de re- 
marquer chez cette malheureuse Burgassi, nous devons dire 
qu’elle begayait, et que les mots qu’elle proiionfait 6taient 
tronques au commencement comme & la fin du paroxysme, et 
que, dans le plus fort de l’acces, le bout de sa langue etait ap¬ 
plique presque immobile & la voute du palais. Crawford a ob¬ 
serve que, dans certains cas, la langue fitait portae en dehors de 
la bouche. Nous-meme, chez la fille d’un uornme Celotti, 
d’Urbin, enfant de neuf a dix ans, outre un mouvement conti- 
nuel et bizarre des bras qui imitait celui des femmes qui filent a 
la quenouille, nous avons remarque un mouvement analogue 
de la langue, qui produisait ce bruit par lequel les cochers 
excitent les chevaux & la course. — Les mouvements de cet 
organe peuvent subir, eux aussi, en d£pil des idees et de 
la volonte, des modifications qui denaturent complfitement 
1’ordre des mots et des syllabes: nous en avons un exemple 
dans le cas remarquable qui est rapportfi par Chrichton dans le 
31 e vol. du Journal medical d‘Edimbourg. Chez.une jeune fille 
de quiuze ans, atleinte de choree, le mot etait commence par la 







LEQONS SUR LES NEVROSES. 


dernifere syllabe, et queiquefois le discours par 1c dernier mot; 
el comme, par ces inversions, il lui elait impossible dese fair 
comprendre, elle se metuit en col6re, et derivait; mais en 
ecrivant, il s’eflectuait, a son insu, la meme inversion de let- 
tres, de syllabes et de mots : ajoutez a cela qu’elle tracait tou- 
jours les lignes de droite a gauche. 

A ces observations surles phenomdnes les plus remarquables 
de l’hdmi-choree sus-diaphragmalique j’ajouterai ces pheno- 
menes de choree que nous voyons souvent chez les aveugles, 
et qui constituent une espece de choree habituelle , une esp&ce 
de mimique caractdrislique chez ces malheureux , h laquelle, a 
ma connaissance, aucun de ceux qui out ecrit sur cette maladie 
n’a encore fait attention. D’abord je ferai remarquer que les 
aveugles ont gdndralement pour la musique un entrafnement 
presque enlhousiasle; ce qui fait qu’ils parviennent facilementa 
jouer de divers instruments; mais ils donnent la preference aux 
instruments it cordes, sur lesquels les doigts et les bras peuveut 
se livrer a l’impulsion qui les meut. Ceux qui ne jouent pas 
demandent l’aumone en produisant des chants pleins d’harmo- 
nie. J’ai remarque aussi que 1’hdmi-choree est plus rare chez 
ceux qui jouent de quelque instrument que chez d’autres qui 
n’ont pas ce moyen de depenser la force qui les agile. Chez ces 
derniers, le mouvement le plus frequent consiste a branler la 
tdte, en la tenant quelque peu inclinee en arriere; quelques uns 
y joignent le mouvement du tronc de droite a gauche ; d’autres 
font glisser leurs mains surleurs cuisses, et les font tourner 
tout autour de la rotule en agitantles doigts comme s’ils jouaieut 
de quelque instrument. Modena, ce mime c61ebre, grand ob- 
servateur de la nature, imitait a merveille ces mouvements, 
lorsque, sur le theatre de Pise, il jouait le role de YAveugle de 
Clermont. Ces mouvements ne sont pas passagers: chez les aveu¬ 
gles, cela dure des heures et des journees entires. Le jeune 
aveugle que j’ai vu continuellement pendant trois ann6es sur le 
pont de la Sainte-Trinitc, a Florence, assis a lerre et demandant 



DE LA CHOREE. 


55 


l’amnone, avail un mouvenienl non interrompu du tronc d’a- 
vani en arridre, el tandis que l’un de ses bras dtait tendu, ses 
mains restaient pendantes comrae le ballant d’une cloche : lors- 
qu’il dtait debout, sa marche etail sautillante ou chancelante, 
comme s’il fut ivre. Nous verrons plus loin comment ce phdno- 
mene de la choree des ctveugles, auquel on n’a jusqu’ici attache 
aucune valeur, se trouve maintenant confirmd et explique par 
les experiences de la ndvrologie moderne. 

Dans la chorde sporadique, ou la tension nerveuse est plus 
grande aux extrdmitds infdrieures, on a observd des phdnomdnes 
semblables a ceuxde la choree dpiddtnique, rnais quisont encore 
plus intenses el plus extraordinaires; on a remarqud non seu- 
lement cette demarche particuliere que Sydenham compare a 
celle des idiots ( fatuorum more ), mais on a vu aussi des. 
choreiques marcher par sauts et par bonds avec une agilite et 
une durde etonnantes. On a egalement observd les mouvements 
en avanl et en arriere. L’exemple rapportd par M. Piddagnel 
d’un homme qui dtait pousse par une force irresistible it marcher 
en avant jusqu’a ce que ses forces fussenl dpuisdes, est un cas 
de la varietd de chorde dite procursive , qu’on a vue egalement- 
chezquelquesdansomanesdumoyen-age. L’exemple opposecom- 
muniqud par le D r Laurent, de Versailles, It 1’Acaddmie deMdde- 
cine de Paris, d’une jeune femme qui, dans ses attaques de 
choree, se sectait poussee violemment en arriere, n’est peut- 
etre pas aussi rare que cela peut paraitre au premier abord, si, 
comme je le pense, il est probable que la tendance de plusieurs 
choreiques a se rouler sur le sol est une consequence d’un mou- 
veinent d’entrafnement en arridre qui les force a se jeter it lerre. 
Chez un enfant de onze ans, hdbetd et muet, affectd de chorde, 
qui me fut prdsente l’annde dernidre a la villa Roncioni, j’ai 
remarqud qu’avant de se laisser tomber a terre, il faisait quel- 
ques pas en arridre, puis arrivd prds du inur de la chambre, se 
jetait sur le carreau et se tordait comme un serpent. 

Ainsi done , les difldrentes formes de la chorde sporadique, 



56 LEgONS SUR LES NtiVROSES. 

6tudi6es au point de vue des mouvements varies qu’elles pr6- 
sentent, offrent Ies types les plus divers, les chorees laterales , 
les rotatoires, les procursives en avant et en arrive, auxquelles 
il faudra joindre celles dans lesquelles les malades marchent en 
rampant. 

La premiere consequence de la serie de syinptomes que 
nous venons d’exposer est 1’idenlite qui existe entre la chorfe 
dpidemique et la choree sporadique. Dans la choree des aveugles, 
nous avons vu le lien entre les alterations de l’organe de la vue 
et celles des centres nerveux de la motilite. En lisant I’liis— 
toire de quelques unes des chorees sporadiques, rapportees 
par Armstrong , Kinder Wood el Robert Watt, nous voyons 
Penthousiasme des malades pour la musique et son efficacies 
sur celte affection. La maladede Watt« 6tait saisie d’une propeir 
»sion & tournoyer vivement sur ses pieds, toujours dans la 
» memo direction, et elle jouissait lorsque les assistants l’ai- 
» daient a augmenter la rapidite de ses mouvements. » 

Dans la choree sporadique, on peut dire qu’on n’observe que 
bien rarement ces pbfinomenes aphrodisiaques et de tympanite 
qu’ou remarquait dans P6piddmie du moyen-age. Pour ce qui 
concerne le premier de ces phfinom&nes , les praticiens ont con¬ 
state que la maladie dcbutait souvent & l’epoquedela puberte, 
et il n’est pas rare de rencontrer dans les hopitaux des cas de 
choree lascive avec tendance k l’onanisme ou 5 la masturbation. 
Dans la ch ,r6e sporadique, il y a souvent des phfinomenes d’al- 
teration ganglionnaire au bas-ventre. M. Andral, en parlantdes 
souffrances des malades affect6s de choree sporadique, dit: Ils 
ont ordinairement de la tympanite (1). Uncas de choree, d£crit 
par Robert Watt, se termiua par une diarrhee spontanee; un autre 
eut pour symptomes precurseursla tympanite flottante accompa- 
gnee de frequents efforts de vomissement. Enfin on a remarque r 
meme dans la choree sporadique, comme phenomenes de com- 


(I) Andral, Court deputhol. interne, p. 392. 



1)E LA CHORfeE. 


57 


plication, l’hyst&rie, l’fipilepsie, 1’bydrophobie ct la manie. Rien 
ne prouve mieux ce que nous venons d’avancer au sujet. de 1’i— 
dentite de ces deux maladies, que de voir non seulement se repe¬ 
ter et se presenter, chez chaque individu en particulier, l’un et 
I’autrede ces symptomes, tnmeme temps que le ballisme qui ac ■ 
compagnaitla choreedumoyen-age; mais aussidevoir, dans quel- 
ques cas de choree sporadique, se reunir chez un seul individu, 
pendant la duree de la maladie, tous ces symptomes & la foiset a 
leur summum d’intensity, comme on peut s’en convaincre en 
lisant l’observation de Chrichton que nous avons citee plus 
haut. 

Qu’est-ce done que la choree qu’on appelle ordinaire , 
commune , que Crawford, M. Monneret et autres pensent etre 
tout-a-fait distincte de la choree du moyen-age, et des autres 
chorees qui out ete decrites par Watt, Chrichton , Wood et 
Armstrong? Rien autre chose qu’une choree qu’ils voudraient 
reduire & une telle simplicity, qu’on ne saurait plus la disljnguer 
de la paralysis agitems ; qu’uue choree presque elementaire a 
laquelle il faut bien autre chose que quelques signes d’excen- 
tricite morbide pour produire tous les symptomes qu’on a re- 
marqu6s dans la dansomanie de Saint-Jean ou de Saint-Guy, et 
dans le tarentisme de l’ltalie. 

Voyons maintenant si notre proposition estjuste. Les tuber- 
cules quadrijumeaux des mainmiferes et les lobes optiques des 
oiseaux, des reptiles et des poissons appartiennent 5 J’appareil 
central de la vision, ainsi que les couches optiques des animaux 
superieurs. Les experiences de M. Flourens, confirmees par 
Herlwig, prouvent que la lesion des tubercules quadriju- 
meaux produit sur la vision les memes effets que celle des 
nerfs optiques, et que, outre la modification apporteedans l’or- 
gane de la vue, elle produit toujours chez l’animal un tournoie- 
ment vertigineux. Ces faits peuvent servir a expliquer les aber¬ 
rations de la vue observees dans la dansomanie du moyen-age , 
dans laquelle les troubles de ('innervation se prolongea'ient de la 



58 LEQONS SL'R LES NEVROSES. 

uioelle allongee et des lubercules quadrijumeanx aux nerfs op- 
liques, en y exciianl des aversions et des sympathies extraordi- 
naires pour les diffe rentes couleurs. Et si 1’aberration de la 
faculle visuelle y est un effet, elle peut, a son lour, etre regards 
comme la cause organique permanente dans la choree des aveu- 
gles; c’est-a-dire que l’6tal pathologique des nerfs optiques , 
passant aux tubercules quadrijumeaux, y excite les mouvemenls 
de la choree que nous avons appelee habituelle. 

La propagation des troubles de l’innervation aux hemispheres 
cerebraux et a leurs parties profondes associe k la choree 
l’etat de manie et de monomanie. Cependant la perversion 
nerveuse peut s’etendre du plan medullaire du quatrieine ven- 
tricule non seulement en avant, mais aussi lateralement et en 
arriere De tneme, la propension aux sons musicaux, ou la pro¬ 
duction des sons subjectifs dans 1’organe de 1’ouie , sont peut- 
etre des effels analogues d’nne modification speciale que la 
branche acoustique de la septi&me paire subit dans cette raa- 
ladie. Si Ton considfere en diet que la volonte conserve quelque 
pouvoir sur 1’aclion musculaire dans la choree, assez au moins 
pour imprinter un ordre aux mouvements en y determinant 
la mesure des cadences musicales, on pourrait considerer cette 
admirable tendance comme une sorte d’aclion spontanee et re- 
marquable de la nature medicatrice, car celui qui est doue 
d’une oui'e harmonieuse connait seul la violence qu’il faut se 
faire pour ne pas obeir aux mesurcs des temps musicaux, pour 
ne pas etre choque des dissonances. 

L’influence morbide, se propageant derrifere Ie cervelet, non 
seulement trouble Taction motrice, mais produit encore tr&s 
probablement, dans certaines circonstances et chez certains in- 
dividus, l’excitalion aphrodisiaque : peut-etre, aussi, doil-on 
cnvisager la propension aux sons et a la danse, et Tenergic de 
)’app6tit venerien, comme autant d’eliinents d’une seule ten¬ 
dance qui prend son deveIo|ipement dans la maladie. 

Les ph£nom6nes ganglionnaires sont egalcment des effels de 



DE LA CHORfiE. 


59 


propagation. Nous avonsvu la perversion de la motiiite descen- 
dre sur les nerfs moteurs de la langue; de ceux-ci et des‘por¬ 
tions dures et molles de la septieme paire elle peut s’etendre au 
systeme ganglionnaire, soit que la tympanite de la chor6e du 
moyen-age fut une espece de metastase nerveuse, ou que 1’alte- 
ratiou commeucat par le systeme ganglionnaire, et de la moniat 
aux centres eucephaliques par les cordons anlerieurs. 

L’interpretation des sy nip tomes conduit ii la connaissance des 
lesions organiques qui les produisent; et lorsque cette connais¬ 
sance est acquise, d’un cote, par les experiences physiologiques, 
etdel’autre, paries types differenls que presente une epid6- 
mie, elle acquiert tous les degres de certitude auxquels on peut 
parvenir dans uotre science. 

Voyons les plienomenes de la choree ordinaire, ou bien le type 
le plus simple de cette affection, depuis la sc^lotyrbe galenique 
limitee aux mouvements desordonnes des extrdmites inferieu- 
res, et la choree de Sydenham , qui joint a ces mouvements les 
gesticulations bizarres. Ici, integrite de la conscience, point 
d’alteration dans la vision, pointd’excitatiou sensuelle. Les ph6- 
uomfenes peuvent done etre r^duils au trouble de Taction gan¬ 
glionnaire propagee aux cordons auterieurs de la moelle, et de 
cet endroit aux corps strips, ou aux pedoncules du cervelet, 
si les mouvements sont anterieurs ou post6rieurs, et aux autres 
parties de ce centre moteur, s’ils sont lateraux ou rotatoires. 

Ajoutons a cette forme simple et primitive 1’excitation aphro- 
disiaque, comme dans la choree lascive de Paracelse ; alors les 
symptomes auront leur siege daus la perversion de Taction du 
cervelet. 

En examinant le type de la choree imaginative ou de la 
dansomanie proprement dite, nous saurons egalemeut a quels 
sieges anatomiques nous devrons rapporter les modifications du 
sens de Tou'ie et de la vue ainsi que les desordres inteilectuels 
et moraux. 

Enfin, danslc cas d’une choree sporadique dans laquelie on 



60 LEMONS SUR LES NfiVROSES. 

irouvera reunies deux de ces formes, ou meme toutes les trois 
ensemble, on pourra egalemeut en rapporler les symptomes a 
leurs sieges anatomiques, comme dans chaque formeconsideree 
isolement. 

Ainsidonc, le diagnostic, qui se montrait empirique dans l’epi- 
demie du moyen-age, est a nos yeux facile a interpreter dans 
1’etat actuel de la science. C’est une preuve bien 6vidente que 
les periodes d’analyse progressive, dans 1’etude des phenomfenes 
d’une maladie quelconque, peuvent gtre pareillement des pe¬ 
riodes d’6garement pour la raison scientifique, si cette dernigre 
neglige de porter a propos un regard retrospectif sur la syn- 
ihfese empirique d’ou emanferent les premieres observations. II 
importe de chercher dans l’analyse meme le guide qui peut la 
conduire a la synthase inductive, laquelle n’est vraie et fruc- 
lueuse que lorsqu’elle est garantie par ces observations pre¬ 
mieres puisees dans la nature. Aucune loi n’est durable dans 
noire science , si elle n’est pas circonscrite dans cette sorte de 
cercle rationnel. 


QUATIllilAlE LECON. 

DES CAUSES DE LA CHORfiE SPORADIQUE. — TROIS SORTES DE 
CAUSES PRODUISIRENT LA CHOREE £PID£MIQUE. — EXAMEN 
DES CAUSES ET DIVISION ETIOLOGIQUE DE LA CHOREE. — 
EN QUOI CONSISTE LA CHOREE. — AUTRES NEVROSES AVEC 
LESQUELLES ON PEUT LA CONFONDRE. 

Le diagnostic de la choree doit comprendre aussi Taction com - 
binee des causes principals auxquelleson 1’attribue : c’est a dire 
que ces causes doivent se ranger dans un nombre de categories 
aussi considerable que les symptomes etudies ci-dessus ; et en 
outre, elles doivent fournir les elements qui peuvent conduire 
a la connaissauce de la nature m6me de la maladie. 

La predisposition hereditaire a la chor6e, qui a deja et6 re¬ 
marquee par Derharding , qui la vit passer dans deux families, 



DE LA CHOREE. 


61 


des freres aux sceurs , est admise egalement par P. et J. Frank. 
Delperrier et Dorfmuller en rapportent aussi quelques cas. 
Panni les modernes, elle a ete observee par MM. Eliotson , 
Coste, Young et Constant. 

S’il v a une epoque de la vie que Ton puisse regarder coniine 
predisposant & la choree , c’est, de 1’avis commun des prati- 
ciens , depuis 1’age de dix ans jusqu’a la puberte. Cela se voit 
snrlout dans la choree sporadique , malgre les exceptions citees 
par MM. Du fosse , Andral et autres; mais dans la choree epi- 
demique, rien ne prouve qu’elle fut plus fr6quente a un age 
plutotqu’aun autre, quoiqu’il ne soit point fait mention de 
choree observe alors dans l’enfance ou dans la vieillesse. 

Les auteurs s’accordent egalement & dire que la choree est 
plus frGquente chez la femme que cbez rhomme. Sur 189 cas 
de choree observes par Rufz , pendant l’espace de dix ans , a 
l’hopital des Enfants, il en compte 138 chez de petites filles. 
Et Dufosse, sur 279 cas de chorAe, u’a trouvA que 39 individus 
du sexe masculin. 

Les climats extremes ne donnent que Ires rarement des 
exemples de choree. On ne l’a jamais remarquee , ni a la Gua¬ 
deloupe , ni aux Antilles, ni dans les conlrees de la zone 
torride. II en est de meme de la zone opposee. Dans l’espace 
de quatorze ans que Joseph Frank occupa la chaire de cliuique 
a Wilna , il ne la vit que 9 fois. Elle se montre de preference 
dans les climats lempArAs, et dans ceux-ci, elle est plus frc- 
quente dans les regions plus chaudes et dans les saisons ou la 
temperature est plus elevee. 

J. et P. Frank ont observe aussi, plusieurs fois, comme 
causes prAdisposantes , un temperament mou, deiicat et ner- 
veux, une education intellectuelle forcee et precoce, et une 
constitution rachitique et scrofuleuse. 

Parmi les causes occasionnelles les plus frequentes de la 
choree , tout le monde cite la terreur, la peur. Qui in clinico 
decubuerunt ex hac causa plerique laborarunt, a dit P. Frank. 



62 UiCONS SUR LES NflVROSES. 

Le docteur Reeves pretend que , dans la plupart des cas , la 
maladie est attribuee a cette cause par les parents. Bedingfield 
a remarque que, sur plusde quarante choreiques recus aI’ho- 
pital de Bristol, la plupart etaient tombes malades 1 la suite 
d’une frayeur. Dufossfi parle dans le meme sens ; etsi l’on a vu 
la choree succeder presque innnediatement a laterreur qui frap- 
pait h l’improviste des enfants dont la santfi etait antfirieurement 
excellente, on doit regarder comme de peu de valeur l’opinion 
de M. Guersant, qui tend it exclure cette cause, en soutenant 
que si les enfants sont effrayes, c’est qu’ils sont deja predis¬ 
poses a la choree Les influences morales doivent etre comptfies, 
sans aucun doute, parmi les premieres causes occasionnelles de 
cette nevrose, quand meme on ne voudrait pas accorder a 
Hecker que la dansomanie du moyen-age devenait fipidfimique 
par sympathie , par imitation sensoriale et par une espece de 
contagion nerveuse. Quant a moi, je pense que, lorsque l’etat 
des esprits de cette epoque , les superstitions, l’enthousiasme 
religieux , les frequentes processions , les penitences, les pfile- 
rinages, les predications eflrayantes avaient deja developpe chez 
la multitude comme une predisposition morbide, la maladie 
pouvait devenir 6pidemique, meme sans supposer le concours 
d’une contagion nerveuse. De plus, je crois que cette epidemie 
ne doit pas etre consideree comme toute physique, puisqu’on 
sait qu’un grand nombre de causes psychiques contribuerent 
egalement a la produire. Hecker a fait la remarque que, peu 
de temps avant que la maladie se d^clarai dans 1’AIlemagne 
occidentale et meridionale , il y regnait une extreme misfire. 
Toutes les contrfies de 1’Europefurentravagfies, au moyen-age, 
par de terribles fipidemies qui se succedaient 1’une a 1’autre 
avec tant de rapiditfi, qu’elles laissaient a peine un peu de repos 
aux peuples extfinues. Depuis 1119 jusqu’eri 1340 , 1’Italie fut 
desolee seize fois par la peste orientale; la lfipre, cette horrible 
maladie, venue a la suite des Croisades, avait rfipandu demons 
cotfis ses affreux ravages. Toutes ces calamitfis acquirent une 




1)E LA CHORfiE. 


63 


forceincroyable an moment de la peste noire, qui plongea tonic 
l’ltalie dans la plus grande desolation ; et c’est a peine si Ton 
eiait delivi'6 de ce terrible fleau que Ton vit paraitre la danso- 
manie. Cette epidemie fut done evidemment produite par trois 
series de causes, dont tine seule pouvait etre regardee comme 
physique. La terreur, leremords, l’enlhousiasme religieux et 
une tendance a 1’expansion dans des cceurs trop longlemps corn- 
primes , chez qui il existait encore un reste de fierte et de vi- 
gueur romaines , etaient des causes universelles et qui n’avaient 
pas besoin de se repandre par imitation. Cette triple serie de 
causes est en rapport avec le triple siege et avec les diverses 
formes sous lesquelles se manifesta l’epidemie ; car la faint, une 
nourriture insuffisante et malsaine ont du engendrer, chez la 
populace, des dispositions morbides dans le systeme ganglion- 
naire ; et quant a la forme lascive que prenait la maladie chez 
bon nombre d’individus, elle a du probablement dependre en 
grande partie de la contagion lepreuse, qui s’etait r6pandue par- 
tout, b laquelle se joignaient si souvent des phenom&nes aphro- 
disiaques, que quelques auteurs ont pense que la syphilis 
pouvait bien lui devoir son origine; enfin les causes psychiques, 
constituees par l’exaltation, le trouble et la consternation des 
esprits, avaieut provoque la forme maniaque. En outre , pour 
les epidemies qui n’ont plus le caractere contagieux et qui suc- 
cedent aux graudes contagions, telles que la dansomanie, qui 
vint apres la peste noire, au lieu de ne les considerer quecomme 
des effets d’une predisposition psychique qu’a laissee dans les 
esprits la terreur repandue par la contagion, ne pourrait-on pas 
se demander si elles ne sont pas dues a quelques restes de prin- 
cipes materiels et deleteres, toujours en suspension dans l’atmos- 
phbre, et susceptibles de porter specialement leur action sur le 
syst&me nerveux? II serait tres necessaire d’etudier, avec plus de 
soin qu’on ne l’a fait jusqu’i present, ces constitutions dpide- 
miques qui suivent de pres les contagions, afin de s’assurer si le 
doute que je viens d’emettre peut acquerir quelque probabilite. 



6 !) LEOONS SUR LES NIJVROSES. 

La choree sporadique a ete, dans quelques cas, attribute, par 
J. Frank , Thilejio et. Plouchet, & la suppression de la transpi¬ 
ration et surtout de celle des extremity. 

D’autres Font vue succeder a la plethore, aux congestions 
metastatiques, causees par la suppression d’un flux habituel, eta 
1’etat inflammatoire du sang, ce qui la fit prendre, par Pellz , 
pour une arachnitis, et par d’autres, pour une gastrite ou une 
entente. 

M. Andral fait mention de cas de choree produits par des 
pertes abondanles de sang , ouparl’etat anfimique. 

Suivant Bouteilleet Frank, elle aurait succede, parfois aussi, 
a des alterations causes par des vapeurs mercurielles ou satur- 
nines, par des repercussions de diverses maladies cutanees. 

Les miasmes des marais auraient produit egalement une fihvre 
intermittente choreique. 

Parmi les causes mecaniques, l’existence des vers intestinaux, 
suivant quelques auteurs, aurait jou6 un trfes grand role. Au- 
jourd’hui, MM. Blache , Guersant et Dufosse soutiennent, 
contre le t6moignage de Stahl, de Gaubiuset deBouteille, qu’on 
n’a jamais gueri la choree par les anthelmintiques. Singulier 
raisonnement! Personne n’a dit que toutes les chorees fussent 
dues a la presence des vers ; el si ces modernes n’ont jamais 
gu6ri leurs choreiques par 1’expulsion des vers, cela ne prouve 
nulleinent qu’on doive reputer fausses les observations des an- 
ciens, et que les vers intestinaux ne soient quelquefois la cause 
de cette imaladie. 

Enfin, les praliciens comptent aussi au nombre des causes 
mecaniques. les coups , les blessures recues sur la tete, a la re¬ 
gion cervicale, les chutes et toule sorte de lesions faites par des 
instruments , les tumeurs, les epanchcmenls dans la cavite du 
crane, lelong de l’axe vertebral, et les lesions du systeme gan- 
glionnaire thoracique et abdominal. 

Maintenant, en i-eunissant ces causes perturbatricesdes fonc- 
tions des centres nerveux, nous dirons qu’en admeltanl une 



1)K LA CHOREE. 


65 


predisposition acquise ou hereditaire, en supposant un age 
peu eloigne de la puberte, la region chande d’un climat tem- 
pere, parmi les emotions, la peur ct la terreur, et parmi les 
habitudes, l’exces de sommeil ou de veille, l’onanisme ou la 
masturbation, et une imagination exaltee par la superstition ou 
par 1’enthousiasme, nous aurons cette serie de causes capables 
de produire la choree idiopathique, essentielle, qui aura diffe- 
rents sieges, c’est-a-dire qui sera encephalique, cer6bello- 
rachidienne ou ganglionnaire , suivant les dispositions indivi- 
duelles. 

Cependant nous avons vu que la choree peut 6tre aussi produite 
par d’autres causes; mais pour qu’elles determinent de prefe¬ 
rence, les phenomenes de choree qui leur sont propres, il est nc- 
cessaire qu’il y ait predisposition. Et telle est la difference entre 
ces dernieres causes et celles qui agissent d’une maniere plus 
directe sur les trois ordres de symptomes, que celles-ci sont en 
m6me temps predisposantes et occasionnelles, tandis que les 
autres ne peuvent el re qu’occasionnelles , et ne sauraient 
produire une nevrose sans la preexistence d’une predisposition. 
Dans ce dernier cas, la nevrose est secondaire ousymptoma- 
tique , ainsi que nous 1’avons dit ailleurs. Nous aurons, parmi 
ces dernieres, la choree rhumatismale, pklogistique , anemique , 
ou hypotrophique , septique, miasmcitique ou specifique. En- 
suite , ne pouvant pas refuser notre assentiment aux observa- 
teurs qui, parmi les causes predisposantes, ont admis la pre¬ 
sence des vers , il nous faudra aussi admeltre la choree vermi- 
neuse. Enfin, nous appellerons mecaniques les chorees qui 
reconnaissent une cause organique permanente, constitute par 
des vegetations anormales, des tumeurs, des epanchements, 
des exostoses, etc. 

Apres avoir distingue les differentes especes de choree, 
montr6 la difference qui existe entre la choree idiopathique et 
la choree symptomatique ; aprfcs avoir dit pourquoi on doit les 
regarder Pune et l’autre comme 6tant tanlot ganglionnaires, 

ANNAL. MED.-PSVCTI. T. VI. Juillet ISIS. 5. 5 



60 1.ECONS sun LES NEVROSES. 

tanlot spinales et tanlot cncdphaliques, pouvons-nous parvcnir 
a conUaitre eii quoi consiste la nature essentielle de la choree ? 
Peut-on concevoir le mode particulier de perversion fonclion- 
lielle des centres moteurs qui produit le desordre des mouve- 
ments volontaires ? Est-il donnd li la nature seulc de la faire dis- 
paraltre ? Les terminaisons sponlanees de la chorde et les phdno- 
mdnes qui les accompagnent peuvent-ils nous metlre sur la voie 
des moyens d’obtenir artificiellcment la guerison de celle mala- 
die, et d’en prdvenir le ddveloppement ? Si cela dtait, nous au- 
rions raoins & rcgrelter l’iguorance oil nous sommes de la cause 
prochaine de cette maladie. Ces terminaisons, aulant que les dif- 
fdrents modes de traitement employes avec succes, pourront 
du moins nous apprendre que la nature de cette affection ne peut 
etre regardde comme de 1’andmie ou de la pldlhore , et moins 
encore de l’inflammation. Mais si nous ne pouvons completer 
l’histoire de la chorde par la connaissance de sa nature cssen- 
tiellc , nous sommes parvenus au moins a l’isoler de ses com - 
plications, et a la trouver telle, dans sa maniere d’etre speciale, 
qu’on ne peut la confondre avec les autres maladies qui ne sont 
pas essentiellement nerveuses, et que, parmi les maladies ncr- 
veuses elles-memes, elle affecte une telle difference de siege et 
de maniere d’etre qu’elle est encore facile a distinguer. Cette 
forme si spdeiale consiste en un spasme des muscles moteurs, 
spasme partiel non accompagnd de douleurs. La direction cen¬ 
trifuge des courants du fluide ou dlher nerveux se trouve done 
partiellement pervertic; et si les revulsions, les violentes ac¬ 
tions rdflexes de la moellc dpiniere sont 1’expression du moyen 
par lequel ce spasme se dissipe , on peut supposer qu’on en 
doit attribuer la cause it une fluxion de ce meme fluide surve- 
nue au moment ou la cause excitante (la terreur) placa le sys- 
teine nerveux en deux conditions opposdes tres violentes, sa- 
voir : la contraction, et la rdsolution instinctive. 

Si tout le monde avail bien compris celle spdcialitd de forme, 
nous tie verrions pas des auteurs trfcs distinguds confondre la 



DE LA CHOREE. 


67 


chorde avec la paralysis agitans , le delirium tremens , la beri¬ 
beri juclonica , et memo avcc le raphania. ]1 no sera pas inu¬ 
tile de dire quelqucs mots de ces differences, alin que nous 
dvilions de confondre ces maladies avec la choree. 

Quoique la pw'alysis agitans, ddcrite par Parkinson, ait de 
commun avec la chorde ce symptome pathognomonique, a 
savoir, quc le malade se sent poussd it marcher en avant, pres- 
quc it courir , comme cela a dtd remarqud par quelqucs mede- 
cins dans la choree procursive, il existe cependant deux signcs 
qui peuvent distinguer ces affections 1’une.de l’aulre. La para¬ 
lysis agitans cst une maladie permanente dans laqucllc les sou- 
bresauts dcs membres continuent, merne pendant le sommeil, 
avec une telle force que la chambre clle-meme en est ebranlee; 
ellc va toujours en augmenlant jusqu’k ce qu’il y ait paralysie 
complete du rectum et de la vessie. La volontd exercc , dans la 
chorde, quelque pouvoir sur les mouvements musculaires , ce 
qui n’a pas lieu dans la premidre maladie. 

Le delirium tremens, le tremblement saturnin ou mercuriel 
offrent parfois quelque ressemblance avec certaines formes de 
chorde. Mais la connaissance des causes spdciales de ces Irem- 
blcmcnts suflira it elle seule pour distinguer ces maladies l’unc 
de l’autre. En outre, dans ces trembleraenls, le soubresaut 
musculaire est sujet & cesser des 1’instant qu’on tient suspends 
le membre tremblant, ce qui n’arrive pas dans les paroxysmes 
de la chorde. D’ailleurs, quand mfime il s’agirait de quelque 
chorde avec lesion intellectuelle, les mouvements qui accom- 
pagncnt le delirium tremens et ceux qui accompagnent la 
chorde ddlirante n’ont pas entre eux la moindre ressemblance. 

Dans l’dtat actuel de la sciencenous savons peu de 1 chose 
sur la beriberi judonica. Les Anglais distinguent la maladie 
appelee barbiers de la beriberi. Cependant ils s’accorclent tous 
it assigner pour caractere pathologique constant au barbiers u ne 
arthrodynie chronique jointe it la paralysie du mouvement des 
cxtrdmiles infdrieures, ct it considdrer comme caractere ge- 



68 LEMONS SUB LES NfiV ROSES, 

ndral de la beriberi, outre la stupeur et 1’engourdissement des 
extremity, l’infiltration sereuse du tissu cellulaire. Si done, 
d’apres les observations de Bostok, de Scott, de Christie, de 
Marshall et de Rogers , ce sont la les caracteres de ces deux 
affections, il me semble qu’il nous sera facile, en nous rappor- 
tant it eux, de connailre en quoi elles different de la chorde. 

II est vraiment dtonnant qu’on ait pu trouver de l’analogie 
entre Yergotisme ou le raphania et la choree de St-Guy; et 
ce qui nous etonne davanlage encore, e’est de savoir que cette 
erreur a eld commise par Sprengel, Stork et par J. et P. 
Frank. Nous sommes redevables aux recherches historiques de 
Hecker de nous avoir demontre que la chorde epidemique du 
moyen-age avait une raison d’etre suffisante dans la situation 
morale et politique de ces temps-Ia, sans supposer, a priori, 
l’existence d’une cause physique, comme par exemple l’ergot 
du bid. Mais, sans cela, la difference dans lessymptomes, dans 
la marche et dans les terminaisons de la maladie est telle, qn’ou 
ne peut les confondre l’une avec 1’autre, sans tomber dans une 
erreur evidenle. II n’v a pas d’exemple que le raphania ait ja¬ 
mais existd d’une maniere ebronique et qu’il se soit renou- 
veld peu de temps apres sa disparition , sans que l’on ait vu 
reparaitre la meme cause, la nourrilure malsaine qui l’a produit 
la premiere fois. Les contractions douloureuses et la paralysie 
compfete des extremites n’existent, dans la chorde , que dans 
quelques cas exceptionnels. La gangrene de ces memes extrd- 
mitds, qui est un svmptome presque pathognomonique du 
raphania , n’a jamais lieu dans la chorde. C’est done par igno¬ 
rance des vdritables causes et du vrai caractere de la dansoma- 
nie epidemique que quelques auteurs ont eld porles a la regarder 
comme un raphania. C’est dgalement pour n’avoir point connu 
l’histoire veritable et le caractere du larenlisme que d’autres 
ont cru devoir considerer cette maladie comme differente de la 
chorde de St-Guy. II sera done necessaire, par suite des etudes 
plus approfondies, plus philosophiques que Ton fait de nos jours 



visite a l’£tablissemenj d’aliEnSs d’illenau. 69 
sur les causes des maladies dpidemiques et leurs caract&res, de 
modifier completement les opinions emises sur ces questions, et 
de regarder comrae essentielletnent diffdrente de la choree le ra- 
phania dpiddmique, et de considerer le tarenlisme comme iden- 
tique a la choree epidemique elle-meme. 

La suite au prochain uurntfro. 


Etablisseraents d’alienes, 
VISITE 

A L’ETABLISSEMENT D’ALIEN ES D’lLLENAU 

(pres Achern , grand-duche de Bade), 

ET CONSIDERATIONS GEN£rALES SUR EES ASILESD’AMdNKS , 

M FALRET, 

MeJecin en chef a fhospice de la Salpctrifije. 



Dans lapremiere parlie, nous avonsen surtout pour but d’cx- 
poser, de decrire les details les plus propres a caracteriser Illenau 
sous le double rapport de la construction etde l’organisation, et 
nous avons a peine iudique les principes auxquels ils.se rat- 
tachent et enonce noire maniere de voir; pour reijipljr. celte 
seconde partie de notre tache , deux voies se presentent:Tune 
consiste a prendre nos opinions comme criterium et a porter 
un jugement rapide sur les details et sur l’enspmble de l’ela- 
blissement d’lllenau, l’autre a donncr a l’expose de. nos.propres 
opinions (1) et de leurs preuves assez d’etendue pour qu’il en 

(t) Elies ont ete deji dmises dans moil cours Clinique et thdorique sur 
les maladies mentales, et communiquees h des mddecins, a des administra- 
teurs qui m’ont fait l’honneur de me consulter A ce sujct; elles l’ont die 
tpul recemment A 1’habile arcliitecte, M. Philippon, charge de realiser les 
vues bienfaisantes et dclairees de l’excellent M. de Meuron, qui dole son 
pays, Neufclritel en Suisse, d’un bel elablissement d’alidnds. 






70 


VISITE 


rfisultc lout a la Ibis un jugement motive sur Jllenau et un 
travail dogniatiquc sur les asiles d’alibnbs. Nous avons prbKrc 
ee dernier parti, quoique plus long et plus difficile; nous nous 
bornerons nbanmoins & l’apprdciation de quelques principes 
dont nous avons constate la realisation dans l’etablisscmcnt d’ll- 
lenau, car il est evident qu’a l’occasion d’un asile d’aliends on 
pourrait aborder toutes les questions generates. Nous allons 
done traiter successivement des questions suivantes: 

1° Du degre d’isolement necessairc h un asile d’alidnes. 

2" De trois questions relatives a la construction de ces asiles: 
le norabre des etages, les cellules des agues et les corridors. 

S° De la separation des curables et des incurables. 

4“ De la necessity de separer les alibnes des idiots et des 6pi- 
leptiques. 

5° Des grands et des petits etablissements. 

6° Du medecin et du directeur. 

7° Del’exercicedu sentiment religieux dans les asiles d’alidnbs. 

1° Degre d’isolement necessaire a un asile d'aliencs. Lors- 
que le projet d’abandonner l’etablissemcnt de Heidelberg fut 
bienarretb, la question du degrb d’isolement nbcessaire a un 
asile d’alienbs se prfisenla nalurellement; on se demanda si on 
devait donner la preference a une grande ville ou a ses envi¬ 
rons , ou bien, si le voisinage d’une petite ville avait plus d’a- 
vantages. Ces questions mbritaient, en diet, un examen sbrieux, 
et la solution qui leur a etb donnee est certainement une des 
meilleures qu’elles pouvaient recevoir. 

On sentit Ires bien qu’au point de vuc des besoins materials 
de lelablissement ainsi que rclativement a la plupart des ques¬ 
tions qui concernent les employes de tout ordre, le voisinage 
d’uuc grande ville oflrail une superiorite incontestable; mais on 
nt tarda |)as a s’apercevoir qtt’en general, dans l’interet bien 
compris des malades, il eu fitait tout aulrement. En diet, l’ob- 
scrvalion la plus multipliec a prouv6 que, toutes choses bgalcs 
d’aillcurs, les chances de guerison des alien6s etaienl d’autant 
plus nombreuses que leur isojement etait plus complet. liviter. 




A E’fiTABLISSEMENT D’A«fcNEs D’tLLENAU. 71 

le contact du monde exterieur doit done etre le premier prin- 
cipe dont il convient de faire l’application. Eh bien! dans un 
etablissement silue au milieu d’une ville, les alienes ont taut de 
facilites a communiquer avec le monde exterieur qu’ils sont 
icellemcnt prives de la condition la plus favorable k leur traite- 
ment, l’eloignement du monde et de toutes ses habitudes. 

Ce n’est pas assez de transporter les alien6s dans des maisons 
etrangeres et de les soustraire a leurs relations habituelles; le 
medecin doit veiller avec le plus grand sqin sur la nature et la 
mulliplicite des impressions qu’ils recoivent. Comment pour- 
ra-t-il menager ces impressions lorsque les rapports avec des 
etrangers deviendronl frequents? Pourra-t-il resister aux in¬ 
stances qui lui seront faites par les families, autant que l’exige- 
rait 1’intdret des malades; et lorsque les visiles seront per- 
mises prematurement et trop souvent, n’est-il pas k redouter 
que le regret de 1’isolement nc soit send avec trop de vivacite 
par les malades, et quo, grace a la faiblesse des parents et des 
amis, la sortie de l’asile ne soit precipitee, ou que s’ils y pro- 
longent leur sejour, la conliance dans les soins donnes et i’auto.- 
L'ite du medecinnc soient gravement compromises, et que toutes 
ces circonstancesnetroublentprofondementla marche delania- 
ladic et ne deviennent un obstacle puissant et quclqucfois in- 
surmontable au traitement le mieux dirige ? Ces craintes ne 
sont que trop justifiees, et le D r Roller, qui a.dirige pendant 
douze annees l’elablisseraent de Heidelberg, rapporle que presque 
chaque jour il a cu a deplorer sa situation au milieu de la vide. 

Unc telle situation est d’ailleurs contraire k la discipline des, 
serviteurs; ils out do plus frequentes occasions de sortir, de se 
livrer au mouvement desordonne de leurs passions; les rapines 
peuvenls’y excrcer avec tant de facility, qu’elles sont presque 
inevitables , et tous ces inconvfinienls sont si graves qu’ils por¬ 
tent unc alteintc profoude a l’autorite nicdicalc et k l’ordre de 
l’etablissement, et que par suite les bases de tout traitement en 
L’egoivcut un Obranlcmcnt profond. 



72 V1S1TJ2 

En principe, un asile d’alienes ne doit done pas etre situe 
dans l’interieur d’une grande ville. Mais doit-il se trouver dans 
ses environs ? Je ne balance pas a repondreaffirmativement, s’il 
est possible d’obtenir le degre d’isolement necessaire et de pos- 
seder un espace assez vaste pour les travaux manuels; il est Evi¬ 
dent que dans ce cas on reunit les bienfaits d’un isolement 
complet aux ressources inh^rentes a un grand centre de popu¬ 
lation. Mais que de difficull6s a surmonter! comment se pre- 
munir centre le developpement que peut acquerir une ville ? par 
quels moyens s’assurer que l’etablissement seraisole dans l’avenir 
comme dans le present? C’est la un danger bien grand, car il 
tie faut pas seulement que le voisinage des batiments soit derobe 
it la vue, il faut encore que les alienes soient a l’abri de tout re¬ 
gard indiscret dans les lieux consacres a leurs promenades et a 
leurs travaux champetres. 11 sera d’ailleurs indispensable, dans 
les cas les plus heureux, que I’etablissement soit place a une 
distance plus eloign 6e que si on avait fait choix des environs 
d’une petite ville, et cette necessity enleve une grande partie 
des avantages de cette situation. Pres d’une petite ville, au con- 
traire, on trouve facilement loutes les conditions d’isolement, et 
si de plus elle peut fournir aux besoins journaliers de l’admi- 
nistralion et etre en communication facile avec un grand centre 
de population, tous les avantages se trouvent reuuis. 

On a bien objecte que, sous le rapport des distractions, les 
grandes villes offraient plus de ressources ; on a fait valoir les 
concerts, les spectacles et tous les amusements de la societe. 
Mais d’abord, les grands concerts, les spectacles ne conviennent 
qu’a un petit nombre de malades, et ensuite les joies du monde 
sont trop bruyantes pour des letes affaiblies ou avivdes; les fortes 
emotions qu’elles donnent sont loin de pouvoir etre cousiderees 
comme une transition a la liberie et a la vie de famille. Selon 
nous, les distractions dont on peut jouir dans les petites villes 
sont mieux approprieesa l’etat maladifel plusfructueuses. Les 
malades trouvent dans la societe plus de simplicity, plus d’a- 



73 


a l’etablissement d’ali£nes u’illenau. 
bandon et un iuteret plus veritable. N’oublions pas d’ailleurs 
que, meme dans cette situation do l’etablissement | res d’unc 
petite ville, unetres faible minority de malades peutaller au dc- 
bors cbcrcber des distractions, et qu’une bonne organisation 
doit se preoccuper de menager dans l’interieur de l’asile un en¬ 
semble de diversions graduees selon les intelligences et les ca- 
racteres et qui remplissent agreablement toutes les heures de la 
journee. On a encore objecte contre la situation des etablisse- 
ments dans le voisinage des petites villes, que leur nom etait lie 
a celui de l’etablissement el le rappelaitinvolontairement, et que 
cette circonstance nuisait a la rapidite de l’isolement en blessant 
la juste susceptibility des families. A ces objections nous repon- 
dons que les parents se decident bien plus cUfficilement it placer 
leurs malades dansun etablissement situe dans 1’enceinle d’une 
grande ville , et que lorsqu’ils s’y decident, il y a evidemnjent 
plus de publicite que si l’ytablisscment etait plus eloigne. Le 
malade lui-meme, & son retour dans la societe, n’est-il pas ex¬ 
pose journellement a une vive peine, en voyant l’asile ou il a 
ety sequestre; et cette peine ne recoit-elle pas un surcroit d’in- 
tensile par cela meme que les malades des grandes villes on t 
l’intelligence plus developpee et la sensibility plus avivee? 

Ainsi done, nous croyons a la possibility de faire d’excellents 
etablissements d’alienesdans le voisinage des grandes villes; mais 
nouspensonsqu’en these gcnerale, le voisinage d’une petite ville 
presentc avec plus de facility toutes les conditions dysirables pour 
ce genre d’etablissements. Sous ce rapport, Illenau, nousl’avons 
fait voir precedemment, ne laisse rien a dysirer. 

2° La construction d’un asile d'alienes doit etre moins l’oeu- 
vre d’un arcbitecte que la realisation, des principes de la mede- 
ciue mentale, de telle sorte que la modification de ces principes 
entraine necessairement une modification correspondante dans 
le mode do construction. Cette reflexion s’applique aux trois 
qaeslions de ce genre quo nous nous proposons d’examiner ici, 
et qui sont relatives au nombre des etages, aux cellules pour les 



ngit<5s, ct aux corridors; il suffirade poser les principes que nous 
jugeons les plus conformes aux besoins des alienes pour etre 
amenes 5 donner ii ces questions une solution diflerente de celle 
qui est generaleinent adoptee, surtout en France, ou doinine la 
doctrine, d’ailleurs si cxcellente, de nos maitresvenires, Pinel et 
Esquirol. 

Scion nous, deux principes doivent dominer dans la construc¬ 
tion d’un asile d’alienes. Ces deux principes sont: fairelemoins 
possible de baliments exceptionnels et les disposer en vue des 
habitudes sociales, de la vie en commun. Quelle sera l’influencc 
de cette maniere de voir sur la solution des questions qui nous 
occupent? 

Nombre des etages. Examinons d'abord si un elablisscmcut 
d’alienes doit etre conslitue par une serie de rez-de-chaussee, 
ou si 1’on peut sans inconvenient et memo avecavantageadmeltrc 
un principe inverse. 

11 est de toulc evidence qu’en faisant un preceptc d’avoir des 
baliments a rez-de-chaussee pour les ali6nes, on proclame que 
ces malades, sous le rapport du logement, doivent etre mis hors 
la loi commune. Pour Iegitimcr une telle infraction au principe 
<iuc nous avons declare fondamenlal, il ne faudrait rien moins 
que la necessity la plus imperieuse. Exisle-t-elie ? non sans 
doule. Les alienes auxquels lis rez-de-chaussee peuvent etre 
necessaires sont certaiuemcntcu faible minority. En demandant 
des baliments a rez-de-chaussee pour la generality des alienes, 
on a montre une prudence exagerce, on a sacrifie a un prejuge, 
quo l’on combaltait d’ailleurs, et qui lend a faire considerer la 
plupartdes alienes commc des furieux, ou tout au moins corante 
des malades dangcrcux, tout-a-fait insensibles au langagc de la 
raison et qu’il faut conslammenl contenir par des moyenscxle- 
rieurs; on a craint que les cscaliers etlcs croisees nc devinssent 
causesd’accidents graves, memc do suicide, commc s’il n’eiail 
pas facile d’obvicr a ces dangers; enfin, ou n’a comply jjour rien 
les precautions si simples et si sures qu’il est facile de prendre;. 



A L’GTARLISSEMENT D’AUfiNliS D’lLLENAU. 75 

on a perdu dc vue les rSsuIfats de l’observation dc chaque jour 
cjui prouvent que les aliencs en gSnSral sont loin dc chercher a 
se detruire et d’etre sans prSvision aucune desdangers qui peu- 
veut les mcnacer. 

Ainsi done, nul doule que la plupart des aliSnSs ne puissent 
sans inconvenient habiter les Stages superieurs; rnais dans lc 
cas memo ou l’on s’obstinerait a craindre les chutes par les 
croisScs pendant Ic jour, on ne saurait manifestcr unc telle 
craintc pour la unit. Eh bien, lien n’empeche, pour tout conci- 
licr, d’Stablir les dortoirs dans les Stages superieurs et les salles 
derSunionaurez-de-chaussSe, etde celte maniere les maladcs no 
se trouvent pas pendant la journec dans les Stages superieurs. 
Toutes les diflicuItSs s’aplanissent ainsi par l’introduction du 
principc dc sociabililS dans les maisons d’alienSs, principc dont 
I’application acluelle est dejit utile sans doute, rnais qui deviendra 
bien aulrement fScond en rSsultats lorsque l’on ne se bor- 
nera pas it mettre les corps en contact, maisque, par unc 
classification vrainient inSdicale et des soins spSciaux , on fera 
concourir plus genSralement les aliSnSs a leur traiteraent 
mutuel. 

Cellules des agites. Les niSmes principcs donnent la solution 
de la question des cellules dans un Stablissement d’alienSs. Le 
nombre doit en elre reslreint, ainsi lc veut lc principc de la 
sociabililS; mais dans quelle mesure? Ou seront-elles siluScs 
par rapport aux autres parties dc l’Stablisseinent? quellcs sc- 
ront les idees qui presideront it leur construction ? 

Le noinbre des cellules doit Strc dSternrinS par lc nombre 
des maladcs qui les rSclament; eh bien , les observations stalis- 
tiques que j’ai reitSrSes un grand nombre dc fois prouvent que 
dix aliSues sur cent sculcmcnt peuvent avoir besoin d’etre isoISs 
en memo temps dans des cellules, et quo souvent plusieurs cel¬ 
lules sont inocctipees parcc que l’ctat maladif des aliSnSs a per- 
ntis au mSdccin dc les rcintSgrer dans les dortoirs, e’est-h-dire 
de fairc rcnlrcr rcxccption dans la rSglc gSneralc, 



76 VISITE 

Ou doivenl6tre siluces ces cellules ? ll est evident que plus elles 
seraient rapprochees des bailments principaux occupes par la 
grande generalite des alienes, plus il y aurait facility a y transferer 
ceux d’entre eux chez lesquels eclalerait un paroxysme, et que la 
surveillance s’exercerait plus exacte et plus continue dans.la sec¬ 
tion de l’asile qui la reclame au plus baut degre. Mais est-il 
possible de rapprocher ainsi les agites sans s’exposer a nuire aux 
autres malades ou a eux-memes, et n’y a-t-il pas moyen lout a 
la fois de les eloigner et de leur donner tous les soins que leur 
situation exige? 

Un fait capital domine la question du rapprochement ou de 
l’eloignement des cellules des agites dans un elablissement d’a- 
lifines: c’est le besoin de mouvement en plein air qu’eprouvent 
impericusement ces malades, et dont la satisfaction doit etre le 
premier principe de leur trailement. Voila une indication the- 
rapculique positive, et qu’il faut remplir de toute necessity. Le 
peut-on sans eloigner les agites, assez pour que leurs cris per- 
cants ne viennentpas porter le trouble dans les. autres parlies de 
1’asile ? Les combiuaisons. faites jusqu’a ce jour dans ce but 
n’ont qu’incompletement reussi; dans le plus grand nombre des 
asiles, on nuit aux agitesen les tenant renfermes alors que 
l’agitalion leur fait une loi de l’exercice musculaire; dans quel- 
qucs uns on les laisse exhaler librement en plein air leur agita¬ 
tion, par la rapide irrdgularile de leurs mouvcmcnlset par leurs 
vociferations, qui nesontelles-memesque des mouvemeuts des- 
ordonnes; mais, dans ce cas, la generalite des maladessoulfre du 
v.oisinage dcla minority turbulente. Le meilleur parti a prendre, 
selon nous, dans un grand etablissement, c’cst d’eloigner les 
agites et de leur aUecter une surveillance sp6ciale. La ils seront 
librcs d’errer dans des cours spacieuses; ils crieront moins, 
precisement parce qu’ils auront plus deliberte, et lorsque l’iso- 
lcmcnt dans les cellules sera rendu toul-a-fait necessaire, on 
sera certain du moins, par la specialile de la surveillance 
que sa duree sera limilee aux bcsoins des malades et que 



A L’fiTABUSSEMEIMT D*ALIliNfiS d’ILLENAU. 77 

toutes les precautions seront prises pour lc rendre profitable. 

Comment construire ces cellules ? D’abord, il fautacette excep¬ 
tion meme appliquer le principe general qui doit diriger dans la 
construction des asiles d’alienes, c’est-a-dire faire une habitation 
ordinaire, en se conformantaux prescriptions de 1’hygiene, eten- 
suitesongera remplir les conditions de spficialite. Ces conditions 
derivent de 1’etat meme des agitfis, qui, selon nous, ne reclame 
pas I’abseuce de toute impression, mais des sensations douces 
et monotones: aussi regardons-nous comme indispensable de 
pratiquer dans les cellules des croisees donnant sur un parterre, 
et dont I’liorizon soit born6 par une vegetation abondante; con- 
clure de la grande activity cerebrale et de la sensibility tres 
avivee de ces malades it la nullite des impressions est un extreme 
qu’il convient d’eviter. Cependant, dans le triple but de la sur¬ 
veillance, de la ventilation , de remission de la voix, et aussi 
pour premunir certains malades contre la frayeur resultant de 
1’obscurite lorsqu’il y a necessity de fermer hermetiquement la 
croisee , nous pensons que la cellule doit avoir en meme temps 
dansleplafond uneouverturequicommuniqueavecl’airexterieur. 

D’aprfes ces vues, nous ne pouvons nous dispenser de dire 
que, sous le rapport des cellules, Illenau laisse quelque chose 
& d6sirer. Peut-etre le nombre des cellules est-il un pcu trop 
considerable, el, en efiet, elles n’etaient pas toutes occu¬ 
pies a l’epoque de notre visile. Peut-etre igalement, si les 
agites avaient une cour suffisamment spacieuse, si on les laissait 
plus souventa Pair fibre, n’aurait-on pas tant a se louer de leur 
presence dans le voisinage des malades tranquilles. Sans doute, 
la distance qui les separe est beaucoup plus considerable qu’elle 
ne le paraltsurle plan, comme il est facile d’en jugerparlesme- 
sures quo nous avons donneesdela superficie del’etablissement; 
neanmoius nous persistons a penser que, dans un grand eta- 
blissement tel qu’Illenau, il est tres important d’eloigner da- 
vantage la section des agites. Enfin, ce que nous reprochons 
encore a ces cellules, c’est de ne recevoir le jour que par en 



YISITE 


liaut el de nc pas avoir unc croisee donnant a l'extdricur, alors 
([u’il elait si facile cl si convenable dc ]a praliquer pour le plaisir 
desyeux ctpour l’assainissement ducorridor cl dc l’habilalion. 

Corridors. La question des corridors doit elrc ramenec aux 
niemes principes. On concoit que lorsqu’on fait principalemcnt 
consisler un dlablisscmenl d’aliencs en batiments a rez-de- 
chaussec divises en cellules, les corridors sont indispensables 
pour arriver a chacune d’elles; mais une fois admis le principe 
des dorloirs et des salles dc reunion, a quoi peuvcnt-ils servir? 
11s sont nuisibles a la sociabilite, s’ils servent a la promenade 
des nialades; sinon , ils sont inutiles, puisqu’ilsnc sont pas ne- 
cessaires pour les communications. Au rez-de-chaussee, il est 
vrai, ilspeuvent contribucr afacililer le service; mais pour les 
Stages supericurs ils n’ontaucun avantage , puisque les malades 
n’y sejournent pas pendant le jour, el que d’ailleurs le corridor 
exisle nalurcllement entre les deux rangees dc lils des dorloirs. 
Si Ton objecte qu’ils servent a cmpechcr la confusion des di- 
verses classes des malades, je reponds que leur separation exacte 
tienl a l’organisation meme de l’asile, et que d’ailleurs on l’ob- 
tiendrait a l’aide d’un escalier convenablemcnt place. Les cor¬ 
ridors ne sont pas seulemcnt inutiles, ils sont loujours nuisibles 
a Iteration , surloul lorsqu’ils empechent d’ouvrir des croisdcs 
directcment a l’exldrieur, comme il arrive trop souvent, memo 
dans des dtablissemcnls Ires recommandables : il faul done les 
supprimer. Ce sera lit une notable dconomie, qui, jointe it cclle 
resultant del’dldvalion des batiments, dinn'nuera do. moilie le prix 
dc construction ct cxerccra unc hcureusc influence pour la 
fondalion des asilcs d’alidnds. La question d’dconomie ne doit 
pas sans doute peser dans la balance s’il s’agit d’adoptcr une 
inesure commanddc par les besoins des alidnds; mais die a in- 
contestablemcnt la plus grande valeur si la mesure est lout-ii-fait 
indiffdrente au bicn-etre dcs malades et a la rdgularild du ser¬ 
vice. 

3" Separation des eurables et des incurubles. Conviont-il de 



A L’jSTAIiLISSEMENT O’ALltiiNES D’lLLENAE, 79 

former des elablissemenls lout-a-fait dislincts pour les abends 
curables ct incurables? Convicnl-il do faire des sections diffe¬ 
rences pour ccs deux classes de malades dans le meme asile ? 
Ou bien esl-il possible d’ctablir une classification mdthodique, 
e’est-a-dire conformc aux points de vue dc la science el d’une 
bonne administration, en nc prenant pas pour principe les 
chances de gudrison ou de non-guerison ? 

La question des asiles d’aliduds tout-a-fait dislincts pour les 
incurables mdrite d’autant plus de fixer l’altention que deja a 
Paris des hommes graves ont souvent manifesto le projet.de 
leur consacrer Bicetre et la Salpetriere, et d’dlever un grand et 
bel dlablissement exclusivcinent consacrd aux abends curables. 
Un semblable projet a did renouveld tout rdeemment en Anglc- 
terre, lorsque les nouveaux commissaires du parlement ont 
constate que, par l’insuflisance des asiles actuels, la plus grande 
partie des abends se trouvaient ddlaisses dans les maisons de 
travail et confondus avecles autres habitants. Malhcureuscmcnt 
on nc manque pas de precedents de ce genre, surtout en Allc- 
mague, de sorte que le projet d’affectcr aux abdnes incurables 
ou, pour mieux dire, aux abends chroniqucs, des elablissemenls 
parliculiers pourrait bien prendre dc la consistancc. Je le crains, 
et je viens m’inscrire contre la realisation d’un plan que je re¬ 
garde comme tres funeste pour les abends, pour le sentiment de 
famillc et la morale publique, et pour la.science medicate. 

Faire deux especes d’asiles, les uns pour les curables, les 
autres pour les incurables, e’est d’abord Irancher la difficult^ 
la plus grande, cellc de la non-curabilite, landis que, dans 
beaucoup dc cas, la science ne permet pas d’etre positif h cet 
dgard. Est-cc le temps ecould depuis l’invasiou de la maladie 
qui servira de criterium ? Sans doule e’est un des dlemenls 
du pronoslic; mais e’est loin d’etre le plus facheux , et nous 
avons vu , it Ulenau memo , un abend presque gucri, quoique 
sa maladie cut trcntc-deux anndcs dc dale. Est-ce la forme de 
la maladie? Mais combiencette base d’apprdcialion est peu solide! 



VISITE 


Ne voil-on pas guerir des alienes meme en demence complete ? 

On s’expose d’ailleurs a cesser trop tot les movens de traite- 
ment, precipitation qui peut entrainer les consequences les plus 
graves, et qui toujours est unc atteinte portee a la dignite de 
notre nature. 

Alors meme que l’incurabilite scrait bien determinee par un 
medecin experiment^, n’aurait-on pas a redouter, dans un 
grand nombre de circonstances, que les alienes juges incura¬ 
bles ne conservassent assez de raison pour apprecier cejuge- 
ment et assez de sensibilite pour s’en affliger ? Admettre que la 
translation dans les asiles d’incurables soit pour la plupart des 
alienes une mesure indifferente, e’est croire a la nullity, a la 
perversion de toutes les iddes, de tous les sentiments dans l’a- 
lienation mentale, e’est meconmutrc la verile et refuser son as- 
senliment h 1’observation la plus multipliee. 

Je conviens que loute translation est indifferente pour quel- 
ques malades qui n’ont aucuue idde, nidu temps, ni des lieux, 
ni de l’espace; j’accorde encore que la difference de position 
ne peut pas etre senlie par des malades qui voient tous les eve- 
nements a travel's un prisme enebanteur, par ceux qui, ab¬ 
sorbs par une id6e fixe, sont Strangers au present, comnte 
au passe et a l’avenir, et par ceux enfin dont le delire trouve 
une cause d’irritation dans les idees qu’ils sesont formees des 
personnes et des choses de l’etablissement. Ma s pour le plus 
grand nombre des malades dits incurables, il en est tout aulre- 
ment, el il faut bien, sous ce rapport, se premunir conlre 
les fausses apparcnces; des alienes dont la sensibiliiS et la 
volonle paraissent Steintes sont quelquefois faussement pris 
pour des dements; il en est de meme de certains malades qui 
sent dans la stupeur; de ce genre sont encore la plupart des 
nombreux alienes a idees fixes, qu’elles soient le resultat des 
desordresde l’intelligence, des sentiments, qui constituent l’alie- 
nation mentale proprement dite, ou qu’elles dependent de la pre¬ 
dominance d’un symptomc , comme 1’hallucination; tels sont les 




A L’ftTA BLISS KMliNT Ij’ALIENES d’ILI.ENAB. 81 

malades mystiques dont les actions son! si peu en accord avec 
les paroles, qui, tout en manifesiant les sentiments les plus ho- 
norables, ont des rapports antipathiques avec tous ceux dont 
I’dducation ou le caractere presente la moindre difference 
avec leurs habitudes et leurs preceptes; la puretd de leurs sen¬ 
timents, qu’ils croient agreables it la divinitd, les aveugle entie- 
rement sur la nature de leurs actions ; tels sont encore ceux , et 
le nombre en est grand, qui presentent des remissions et des 
intermittences dans leur delire; tous ceux enfin qui tiennent a 
la nature humaine par quelques vestiges d’intelligence et de 
sentiments: pour tous ces abends, la translation dans une maison 
d’incurables est un malheur, comme elle est un outrage pour la 
morale publique. 

Quand on a 1’expdrience de ce genre de malades, on est cir- 
couspecl a se prononcer sur la perle lotale des atlributs de la 
nature humaine; et comment neeonserverait-on pas le souvenir 
vif des reponses satisfaisantes qui ont ete faites par des per- 
sonnes en demence et des interpretations qu’elles ont donndes 
a leurs paroles prononcees depuis longtemps et qui avaienl dte 
considdrdes comme des preuves de delire ? Si dans tous ces cas 
extremes oul’animalite semble avoir usurpd l’bumanite, le md- 
decin experimente a pu recueillir quelques elans de 1’Sme avec 
surprise autanl qu’avec dmotion , & plus forte raison doil-il re- 
clamer en faveur de tous les alidnes chroniques qui conservent 
assez d’intelligence etde sentiments pour que, dans un dtablis- 
sement bien organise, ils soient regardes comme responsables 
de leurs actions, punis et recompenses comme tels. 

Comme preuve d’aptitudequ’ont les abends en gdndral, mdme 
les plus malades, a remarquer avec peine ou plaisir la conduite 
qu’on tient it leur egard, nous pouvons rappeler que plusieurs 
d’entre eux souffrent beaucoup si on neglige de leur donnerdes 
tdmoignages d’intdrdt; leurs confidences a ce sujet, comme 1’ob- 
servation de leurs divers degres d’intelligence , font une loi au 
mddecin de s’enquerir de leur dtat avec bienveillance, etles at- 

ANNAL. MED.-PSYCH. T. VI. Juillet 1846. 6. 6 



82 V1SITE 

tentioas de ce genre qu’il pent avoir, de meine que ies negli¬ 
gences volontaires, constituent le moyen de traitement moral le 
plus general, surtout chez les femmes. Ces influences sont tene¬ 
ment puissantes que, par leur emploi fait a propos, on peut cal¬ 
mer ou rendre furieux tin malade, et qu’il y a, entre un service 
d’alienfe ou regne ce principe et un service ou le principe des 
repressions est tres frequemment applique une difference no¬ 
table, sous le rapport meine des apparences exterieures. De ces 
observations opposees nous deduisons une consequence iden- 
tique, savoir : que puisque la grande generality des alienes 
chroniques est si sensible a l’eioge, au blame, aux egards, a 
I’emploi des moyens doux , bienveillants, et a celui des moyens 
energiques et coercitifs, ils sont dans des conditions favorables 
pour sentir amerement, & des degrfe differents, bien entendu , 
la peine d’etre declares incurables par cela seul qu’ilssont ren- 
voyes dans un asile consacre a ce genre de malades. 

Cette mesure, si penible pour les alienes, siinjuste enters eux, 
blesse plus profondement encore les families, qui, faisant cause 
commune avec leursmalades, enapprecientmieux toute laportee 
ettout le malheur. Jen’oubliepascertaineinent, car j’en suis trop 
souvent temoin, que de mauvais parents, non seulement ne mani- 
festent aucun regret de voir leurs malades reiegues parmi les 
incurables, mais en concoivent le desir, font tout ce qui est en 
leur pouvoir pour hater le prononce de cette mort civile et en 
eprouvent une barbare satisfaction. Mais la conviction meine de 
cette triste verite ne doit-elle pas pr6cis6ment empecher de 
donner une prime aux mauvais parents et faire adopter les me- 
sures les plus propres a conserver la morale publique et a acli- 
ver le sentiment de famille ? 

Et le medecin, quelle n’est pas son anxiete, lorsqu’il est 
oblige de faire un choix parmi ses malades! L’administration ne 
lui impose pas seulement ce penible sacrifice, elle exige une re- 
ponse qui d6passe frequemment la mesure de son savoir et 
blesse sa conscience en mSme temps que son cceur. Une sem- 



A L’tfTABUSSEMENT D’AUfiiNES D’ll.TJSNAU. 83 

blable dytermination est fl’aillenrs contraire a la science m6di- 
cale; toutes les observations sont ainsi ntorcelees; le inedecin 
de I’asile consacre aux ctirables n’ytudie les alienations mentales 
que dans leur periode d’acuity, tandis que celui de I’asile des 
incurables n’est appeld a constater que les periodes ull6rieures ; 
pour tous, le progrts est impossible relativement a la marche 
de ces affections, et 1’anatomie patbologique , lorsqu’elle n’en- 
traine pas de consequences dangereuses, est frapp6e de st6rilite, 
par cela seul que l’observalion des phenomenes maladifs, in¬ 
complete et mutiiee, ne vient pas en feconder les resultats. 

S’il n’est pas convenable sous tant de rapports de creer des 
etablissements consacres exclusivement a des incurables, son- 
vient-il du moins de separer entierement les incurables des 
malades en traitement et de lenr afTecter des sections particu- 
li&res dans le merne etabiissement ? Cette opinion , soutenue 
avec habilete par le docteur L'amerow et generalement accre- 
ditc'e en Allemagne, doit-elle etre frigee en principe? 

La plupart des objections que nous venons d’6numerer contre 
le principe de construction d’asiles distincts pour lescurables et 
les incurables disparaissent, il est vrai, en partie lorsqu’ils’agit 
settlement de les sfiparer dans le meme asile. Si I’appr^ciation des 
chances de curabilite prfsente les memos difficultes, du moins le 
jugementporty ne saurait avoir la mgme gravite ni pour le mfde- 
cin ni pour les malades. La conscience du medecin est rassuree 
par la continuity des soinsqu’il peut donner aux malades et par la 
facility de les faire reintygrer dans la section du traitement. Les 
malades peuvent bien , dans certains cas, avoir la conscience 
du jugement qui les frappe, mais alors m6me, leur affliction 
est attynuee par I’iciye du voisinage du lieu qu’ils viennent de 
quitter et par l’espoir d’y revenir. Les families elles-metties se- 
ront incomparablement moins affectyes de la mutation de leurs 
malades d’une section dans une autre, que de leur translation 
lointaine, sans retour possible, dependant, sous ces trois rap¬ 
ports , les objections presentees subsistent encore et’militent 
contre la separation complyte entre les curables et les incu- 



VISITS 


rabies; comment ne pas en tenir compte? Pour nous, nous 
sentons trts bien qu’exceptionnellement, par suite de certaines 
dispositions administratives et d’une population considerable, 
eomme a Paris, par exemple, cette separation puisse etre ef- 
feciude avec avantage ; mais nous ne comprenons pas I’utilitd 
d’en faire un principe de construction des asiles d’alidnds. 
Nous croyons, au contraire , qu’en faisant reposer la classifica¬ 
tion des abends sur la consideration de la forme de leur delire, 
sur le desordre de leurs penchants, etc., on obtiendra tous les 
bons rdsultats qu’on se promet de la separation des curables et 
des incurables, sans avoir a redouter ses graves inconvdnients. 
En elfet, pour nous, cctte question se resume ainsi: la separation 
des curables et des incurables est-elle la realisation du principe 
surlequel doit reposer la classificaiion des alidnes, c’est-ci-dire est- 
elle fondde sur le principe de la reaction de ces malades les uns 
sur les autres ? Eh bien non, evidemment non; la cohabitation des 
incurables abends avec les curables ne saurait en general etre nui- 
sible ni pour les uns ni pour les autres. Un incurable agit et parle 
comme un curable, comme le dittresbien Flemming. Sans dome 
la presence de quelques incurables pourrait eveiller des sentiments 
pdnibles chez les curables, mais ceux-la se trouvent naturelle- 
ment sdpares par notre principe de classification ; ils le sont, 
non comme incurables, mais comme agites, dements, paralyti- 
ques, malpropres, etc., etc. Pour lous les autres incurables, 
e’est-a-dire pour la tres grande majorite, ils sont dans les con¬ 
ditions les plus favorables pour le developpement du principe 
de reaction des malades les uns sur les autres. Les incurables, 
en effet, prdsenient loutes les formes de l’alienation mentale 
aigue et curable, depuis le deJire le plus restreint jusqu’au 
d6sordre le plus complet des facultes intellectuelles, depuis 
l’apathie la plus profonde de la m6laucolie jusqu’a l’excitation 
la plus forte de la manie. Leurs sentiments sont Join d’dlre plus 
ddsordoimds que ceux des malades qui offrent des chances de 
gu6rison; je puis ajouter avec verite qu’a cet egard ils sont 
mieux partages que les curables; leurs sentiments ont perdu de 




A L’tTABLISSEMliiNT l/ALlfciNES d’JLLENAU. 85 

leur violence par leur duree mSme; ils ont contract^, pendant 
leur sejour dans I’asiie, des habitudes de soumission aux regle- 
inents, de respect et de deference pour les chefs, d’ordre dans 
1’emploi des heures de la journee, de sociabilite enfin, et con- 
s6quemment, loin de nuire aux curables, ils provoquent con- 
stamment chez eux, par la toute-puissance de l’exemple, des 
reflexions salutaires qui enlrainent l’empire sur soi et des aetes 
conformes a ceux dont ils sont les temoins. 

De ces considerations nous concluons qu’il n’y a aucun rap¬ 
port entre le degre de curabilile et le mode de reaction des 
malades les uns sur les autres, el que par consequent une telle 
base de classification est inadmissible. Four prouver la neees- 
sit6 d’isoler les incurables des curables dans des bailments dis- 
tincls, on a encore fail valoir, et cette objection n’est pas sans 
fondrment, que leur reunion avait pour r6sultat de faire pas¬ 
ser sous les yeux du medecin un irop grand nombre de ma¬ 
lades et de diviser ainsi son attention au detriment des alienes 
susceptiblesdeguerisou. A cette objection nous repoudonsque, 
par la separation des curables et des incurables, on ne rem&lie 
que ires imparfaitement a cel inconvenient, puisque toujours, 
quoi qu’on fasse, les sections de traitement seront encombrees 
d’incurables; ainsi le veut la nalure des choses qui sera tou¬ 
jours plus forte que les theories medicates. D’aiileurs, d’apres 
notre principe de classification, cerlaines sections contien- 
dront relativement plus de curables, et I’attention du mede¬ 
cin sera sollicitee dans la mesure de la gravile des affections et 
de 1’interet qu’elles presenterout; le medecin qui connaitra ses 
malades et s’interessera a leur sort saura bien et promptemeut 
discerner ceux qui reclamerout ses soins parliculiers, sans qu’ils 
luisoientdesigues par leur placement dans des batimentsspeciaux. 

Nous ne vovons done pas de raisons solides pour separer 
les curables des incurables dans le meme 6tablissement; nous 
rejetons done cette mesure, non seulement parce qu’elle est 
injuste envers les malades el leurs families, el d’aiileurs impos¬ 
sible a realiser avec rigueur, mais parce qu’elle n’esl pas con- 



86 VJS1TE 

forme au principe qui doit prevaloir dans toute classification 
d’alidnds. Cette (.solution est importable a un autre point de 
vue, puisque la separation que nous combattons conduit a 
doubler iuudlement toutes les subdivisions d’un elablissemeni 
(comme on a ete contraint de le faire a Illenau ), et, par les 
depenses qu’elle eutraine, pourrail empecher plusieurs depar¬ 
tments delever des asiles d’alieues. Cette consideration est 
d’autant plus puissante a nos yeux que nous regardons comme 
une anomalie dans l’administration de la charile publique, et 
comme un graud mal, que la loi de 1838 n’ait pas dote chaque 
departement d’un etablisseineut special. 

4° Separation entre les alienes, les idiots et les epilepti- 
ques. Le gouvernement du duche de Bade a compris la necessity 
de separer des alienes les idiots, les cretins et les epileptiques, 
et il leur a affecte l’ancien dtablissement de Pforzheim. 

L’un de ses motifs determinants a ete de limiter le nombre 
des alienes it 400, nombre au-dela duquel 1’uniie de direction 
lui parait difficile. Un deuxifeme motif a dte que l’etablissement 
d’Illenau a dejii vingt subdivisions, et que l’addition de nou- 
velles sections serait une complication facheuse. D’autres consi¬ 
derations plus graves encore out dirigd le gouvernement de 
Bade dans sa determination. Il a justement pense que les cre¬ 
tins et les epileptiques impressionnent plus peniblemenl les 
abends que les autres especes de malades. Il a craint avec rai¬ 
son que la reunion des cretins el des alienes dans le meme 
asile ne fut pdnible pour les parents, et que les classes elevees 
surtout ne fussent detournees par cela seul d’envoyer leurs 
abends. Il a pense enfin que si les idiots dtaient admisdans le 
meme dtablissement, ce ne pourrait etre qu’au prejudice des 
incurables; mais a quelle distance sont les alienes incurables des 
idiotsetdes crdlins (1)! Les medecins qui parient en faveur d’une 


(1) Voir a ce sujet le mtmoire, aussi bien pensdque bicn tail, que le 
docteur Voisin a publie rdccmmenl sur I’idiotie. 



A L’tTABLISSlSMENT D’ALIENES D’lLLENAU. 87 

semblable reunion obeissent, a leur insu , i une idee fausse 
f|u’ils se font des alienes incurables; ils ne r6flechissent pas 
que souvent cbez ce genre de malades il y a plutot perversion 
que nullite des facultfis intellectuelles et affeclives, et qu’ils 
sont tres susceplibles d'etre impressiounfe peniblement par le 
milieu qui les entoure, comme nous I’avons d£montr£ prece- 
deinment. Parmi les incurables, il y en a un grand nombre qui. 
eprouvent des remissions, et meme de vt'ritablesintermittences, 
et qu’on juge alors de l’influence sur eux d’un pareil spedacle !. 
11 en est de meme pour cette partie nombreuse d’incurables 
dont 1’alienation est plus ou moins partielle. Les dements eux- 
inenies sont rarement au degre d’abrutissement qui les rende 
insensibles a des impressions penibles. Il est evident d’ailleurs 
que les cretins et les idiots sont plus facilement distingues des 
alienes que les curables ne peuvent l’etre des incurables. 

En separant ces trois categories de malades des alienes, le 
duche de Bade a done simplify les questions deja si complexes 
d’un etablissement d’alienes. Toutefois nous ne saurions ap- 
prouver le placement des epileptiques dans le meme asile ou 
sont renfermes et vraiment sequestr6s les cretins et les idiots; 
quelque grande que soit la separation des uns et des aulres, 
leur reunion dans le meme asile n’en est pas moins une ano- 
malie. Dans cette reunion , les epileptiques ne recoivent pas de 
la societe tout rint6ret du a leur malheur, et la medecine ne 
doit pas etre complice d’un tel abandon ; elle doit s’efforcer de 
plus en plus d’arracher quelques victimes a cette cruelle mala- 
die, et la premiere chose a faire pour y arriver, e’est de les faire 
placer dans des conditions propres & relever leur moral, au 
lieu de revolter leur sensibility deja sivive, en les assimilant 
aux etres les plus hideux et les plus degrades par la nature. 

5° Grands ct petits etoblissements. Doit-on adopter le prin- 
cipe de construire de grands etablissements pour liOO ou 500 
alienes, ou ne peut-on pas, sans inconvenient pour les alienes, 



VISITE 


et avec avantagesous d’autres rapports , clever de petits etablis- 
sements destines, par exemple, a 100 011 150 alienes? 

Bien des raisons militent en faveur des grands etablissemenls 
d’ali6nes, et nous sommes loin de vouloir dissimuler leur va- 
leur. 

Un grand Etablissement constitue un tout parfaitement dis¬ 
tinct ; il a une vie propre, il se suffit a lui-meme en produisant 
tout ce dont il a besoin; il peut posseder tout ce qui peut avoir 
une utility quelconque pour les alienes, salles de reunion, ate¬ 
liers multiplies, employes de divers ordres, parceqtie lenombre 
des nralades legitime tous les sacrifices. 

Pour la mSme raison, un grand etablissement presente nalu- 
rellement toutes les subdivisions que reclame une classification 
medicale, tandis que pour obtenir le merne resultat dans un 
petit etablissement, il y aurail nficessite de constructions deux 
fois plus grandes que n’exigerait le nombre des malades. 

Enfin, il est evident que, proportion gardee, les grands eta- 
biissements sont moins om$reux que les petits, sous le double 
rapport de la fondation etde l’enlretieu. 

Nous savons bien qu’on a fait valoir, contre les grands 6la- 
blissemenls, la difficult^ d’etablir l’unite de direction; mais 
cette objection ne nous touche pas, car elle peut elre resolue 
parle nombre et par le choix des auxiliaires, surtoul si, comme 
a Illenau, ils sont choisis par le inedecin-directeur. N’est-il pas 
possible alors de prevenir les collisions entre les medecins et 
les divers employes, en Iimitant leur sphere d’aclion a certaines 
parties de l'elablissement, qui toutes seraient reliees entre elles, 
et formeraient l’unile desiree sous l’influence d’un medecin- 
directeur habile? Sansdoute, les conflits peuvent surgir, le 
deuxieme mMecin peut vouloir usurper une independance ab- 
solue, et le medeciu en chef exercer une autorite despotique, 
ou manquer des qualites necessaires pour le commandement; 
mais, dans cecas, la cause dc d(5sordre exisle dans les hommes 



A L’ETABUSSEMENT D’ALIENES D’lI.LENAli. 89 

et non dans i’iastitutiun. De plus, en faisant cetie objeciion, on 
oublie que lous les malades d'un grand Etablissement sont loin 
d’exiger un traitement et 1’altention du mEdecin dans la merae 
inesure et au merae degrE. Pour qui connait l’interieur d’un 
Etablissement d’aliEnEs, il est dEmontrE qu’apres un certain laps 
de temps, une section memo de traitement de 200 alienes n’en 
contient pas plus de 30 qui exigent simultanEment les soins 
attenlifs du medecin. Sans doute les aulres malades out Egale- 
ment besoin de son appui tutelaire, et ce serait un crime de les 
abandonner a eux-memes et a la brutalitE des gardiens; mais il 
est positifqu’un medecin experimente peut, en trespeu de temps, 
faire pour eux tout ce que l’humanitE et la science rEcIament. 

Les grands Etablissements ont done d’incontestables avan- 
tages; la question a examiner maintenant, e’est de savoir si ces 
avantages sontde nature a leur assurer une preference exclusive. 
Nous ne craignons pas de repondre nEgativement. En effet, 
dans l’application du principe des grands Etabiissements d’alie- 
nEs, on est dans la nEcessitE de les peupler de malades entral- 
nEs loin de leur domicile. Que r6sulle-l-il du seul fait de la 
translation lointaine des aliEnEs? C’est qu’ils sont mis hors du 
droit commun, puisque toutes les autres miseres sont soulagees 
par les administrations locales. L’Eloignement de l’asile apporte 
nEcessairement un retard deplorable dans l’accomplissement de 
la inesure de l’isolement, en merae temps qu’il a pour effet de 
mettre un obstacle presque invincible aux visites des families et 
des amis , et de donner une excuse a la nEgligence des mauvais 
parents. Enfin, le medecin se trouve ainsi privE de la connais- 
sancedes anlEcedents et de la ressource des relations des aliEnes 
avec leurs families, ressource prEcieuse pour le traitement moral. 

Le principe d’Elever de grands Etablissements d’alienEs a done 
pour rEsullat nEcessaire de produire une deviation dans (’admi¬ 
nistration de la charilE publique, de porter une atteinte profonde 
a la morale publique et au sentiment de famille, el de nuire au 
traitement des alienes, soil en empechant de leur donner-les 



V1S1TE 


soins dans la periode de ia maladieou ils seraient les plus fruc- 
teux, soiten les privant de nioyens moraux auxquels la science 
reconnaii une puissante influence. Toutes ces raisons sont de 
nature a militer en faveur des pelils elablissements, et sans 
proclamer leur superiorite, nous ne crayons pas qu’ils aient 
lous les inconvenients qu’on leur a reproches. Nous pen- 
sons qu’un asile de 100 a 150 alienes suffit pour occuper 
entierement uu medecin-directeur, et si l’on objecte contre 
notre opinion la raison d’economie, nous repondons que l’e- 
conomie ne doit pas prevaloir sur l’interet des malades, de leurs 
families et de la societe, el que d’ailleurs celte raiiou perd 
beaucoup de sa force lorsqu’on adniet avec nous que les asiles 
d’alienes peuvent avoir plusieurs Stages, que les corridors sont 
inutiles et qu’il n’y a aucuu inconvenient & reunir les curables 
avec les incurables. Cette derniere consideration a tant d’im- 
portance ici, qu’il faudrait renoncer a faire de petits etablis- 
semeuts, s’il etait indispensable de sSparer les curables des 
incurables, tant les subdivisions de l’etablissement seraient mul- 
tipliees et tant serait minirne la population de chacune d’elles. 

Heureusement que cettc necessity n’existe pas et qu’un asile 
de 100 a 150 alienes presente tous les SISments d’une classifi¬ 
cation vraimei t medicale. 

6° Du medecin et dv direcieur. Dans un asile d’alienes, j’ai 
beau chercher les fonctious d’un directeuret celles d’un mede- 
cin, je ne trouve que celles d’un m6decin. Tous les fails qui 
concerneiu les abends sont telletnent lies qu’il est impossible 
d’en altribuer un certain ordre au medecin et un autre ii uu 
directeur. Placera-t-on en des mains diflerentes l’aclion sur 
les choscs et l’action sur les personnes, la direction mal6rielle 
etla direction morale? Pune et l’autre, selon nous, reclament 
1’unit6 de vues et consequemment de pouvoir. Si, dans les Sla- 
blissements oil celte autorite est partagee entre un directeur cl 
un mSdecin , il s’eleve tant de conflits, ils doivent Stre moins 
altribues aux personnes qu’ii la nature des choses et a 1’impos- 



a l’etablissement d’aliekes d’illenau. 91 
sibilite cle tracer des Iimites precises entre ces deux ordres de 
fonctions. Je sais bien qu’il y a tout un ordre de fails relatifs 
aux details mat6riels de 1’economie et & la comptabilite qui 
sont Strangers a la mcdecine; mais ces fonctions sont celles 
d’un econoine et non cedes d’un directenr. 

Pour faire passer dans 1’esprit du lecteur ma conviction pro- 
fonde 5 cet egard, et lui faire sentir tous les avantages de l’in- 
troduction de la pensee medicale dans l’administration d’un 
asile d’alien£s, il conviendrait d’entrer dans la voie pratique et 
de inontrer par le detail des actions de tous les instants le be- 
soin indispensable de cette direction. Mais cette question est 
trop importante et trop etendue pour etre traitee incidemment, 
et nous devons nous borner ici a 1’expose de queiques ge- 
ndralitfis. 

Le principe qui domine cette question est celui-ci: les me- 
sures que peut prendre I’administralion dans un asile d’ali<5n<5s 
sont-elles de nature ii exercer de 1’influence sur le moral de ces 
tnalades? S’il en est ainsi, il est evident que les mesures admi- 
nislralives sont du doinaine de la medecine mentale. Eh bien , 
personne ne peut en douter, toutes les circonstances dont un 
inalade est euvironu6 constituent une partie essentielle du 
traileinent moral, el ce n’est qu’a la condition de disposer de 
toutes ces circonstances que le medecin peut opposer la variety 
des inoyens a la diversity des affcclions et des caracteres. 

Pourle prouver, qu’il nous suffise de citer un exemple relatif 
au personnel d’un elabl ssemenl. Iteleyera-t-il du medecin ou du 
directeur? Tout medecin d’alienes sail que le concoursdes ser- 
viteurs de tout ordre doit e;re regie par son autorite, que ce 
n’est qu’a ce prix que leur influence peut etre favorable. Lui 
seul doit les choisir, et il ne se laissera pas diriger, coinme I’ad- 
ministration, par une ctroite economie, car il connait toute l’iin- 
portance de ses auxiliaires de tout ordre. Une fois choisis, les 
servileurs doivent agir conformement a ses indications el faire 
taire tous leurs sentiments particulars pour n’ecouter que |a, 
voix du medecin; car lui seul connait lout ce qui est relatif 



92 


'IS1TE 


aux aliSnSs el le inode de concours que cliaque serviteur doil 
lui donner pour alteiudre le but desire. Dans cetle direction 
imprimee aux divers employes d’unetablissement, reside letnoyen 
le plus general de traitement moral, celui qui agit avec d’autant 
plus d’efficacite qu’il agit d’une maniere plus constante el 
plus inapercue. C’est un reseau humain dont le medecin en- 
toure scs malades pour coordonner leurs mouvemenls, regler 
leurs pensees, modSrer leurs sentiments et presider a toutes 
leurs actions. 11 n’y a que le praticien Sclaire qui puisse com- 
prendre toute 1'etendue d’influences qu’ont sur l’esprit des ma- 
lades ccs moyens d’action calcules avec discernement et em¬ 
ployes avec une constante uniformity. Mais, pour qu’il en soit 
ainsi, it est indispensable que tous les serviteurs soient bien 
convaincus de 1'autori 1.6 supreme du m6deein ; s’ils n’ont pas 
cette conviction, et s’ils entrevoient un pouvoir rival ou supe- 
rieur, il est evident que leur concours est faible el vacillant, 
que leur conduile est faussee ci chaque instant, que l’ordre de 
l’etablissement est sans cesse compromis, et qu’au milieu de 
cette division de pouvoirs 1’aliene manque de l’appui qui lui est 
indispensable. Son esprit en desordre n’a plus de contre-poids 
dans l’autorilS du medecin, el il est ainsi privS du moyen le 
plus pr6cieux de regulariser ses idees, de refrener ses pen¬ 
chants et d’exercer un empire salulaire sur lui-mSuie. On le 
voit done, pour Sire efficace, Faction du mSdeciu sur le per¬ 
sonnel doit Sire toute puissaute; la meme v6rit6 ressortirait de 
l’examen de tous les fails de la vie rSelle d’un elablissement; 
mais les considerations que nous venous de presenter temoi- 
gnent assez de la necessite de reunir sur la mSme tSle les fonc- 
tions de directeur et de medecin ; on peut d’ailleurs constater 
les bieniaits de la realisation de ce principe dans plusieurs Sta- 
blissements de France, a l’asile de Fains, par exemple, si bien 
dirige par noire confrere \1. Renaudin, et a Illenau , ou nous 
avons vu la pensce inedicale vivifier et regulariser constam- 
tneul les mesures admiuislratives. 

Nous regrettons vivemenl qu’une mesure aussi prccieuse ne 



93 


A L’fiTABLISSEMENT D’AUfiSfis D’lLLENAU. 
soil pas plus gen6rale en Prance; mais, pour la faire adopter, 
les amis des alienfis doivent compter sur l’habilete et la haute 
influence de M. Ferros. 

7° De I'exercice clu sentiment religieux dans les asiles d'alie- 
nes. Dans [’organisation d’lllenau, le fait que j’ai le plus admire 
et qui m’a vivement emu , c’est la reunion de tous les jours des 
deux medecins- djoints et des deux pasteurs de l’etablissement, 
sous la presidence du medecin-directeur. Ce fait constitue a 
lui seul tout un systeme d’administration mMicale, et la ma¬ 
nure dont il s’est accompli sous mes veux m’a pfinelre de la 
plus haute estime pour tous ces dignes amis des alienfe el sur- 
tout pour I’homme Eminent qui a su etablir et maintenir un si 
bel ordre. De cette manic re, l’unite de vues est aussi complete 
que possible et les pasteurs y sont iutimement associfis; ils 
prennent connaissance, comme les medecins, des documents 
sur les malades transmis par les families et les autorites locales; 
ils entendent les observations de tout ordre failes par le me¬ 
decin-directeur et ses auxiliaires, et font part eux-mdmes 
de celles qu’ils ont recueillies dans la journee ; dans cet 
echange d’observations, on ne pourrait savoirqui donne el qui 
re?oit, si le respect de la hierarchie, preetabli dans les coeurs, 
ne se manifestait spontanement, comme pour ajouter un nou¬ 
veau charme au puissant interet de ces reunions. 

Jusqu’a quel point cette cooperation active des pasteurs 
est-elle utile pour le traitement des alienations mentales ? El 
d’abord, est-il convenable de leur donner un libre accfcs dales 
les etablissements d’alien^s? 

On ne peut disconvenir que partout ou les hommes sont 
reunis, c’est un devoir de rappeler , de propager les principes 
eternels d'ou emanent les rapports de rhomine avec I’homme 
et de celui-ci avec la divinite. Le sentiment religieux est inhe¬ 
rent a notre nature, et par cela meme, il demande a dtre dd- 
veloppe et satisfait, et il doit l’etre pour assurer le present et 
preparer 1’avenir. 



Les aliines fcraient-ils exception it cetle regie generate? serait- 
elle autorisfieparle desordrede leur intelligence et de leur mo¬ 
ral ? Non sansdoute. Malgre la confusion de Ieurs idees et de leurs 
sentiments, les alifines sont loin d’etre desordonufe en toutes 
choses, et la maladie n’a pas fait table rase dans leur nature in- 
tellectuelle et morale. En examinant sans prevention la popu¬ 
lation des asiles d’ali6nes, on trouve que la trfes grande giine- 
ralite des homines et. la presque totalite des femmes conservent, 
a des degres variables, le sentiment religieux. Sans doute , il 
peut etre obscurci, el ses manifestations 6tre emp6chees par 
1’alteration des autres sentiments et par le trouble de I’inlelli- 
gence; mais lorsqu’on l’interroge convenablement, on constate 
que c’est un des plus vivaces de la nature humaine. Cette obser¬ 
vation psychologique a d’ailleurs recu la sanction reitdrfse de la 
pratique dans certains asiles d’alienes , et il est impossible de 
iie pas avoir ete frappe, en assistant aux exercic.es du culte , 
des dispositions tout-a-fait convenables qu’y apportaient ces 
malades. 

C’esl done un devoir de cultiver le sentiment religieux cbez 
les alienes, et de les faire rentrer, sous ce rapport comme sous 
tant d’autres, dans la loi commune. 

Mais le trailement de [’alienation mentale peut-il se concilier 
avec 1’accomplissement de ce devoir ? A nos yeux , la r6ponse 
a cetle question ne saurait fitre douteuse; nous n’eprouvons 
pas la moindre hesitation it publier que non seulemcnt le traite- 
ment des maladies mentales est compatible avec les exercices du 
sentiment religieux, mais encore que la culture de ce sentiment 
et la presence d’un pasteur dans un asile d’alienes doivent Stre 
consideres comme des moyens preeieux pour la guerison des 
alienations mentales. Dans cette question importante, nos 
convictions profondes nous separent completement de celles 
de Pinel etd’Esquirol. 

Pourquoi, eneffet, y aurait-il exception a 1’dgard du senti¬ 
ment le plus capable d’operor une reaction forte et durable, 



A L’fiTABLISSliMENT D’AUCNES D’lLLENAU. 95 

alors que le traitement moral n’a pour but que le relablisse- 
ment de l’6quilibre des pouvoirs de notre ame, et pour levier 
que la diversity de leur action r6ciproque ? 

L’dnergie du sentiment ieligieux peut elre evoqu6e avec 
avantage chez presque lous les alienes, du moins dans diffe- 
rentes phases de leur maladie. Voila la rfegle. Son application, 
dans la gin6ralite des cas, ne presente aucune difliculLfe se- 
rieuse et ne demande que I’emploi des voies de douceur et de 
persuasion, c’est-a-dire des inemes procedes, doux et insi- 
nuants, qui constituent la base de la conduite du medecin en- 
vers les alienes. 

C’est aux alienes dont la raison et les sentiments sont particl- 
lement troubles que l’exercice du sentiment religieux est plus 
constannnent applicable el plus geueralement fructueux. La re¬ 
ligion a des conseils precieux pour cette noinbreuse espece 
d’ali&ies. Aux alienes mecontents d’eux-mgmes comme de 
loutes choses, et qui recommeucent sans cesse le recit de leurs 
defiances, de leurs plaintes, de leurs anxietes, de leurs tour- 
ments, des persecutions dont ils se croient les victimes, la re¬ 
ligion pr6sente des consolations qui ont d’autant plusde chances 
de devenir efficaces qu’elles font appel aux sentiments les plus 
dignes de notre nature. Elle provoque la soumission aux decrets 
impenetrables de l’auteur de notre etre, la patience et la mo¬ 
deration dans l’adversite et l’indulgence me me envers des 
ennemis. Elle montre, par de nombreux et saisissants exern- 
ples, que la confiance dans la providence amene un allegement 
soudain, et que, par sa toute-puissance, le calme succede it 
l’orage dans les moments qui paraissent les plus critiques a la 
faiblesse de la raison humaine. Aux aliines que la douleur 
absorbe dans le silence et l’immobilite, ou dont toutes les 
faculty sont concentres d’une inauiere peaible sur un petit 
nombre d’objets, la religion montre le danger et I’injustice de 
ne pas reagir de toutes ses forces contre les peines de l’ame ; 



99 VIS1TE 

die signale la multiplicity ties devoirs de l’homme et son im- 
puissance Sties accomplir si, au lieu d’exercer de l’etnpiresur lui- 
memc, il se laisse subjuguerpar des preoccupations exclusives. 
La religion sollicite de ces malades Taction et le travail comme 
cotnmandds Si notre nature dependautepar le souverain Etre. 

La religion a des consolations et des enseignemenls pour les 
situations les plus divcrses de 1’esprit et du cceur, dans 1’etat de 
sante comme de maladie. 

C’est ainsi qu’aux alidnes indecis, irresolus, elle donne des 
regies fixes sur tous les objets; et aux alidnes timords, defiants 
de leurs forces jusqu’a l’humilite la plus excessive, elle fait 
voir la merveilleuse alliance dans 1’homme des miseres et des 
grandeurs. C’est ainsi qu’aceux qui, voyant touteschosesa travers 
le prisme de la beatitude, ne tronvent aucun obstacle a la satis¬ 
faction de leurs ddsirs et & i’accomplissement de leurs idees 
d’orgueil et de domination , la religion rappelle les dtonnants 
contrasles de Fame humaine, et en induit facilement que des 
desseins humbles et modestes conviennent mieux & la faiblesse 
de nos movens que les prdtentions de la vanitd et les vastes en- 
treprises de Fambition. 

Les abends sont-ils domines par la passion de l’amour , la 
religion dpure ce sentiment et par cela meme en attdnue la 
dangereuse ardeur, lorsqu’elle est impuissante a le bannir du 
coeur de l’homme pour le remplir de l’amour de ses devoirs en¬ 
ters ses semblables et envers l’auteur de son dire. 

Aux abends accables de l’ennui de la vie et roulant inces- 
samment dans 1’esprit la trisle, 1’horrihle penseedu suicide , la 
religion, tout en imposant le devoir de la resignation, fait 
briber l’esperance d’un secours d’en haut pour dissiper ou alle- 
ger les douleurs les plus profondes. A la prdtention du droit de 
disposer a son grd de son existence, elle oppose le dogme si juste 
de l’entifere dependance de la crdature envers le crdateur, et 
proclame les chatiments reserves aux infracteurs des lois divines. 




A L’ETABUSSliMENT D’ALlfiNflS D’lIXENAU. 97 

Dans la manie nieine, ou toutes les faculles de l’liomme, 
bouleversfies dans leur rapide mouvement, offrent l’image dn 
chaos, la religion , mieux que tous les moyens humains , sus¬ 
pend , au moins moraentanement, ce desordre extreme par la 
majesty de sa parole , par la pompe de son culte et par la puis¬ 
sance des souvenirs, et Ton concoit que cetle suspension du 
delire, qui fait succeder le calme a 1’agilation , puisse, reiter6e 
dans une mesure convenable, provoquer, par la reflexion, 
l’empire sur soi - meme, et devenir ainsi le mobile de la 
guerison. 

Inutile de parler de l’influence de la religion suri’etat de de- 
mence : elle est ordinairement nulle, com me toute autre in¬ 
fluence ; mais si quelque eclair vient parfois sillonner ce tom- 
beau de la raison humaine, la religion a pour mission de le 
mettre a profit pour consoler le present et assurer I’avenir. 

La convalescence, enfin, prdsente pour l’enseignement re- 
ligieux un moment bien opportun qu’il convient de saisir avec 
toute la prudence que commande une raison si vacillante en¬ 
core. La religion aura pour efiet certain de fortifier fame 
contre les epreuves si multiplies de la vie, et si dures et si 
continues dans les classes de la societe qui fournissent les ma- 
lades aux asiles publics d’alienes; elle aura pour resultat de 
rompre beaucoup de mauvaises habitudes, de faire aimer la 
pratique des devoirs, et par suite d’empecher un grand nom- 
bre de rechutes. 

La religion, comme moyen de traitement, peut done s’a- 
dapter a toutes les formes des maladies mentales, et dans toutes 
ces circonstances elle parle avec une autorite qu’aucune science 
humaine ne peut £galer, puisqu’elte puise ses enseignements a 
la source divine. 

Sans doute, dans 1’emploi d’un levier moral aussi puissant, il 
faut se conduire avec prudence et reserve, et viser a atteindre 
le but sans le depasser. II jmporte de s’opposer a l’eveil prema¬ 
ture du sentiment religieux , d’empecher faeces de tout ce qui 
ANNAL. MED.—PSYCH. T. VI. Juillet 1845. 7. 7 



98 VI SITE 

peut l’exalter, de teuiporiser avcc ceilains caractfcres et dans 
certains cas d’alit'nalion mentale. Dans les melancolies mysti¬ 
ques surtout, il est indispensable d’eloigner toutes les occasions 
propres a activer un sentiment ddsordonne; toute lecture, toute 
conversation relatives & la religion doivent filre interdiles. 
Taut que le mal est dans toute sa force, on ne pent sans danger 
•cultiver Ic sentiment religieux; mais, dans ces cas exceptionnels 
meme, on peut, dans le principe ou au d6clin de la maladie, 
esperer etre utile en cherchant a redresser tout ce que l’esprit 
contient d’errone sur les sujets religieux. Si, ties l’origine de 
la maladie, on a le soin de pr6senter la religion sous l’aspect le 
plus consonant; si la toute-puissance de Dieu est plutot invoqufie 
com me source de misfiricorde que de chatiment; si des pas¬ 
sages de l’Ecriture, empreints de douceur et de clemence, sont 
mis avec discernement sous les yeux des melancoliques pour- 
suivis par des frayeurs sans cesse renaissantes de punition <5ter- 
nelle, on parvient quelquefoisa arreter la marche de la maladie 
et & mettre obstacle 5 des tentalives de suicide. Les memes 
moyens procurent les memes rfoultats lorsque le delire mys¬ 
tique a perdu de son intensity, et que le malade est accessible 
a quelques distractions. 

La culture du sentiment religieux chez les abends n’est done 
pas seulement un devoir; elle est unmoyen precieux de traite- 
ment par sa puissante diversion aux preoccupations maladives, 
en meme temps qu’elle est une source de consolations pour 
toutes les douleurs. 

Il s’agit maintenant de regler l’ex6cution de ce principe. 

Est-ce au mddecin, arbitre supreme de tout ce qui 
concerne les alien6s, a se charger sans partage de la cul¬ 
ture du sentiment religieux ? C’est lui qui connait le mieux la 
diversity des all6rations des sentiments et des id6es, et lui seul 
connait les alterations du physique concomitantes. C’est a lui, 
comme h leur centre nature] , que doivent aboutir toutes les 
parties du service d’un asile d’ali6nes. Il les resume en sa per- 



a l'ktablissement d’ali£n£:s d’illenau. 99 
sonne, et I’unitfi d’aclion qu'il constilue est le mobile le plus 
puissant pour remuer les cceurs , rfigler les intelligences et har- 
moniser les differentes faculties de notre nature intellectuelle et 
morale. A tons ces litres , le medecin a des droits imprescripti- 
bles pour donner l’impulsion a la culture du sentiment religieux 
chez ses malades, pour pr6ciser les cas ou elle peut etre favo¬ 
rable, et pour determiner les bornes dans lesquelles doit en 
etre circonscrit Texercice. Plus ce levier est puissant sur les 
ames, plus le medecin doit Stre soigneux d’en surveiller l’em- 
ploi et plus il doitse montrer tuteur zele et intelligent des infor¬ 
tunes mineurs confies a toute sa sollicitude d’homme, comme 
aux Iumieres de sa science speciale. Mais doit-on induire de 
ces fails, dont je sens toute la veriie et toute 1’importance, que 
le medecin peut faire entendre aux alienes le langage le plus 
convenable lorsqu’il s’agit de religion , et que lui seul doit com¬ 
mander, au nom des principes religieux, la resignation et l’em- 
pire sur soi-meme? Non certainement. Pour moi, du moins, je 
n’entends pas ainsi les devoirs d’un medecin d’alienes, relati- 
vement a l’exercice du sentiment religieux, et je deifigue mes 
pouvoirs a l’autorite ecciesiastique dans les limites que j’ai deji 
posees, c’est-a-dire avec la reserve de tous mes droits de 
tuteur et de medecin. 

Le prgtre seul reunit toutes les conditions de puissance et 
d’action sur le sentiment religieux; tout en lui donne l’6veil a 
ce sentiment, et l’actualite de l’impression, et la vivacite des sou¬ 
venirs , et l’autorite de sa parole. Le medecin peut, sans doute, 
parler de religion & ses malades avec dignite et dans les moments 
les plus opportuns; mais rarement il exerce de l’iiifluence sur 
leur esprit, parce qu’il n’est pas revStu du caractere sacre et 
qu’il n’a pas pour mission de rappeler aux hommes les lois di¬ 
vines. Chez les protestants eux-memes, qui jouisseirt de la li - 
berte d’interpreter les Ecritures el qui sont affranchis de la 
confession, leurs pasteurs, dont Taction se trouve ainsi ires 
restreinte, doivent neanmoins, plus que le medecin, sous le 
rapport religieux, impressionner le cceur et Tesprit des alienfo; 



100 


VISITE 


A -plus forte raison l’intervention du prelre esl-el!e indispensa¬ 
ble chez les catholiques; par la direction de la conscience , par 
la fixild des dogmes et la pompe du culte, il exerce une in¬ 
fluence incomparable, il captive les sens, l’imaginalion et 1’ame 
tout enliere. 

Mais pour produire lout le bien qu’on doit attendre de son 
minislere, il ne suffit pas que le pretre celdbre les offices en 
presence des abends, qu’il leur fasse ineme des instructions re- 
ligieuses; ce sont la des avantages sans doute, puisque l’eveil 
du sentiment religieux peut en etre la suite, et que la reflexion 
solitaire et le retour des memes ceremonies peuvenl le deve- 
Iopper. Mais comment le prdtre agira-t-il efficacement sur des 
malades qu’il ne connait pas, el comment des sermons fails 
pour tous pourront-ils produire-iyie forte impression sur cha- 
cun ? Pour entrer dans l^Vvii^ du .traitemeiH moral dont nous 
avons pose les bases, /t^roupobfeiTir ,ungrand rdsultat de l’in- 
lervention d’un prel/^lanjpRp^le d’alldnfcs , il importe que, 
par de frequents raroqj-ts av®e^' jj's.Jejnpaiie de leur confiance 
et pdnetre dans l’intnae coT^^s^cp^es idejes maladives, des 
sentiments alteres, l Ejj|)’il v6r.ie-.so!i y langage kelon les formes si 
diverses des maladi^ajtentafei^ef ieJga.Jes/individualitds plus 
diverses encore; il faubmffil pi^wtionne ses/di scours a la mesure 
comme aux e,carts de reptrtliitel11 ge ri cp e t de leur moral. Ce 
n'est qu’a cette condition qu’il pourfa arracher les uns & leurs 
preoccupations maladives, et fixer I’irrdguliere mobilile des 
autres, pour faire gouter a tous les dogmes et la morale du chris- 
tianisme. Cette necessity entraine evidemment lit residence du 
pretre dans l’etablissement, et alors se presente cette question 
delicate et complexe : Quels doivent etre les rapports du pretre 
avec le medecin et avec les alienes? N’a-t-on pas it redouter 
que le pretre n’usurpe, nedetruise l’autorite du medecin? N’a- 
t-on pas it craindre que, par un excds de zele, il ne depasse le 
but en donnant au sentiment religieux un ddveloppement exa- 
gcrd? N’y a t-il pas danger enfin a prendre pour auxiliaire du 
traitement un homme etranger aux connaissances mddicales ? 



A L’fiTABLISSEMENT d’auENES D’ttXENAU. 101 

Ces trois objections se reduisent it une seule : le pretre se 
soumeltra-t-il a l’autorite mfidicale? Nous souitnes loin de con- 
tester la valeur de cette objection. Sans doutc l’esprit de domi¬ 
nation peut arniner un pre:re et entrainer de graves inconve- 
nients; mais conclure de la possibility d’un fail it sa realite, it sa 
frequence telle qu’un principe dont nousavons montr<5 l’excel- 
lence doit etre rejete par cela seul, c’cst rorapre avecla logi- 
que pour cedcr it un sentiment de frayeur; c’est supposer gra- 
tuitemcntle developpement des mauvais penchants de la nature 
humaine, et ne pas comprendre ce que peut dans les ames 
61ev£es et gdnereuses le zele du bien et le dfivouemcnt pour de 
nobles occupations et pour l’accomplissement de ses devoirs. 
Ges craintes d’aillcurs ne tendenl pas it attfinuer la valeur du 
principe; elles ne s’adressent qu’aux consequences qui peuvent 
en decouler, et qui, loin d’etre inherentes it ce principe, ne de¬ 
pendent absolument que des hommes charges de l’appliquer; 
ce n’est done lit qu’une question de- personnes, et 1’on sait 
quelles solutions rccoivent les questions de ce genre: on 6puise 
toutes les voies de persuasion, et si la triste conviction de ne 
pouvoir s’entendre est acquise, les statuts de l-’etablissement 
donnent le inoyen de se separer, et l’autorite du medecin n’en 
devienl que plus 6clatante a tous les veux. 

Pour nous, nous avons la conviction que la bonne har¬ 
monic enlre le pretre et le m&lecin sera la regie, etla mes- 
inielligence une rare exception; la voix du medecin sera 
ecoutce lorsqu’elle sera contrainte de s’elever pour parer aux 
inconvenients d’un zele trop ardent, en admettant d’ailleurs 
que ses observations se produisenl avec reserve et conve- 
nance; il sera dgalement facile de persuader a un pretre, sans 
faire la moindre infraction a sa liberty, de s’abstenir dans les cas 
ou son intervention est jugee nuisible. L’essentiel est que le 
choix du pretre soil bien fait, et que ses rapports avec le me¬ 
decin soient fondes suruneestime et une bienveillancc recipro- 
ques. Si le prStre est eclaire, modere, doux par caractire, il 
sentira que 1’unite d’action est indispensable a l’amelioration du 



102 


V1S1TE 


sort des alien6s, comme au traitement des maladies mentales, 
et que 1’impulsion doit necessairemeni etre don nee par le mede- 
cin, puisque lui seul connaissant tous les faits, peut le mieux 
enfairefructifierla connaissance.et puisque c’est lui que les plus 
puissants interets lient aux malades, et sur lequel pfcse la plus 
grave responsabilite. Dans cette persuasion, l’ecclesiastique s’ef- 
forcera dans toules ses paroles, dans tous ses actes, de devenir 
1’interprete fidele de la pensee medicale. Loin de songer a usur¬ 
per l’autorite medicale, il mettra tous ses soins a la relever aux 
yeux de tous, bien convaincu que c’est un moyen certain de 
concourir au succfesdu traitement. Si, de son cote, le medeciu, 
plein d’6gards pour la dignite du sacerdoce, saisit toutes les 
occasions de fairesentir l’importance de sa mission; si, tout en 
restant inibranlable dans la suprematie de l’autorite medicale, 
il sait la faire aimer et respecter par l’amenite et la ddlicalesse 
de ses precedes; s’il prepare les voies li son puissant auxiliaire, 
au lieu de l’entraver dans sa marcbe ; s’il a assez d’elevation, 
d’intelligence et de bonle de cceur pour ne pas etre lente d’eri- 
ger en pouvoir despotique son autorite tutelaire , i’heureux ac¬ 
cord entre le medecin et le pretre est assure; des rapports fre¬ 
quents et pleins de franchise premunissent contre les fausses 
interpretations, et arretent le mal avant qu’il ait pousse de pro- 
fondes racines ; toule rivalite devient impossible; ils se servent 
mutuellement d’appui, el ainsi tout concourt au libre develop- 
pemenl de l’exercice du sentiment religieux. 

Reste, en partiedu moins, la troisieme objection, tiree dudefaut 
de connaissances medicales chez le pretre. Nous reconnaissons 
volontiers que les ecclesiastiques, comme les hornmes du mondc 
en general, lesjurisconsultes el les psychologues de profession, 
son l disposes a ne considerer dans la folie que l’eiemen t in tellect uel 
de notre nature, et que, par 1’abstraction de l’eiement materiel, 
ils ont des manieres de voir exclusives, erronees, et que par suite 
ils sont exposes a avoir, envers les alienes, une conduite partiale, 
injuste et ne repondant pas a tous les besoins du traitement. 
Mais, une fois admise la necessite de se soumettre a la direction 



A L’fiTABLISSESlENT D’ALlliNES D’lLLENAU. 103 
du medecin, le pretre u’a pas besom deludes medicales appro- 
fondies; autant elles sont iudispensables au medecin pour ap- 
precier les indications si diverses des maladies mentales el pour 
prficiser le mode de iraitement applicable a chaque individua¬ 
lity, autant, dans l’execution et lorsquela ligne generate de con- 
duite est bien tracee, il est possible de faire beaucoup. de bien. 
aux alienes par la seule possession de ee tact pratique qui.re- 
sulte d’un jugement prompt et sur et de la connaissance des- 
homnies, et auqucl le medecin lui-meme doit souvent ses plus 
lieureuses inspirations. Nous devons d’ailleurs ajoutcr que la: 
connaissance des homines est insuffisante pour parler convena- 
blement aux alienes, et que le pretre, pour devenir l’auxiliaire 
du medecin , doit ytudier leurs mceurs et leurs habitudes. Ce 
n’est qu’a ce prix qu’il trouvera dr,s paroles approprtees a 
leurdtat special, et quesa conduite pourra clre judicieusement 
calculate sur les particulariles de leur delire. Mais l’apiilude it 
saisir ces particularites se developpera facilement sous la direc¬ 
tion medicate, et un pretre intelligent, vivanl au milieu des 
alienes, se familiarisera facilement avec le caractere special de 
leurs affections. Ne vouloir pas lui confier le role d’auxiliaire 
du traitement ainsi compris, ce ne serait rien moins que pro- 
clamer 1’exclusion de tout auxiliaire, et refuser a tousl’accesau- 
pres des alienes par la raison que toute parole proferee devant 
cux, tout acle fait en leur presence, peuvent exercer une in¬ 
fluence facheuse sur leur esprit. 

Ainsi tombent toutesles objections contre la-culture du senti¬ 
ment religieux par le ministere d’un pretre dans les asiles 
d’alienes. L’iutervention d’un pastcur est legitimee, les func¬ 
tions et les prerogatives du pretre et du medecin sont bien dc- 
finies, la hierarc-hie est bien fixee, les conditions de bonne 
harmouie entre le pretre et le medecin sont etablies et consen- 
ties, et dans le cas de conflits, force resle a l’autorite medicale. 
Dans cet 6tat de clioses, le mfidecin doit desirer et favoriser 
I’action du pretre, meine en dehors de I’action r'eligieuse; il 
provoquera de frequents rapports de societe entre le pasteur et 



104 VISITE 

les attends; dans l’intdrdt bien entendu de ccs infortunds, il 
l’engagera a faire des cours varies selon le degre d’ouverture de 
leur esprit et selon leur position sociale; enfin, dans certaines 
circonstanccs.il ne manquera pas de niettre a profit 1’influence 
toute particuliere sur les ames que lui donne son caractdre re- 
ligieux, pour obtenir des confidences sur les causes des mala¬ 
dies , et sur les idees et les sentiments les plus intimes que les 
femmes surtoul ddrobent souvent avec tant de soin a sa con- 
naissance. 

L’action des prelres ainsi comprise n’est exercee que dans 
tin tres petit nombre d’asiles d’alienes. Elle est en bonneur a 
Siegburg, a Illenau et dans mon service de la Salpetriere. 

Le docteur Jacobi, qui a tant fait pour 1’amelioration du sort 
des abends et pour le progrds de la speciality des maladies men- 
tales, s’empressa d’inaugurer a Siegburg l’exercice du senti¬ 
ment religieux par l’intermediaire d’un prelre calholique et 
d’un pasteur protestant. Ce sage medecin proclame l’influence 
bienfaisante de cet exercice sur l’esprit des abends; il avoue 
que les resultats ont ete different suivant les divers degrds de 
capacity des ministres de la religion, mais il assure qu’il n’a 
jamais eu h deplorer ni le moindre conflit d’autorite ni le plus 
leger inconvenient. Apres une experience de tant d’anndes, 
ajoute-t-il, je regarderais comme un raal irreparable l’eloigne- 
inent des pasleurs de l’etabbssement de Siegburg. 

Le docteur Roller s’est empresse de procurer a Illenau un 
avantage aussi precieux, et il en a assure le bienfait d’une ma- 
niere plus forte qu’a Siegburg meme, en faisanldoter avec plus 
de genyrosite les fonctions des pasteurs. Nous avons deja dit 
de quels egards le docteur Roller les entoure, et comment il 
entend leur participation aux soins des alidnes : ils ne sont pas 
seulement charges de tout ce qui concerne la culture du senti¬ 
ment religieux, ils font aux abends des cours varies selon leur 
diversity d’intelligence et d’instruction, ils ont avec eux des en- 
trclicns frequents, et les accompagnent souvent dans leurs excur¬ 
sions; de plus ils instruisenl, morabsent lesgardiens, et leur 



A l’£TABLISSEMENT D’ALICES d’illenau. 105 
font sentir l’importance de leur mission. Enfin , sous la direc¬ 
tion medicale, ils prennent connaissance de lous les documents 
qui peuvent les rendre plus aptes 5 remplir leur role d’auxi- 
liaires, el ils participent activement au traitement moral des 
alienes. Tantot ils preparent l’action des medecins en leur reve- 
lant des causes ou des symplomes caches dont la confidence est 
due au caraclere sacr6 dont ils sont revelus; tantot ils devien- 
nent aupresdes alienes les interpretesde la pensfie medicale, que 
leur intermediate rend plus facile a accepter et plus puissanle: 
toujours ils secondent avec discernement et perseverance l’au- 
torite medicale. Aussi, le docteur Roller, appreciateur si judi- 
cieux de tant de soins pour les alienes et de leur deference pour 
les avis des medecins, rend une justice complete 5 ces dignes 
auxiliaires; il vit avec eux dans une parfaite harmonic, et lors 
de ma visite h Illenau, ce medecin, plein de circonspection et 
d’une experience consommee dans la specialitfi des maladies 
mentales, me disait avec l’accent d’une conviction profonde, 
que, prive du concours des pasteurs, il ne consentirait pas a 
etre medecin d’un asile d’alienes. 

Les considerations que j’ai presentees sur 1’ulilite de l’exer- 
cice du sentiment religieux et de l’intervention d’un pretre 
coinme auxiliaire du medecin , soil pour le traitement moral, 
soit pour la recherche de certaines causes, de quelques idees 
maladives, de quelques alterations de sentiments, indiquent 
assez quelle est, sous ces rapports imporlants, ma pratique dans 
mon service de la Salpetriere Ce n’esl pas ici le lieu d’entrer 
dans des details a cet egard; il suffira de dire que l’application 
des principes exposes recoit toute l’extension qui est en mon 
pouvoir. Le digne ecclesiastique, M. l’abbe Christophe, qui, 
sous ma direction, veut bien donner a nos malades l’appui de 
son ministbre, fait tous les jours, comme moi, sa visite dans 
toutes les salles, et jamais son costume ni sa personne n’ont 
ete l’objet de la moindre decision. Deux fois par semainc, il 
fait des instructions religieuses a plus dequatre-vingts alienees, 
et sa parole est toujours ecoutee avec recueillement. En outre, 



106 VISITE a l’etablissement d’ali£nes d'illenau. 
il a des entretiens particuliers avec lcs alienees que je lui de- 
signe, et ces entretiens ont eu souvent pour eflet de lesrassurer, 
de les calmer, de suspendre leur delire , et meme de le faire 
cesser enlierement dans deux circonstances remarquables. Plu- 
sieurs fois, ce n’est qu’a la suite des entretiens de l’excellent 
abb6 Christophe avec nos malades que je suis parvenu a con- 
naitre leurs sentiments les plus intimes. Son discernement, 
son z&le, sa prudence, les qualites bienveillantes de son ame, 
unis & une religion qui a des consolations pour toutes les dou- 
leurs, rendent sa cooperation tout-a-fait precieuse. Malheu- 
reusement, le manque de chapelledansl’enceintede ma section 
privesa parole de la puissance, si grande surl’esprit de l’homme, 
d’un lieu consacrfi au culte; ses instructions religieuses ont 
lieu dans la salle des 6coIes, et ses entretiens avec les malades, 
dans mon cabinet. (Les alienees remplissent leurs devoirs de 
pi6te dans l’figlise de l’hospice.) 

Esperons que l’adminislration des hopitaux, toujours preoc¬ 
cupy d’apporter a chaque misere une assistance efficace, et qui 
d6ja , par la nomination d’un quatrieme aumonier a la Salpe- 
trifire, a si bien seconds nos vues, remplira le plus tot possible 
une lacune si regrettable (1). Alors la Salpetriere preseiilera une 
organisation complete sous le rapport de I’exercice du sentiment 
religieux; et cet exemple sera d’autant plus fecondenbons rc- 
sultats que la Salpfitri6re, par son ^tendue, par la beaute et le 
nombre de ses batiments, comine par l’influence des grands 
noins de Pinel et d’Esquirol, jouit du privilege d’attirer les 
visiteurs de toutes les parties du monde. 


(1) Le batiment du manege, acluellement sans emploi, esl libs bien 
dispose interieuremenl pour remplir celte destination. Ma demande A cet 
egard m6rilerait d’aulant mieux d’etre accueillie, que, par sa position, ce 
batiment, transforms en chapelle, pourrait servir a toutes les sections des 
aliSnSes, et realiserait en meme temps une vue pieuse de l’adminislration. 
relalivement a I’infirmerie gSnSrale de l’hospice de la SalpSlrifcre. 



NOTE 

RELATIVE AUX PRINCIPALES CONDITIONS QUE DOIVENT OFERIR 


LES LIEI1X D’AISANCES 

DANS LES ASILES D’ALIENtiS. 


Les constructions dcs latrines dans les maisons consacrees au 
traitement de la folie intfiressent a un haul degre l’hygiene 
propre a ce genre d’edifices. Je pense done etre utile a mes 
confreres en leur communiquant la note suivante. 

Les lieux d’aisances dans les asiles d’ali6n6s doivent remplir 
plusieurs indicationsque je classe ainsi: 1° surete, 2° morality, 
3° salubritc, U° economic, 5° aspect dloignant toute sensation de 
degout. 

Les latrines, telles qu’elles sont tracees sur Ie plan de l’asile 
d’Auxerre, et telles qu’elles ont ete executes, me semblent 
reunit' ces priucipales conditions : 

Surete. Les fenetres sont perches de facon it s’opposer a toute 
tentative serieuse d’dvasion. La porte d’entree (C) est depour- 
vue de gonds. On a evite de mettre a la portee des alienes des 
barreaux auxquels ils pussent suspendre un lacs pour execuler 
des projets de suicide : car les melancoliques recherchent ordi- 
nairement les lieux qui les souslraient a l’ceil vigilant de leurs 
compagnons d’infortune, ou a celui des gardiens, peur termi¬ 
ner leurs souffrances. Les lunettes (F) ou s’accroupissent les 
malades aboutissant a l’aide de tuyaux de conduite a trois 
tinettes(D) placees sous une voule (B), il en resultc que les ef- 
fets jetes par eux dans les fosses d’aisances se retrouvent vile el 
facilement. 



•108 LIEUX D’AISANCES 

Moralite. Les alienes etant enclins par la nature de leur ma- 
ladie aux perversions de la seusibilile et aux £*garemenls des 
passions, il est necessaire d’observer tous les actes de leur vie. 
Les latrines , par cela merne qu’ellessont isolees, doivenl offrir 
les mnyens d’une surveillance active et commode, en mettant la 
pudeur du malade a i’abri de toute inquietude. Pour obtenir ce 
resultat, on peut, cornme nousl’avons fait, dtablir surl’unedes 
parties lateralesde la facade regardant le prdau, une porte a 
cote de laquelle on laisse un espace d’environ l m , 50 pour 
la disposition de trois sieges, dans la prevision de quaranle- 
huit alienes. On adapte, en outre, a cette porte une vanne mo¬ 
bile qui rend un examen prompt et simple, sans etre genant. 
On mur d’un metre de hauteur (G) separe chaque lunette; et, 
par son eioignemenl des fenetres, ne peut servir de marclie- 
pied pour s’eiever jusqu’a elles, et devenir un moyen d’evasion 
ou de precipice. 

Salubrite. Une question tres importanle et Ires longlemps 
debaltue est celle de savoir quel est le meilleur emplacement a 
donner aux lieux d’aisances dans un asile d’alienes. Doivent-ils 
etre contigus aux bStimenls occupes par les malades, ou en 
cue scpares par un inlcrvalie plus ou moins considerable? Nous 
pensons avec Esquirol et M. Ferrus, dont les noms font auto¬ 
rite, que nonobstant les inconvenients attaches au parcours que 
les alienes out a faire pour aller aux latrines, cedes-ci,.6levees 
a unc petite distance des batiments, sont pi us convenablement 
siluees. En effet, cet isolement favorise la circulation de Fair 
enlre ces batiments et les latrines, et par consequent preserve 
lesdorloirs, les sallesde travail, les refectoiresde miasmes perni- 
cieux a la saute dejiialleree des malades. On objecte, a la verite, 
que pendant la nuit ces derniers ne pourront sans danger s’expo- 
sera l’intemperic des saisons pour penetrer aux lieux d’aisances; 
mais cette objection tombc devant la mesure qui consiste a placer 
sur les paliers de chaque dortoir, 6claire par une lampe, un 
baquet reposant au centre d’une plate-forme en zinc, oil les 



DANS LES AS1LES D’AUEnES. 109 

ali£nes se rendent pour la d6f6calion, un vase de nuit pose sous 
chaque lit 6tant destine a recevoir les urines. L’experience con- 
firme l’avantage de ce mode de siege, qu’on enleve et netloie 
tous les matins. 11 est inutile d’ajouter qu’on se sert de bassins 
et de chaises portalives pour certains malades couches a l’infir- 
merie. Quant aux courants d’airobtenus parle procede Darcet, 
ils presentent un vice radical, indSpendamment des frais qu’ils 
occasionnent. Pendant les temps calmes, les miasmes emportes par 
la rapidite de l’air dilate par la chaleur, condensds a une cerlainc 
hauteur par une atmosphere froide, cedent li leurpropre poids, 
retombent pres des latrines, et devienuent un foyer d’infection 
pour plusieurs quartiers de 1’etablissement. 

Pour eviter toute exhalaison insalubre, nous avons cru qu’il 
fallait recourir aux fosses mobiles consislant dans trois tinettes 
qu’on retire de la voute ou elles sont assises par un trou d’ex - 
traction (e) ouvert en dehors des preaux; et pour assurer la ven¬ 
tilation, nous avons pratique sur les parties laldrales de cette 
voute, dans des endroits correspondants et opposes, une ouver- 
ture infundibuliforme (H) qui en ddfend l’entrde et permet a 
l’air de se renouveler frequemment. L’dlage superieur (A) est 
perce au nord, it l’est et al’ouest (I). La face exposee au midi 
est close, afin d’empecher, sous l’influcnce d’un air chaud, le 
degagement de gaz fetides et nuisibles. 

La partie inferieure et posterieure des tuyauxdeconduitefait 
une saillie formant obstacle a ce qu’une partie des matieres qui 
les parcourt suive les parois de la voute au lieu de descendre 
dans les tinettes. Tous les murs sont enduits de cimcnt romain 
de Vassy, et les dalles sont legerement inclinees vers les lunettes, 
de maniere a supporter-sans degradation le lavage a grandes 
eaux chargees d’une dissolution do chlorure de calcium et a 
faciliter 1’ecoulement des liquides dans les fosses. 

Les latrines rectangulaires se trouvent a cheval sur un saut 
de loup (.1), ce qui les rejette hors des pr6aux et rend appli- 
cables les idecs enoncees ci-dessus. 



110 LIEUX D’AISANCES DANS LES ASILES D’ALlfeNfiS. 

Economic. II est certain qu’une sage Economic doit pr6sider 
a l’616vation de tout 6tablissement public., 1’administratiou 
devant un compte rigoureux des deniers quilui sontconfies par 
un pays dont les besoins sont toujours tres nombreux et les res- 
sources restreinles; maisil ne faut point oublier que l’Sconomie 
bien entendue cesse du moment ou Ton neglige une des condi¬ 
tions essentielles au succfes, ou lorsqu’on atteint imparfaitement 
lebut qu’on se propose. On concoit aisement ia necessity de se 
conformer aux principes sus-mentionnes, el nous 6valuons 
experimentalement Ia construction d’un pavilion tel qu’il est 
d6crit it 1,200 francs, ce qui est conforme aux devis dresses 
par M. Boivin, architecte distingufi du ddparteinentdel’Yonne. 

Aspect. Enfin il convient que ces pavilions soient construits 
simplement, de maniere cependant a ne point inspirer de d6- 
gout aux malades qui les frequentent et ci pouvoir exiger de leur 
part les plus grands soins de propret6. 

Pour l’intelligence du texte , nous avons joint ci notre expose 
une planche repr6sentant les latrines telles qu’elles existent et 
que nous les conseillons. 

H. GIRARD. 


Nous continuerons, dans le prochain numero, le travail de 
ill. Renaudin, sur 1’Administration des asiles d’alienEs , 
que nous avons et6 forces de suspendre momentan&nent. 



REVUE FRANCAISE ET ETRANGERE. 


JOURNAUX FRANQAIS. 


Revue medic o-legale ties journaux judiciaires pour les mois 
de Mars et Avril 1845. 

PREDESTINATION. — VISIONS RELIGIEDSES. 

On lit dans 1 'Echo du Nord (1" avril): « La nouvelle d'une dis- 
parition aussi brusque qu’Etrange nous est & 1’instant commu- 
niquEe. 

» Un de nos concitoyens, connu dans Lille par la tournure 
romanesque de son esprit et par ses visions religieuses, vient de 
planter li famille , Etablissement, emploi public : il est parti pour 
la Meilleraye (Deux-Sfevrcs) dans la berline d’un riche dEvot, pro- 
priEtaire de la rue Royale, qui a un fils moine profes h Laval, le 
jeune V..., qu’on rencontrait, il y a quelques annEes, dans Lille, 
toujours en compagnie de son gouverneur ecclEsiastique. 

» ... va prendre le chapelet et la croix de bois. Il est al)E, dEs 
le printemps de son automne, creuser sa tombe dans l’asile du si¬ 
lence et de la mort, se rEclure, en un mot, pour le reste de ses 
jours, dans le couveut des frfercs de la Trappe. 

» Notre ex-concitoyen, dans une lettre sous cachet noir a l’a- 
dresse de son Epouse, exprime ainsi l’objet de sa relraite : 

» Je vous quitte forcEment; Yordre du del me pousse hors du 
monde. J’avais manquE ma vocation. Dieu, dans sa misEricorde , a 
daigne me visiter et me remettre dans le bon chemin. Ma prEdes- 
lination Etait la rfegle , la priEre, des veeux; j’entre dans la 
regie, je vais prononcer des veeux, prier pour lous. Adieu; nous 
nous embrasserons un jour dans la vie rEelle : celle-ci n’est qu’un 
songe. » 

PrivE que nous sommes de renseignements propres a Eclairer 
notre diagnostic, nous devons nous borner , en transcrivant Yoi- 
servalion qu’on vient de lire, it souligner les passages qui ont at- 
tirE notre attention. 

II nous a semblE , en outre , qu’un pareil fait Etait de nature 5 
faire naitre une question mEdico-lEgale, dans le cas (supposE) oCt la 



M2 REVUE FRANCAISE ET ETRANGfcRE. 

famille dans ses interets par la rclraiie de son chef, croirait 
devoir intervenir et aller a l’encontre d’une resolution que des 
visions ont inspirde. 


MEURTRE. — SUICIDE. 

C..., teneur de livres, est vivement affecld de la perle de sa 
femme, qu’il avail entourde de soins pieux pendant sa maladic. 
AprCs la cerdmouie des obsdques a laquelle il avail assistd, ayant 
a ses cOtds son jeune fils agd de dix ans, C... congddia ceux qui 1’a- 
vaienl aidd & rendre les derniers devoirs a sa femme , en leur di- 
sant qu’ils le voyaient pour la dernifere fois, car il ne se senlait pas 
la force de lui survivre. 

Dans la nuit, feignant d’etre plus calmeafm d’dloiguer sa belle- 
mere, qui n’avait pas voulu le laisser seul, il se retira dans sa cham- 
bre. Peu de temps aprds , le malheureux C... tua son fils d’un 
coup de pistolet tire a bout portant, et se fit ensuile sauler la cer- 
velle avec la mdine arme. (Gazelle du 9 avril.) 

L’alidnation mentale serait difficilemcnt revoqude en doute dans 
le cas que nous venons de ciler. Le meurtre qui a precddd le sui¬ 
cide nous parait dire une preuve irrdcusabfe que le pauvre G... a 
cdde a une impulsion irresistible. Remarquons, toutefois, la rapi- 
dild avec laquelle le trouble intellectuel s’est elevd au plus haut de- 
grd de violence et d’entrainement! Il est done vrai que quelques 
lieures suffisent pour faire del’liomme le plus raisonnable tin 
alidnd, un fou homicide (1). Tourquoi done invoque-t-on si sou- 
vent, pour dlabiir la culpabilite d’un individu, le peu de temps 
quis’esl dcould enlrel’dpoque ou il jouissait encore de la pldnitude 
de sa raison et celle ou il a commis les extravagances qu’on lui im¬ 
pute d crime? Espdrons qu’d force d’arrdter 1’atlcnlion sur des 
fails analogues d celui que nous venons de signaler , on finira par 
lesapprdcier commc ils doivent l’etre , et que l’on reculera moins 
devantlcs consequences qu’il faut en tircr. 


(1) C’est qu’il suifil d‘un instant pour que la modification psycho-cdrd- 
brale, qui est la source esscnlielle de tous les pkenomenes fondamcntau.v 
du delire, se ddveloppe et atteigne brusquement toule son intensity 
Rien n’dgale, sous ce rapport, Taction rapide, fulguranledes affections 
morales, de ccs passions, « dont la soudaine explosion entrave lout-d-coup, 
suspend momentandment, mais d’une manicre absolue, le jeu reguiier dcs 
facultds inlellectuelles, exactcment A la manure des congestions cdrdbrales 
ou d’un vertige dpileptique. » (Voir l’ouvrage que nous venons de publier, 
intitule : Du Hachisch f.t de l’alienation mentale. ) 




JOURNAUX FRANgAIS. 


113 


ALIENATION 1IENTALE. — SUICIDE (VARIEtE NON ENCORE SIGNALEE DE). 

Au moment ou l’assassin de M. Delarue, Thomas Hocker, allait 
expier son crime, un episode inattendu a semblE pouvoir retarder 
de quelque temps ce lugubre denouement. 

Un malheureux aliEnE avait offert de se parjurer en se declarant 
coupable du meurtre pour lequel Hocker etait mis en jugement. 
Selon toute apparence, une exaltation chevaleresque en faveur d’un 
homme que, sans doute, il croyait innocent, l’avait portE k cet 
acte de devouement inoui'. 

Voici quelques passages de la lettre k l’aide de laquelle il espE- 
rait donner le change it la justice ; il l’avait adressee a Hocker dans 
sa prison : 

« Mon cher Thomas, je sais que tout le monde vous regarde 
comme coupable; mais vous ne mourrez pas seul; je sais que vous 
ne divulguerez pas ce secret si je ne me fais pas volontairement 
connaitre; lorsque le jour fatal sera arrive, je confesserai mon 
crime. Adieu. 

» J’ai visite, l’autre soir, le lieu du crime ; j’y retournerai et je 
me tirerai dans le cceur le pistolet que je porte toujours sur moi. 

« Excusez les ratures... J’ai luvotre defense; malheureusement 
les preuves vous accablaient, vous deviez succomber. Que Dieu 
nous pardonne tous deux I... 

» Si je ne suis pas mort samedi soir, je me livrerai 4 la justice, 
et nous mourrons ensemble. 

» Je vous ecris encore une fois pour vous recommander de dire 
que vous n’Etes pas le seul coupable, et qu’il y en a un autre qui 
a EchappE aux poursuites de la justice. Dites que c’est... vous sa- 
vez queje ne puis en Ecrire davantage. 

» Votre inforlunE Allan. >» 

Aprfes un court interrogatoire, le soi-disant coupable, dont la 
pbysionomie h6Mt6e trahissait le trouble mental, a EtE remis aux 
mains de son frfere avec recommandation de faire soigner sa santE 
physique et morale. 

Rien de plus commun que de voir des lypEmaniaques se persua¬ 
der qu’ils ont commis toute sorte de crimes, et appeler sur leur 
tEte la vengeance publique. Doit-on ranger Allan dans cette catE- 
gorie d’aliEnEs? Nous manquons de renseignements pour Eclairer 
notre opinion. Toutefois, le fait en question est digne d’intErEt et 
appelle toute l’attention des aliEnistes. Je ne sache pas que les 
fastes de 1’aliEnation mentale en prEsentent un seul analogue, II y a 

ANNA!.. MKD.-rSVCH. T. VI. Juillet 1845. 8. 8 



lift REVUE FRAN(;AISE ET ETRANGfcRE. 

la une variElE de suicide inconnue jusqu’ici, ou du moins que nul 

auteur n’a signalEe. 

HOMICIDE. — ALIENATION MENTALE. 

La femme d’un mEdecin de V... (Gironde), qui avait dEja-plusieurs 
fois EtE signalEe pour des actes non Equivoques de folie, a, dans 
un accAs de fiAvre chaude, donnE la mort ft son mari. 

C’est pendant le sommeii de ce dernier, et vers trois heures du 
matin, que celte femme, s’armant d’un couteau, l’a enfoncE A plu- 
sieurs reprises dans la poitrine de son mari. Puis, et bien que la 
victime respirAt encore, elle a fermE la porte de l’appartement, et 
s’est rendue a Bordeaux se dEnoncer au procureur du roi. 

L’accord le plus parfait rEgnait dans la famille, et jamais cette 
femme n’avait eu A se plaindre de mauvais procEdEs A son Egard. 
(Gazette du 23 avril.) 

Les meurtres de cette nature ne sont malheureusement pas 
vares. II faut remarquer que c’est principalement et presque tou- 
jours pendant la nuit qu’ils se commettent. La nuit, pour la plu- 
part des aliEnEs, comme pour les malades ordinaires , est le mo¬ 
ment ou le mal subit une certaine recrudescence, ou l’excitation 
est plus vive, od les idEes fixes sont pressantes, les impulsions 
plus irrEsistibles. Nul doute que la facilitE plus grande d’exEcuter 
lcurs desseins ne doive encore Eire prise en considEration comme 
cause dEterminante. 

J. MOREAU (de Tours), 


REVUE DES JODRNAUX DE IMUEDECINX 

DELIRE PARTIEL AVEC HALLUCINATIONS, par M. CAYOL. 

M. A..., appartenant A une familledistinguEe dans la finance, 
fut, dAs son enfance , en butte aux coups de la fortune. AprAs la 
perte de son patrimoine et la mort prEmaturEe de son pEre, il 
resta sans fortune avec sa sceur et sa mftre. II requt nEanmoins au 
collEge, avec l’instruction classique, une bonne Education morale 
et religieuse. II avait un jugement sain et le dEsir de bien faire. II 
se plaignait souvent d’une fatigue de lete, dEterminEe cliez lui 
par la contention d’esprit ou des contrariEtEs. II Etait d’ailleurs 
doux et affectueux pour ses parents. 



JOUKNAUX FRANgAIS. 


115 


Au moment de choisir un t5lal, quoique encourage par M. X..., 
son oncle , puissant par son crddit et sa fortune, M. A... dprouva 
ndanmoins des incertitudes et des perplexites pdnibles. 

Enfin, en juillet 1820, il partit pour 1’Angleterre avec un de. 
ses cousins , destind a suivre la meme carridre. Recommandds par 
M. X... au premier commis de sa maison de Londres, ils furent 
places dds leur arrivde dans une pension protestante, a quelques 
milles de la capilale. M. A..., journellement en butte & de petites 
tracasseries que lui suscitdrent les pratiques de sa religion, de- 
manda avec instance a en sortir au bout de quelques mois, sans 
faire connaitre la veritable cause de ses ddgouts. 

En janvier 1822, il vint demeurer d Londres, dans un logement 
situd tout prds de celui du commis de son oncle, avec lequel il eut 
alors des relations presque journalidres. Mais celui-ci, en lui faisant 
entrevoir les obstacles qu’il avail a surmonter, en lui rappelant l’im- 
possibilitd ou il avait did de vivre dans une pension de protestants, 
lui devint suspect; il se figura qu’il avait mission de tout faire 
pour le ddgoflter du sdjourde l’Angleterre. Cette mdfiance s’aug- 
menta de jour en jour, et bientdt il regarda comme des ennemis 
liguds contre lui, son tailleur, son bottier, puis tous les commis 
de la Citd et tous les francs-macons de Londres; car il supposait 
que le chef de cette conspiration dtait franc-maQon. Aux personnes 
qui lui faisaient des observations sur sa paleur et son changement 
de caractdre, il rdpondait que cela dtait dll aux manoeuvres em- 
ploydes contre lui. 

Il mandait a sa mdre qu’il ne pouvait faire un pas sans dire 
suivi, qu’on dpiait toutes ses ddmarches, et que sa correspon¬ 
dence n’dtait pas en silretd- Aussi employail-il la ruse pour ddjouer 
les projets de ses ennemis : il faisait remetlre ses leltres par des 
tiers, et il n’dcrivait plus qu’en style figurd. « Chere madame, 
» dcrivait-il & sa mdre, vo-us aurez vu par ma dernidre lettre que 
» le fils de la cousine de M. Lacroix-Saint-Michel (c’est ainsi qu'il 
» se ddsignait lui-mdme) est toujours en bonne santd, et le tout 
.. comme d’ordinaire: seuleraent, il s’est joint & quelques personnes 
» qui 1’accompagnent toujours. » 

Il suppliait sa mdre, dans cette mdme lettre, de faire parler au 
chef de la compagnie des francs-macons de Paris (a son oncle ), 
pour qu’il dcrivit au chef de la loge de Londres (le premier commis) 
de faire cesser un tel dtat de choses. 

Bientdt ses ennemis voulurent par la terreur le forcer a quitter 
l’Angleterre. Un crieur aposld sous ses fendtres lui avait annoncd 
en anglais sa perte assurde dans la quinzaine; le bruit de la rue 



116 HE VUE FRANgAlSE ET LTRANGfcRE. 

1 ui deviol insupportable ; il apereevait au travers des croisdes un 
homme paraissant inscrire des notes dans un portefeuille. Quand 
il sortait, il voyait toujours a sa porte un inSme fiacre ayam pour 
armes des emblfemes menagants, tels que des sabres et des dpdes. 
Des hommes armds se trouvaient souvent a ses cdlds dans la rue, 
et s’entretenaient a voix basse en le regardant. 

Madame A..., effrayde d’abord des plaintesde son fils, ne tarda 
pas A dire convaincue qu’il dtait affectd d’alidnalion mentale ; elle 
partit en toute hate et arriva bientOt a Londres. 

Prdvenude celte arrivde, M. A... regarda cette nouvelle comme 
une mystification. Il entra en fredonnant dans la chambre oh se 
trouvait sa mdre, et la recut froidement. Malgre la vraisemblance 
du rdcit que lui fit son fils, madame A..., ddj4 effrayde du change- 
ment survenu dans sa figure et ses manidres, ne tarda pas a re- 
cueillir de nouvelles preuves de sa maladie en le voyant lui signaler 
comme des espions et des conspirateurs les personnes qui passaient 
tranquillement dans la rue. Elle essaya de le ramener 4 la raison 
par ses sages conseils ; mais elle devint dds lors pour lui un objet 
de mdfiance, et perdit tout crddit sur son esprit. 

A son retour S Paris, le 8 juillet 1822, l’dtat mental de M. A... 
ne se rdvdlait nullement dans une conversation ordinaire; mais on 
dlait frappd de son changement de caractdre: il dtait devenu froid et 
tranchant dans ses discours avec sa mdre et sa soeur, enclin & la 
prodigalitd. Il raisonnait bien sur toutes choses; mais il n’en dtait 
plus de mdme dds qu’on lui parlait de ses ennemis de Londres : il 
s’en expliquait cependant avec calme et une certaine rdserve qui 
donnait plus de vraisemblance & ses rdcits. 

11 s’inquidtait de voir sortir ou dcrire les personnes qui dtaient 
auprds de lui; il dprouvait souvent apres le repas une sorte d’acca- 
blement, de pesanteur de tdte, un malaise particulier dans les 
oreilles; il changeait d’iddes, de projets et de volonte d’un mo¬ 
ment 4 l’autre. 

Envoyd 4 la campagne sous la conduite d’un parent, pour lequel 
il conservait beaucoup d’attachement et de respect, il vit dans ce 
voyage un nouveau sujet de mdfiance. Il dcrivit secrdtement a son 
oncle qu’il dtait viclime d'une intrigue de sa mdre, dont il avail 
beaucoup de motifs de se mdfier ; il attendait ddsormais tout de son 
oncle, et ne voulait rien faire que par ses ordres. 

M. X..., dtonnd d’un changement si subit dans les iddes du 
jeune A..., lui fit des remontrances paternelles : celui-ci rdpondit 
par une leltre d’excuses, oh il attenua , au moyen d’une interprd- 



117 


JOURNAUX FRANCJAIS. 
lalion adroite, quelques expressions qui avaient pu choquer son 
oncle, mais en dludant un ddsaveu positif. 

MM. Esquirol et Royer-Gollard, consul Ids , le 27 aoflt 1822, sur 
la maladie de M. A..., furent d’avis que ce jeune homme dtait 
affectd de monomanie ou ddlire partiel, determine par les chagrins 
qu’il avait dprouvds dans sa famille et a Londres. Comme ce ddlire 
dtait compliqud d'liailucinaiions, il devait etre plus difficile a 
gudrir. Du reste, les causes de la maladie dtant toutes morales, 
c’dtait surlout dans le rdgime moral qu’il fallait chercher les 
moyens de gudrison. (Rvvue medicale , mars 1845.) 


OBSERVATIONS SUR LE TjSTANOS DES ENFANTS NOUVEAU-Nds , par 

M, le D r Thore. 


hes cas de tdtanos, si frdquents dans quelques.contrdes, sont au 
contraire trds rares en France. Les deux observaiions que M. Thore 
a recueillies 5 l’hospice des Enfants-Trouves et les remarques 
qu’elles lui ont suggdrdes, doivent done avoir pour nous un cer¬ 
tain intdrdt. Ces observations ndanmoins different trop peu de 
celles qui ont dtd publides daus ces dernidres annees pour que nous 
les reproduisions; mais nous dirons en quelques mots quelles sont 
les iddes de M. Thore sur cette affection. 

Ccmddecin pense que le tdtanos des enfants nouveau-nds ne re- 
connait point gdndralement pour cause le travail de sdparation du 
cordon, ombilical. Les deux observations qu’il a recueillies ne lui 
permettent pas de s’arrdter 5 cette opinion, et il croit, avec J, Frank 
et d’autres praticiens, qu’il est plus rationnel de l’attribuer dans 
la plupart des cas aux, brusques chapgemenis. de tempdra tureii 
I’ipfluence du froid. 

Le tdtanos apparait ordinairement dans les premiers jours de 
Texistence. Dans Tune des observations de M. Thore, il s’est dd - 
clard le lendemain de la naissance, et dans l’aulre, chez un enfant 
de 6 jours. 

Quant aux sympldmes, ils dtaient parfaitement tranehds dans ces 
deux observations, qui ressemblent beaucoup 5 celles de tetanos des 
adultes. Il est cependant assez difficile d’en rencontrer dans les au¬ 
teurs des cas bien franchement accusds. Il complique souvent l’d- 
clampsie, qui, parfois, au contraire , n’est qu’un dpiphdnomdnc.. 

La ldsion la plus frequente du tdtanos des nouveau-nds, et cclle 
que M., Thore a trouvdc dans la settle autopsic qu’il ait fajte, est un 



118 REVUE FRANCAISE ET ETRANGERE. 

epanchemeut de sang entre la dure-mfere et le canal osscux ver¬ 
tebral. 

Les cas de guerison de cette maladie sont rares, et la premitre 
observation de M. Thore offre, par cela mtme, un grand inttrtt. 
Le traitement qui a rtussi chez son jeune malade, etque ce rntdecin 
regarde comme le plus raiionnel, consisle dans l’emploi des emis¬ 
sions sanguines. (Arvhives generates demedecine , juin 1845.) 


DD VERTIGE, ET DO TRAITEMENT QU’lL CONVIENT DE LOI OPPOSER. 

Pour qui ne regarde comme maladie rtelle et bien dtlinie que 
celle qui reconnait comme cause procbaine une lesion de texture 
constante et plus ou moins caracteriste, le vertige n’est point une 
maladie; c’est un phtnomtne variable, un symptdmequi reconnait 
comme causes diverses circonstances pathologiques bien differences 
les unes des autres. 

Si, en effet, il est permis, le plus souvent, d’attribuer les pheno- 
mtnes du vertige 4 une congestion certbrale passagtre, dans un 
certain nombre de cas qui sont loin d'etre rares, il faut le regar- 
der comme une affection sympathique d’une souffrance du canal 
digestif et parliculitrement de l’estomac. On a vu, par exemple, 
la faim, la constipation, produire une reaction sur l’encdpbale, et 
la souffrance sympathique de cet organe se traduire au dehors par 
les symptbmes du vertige. Les denominations de vertige encepha- 
lique, vertige abdominal, adoptees dans la medecine veterinaire, 
indiquent assez clairement que, depuis longtemps dejt, on a ad- 
mis un vertige idiopathique et un vertige symptoinatique. Il est 
inutile d’ajouter que ces deux varietes de la maladie devront pre¬ 
senter dans leurs symptdmes certaines differences qui servirout h 
remonter 5 la cause du mat et conduiront a un traitement plus ou 
moins rationnel. 

Mais si, ordinairement, il est facile de rattacher cette affection , 
soit & une congestion cerebrale, soit h une souffrance du canal di¬ 
gestif ou de quelque autre organe , dans d’autres cas moins nom- 
breux, onne peut decouvrir aucun etat morbide auquel on puissc 
l’attribuer; en un mot, on est force de reconnaitre un vertige pu- 
rement nerveux. 

Ces trois varietes de la maladie exigeront evidemment des trai- 
tements differents. Dans le vertige essentiellement nerveux, il 
faudra agir un peu empiriquement, tatonncr quelque temps, ct 
surtoul bien connaitrc cc qu’onl fait nos dcvanciers. Ainsi, cc qui 



JODRNAllX FRAN^AIS. 119 

a le rnieux reussi 4 Hufeland, c’est un melange do gayac et de 
ertme de tartre. 

Pr. Racine de gayac.2 gr. 

Crfeme de larlre. L\ gr. 

Sucre blanc. 2 gr. 

Faites une poudre; a donner la moitie le malin, et l’aulre le soir, 

pendant quelques jours. 

La vaieriane est une des substances qui ont le plus de succts 
dans cette affection. II sera done convenable de l’essayer de prfifd- 
rence dans les cas de vertige nerveux. 

Le vertige a ete encore Irop peu etudie pour qu’on puisse rien 
dire de positif sur sa nature. 11 setnble que 1’opinion la plus ration- 
nelle soit de le considerer comme une espfece d’illusion de la vue 
et du toucher. ( Bulletin general de therapeutique , avril 1845.) 

OBSERVATION DE TUMEDR SQUIRRHEOSE DE LA BASE DD CERVELET, 

communique par M. Frestel. 

Les observations de cette nature sont assez rares, et les sym- 
pt&mes qu'a prdsentds celle-ci sont assez remarquables pour que 
nous les <5numdrions rapidement. 

Le nomme X..., d’un temperament sanguin , entra a l’hbpilal 
deSaint-Lo, pour des douleurs de tfite qui troublaient son som- 
meil. Dix-huit mois auparavant, il avail ressenti dans cette partie 
des douleurs aigues, lancinantes, disparaissant quelquefois tout 
d’un coup pour reparaitre l’inslant d’aprfes, plus vives la nuit que 
le jour. Ces douleurs sont survenues subitement, sans prodromes. 
Sorli a la suite d’une amelioration passagSre, il rentra 5 I’ll tipi tal 
an bout de cinq mois. Douleurs violentes, surtout 4 la region occi- 
pitale et pendant la nuit. Elies diminuent un peu par l’emploi du¬ 
plications narcotiques et de larges vesicatoires sur le cuir chevelu. 
Intelligence saine, parole lente et trainante, oule nalurelle, vua 
bonne. Ni douleurs ni fourmillements dans les membres; aucun 
autre sympldme appreciable. Tout d'un coup, sans qu’on se fut 
uperQu qu’il aMt plus mal, il mourut sans secousse, sans agonie. 

A. l’autopsie, on trouva un peu de serosite dans les ventricules. 
La partie gauche du ccrvelet, augmentee de volume , presentait 
sur sa face superieure de pelites eminences tris prononcees, et 
sur sa partie inferieuic et posterieure une tumeur squirrheuse 
du volume d’uue grosse noix, portee sur un pedoncule tres ap¬ 
parent. La partie droitc etait h peu pres saine. 






120 REVUE FRANtAISE ET £TRANG£RE. 

Cette observation est remarquable 4 cause de l’absence de tout 
symptdme du cdtd des extrdmitds infdrieures et des organes gdni- 
taux, et sera de queique intdrdt pour l’diude des fonctions du cer- 
velet. ( Gazette medicate , 19 avril 1845.) 

dPILEPSIE INCOMPLETE. 

M. Piorry ddsigne sous ce nom une affection qu’il a observde chez 
une jeune fille de seize"ans, qui, dans ses aecds, sentait des four- 
millements parcourir ses bras en descendant de 1’dpaule jusqu’au 
bout des doigts; puis les mains dtaient fortement contractdes; elle 
accusait des douleurs profondes dans les membres supdrieurs; ces 
phdnomdnes dtaient bientot suivis de trouble du cOtd de la vision, 
d’dblouissements. C’esl 15pour M. Piorry, une ndvropathie des- 
cendante suivant les nerfs du mouvement. 

Cette varidtd d’dpilepsie, que ce professeur n'avait point encore 
rencontrde, ne lui a pas paru trds grave. Et en effet, aprds avoir 
dtd traitde pendant queique temps par le sulfate de quinine, le 
sous-carbonate de fer, l’eau de fleurs d’oranger et les vdsicatoires, 
la malade est sortie de l’hdpital compldtement gudrie. ( Gazette des 
Hopilaux , 5 et 29 avril 1845.) 

DELIKE ATGU A LA SUITE D’UNE CHUTE SUR LA TfiTE. 

La nommde Lewennorouk, ftgde de quarante-cinq ans, d’une 
constitution robuste, dtant tombde sur la tdte du haul d’un esca- 
lier, entra 4 l’Hdtel-Dieu dans le service de M. Chassaignac, le 
10 janvier 1845. Le mari, interrogd avec soin, assura que sa 
femme n’dtait point adonnde aux liqueurs fortes, n'avait jamais 
presentd de troubles dans les facultds intellectuelles, et n’avait 
point perdu connaissance au moment mdme de la chute. 

A son entrde, la malade prdsentait un ddlire des plus violents,, 
s’agitait dans son lit, ne rdpondait aux questions qu’on lui adressait 
que par des paroles incohdrentes. Du reste, elle parlait continuel- 
lement, sans qu’il fut possible de reconnaitre, 4 travers la [diffusion 
de ses paroles, 4 quel ordre d’iddes se rattachait son ddlire. Elle 
cherchait 4 se lever, se ddcouvrait de manidre 4 faire penser qu’eile 
avait perdu toute retenue; point de fidvre. 

M. Chassaignac diagnostiqua un delire nerveux, fit appliquer 
quinze sangsues derridre cbaque oreille, et Ton admiuislra 5 la. 
malade une potion avec 30 gouttes de laudanum de Sydenham. 



JOURNAUX FRANCAIS. 121 

Le lendemain 11, moins d’agitation, un peu d’assoupissement; 
mfime incoherence dans les idees. 

Les 12 et 13, rien de pariiculier, meme traitement. 

Le 14, plus de calme; point de fifevre ; intelligence encore ob¬ 
tuse. Deux vdsicatoires aux cuisses, 20 goutles de laudanum. 

Le 22 , encore un peu d’dtonnement. La malade accusa du mal 
de t6te a la region des tempes. Nouvelles sangsues aux parties dou- 
loureuses. 

Le 27, la malade demunda & sortir; il semblait rester encore un 
peu d’obtusion des facultes intelleciuelles. 

Les cas de delires aigus , par suite d’une percussion de la tfite, 
comme le fait remarquer la personne qui a recueilli cette obser¬ 
vation, sont assez rares, et cependant il est assez important de les 
reconnaltrepour que celui-ci offreun grand interfit, au point de vue 
du pronostic et du traitement. ( Gazette des Hopitaux, 12 avril 
1845.) 

RECHERCUES SUR LA RAGE HDMAINE , par M. le D r BELLENGER , 

de Senlis. 

M. Bellenger, i l’exemple de plusieurs auteurs distingues, pense 
que la rage n’est point une mafadie due a l’exislence d’un virus 
rabidique, el la regarde comme spontande ou comme le r&ultat 
d’une emotion morale vive, d’une frayeur. Les propositions sui- 
vantes r^sument assez bien son opinion sur cette maladie. 

La rage spontanee et la rage dile traumatique ne prdsentent au- 
cune difference dans leurs sympt&mes, dans leur terminaison. 
La cause est done la mSme dans les deux cas. . 

Il n’y a point de rage spontanee sans terreur. Or si, dans un seul 
cas, la terreur suflit seule au developpement de la maladie, il n’est 
point necessaire d’admettre un virus rabieique. 

Une cause materielle comme un virus et une cause morale comme 
la terreur ne peuvent evidemment produire des effets absolument 
identiques. 

Chez les sujets nerveux, la terreur ne manque jamais de donner 
lieu 5 la rage spontanee; le pr£tendu virus rabien n’est funeslc 
qu’a cette classe d’individus. 

Done la terreur est, chez l’homme predispose, l’unique et ve¬ 
ritable cause de la rage. 

M. Bellenger cite 5 l’appui de ces propositions dix observations 
detainees qui les confirme. ( Gazette des Hopitaux, 27 mai 1845.) 

L. Lunier. 



122 


REVUE FRANCHISE ET ETRANGfcRE 


SOCIETES SAVANTES. 


Academie des Sciences de Paris. 

Stance du 7 avril. 

RECHERCHES SUR LE SYSTfiME NERVEOX SPLANCHNIQUE, par 

M. Botjrgery. 

Le systdme nerveux splanchnique se compose, suivant cet ana- 
tomiste, de cinq parties distinctcs: 

1” Les nerfs visceraux organiques , base fondamentale du sys- 
tirae nerveux splanchnique; 2° les amas ganglionnaires ; 3° les 
plexus extra-visceraux ou les chaines de communication inter- 
mddiaires des organes d’un meime groupe, entre eux et avec les 
amas ou centres ganglionnaires, et de ceux-ciles uns avec les autres; 
4° les deux cordons paralleles & l’axe cdrdbro-spinal, connus sous 
le nom de grand sympathique; 5° enfin, les anastomoses des 
nerfs ganglionnaires avec les extrdmites pdriphdriques des nerfs 
cdrdbro-spinaux. 

Ge travail, dontla premidre partie seulement est publide, n’est pas 
susceptible d’analyse, et il est trop dtendu pour que nous puissions 
le reproduire ici. 

Academic royale de Medecine. 

Stance du 1" avril. 

DE LA LOCALISATION DE LA PAROLE OD PLUTdT DE LA M^MOIRE 

DES MOTS DANS LES LOBES ANT^RIEORS DO CERVEAU, par M. BEL- 

HOMME. 

Nous ne donnons ici que les conclusions de ce travail, qui a did 
renvoyd it une commission composdc de MM. Ferrus, Pariset, 
Prus et J. Cloquet. 

1° L’altdration de la faculte du langage depend, soit d’unc alTec- 
lion cdrdbralc, soit d’une Idsion des organes de communication 
entre le cerveau et les apparcils vocaux et buccaux. 



SOCIETIES SAVANTES. 


123 


2° La pertc subite de la parole depend d’une ldsion hdmorrha- 
gique ou autre, de l’un et surtout des deux lobes cdrdbrauxan- 
tdrieurs. 

3° II faut bien se garder de confondre les phdnomdnes convulsifs 
ou paralytiques qui altdrent le langage, avec la perte subite de la 
memoire des mots, ct par suite de la facultd de parler. 

U“ Dans 1'afTection ou la destruction partielle des lobes anld- 
rieurs du cerveau , la parole est tranchde subitement, et ce n’esl 
que plus tard, lorsqu’il s’est formd une cicatrice dans le cerveau , 
que l’organe reprend plus ou moins ses fonctions premidres. 

Sdance du 8 avril. 

QUELQUES CONSIDERATIONS SUR l’ALIENATION MENTALE AU POINT DE 

vde de la psychologie , par M. Fr. Dobois (d’Amiens). 

it II est & regretter quedans toutes les questions oil la physiologic 
intervient au mdme litre que la psychologie, les mddecins et les 
psychologues ne cberchent pas h s’dclairer mutuellement; la phy¬ 
siologic a faitde nos jours des progrds incontestables; une philoso¬ 
phic plus dlevde, plus large et plus gdndreuse a succddd au sensua- 
lisme du dernier siecle; pourquoi, rdunissant leurs efforts, les 
mddecins et les philosophes ne traiteraient-ils pas en commun cc 
qui ressort a la fois de ces deux sciences, en s’aidant mdme , s’il en 
est besoin,du secours des sciences puremenl physiques? La question 
de l’alidnation mentale parait rentrer dans cet ordre, et c’est pro- 
bablement a cause de l’isolement dans lequel les mddecins se son t 
tenus a l’dgard des psycologues que l’histoire en est encore si peu 
avancde. 

»Les mddecins, pour lapiupart, ont parfaitement exposd les sym- 
ptdmes de l’alidnation mentale; ils en ont ddcrit avec soin les alld- 
rations anatomiques, et assez bien indiqud le traitement; mais ils 
n’ont gudrc emis que des liypoth&ses sur la nature essentielle des 
divers genres de folie; si l’on en croit Cullen, par exemple, la folic 
liendrait, dans tous les cas, a une prdlendue indgalitd d’excite- 
mentdu cerveau; suivantPinel, le caractdre de cette affection serait 
essentieliement nerveux, il n’y aurait aucun vice dans la substance 
du cerveau; tandisque, suivant Foddrd, il y aurait un vice, mais 
ce vice serait dansle sang des alidnds; Gall etSpurzheim y voyaient 
une inflammation de I’encdphale; Esquirol une ldsion des forces du 
cerveau, et Broussais une irritation de ce mdme organe. 



124 REVUE FRANCHISE ET tiTRANGkRE. 

» Ces hypotheses , on doit le pressentir, n’Ataient guAre propres 
it rendre raison des phenomAnes de Palienation menlale; il est Evi¬ 
dent que dans une affection telle que la folie, pour arriver A une 
ihd'orie ralionnelle, il aurait fallu aller au-dela des faits qui rein¬ 
vent de.la pathologie ct mfime au-dela des fails purement pliysiolo- 
giques ; il aurait fallu se placer encore au point de vuede la psycho¬ 
logy ; c’est ce que feu le professeur Royer-Collard avail parfaitc- 
ment senti quand il a prid M. Maine de Biran de vouloir bien l’aider 
de ses lumiAres dans cetle grave et complexe dtude de Palienation 
inentale. M. Royer-Collard avait remarqud que les mAdecins n’a- 
vaient pas tenu un compte suffisant des donnCes psychologiques; 
que la plupart de ceux qui avaient Acrit sur Palienation mentale 
etaient de cetle ecole sensualiste qui avait supprime un des deux 
termes dudualisme cartAsien au profit del’autre, et que, partant, 
ils avaient considArA les actes de Pesprit comme des produits du 
cerveau , ou comme de simples transformations de la sensation. 

» M. Royer-Collard ne pouvait s’adresser A un homme plus compe¬ 
tent que M. Maine de Biran (1); esprit original etprofond, M. Maine 
de Biran avait fait une longue etude de la physiologie de Stahl, de 
celle de Haller, de Cabanis et de Bichat, et il avait donnA le pre¬ 
mier signal de la reaction philosopliique contre les doctrines du 
xvni'siAcle; il etait revenu au dualisme de Descartes, mais il lui 
avait donnd plus de precision, plus de force encore, grAce A ses 
etudes physiologiques. La definition cartesienne, en effet,' comme 
Pa fort bien dit M. Cousin, avait quelque chose de vague; et quel- 
quesdisciples, exagerant le spiritualismc du maitre, avaient fini 
par tomber dans une sorte de mysticisme; la pensAe, le cogilo de 
Descartes, nous avait rAvAlA notre existence morale, notre vraie 
personnalite; mais les deux attributs essentiels de l’Ame ou du moi, 
senlir et vouloir , n’Ataient pas nettement formulds; M. Maine de 
Biran,dans ses considerations sur la volontA , avait cherchA A rem- 
plir cette lacune, et nul n’Alait plus propre que lui A venir en aide 
aux physiologistes; ainsi, dans cette grande question d'aliAnation 
mentale, il avait parfaitement Atabli que pour en trouver les vAri- 
tables caractAres, il fallait les chercher dans les rapports du moral 


(1) Ceci nous a valu le manuscrit intitule : Considerations sur les rap¬ 
ports du physique et du moral, pour scrvir a un cours sur Valienation 
menlale, Acrit compose, A la connaissance de M. Cousin, entre 1821 el 
1822. Cct ouvrage est, d’aprAs M. Cousin, la meilleure piece de l’auteur 
el la derniArc expression de sa pensAe. (Voyez l’edilion publiAcparM. Cou 7 
sin en 1834, avec une preface fort Alcndtte.) 



SOCIETES SAVANTES. 


125 

et clu physique de l’hotnme, et ces rapports, il les avail exposes de 
la manifire la plus nette et la plus satisfaisante, Leibnitz le premier 
avail judicieusement distingue les simples impressions organiques 
qui relfevent de la physique generate, des sensations qui reinvent de 
la physiologie etdes idties qui relfevent de la psychologie, troisordres 
de fails dont il faut egalement tenir compte dans l’etude des opera¬ 
tions de I’intelligence. 

» Quand l’organisme, en effet, vient a Sire impressionne par les 
agents exterieurs, il apporte a l’ame des sensations, et c’est a l’oc- 
casion de ces sensations que la puissance personnels entre en 
exercice et se ddveloppe; c’est done dans la nature de ces relations 
qu’il fallait chercher comment, en certains cas, il peut y avoir de 
tels ddsordres que l’homme finit par tomber dans l’alienation 
mentale. 

»L’hommeestenvironne d’agents qui impressionnentcontinuelle- 
ment son organisme, et lui-meme, comme puissance intellecluelle, 
reagit perpetuellement surce meme organisme; il en lSsulte que si 
celui-ci, par son cote exttrieur , est en conflit avec les agents phy¬ 
siques, par son cdle inlerieur, il est en conflit avec Time ou le moi; 
c’est ce que M. Cousin a parfaitement exprime, lorsqu’ila dit, en 
exposant les doctrines de Leibnitz: « L'univers entier ne m’atteint 
qu’a travers l’organisme. » 

» L’ame toutefois ne sent pas a travers les organes, elle ne sent 
dans tous les cas que ses organes; quel que soit, en effet, le mode 
d’action des agents exterieurs, ils ont constamment pour effet 
d’amener dans les organes un changement , une modification 
quelconque, et c’est ce changement, cette modification que nous 
sentons. 

» Prenons l’oeil pour exemple : quand la retine est dans un repos 
complet, il y a tenebres; il y a au contraire sensation de lumiere 
quand, sous l’influence d’un excitant exterieur, elle entre en mou- 
vement; done toutes les apparences de corporalile tiennent it l’in- 
lensite diverse de ce mouvement; et les couleurs elles-mfimes ne 
s ont en realite que des variations de vitesse des ondes dtherees. 

» Les organes des sens ont done pour fonctionsessentielles de re- 
cevoir de la part des agents exterieurs, et de communiquer au cer- 
veau des modifications lelles que le moi trouve en eux les elements 
des diverses sensations. Mais il peut arriver, meme dans l’etat nor¬ 
mal, que sous l’influenced’un excitant, d’un stimulant tout autre, 
un sens soit impressionne, et donne & l’ame des sensations non 
moins distinctes; ainsi un choc, un coup sur l’oeil, peuvent exciter, 
au milieu d’une profonde obscurite, une sensation de lumiere; d’au- 



126 REVUE FRAN6AISE ET ETRANGERE. 

ti es fois, l'Ame accuse des sensations dans un orgaue qui aura Ate 
enlevA depuis longtemps; d’autres fois enfm, l’ame est poursuivie, 
non seulement pendant le sommeil, mais pendant la veille, par de 
v^ritables hallucinations, qui restent compatibles avec la raison la 
plus intacte. 

o Qu’est-ce qui distingue alors l’homme raisonnable de l’aliene? 
Comment reconnaitre que la raison persiste en lui? Le psychologue 
seul est en mesure de le dire ; il prouve que l’homme reste compos 
sui, qu’ilse distingue parfaitement de son organisme; dans ces 
conditions, l’homme sait que ses organes le trompent, il y a ce 
conscium; il sent que ses organes, au lieu de lui apporter, a lui, 
esprit, lavArite, lui apportent l’erreur; quelquefois meme dans 
l’etat de r6ve, ce conscium persiste; l’esprit n’en croit pas alors ses 
organes. 

» M. Maine de Biran avait bien vu l’analogie de toutes ces ques¬ 
tions, et il expliquait par la mfime theorie l’£tat'de veille et de som¬ 
meil , de rfive et d'alienation ; pour lui, la veille , c’est le temps de 
la vie pendant lequel s’exerce plusou moins la voionte, le sommeil 
dans ses derniers degrfa est l’affaiblissement de la voionte, le som¬ 
meil absolu en est l’abolition complete; pendant les rives , la vo¬ 
ionte ne tient plus les rtaes. 

» L’dcolephysiologique A laquelle appartientBurdach a cherchd de 
son cdtd A prouver que si l’etat de veille, chez l’homme, consiste, 
dans le double conflit que l’organisme vivant entretient d’une part 
avec les objets extdrieurs par le moyen des sens, et d’autre part 
avec le moi ou l’ame par le moyen des centres nerveux; dans l’dtat 
de sommeil complet, il y a suspension de ce double conflit, les or¬ 
ganes des sens etant fermds aux excitants extdrieurs, et l’ame n’d- 
tant plus en relation avec Torganisme; tandis que dans l’etat de 
reve il n'y a de suspendu que le conflit extdrieur; les agents envi- 
ronnants ne peuvent plus impressionner lessens, mais le moi peut 
jusqu’A un certain point rester en relation, en conflit avec les centres 
nerveux, et alors il trouve dans des organes fermds au monde ex- 
tdrieur des sensations distinctes. 11 y a dans ces organes persistance 
ou reproduction des changcments que les objets extdrieurs y susci- 
taient dans l’Atat de veille. 

»Cette derniAre circonstance parait fondAe etpeut donnerjusqu’a 
un certain point l’explication de tout un ordre de fails particuliers 
A 1’aliAnalion mentale, c’est-A-dire des hallucinations. 

»Ce qui rendait incomprehensible la production des hallucinations 
dans les theories sensualistes, c’est qu’il y a dans ces cas toutes les 
apparences des sensations sans excitants, sans objets exterieurs; 



SOCltiTES SAVANTES. 127 

inais nous venons de voir que ceci a lieu dans i’dtai de rdve, avec 
la mdme incoherence' et la mdme bizarrerie , sans que l'4me en 
dprouve aucun etonnement. Chaque appareil de sensations spdcialcs 
dtant destine 4 reproduire, 4 repeter, ce quise passe an dehors, il 
doit suflire d’un simple ebranlement de l’organe, d’un simple mou- 
vement moieculaire , pour donner lieu aux memes actes ; la retine 
pourra reproduire ainsi, et comme en miniature pour ainsi dire, 
toutes les scenes du monde extdrieur, et il y a dans l’oreille 
moyenne tout un systeme d’organes qui enlrera en vibration pour 
repeter les sons uaguere produits au dehors. On conqoit ainsi com¬ 
ment un mouvement quelconque peut faire entrer ces organes en 
jeu, et donner lieu 4 toutes les sensations auditives ou visuelles, 
en l'absence des excitants normaux; une simple congestion san¬ 
guine, un mouvementinsolite du sang, fera egalementque tel ma- 
lade, au milieu d’un profond silence, entendra des bruits divers, 
des sons musicaux, des paroles suivies; que dans l’obscuritd la plus 
compete, il sera dbloui par de vives clartds, ou obsddd par des ap¬ 
paritions. 

» Mais ceci ne suflit pas pour constituer i’alidnation mentale; on 
peut avoir des sensations fausses, compldlement errondes; on peut 
mdme, ainsi que je 1’ai dit plus haul, avoir de nombreuses hallu¬ 
cinations, sans dire fou; quand est-ce done qu’il y a folie ? Si l’dcole 
exclusivement organique veut dtre consdquente avec elle-mfime, 
elle est arrdtde ici; il n’y a pas moyen, en s’en tenant 4 ses prin- 
cipes, de sortir de cette diflicultd; l’ecole psychologique, aucon- 
traire, examine dans ces cas comment se comporte le moi dans ses 
relations avec les organes de sensations spdciales, et elle dit qu’il 
y a folie toutes les fois que le malade ne peut plus rigulierement 
infirer de ses sensations et de ses actes la conscience de sa per - 
somaliM , et que par cela seul il est aliesus a se. 

» L'hallucind n’est pas fou, quand il reste compos sui, quand il 
n’en croit pas ses organes; mais il peut se faire qu’il ait la con¬ 
science d’une folie imminente, qu’il s’en effraie , qti’il sente que 
ses organes le maitrisent, qu’ils vont amener, pour ainsi dire, le 
naufrage de son intelligence. S’il est fou, au contraire, il ne peut 
faire ces distinctions, si ce n’est dans de rares moments de luciditd ; 
lefou s’identifie avec ses sensations, il ne peut les chasser, les 
dcarter de son esprit, il est maltraitd et comme absorbs par elles; 
sa personnalitd n’existe plus; et, comme le dit M. Maine de Biran, 
il est dds lors rayd de la lisle des etres intelligents. 

)) Dans l’dtat sain, e’est le moi, e’est la volontd qui rfcgle les rela¬ 
tions avec les organes ; e’est la raison qui lient, pour ainsi dire, 



128 REVUE FRANCHISE ET ETRANGERE. 

les rfines; dans l’alidnation, 1’esprit est d(5poss(idi5; c’est l’organisme 
altdr£ matdriellcment qui a change l’ordre des relations ; il y a en¬ 
core aperception immediate de sensations vraies ou fausses, et pro¬ 
duction de mouvements, mais ce n’est plus le moi qui rfegle ces 
aperceptions; que le moi le veuille ou ne le veuille pas, cette aper- 
ceplion a lieu, et souvent en l’absence de tout stimulant extfirieur; 
et de mfime pour les mouvements, ce n’est pas la volonte qui les 
rfegle, qui les coordonne; de lit l’6tat connusons le nom d 'agi¬ 
tation'; de IS cette instability si remarquable des iddes et de la vo- 
lonty. 

» Pans l’ytat de r6ve, nous l’avons ddja fait remarquer, il y a 
quelque chose de semblable; mais au milieu des associations les 
plus incohyrenles d’iddes et de volitions, ie moi peut, dans cer¬ 
tains cas , rester compos sui. A qui n’est-il pas arrivd de sentir, 
pendant un r6ve pynible, qu’il estle jouet d’ytranges hallucinations, 
et que, pour y ychapper, il faut revenir A la vie naturelle? On sent 
que pour mettre fin A ces fausses et effrayantes sensations , il faut 
rouvrir ses sens au monde extyrieur. L’ycole physiologique alle- 
mande en avait conclu que si, dans les rSves, l’Ame se laisse aller 
aux idyes les plus incohyrentes, que si elle accepte les sensations 
les plus folles, c’est que des deux conilits qui constituent la vie nor- 
male des fitres intelligents, un seul persiste, celui que l’Ame entre- 
tient avec ses organes, et que la polarite est suspendue; les objets 
extyrieurs n’agissant plus sur les organes, ne peuvent plus rien sur 
les intuitions, ils ne rfeglent plus, ils ne coordonnent plus les sen¬ 
sations. En adoptant ces hypotheses, on pourrajtdire que, dans les 
difiyrentes espfeces de dyiire, les choses se passent dans un ordre 
inverse; c’est l’Ame, en effet, c’est le moi qui finit par s’effacer, 
comme force personnelle agissante; I’organisation matyriellement 
altyrde a finipar aveugler cette mCme intelligence, etpar suspendre 
aussi la polarity. 

» Quand le moi reste lucide et libre, il se rit en quelque sortedes 
erreurs, des dyceptions de son physique ; comme Turenne, il gour- 
mande sa carcasse qui tremble devant le danger, il est tymoin im¬ 
passible de tous ces dysordres; il les juge, en mesure la portye; 
mais il arrive un point oA lui-mAme commence A s’en effrayer; c’est 
lorsqu’il sent que les rfines vont lui ycliapper et qu’il va tomber dans 
une vyritable aliynation : il clierche d’abord A en sortir, comme 
d’uii rfive pynible; il fuit, par exemple, l’obscurity; il redoute de 
fermer les yeux parce qu’il sait que 1’ydatdu jour peut seul dissiper 
les fantOmes qui le poursuivent; mais les organes s’altyrant de plus 
en plus, le delire s’ytablit, et il y a destruction de la liberty morale : 



sociEtes savantes. 


129 


or, cette liberie titant, comme le dit M. Maine de Biran , noire 
vraie personnalitd, le rnftme coup qni frappe en nous emporte 
l’liomme, et ne laisse qu’un automate sans conscience, et parlant 
sans responsabilitd. 

» Dans l’ivresse, qui est un dAlire passager, les clioses so passent 
encore de la mSme maniere; A mesure que le cerveau se pdnfetre d’un 
sang altArd par des principes alcooliques, l’Ame on le moi s’aperqoit 
que sa liberty va s’ant-anlir; le moi fait des efforts pour rdagir sur 
son organisation, mais celle-ci l’entralne , l’absorbe entiferement, 
et i'homme n’existe plus; c’est encore un automate, prive de con¬ 
science et de responsabilite. 

»Ainsi, cequi constitueessentiellemcnt 1'alWnation mentale, c’est, 
comme l’a dit I’dcole psycliologique, i’abolition de la liberty morale, 
de la personnalite; c’est cet Atat dans lequel le moi n’est plus com¬ 
pos sui, ce qui fait qu’il n’y a plus d'intelligence, puisque l’aper- 
ceplion et la volition qui en forment les principaux caractfcres 
n’existent plus. 

» Mais d’oii vient qu’il y a une telle perturbation dans les rapports 
des organes avec le moi ? D’oii vient qu’il y a inaction de telle force 
personneile dans les intuitions etdans lesmouvements organiques? 
Je l’ai d6jA dit, c’est que des alterations organiques obstruent, ern- 
pgchent, aveuglent l’intelligence; l’alidnation serait done, dans la 
thdorie pbysiologique allemande,.comme un rdve retournd : dans les 
Hives, il y aurait d&ordre, incoherence, bizarrerie dans toutes les 
idees, parce que l’un des deux conilits est suspendu, parce que 
l’organisme, parson c&te exterieur, n’est plus en relation avec les 
objets environnants, parce que les organes des sens sont fermes 
aux excitants exterieurs, et que ce cdte de l’organisme n’est plus im- 
pressionne par les stimulants physiques : or, il est tel degrd d’alid- 
nation mentale dans lequel le moi ne parait avoir aucune espbee- 
d’action sur le cerveau, soil par suite d’altdrations congdnitales, 
comme dans l’idiotisme, ou par des alterations accidentelles , 
comme dans certains cas de manie, et on pourrait en conclure que 
le condit intdrieur serait alors aboli ou suspendu, l’organisme par 
son cdt6 interieur n’etant plus en rapport normal avec l’Ame, ou le 
moi. Ce serait l’inverse de ce qui se passe dans un sommeil trouble 
par des songes, ce qui nous faisait dire que 1’alienation ainsi com¬ 
prise serait comme un rfive permanent et retourne. 

» M. Maine de Biran avail bien vu que ceci a lieu dans certains 
genres de folie dans l’idiotisme, dit-il, le moi sommeille pendant 
que les organes sensitifs sont seuis eveilles; l’etat dedemence, 
ajoute-t-il, correspond encore a celui ou le cerveau produit sponta- 

ANNAL. »1ED.-PSYCH. T. VI. Jilltlet I8i5. 9. . 9 



130 REV IE FRANCHISE ET ETRANGERE. 

nement des images, tantdt lides, plus souvent ddcousues, pendant 

que la pensee sommeille ou jette de temps en temps quelques eclairs 

passagers. 

» Et de mfime dans le delire general, l’ame raisonnable et fibre est 
sans action sur l’organisme; eile sommeille; ies images (comme. 
)e dit encore M. Maine de Biran) prennent alors d'elies-m6mes, 
dans le centre cerebral, les divers caractEres de persistance, de 
vivacite, de profondeur, etc., parle seul effet de dispositions or- 
ganiques. 

» J’ajoute que ce sont ces dispositions organiques qui ferment en 
quelque sorte le sens interne a Faction du moi, et annulent ses 
elfets, qui paralysent sa puissance : si done, dans l’etat de rEve , 
1’ame veille, dans un corps endormi, dans l’dtat de folie generate 
el complete, e’est la pensee qui sommeille dans un corps eveitle, 
Qu’on n’aille pas objecler que, chez les fous, la conscience, le sen¬ 
timent du moi n’est pas aboli, qu’il persiste. Nous repondrons que 
dans les cas dont on parle, il n’y pas un etat de complete aliena¬ 
tion ; ceux qui souliennent, avec Georget, que mEme dans les cas 
ou le delire est le plus general, le sentiment de la conscience per¬ 
siste , ceux-la m times sont forces d’avouer que dans les dElires les 
plus bornEs, l’esprit perd toute liberty : or, pour nous, la ou il n’y 
a plus de liberty, il n'y a plus de raison, il n’y a plus de personna- 
lite. Lisez ensuite toutes les descriptions de folie, et vous verrez 
qu’i mesure que les symptdmes prennent plus d’intensite, le moi 
s’efface; dans les exacerbations, dans les crises, tout est confus 
dans les idfies, ce sont des cris, des chants desordomiEs, une agita¬ 
tion perpdtuelle el nul sentiment de conscience. 

» D’aprEs tout ce que nous avons dit, on doit voir que, pour 
nous, les causes de la folie sont toutes malfirielles: ce sont des lesions 
organiques qui seules peuvent ainsi paralyser la pensee, et nous 
ne concevons pas comment on a pu supposer des lesions qui por- 
teraient ou sur la pensee elle-meme, ou sur des facultes, ou sur des 
fonctions dites essenliellement nerveuscs ; nous sommes encore a 
nous demander comment des medecins ont pu attribuer tous les 
phenomenes de la folie h des causes autres que des alterations dans 
l’organisalion du systeme nerveux, et comment des liommes d’ail- 
leurs Eminents ont voulu les faire dEpendre de modifications qui 
n’auraient portE que sur des forces vitales. Ilaslam etait, suivant 
nous, dans le vrai quand il disait que e’est uniquement dans les 
cliangements que peut Eprouver 1 organisation du cerveau qu’il 
faut chercher les causes des diverses especes de folie; mais qn’il 
lant tenir compte des alterations I s plus lEgires, aussi bicn de 



SOCIETES SAVANTES. 


131 


celles qiii portent stir la consistance da cerveau , sur sa coloration 
et son poids, etc., qne sur celles qui portent sur sa structure intime. 
Les recherches anatomiques etant faites dans ce sens , on dira bien 
rarement, comme l’a remarqud Georget, qu’on n’a rien trouve dans 
le cerveau. 

i> Main tenant qu’il nous parait bien prouve que la cause efliciente 
de la folie consiste dans des alterations toutes materielles, devons- 
nous demander si ces alterations sont toutes de la meme nature, si 
toutes consistent, comme le soutenait J. Franck, dans un etat d’in- 
ilammation du cerveau ou de ses annexes, ou dans une atropine 
de cet organe, dans un endurcissement, etc., etc. ? A cela nous 
repondrons qu’une semblable supposition ne pouvait 6tre faite qu’a 
l’epoque ou des systtmes exclusifs regnaient en medecine et ou 
toutes les maladies etaient ramenees A un ou deux genres d’altera- 
tions; aujourd’hui que l’anatomie pathologique a rdveie et la va¬ 
riety des alterations organiques et la spontaneity de leur develop, 
pement dans le sein de nos tissus, nous ne devons plus en etre a 
faire ces hypotheses; la realite des alterations anatomiques, dans 
le cours de la folie, est un fait qui ne saurait etre nie, et il nous 
parait en etre de meme de la diversity de nature de ces memes alte 
rations. » 

Cette lecture ralluma la discussion soulevee la premiere fois par 
le rapport de M. Jolly dans une des seances precedentes (V. An- 
nales medico-psych. , t. V, p. 453); nous ne rapporterons de cette 
discussion que les faits principaux, et qui n’ont point encore ete 
examines. 

M. Virey ne croit pas qu’on puisse dire que le delire des alienes 
soit comme un rfive permanent et retourne. II regarde en outre 
la folie partielle ou monomanie comme incompatible avec une le¬ 
sion cerebrale. 

M. Dubois repond que chez les monomanes, il y a bien un delire 
predominant, mais qu’il est facile de reconnaitre que leur jugement 
pfeche sur tous les autres points. 

M. Ferrus croit que 1’on doit admettre des modifications patho- 
logiques du systfeme nerveux toutes les fois qu’il existe un trouble, 
meme partiel, une simple perversion dans les fonctions intellec- 
tuelles. 

Il ne voudrait point voir baser les doctrines medicales sur la foi 
que Ton peut avoir dans l’existenced’un principe insaisissable. Les 
manifestations de l’ame sont toujours en rapport avec 1’etat des or- 
ganes, et c’est surtout ce rapport dont on doit s’occuper. Tout en 



132 REVUE FRANCAISE ET STRANGLE, 

admeltant l’Rme, il pense qu’en mddecine en gdndral, et parti- 
culiferement, en ce qui concerne I’alidnation mentale , on ne doit 
tenir compte que des lois de i’organisme, et ne point s’immiscer 
dans d’autres questions.. 

M. Ferrus nie que chez les idiots l'Ame soil endormie : ce sont 
leurs sens qui sont obtus et leur organisation imparfaite. On trouve 
en outre constamment chez eux des lesions matdrielles trfes mani- 
festes. 

M. Dubois rdpond qu’il ne comprend pas qu’on puisse mettre 
de cdld les questions psychologies quand on s’occupe des phd- 
nomdnes de l’alidnalion mentale. Celui qui prdtendrait ne tenir 
aucun compte de l’Sme ou du principe de la pensde, ne pourrait 
pas mdme ddfinir la foiie, et a plus forte raison ne pourrait-il 
pas se rendre un compte salisfaisant des phdnomencs de cette 
maladie. Quant a l’idiotisme, M. Dubois persiste & dire qu’il est 
tel degrd de cette affection dans lequcl l’individu n’est plus qu’un 
automate, tant chez lui le principe de la pensde parait sommeiller. 

M. Ferrus admet que les facultds inlellectuelles sont d’un ordre 
trop dlevd pour qu’on puisse les expliquer par les lois ordinaires de 
l’organisme. Mais cette objection s’applique it tous les actes intimes 
de la vie. Les questions relatives a la pathologie du cerveau ne 
doivent pas fitre traitdes autrement que toutes les aulres questions 
de pathologie : dans les maladies , ce sont les troubles fonctionnels 
qui frappent d’abord et qui averlissent des ddsordres survenusdans 
l’dconomie: aussi leur description est-elle en gdndral fondde sur les 
troubles fonctionels, et celaest surlout vrai pour l’alidnation men- 
lale, dont ils forment la base nosologique. 

il faut eviter d’entrer dans le domaine de la philosophie , parce 
que les systfemes philosophiques peuveiit induire en erreur et con¬ 
duce aux donndes les plus errondes sur la nature de la foiie; 
l’histoire des maladies menlales en fournit de nombreux exemples. 
La philosophie spiritualiste a fait croireque les alidnds n’avaient mal 
qu’a l’esprit, et les a privds pendant plusieurs sidcles des seuls 
trailements qui dussent leur dtre appliquds. Les croyances religieu- 
ses les onl fait considdrer comme des possddds, des sorciers, el les 
ont conduits au bttcher. Ce n’est que depuis l’dpoque ou l’on jouit 
en France de la liberld civile et religieuse que l’on a pu dtudier 
les maladies mentales d’une manitre convenable, en considdrant 
les alidnds comme des maiades, en appliquant it leurs maux un 
traitement physique el moral. On peut done et on doit sdparcr Ja 
mddecine de la philosophie des dcoles. 

M. Gerdy ne veul point que l'alidnatiou mentale soil tin rdve 




50C1&TES SAVANTES. 133 

Tetournt, et que le dtsordre des idtes, leur inexactitude, les illu¬ 
sions des rtves soient dus 4 ce que les sens sont pendant le som- 
meil fermts sur le monde exttrieur. Cette occlusion, cette insensi¬ 
bility des sens dans les rtves n’est pas sans influence, assortment; 
mais cette insensibility dtpend elle-mtme de 1’impuissanCe par- 
tielle de l’intelligence, et de l’alttration du jugement en parti- 
culier. 

Comme il l’a dtj4 fait dans l’nne des stances prtctdentes, ii 
refuse d’admettre, avec M. Rochoux, que la folie soil due a des 
modifications mattrielles certaines, lors mtme qu’elles ne sont pas 
sensibles. II faut, dil-il, s’en tenir & ce qui est appreciable pour 
l’esprit: or, ce qui est apprtciable et constant dans la folie, c’est 
la ltsion des faculies inlellectuelles quiestprouvtepar le dtsordre 
des actes de l’entendement. 

M. Dubois persiste & soutenir sa comparaison, que la folie est 
un rtve retournt, un ttat dans lequel l’4me est comme endormie, 
tandis que le corps est surexcitt. — II s’tlonne que M. Ferrus ait 
chercht 4 rendre la philosophic solidaire des persecutions exerctes 
en d’autres temps & l’tgard des alitnts.— II veut enfin que la psy¬ 
chology et la physiologie s’tclairent mutuellement. 

M. Ferrus rtpond a M. Gerdyque dans les cas de folieproduite 
instantantment par une mauvaise nouvelle , on ne peut affirmer 
qu’il n’y a pas d’a'lttrations organiques ; car il n’est pas possible de 
les constaterk l’autopsie, ptiisque les malades ne succombent point 
aux suites immtdiates de la folie. Mais ii survient alors des modi¬ 
fications trfes manifestes dans l’ttat du cerveau et dans celui de 
presque toutes les fonctions de l’tconomie, et notamment dans la 
circulation; qui est troublte avant mcrae que les phtnomtnes de 
i’entendement soient pervertis. 

M. Ferrus ajoute qu’une alteration ou du moins une modification 
organique puissante peut seule expliquer la perstvtrance et la 
longue durte de la maladie. En outre, il faut admettre en mSme 
temps une predisposition individuelle; car tons les hommes sont 
soumis dans le cours de la vie 4 des impressions morales, vives et 
subites, et ce n’est, heureusement, que sur un tres petit nombre 
d’entre eux qu’elles produisent la folie. 

Stance du 15 avril. 

DE L’fiTENDOE DE LA SURFACE DU CERVEAU ET DE SES RAPPORTS 
AVEC LE DEVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE. 

M. Baillarger lit sur ce sujet un travail dont nous donnerons une 
analyse succincte. 



m REVUE FRANCHISE ET fir RANG ERE. 

Pour mesurer lMtendue de la surface du cerveau, M. Baillarger 
dgplisse cet orgaue, en enlevant graduellement, par uue dissection 
longue et minutieuse, presque toute la substance blanche, jusqu’a 
ce que le cerveau soil peu & peu rdduit it une trfcs faible fipaisseur. 
La substance grise pdriphdrique se dgplisse alors d’elle-mOme, 
non pas complement, rnais assez cependant pour qu’on puisse 
Staler l’lidmisphAre et le mouler tr£s exactement avec du plat re. 

On obtient ensuite l’Stendue de la surface de ce moule , dgale a 
celle du cerveau, au moyen d’un tissu trfes mince qu’on fait p£nd- 
trer partout en remplissant peu & peu le moule avec de la terre 
glaise. Puis, au moyen d’opdrations math6matiquesir£s simples, on 
parvient it connaitre l’dtendue de la surface rdelle du cerveau. 

M. Baillarger a obtenu ainsi 1’dtendue de la surface du cerveau 
de l’homme et de plusieurs animaux supdrieurs. Chez l’homme, elle 
est environ de 1,700 centimetres caries. 

Dans la seconde partie de son travail, l’auteur examine la 
question pliysiologique, et ddmontre qu’on a commis une grave 
erreur en disant que le degrd de ddveloppement de 1’intelligence 
etait en raison de l’6tendue des surfaces c^r^brales, que l’on con- 
sidfere cette dtendue d’une nianitre absolue ou relativement au 
volume. 

M. Baillarger termine par les conclusions suivantes : 

1° Le cerveau peut Otre d6pliss6 presque compldtement en enle¬ 
vant peu A peu la substance blanche. 

2° L’dtendue de la substance grise pfiriphdrique du cerveau de 
l’homme, ainsi ddplissd, est de 1,700 centimetres carrds. 

3“ Le cerveau de l’homme, relativement h son volume, a beau- 
coup moins d’dtendue de surface que celui des mammiferes infd- 
rieurs. 

4° On ne peut, sans erreur grave, juger de l’etendue relative 
de la surface de plusieurs cerveaux de volumes difKrents, en ne 
tenant compte que du nombre et de 1’etendue des circonvolutions. 

5° Le degrd de ddveloppement de l’intelligence, loin d’etre en 
raison directe de l’dtendue relative de la surface du cerveau, 
semble plutdt litre en raison inverse. 



BIBLIOGRAPHIC. 


135 


BIBLIOGRAPHIE. 


EXPOSITION ANATOMIQUE 

L’ORGANISATION DU CENTRE NERVED X 

DANS LES QUATRE CLASSES D’ANIMAOX VERTEBRES , 


M. NATALIS GUILLOT. 

(Ouvrage couronnd par l’Acaddmie des sciences de Bruxelles.) 


One analyse complete du liv’re de M. Ouillot ddpasserait cerlai- 
nement les limites ordinaires dans lesquelles doit se renfermer un 
article bibliographique. S’il fallait que le critique reprit successive- 
ment les fails nouveaux et intdressants que conlient cet ouvrage, 
s’il devait en verifier l’exactitude, s’il lui fallait, en un mot, re- 
faire en quelques mois le travail de plusieurs anndes, sa tadie se- 
rait lourde, son ceuvre inexdcutable. Mais s’il lui est interdit de 
devancer la marche du temps, qui pourra seul confn'mer ou annnler 
la vaieur des ddtails, il lui est permis de jeter un coup-d'oeil sur 
1'ensemble du tableau; si les fails lui dchappent ndcessairement par 
leur multiplicitd, il lui reste 4 examiner la doctrine et les donndes 
principales sur lesquelles elle repose. 

Or, d’une lecture sdrieuse, approfondie, de l’ceuvre de M. Guillot, 
il est rdsultd pour nous cette impression gdndrale : l’auteur est es- 
sentiellement systdmatique, systdmatique dans ses procddds d’in- 
vestigation, dans ses assertions, dans les attaques qu’il dirige 
contre ses adversaires. Ce n’est certes pas un reproche que nous 
adressons a l’honorable mddecin de la Salpdtridre; avec ses avan- 
Xages et ses inconvdnienls, l’esprit de systdme est toujours le rdsul- 
lat d’une conviction prolonde , et je ne connais rien de plus res¬ 
pectable qu’une de ces convictions, ne ffit-elle pas toujours fondde, 
lorsqu’elle s’appuie sur des etudes longues, consciencieuses et in- 
telligentes. 






136 BIBL10GRAPIIIE. 

Nous venons d’indiquer les trois points principaux sur lesquefs 
nous voulons appeler 1’altenlion de nos lecleurs : la mdlhode que 
M. Guillot a suivie , les propositions gdndrales qu’il a ddveloppdes, 
les opinions dtablies qu'jl a eru devoir corabattre. 

L’auteur rejette d’emblde les diffdrentes preparations que ses de- 
vanciers ont fait subir aux centres nerveux pour en dtudier la 
structure. Suivant lui, la macdration dans l’alcool, dans l’huile, 
dans l’essence de tdrdbenthine . etc., la dissection a l’aide du jet 
d’eau, tous les procedds artificiels, en un mot, altferent la constitu¬ 
tion intime de ces parlies, modifient la disposition des fibres, et ne 
doivent, par consequent, jamais fttre employds. On ne doit exa¬ 
miner que des organes frais et les soumettre purcmentet simple- 
ment it des coupes pratiqudes en dilfdrents sens. Ceci nous parait 
fort contestable. Que l’dtude des organes frais soil indispensable , 
nul doute; que les coupes puissent rdveler une grande partie des 
secrets de leur structure, nous en sommes convaincus. Mais que 
les autres proeddds soient trompeurs, nous allons plus loin , qu'ils 
ne soient pas ndeessai res pour l’etude de certaines parties, e’est ce 
qui nous repugne a admeltre. Dans les sciences d’observation, il 
ne suffit pas de voir, il faut expdrimenler; pour arriver it la vdrile, 
il faut retourner les fails dans tous les sens possibles , les examiner 
sous differents aspects. Pour cela , il est indispensable d’avoir it sa 
disposition une multitude de moyens, de rdactifs, si j’ose em¬ 
ployer cede expression. En chimie, en botanique, est-ce avec un 
seul caractdre que Ton assigne it un corps, it un vdgdtal le rang 
qu’il doit occuper ? Non. En est-il autrement en pathologie, lors- 
qu’il s’agit de ddsigner une maladie 2 Non. Nous voyons, au con- 
traire, que dans tous ces cas, l’observateur appelle it son secours 
toutes les ressources qui s’offrent it lui pour arriver a une concep¬ 
tion nette de la rdalild; mais il se garde bien de s’en tenir & un 
proeddd unique qui souvent lc conduirait & l’erreur, ou laisserait 
inaperque pour lui une portion de la vdritd. Doit-il en dtre autre¬ 
ment en anatomie 2 Nous ne le pensons pas. Le probldme de la 
structure du cerveau n’est pas plus complexe , plus difficile a rd- 
soudre que certaines questions qui s’offrent au chimiste. Que l’ana- 
tomiste se garde bien de faire bon marchd de l’expdrience de ceux 
qui Pont prdcddd; qu’il invente, qu’il perfectionne des moyens 
d’invesligaiion, e’est son droit et son devoir; mais qu’il n’oublie 
pas que , plus il a employd de voies diffdrentes pour constater un 
fait, plus ce fait acquiert de valeur et plus il devienl incontestable. 
Agir autrement ce n’est pas simplifier, e’est compliquer la ques¬ 
tion ; e’est laisser forccmenl dans le doute tous ceux qui n’ont pas 




MBL10GRAPHIE. 


137 


le loisir de verifier les dAcouvertes dc I'auteur, el c’est I’immense 
majoritA des lecteurs; je ne parle ici que des lecteurs intelligcnts, 
de cetix qui mAritent quelques Agards. Isolde , la macdration dans 
i’alcool ue vaut rien, elle donnerait de fausses iddes; il en cst de 
mdme des autres moyens qn’il faut savoir manier avec intelligence; 
car nos sens ne nous donnent jamais que des apparences, qui sont 
livrdes A notre interprdtation. De rinterprdtation heuretise ou mal- 
heureuse depend la ddcouverte de la vdritd; tout est 1A, et s’il 
nous fallait citer des exemples, nous parlerions de la variability 
extreme des opinions en matiAre de micrographie. Que les procddds 
artificiels modifient d’ailleurs la structure'du systAme norveux, 
cela est dvident; cela doit Atre, cela estheuveux et dAsirable; mais 
cctte modification n’est pas profonde; la cohAsion des parlies est 
changde; leur disposition ne varie pas, et nous ne voyons pas en 
conscience qu’il faille pour cela bannir ces procddds. II faut, nous le 
rdpdtons, les employer seuleinent dans un but ddlermind, pour 
dlucider un point spdcial. 

Ainsi, quant a sa mdthode d’investigation, M. Guillot nous pa- 
ratt beaucoup trop exclusif; nous craignons qu’elle ne lui ait nui 
dans quelques unes de ses recberches. Si nous nous sommes dtendus 
sur ce chapitre, c’est qu’en loutes choses nous considdrons la md- 
thodecomme capitate. Passonsmaintenantauxprincipesquerauteur 
ddduit successivement des faits qui se sont prdsentds a lui. C’est 
ici l’oeuvre de l’intelligence; c’est, par consequent, la partie la 
plus considerable'du livre. 

M. Guillot examine d’abord la structure dldmentaire des centres 
nerveux ; il insiste sur la disposition relative des deux substances; 
il rappelle ses travaux sur la vascularitd de la maliAre grise ; il donne 
les rdsultats de ses recberches sur la forme variqueuse des -fibres 
blanches, sur l’origine, la terminaison et la structure de ces tubes. 
Nous passons rapidement sur ces chapitres, pleins d’ailleurs d’in- 
tdrdt et de bon sens seientifique, ce qui n’est pas commuri en pa- 
reille matiAre, parce que, encore une fois, nous sommes obligds de 
ndgliger les ddtails , et arrivons de suite au systAme que propose 
M. Guillot. Voici quelles en sont les donndes les plusimportantes : 

La matiAre blanche de l’axe cerdbro-rachidien est composde dc 
fibres qui se prdsentent sous trois'directions diffArentes. Les unes 
sont parallAles a l’axe du corps, les autres sont perpendiculaires, 
les derniAres obliques A cet axe. 

La matiAre grise est disposde en masses dont le nombre et la dis¬ 
position relative ne prAsentent pas de variAtAs. Une premiAre oc- 
cupe 1’intArieur du canal rachidien; elle devient apparente a 



BIBLIOGR 4PHIE. 


l’exti'rieur entre les corps restiformes, se prolonge dans la protu¬ 
berance et les pddoncsles cdrdbraux. Une seconde s’observq dans 
les couches optiques, une troisifeme dans les corps strips, une qua- 
trifeme sur la Peripherie des lobes cSrebraux, une cinqui&me enfln 
sur le cervelet; d’autres masses moins iinportantes se lient a l’exis- 
tence de la yodte & trois piliers. 

Toutes les fibres blanches parallfcies l’axe du corps, et les atnas 
de matifere grise places sur leur trajet ( matiere grise de la moelle, 
et la couche oplique des corps stries, des lobes cerebraux et cere- 
belleux), foment un appareil constant, commun a tous les verte- 
brfe; c’est 1’ appareil primaire ou fondamental. 

Les fibres blanches transversales forment le systfeme des commis¬ 
sures , appareil secondaire, qui prfeente ddja de nombreuses va- 
ridtfe. 

Les fibres' obliques sont propres aux mam mi ft; res et forment 
1 'appareil terliaire. 

Tel est le point de depart de M. Guillot; cette idee est rfellement 
neuve et ingdnieuse; dans son ensemble, elle nous parait rigoureu- 
sement vraie et appuyde sur des prcuves irrefragables. . 

Chacun des appareils est ensuite dtuditi dans la serie des ver- 
tebres. 

L’appareil fondamentalest celui qui prfeente le plus de considd- . 
rations intdressantes. Voici 1’idde que foil doit s’en faire d’aprfe' 
M. Guillot: 

La substance blanche de la moelle est formtie ‘de deux faisceaux 
antdro-lateraux et de deux faisceaux posidrieurs, plus d’un axe 
median antdrieur ( commissure antcrieurede s auteurs) etd’un axe 
median postdrieur ( commissure posterieure de Meckel, etc.). • 

La substance grise du meme organe est dgalement composde de 
deux colonnes latdrales el d’un axe median. 

Au niveau du bttlbe, ces divorses stratifications se component de 
diverses manures, suivpnt les classes et les esptcts, pour se con¬ 
tinuer avec les masses blanches ou grises de l’appareil fondamental • 
dans sa portion cerebrate. Elies offrenl neaumoinsceci de commun , 
c’est que toujours les irradiations de l’axe median et des faisceaux 
antdro-lalfeaux sont sdparees des irradiations postericures par-une 
lameliequi a les caraci&res suivants : elle s’insfere conslamment en 
arrifire sur le cervelet, supporte les tubercules bijumeaux ou qua- . 
drijumeaux ainsi que le corps pineal, el s’arrelte en avant sur l’un 
des trois ganglions de 1’appareil fondamental (cerveau , corps slrie 
ou couche oplique). On pent dire en general que cette lam elle s’in- ‘ 
sere d’autant plus antdrieurement que Tanimal appartient a une' 



BIBLIOGRAPHIC 


139 


classe moins dlevde, bien que cette loi nesoit pas toujours d’une 
rdgularitd absolue , ainsi que M. Guillot le fait remarquer. Chez les 
poissons, l’insertion antdrienre a lieu sur les lobes edrdbraux ; chez 
les reptiles et les oiseaux, sur le corps strid; chez les mammifdies 
supdrieurs, sur la coucbe optique. M. Guillot appelle cette lamelle 
lamelle intermediaire ; la valvule de Vieussens la constitne en 
grande partie. 

Au-dessous de cette lamelle, macchent, commenous l’avonsdit, 
les stratifications antdrieures. Les faisceaux anldro-latdraux, aprds 
avoir formd les pyramides, divergent et vont se perdre dans les 
lobes edrdbraux, aprds avoir traverse la couche optique et le corps 
strid. L’axemddian antdrieur se termine A la partie posldrieure de 
l’infundibulum; mais dans son trajet intra-cranien cet axe offre 
dans les espdees supdrieures des dispositions particulidres coinci- 
dant avec l’apparition des olives et de la protuberance , renflements 
qui ne sont autre chose que des expansions latdrales de cet axe 
mddian. Pour les olives, nous partageons l’opinion de M. Guillot; 
mais pour ce qui est de la protubdrance, il nous a did impossible 
de he pas voir sur cet organe des fibres qui passent d’un des 
pddoncules moyens du cervelet a l’autre, ce qui nous conduit k 
regarder ce renflement comme appartenant, en partie au moins, 
a l’appareil secondaire. 

Quant aux stratifications postdrieures, elles s’irradient par leurs 
portions latdrales dans les lobes cdrdbelleux, tandis que l’axe md¬ 
dian se perd au niveau de l’extrdmitd infdrieure du calamus 
scriptorius. 

En analysant ainsi* les dlements de Pappareil primaire, 
M. Guillot a du naturelleraent rechercher k l’aide de quels carac- 
tferes on pouvait ddterminer dans la sdrie des vertdbrds tel ou tel 
desganglionsenedphaliques; en d’autres termes,un vertdbrd quel- 
conque dtant donnd, dire: ce renflement est le cerveau, cetautre le 
corps strid, etc., etc., question difficile et longuement debattue. 
C’est encore ici une idee systdmatique qui le conduit k la solution 
du probldme. Voici, si je ne m’abuse, de quelle fagon il proedde. 

Les renflements enedphaliques peuvent dire divisds en deux ca¬ 
tegories; les uns sontplacds au-dessusde la lamelle intermddiaire, 
les autres au-dessous d’elle ou sur son prolongement antdrieur. Les 
premiers sont les tubercules bijumeaux ou quadrijumeaux et le 
corps pindal; les seconds sont le cerveau, le corps strid et la 
couche optique, que l’auteur ddsigne dans leur ordre de succes¬ 
sion anldro-postdrieure par les noms de 1", 2 C et 3* ganglion. Sup- 
posons que la lamelle s’insere sur le plus antdrieur des renflements 



BIBLIOGRAPHIC 


IflO 

que Ton rencontre dans le crane , ce renflement sera le cerveau 
necessairement; il faudra, pour ddcouvrir le corps strid et la couche 
optique, les rechercher au-dessous de la lamelle ; le plus antdrieur 
des deux sera le corps strid, le plus posldrieur la couche optique. 

Supposons un second cas : on ne rencontre au-dessous de la 
lamelle qu’un seul renflement; en avant de celui-ci se trouvent 
deux renflements, l’un sur lequel la lamelle s’insdre , et l’autre 
placd plus antdrieurement. Le. renflement qui regoit l’insertion de 
la lamelle sera le corps strid; le renflement placd plus en avant, le 
cerveau; celui qui est placd au-dessous de la lamelle, la couche 
optique. 

Supposons un troisifeme cas. II n’y a pas de renflement au -dessous 
de la lamelle. On peut dtre certain alors que le ganglion sur lequel 
elle s’insCre est la couche optique ; celui qui lui succede en avant est 
le corps strid , celui qui est en avant du corps strid est le cerveau. 

Ce mode de determination est assuremeut trds simple; mais par 
cela seul qu’il repose sur unedonnee unique, il ne satisfera certai- 
ftement pas tous les esprits.' On voit d’abord qu’il repose sur un 
fait qui ne nous a pas paru suffisamment prouvd : la migration de 
Pinserlion antdrieure de la lamelle. C’est 1A prdcisement le quod est 
demonstrandum, et tant que ce point ne sera pas suffisamment clair 
pour tout le monde, on tournera dans un cercle vicieux. Que l’au- 
teur nous permette a notre tour une hypothdse. Considdrons l’in- 
sertion antdrieure de la lamelle comme fixe et immuable; chez 
l’homme, elle se fait sur la couche optique. Eh bien, chez les ani- 
maux, le renflement sur lequel elle s’insdrera sera la couche op¬ 
tique, et cela dans toutes les especes. Comfhentddterminerons-nous 
alors les aulres ganglions ? Certes nous ne prdtendons pas que ce 
soit 1A la vdritd, mais enfin cette opinion n’est pas plus insoute- 
nable qu’une autre. Pour rendre incontestable Popinion de M. Guil- 
lot, qui peut dire au fond trds bonne et qui est tout au moins fort in- 
gdnieuse, il faudrait prendre chacun des ganglions aprfes les avoir 
classds suivant son procddd et les comparer chacun a chacun dans 
toute la sdrie. S’ils prdsenlent des caracteres communs, des ana¬ 
logies, le moyen est excellent, la determination est exacle; sinon, 
on doit rester dans le doute, et c’est malheureusement ce que nous 
nous voyons obligd de faire. Nous retrouvons done ici une tendance 
dontnous avons signale le danger A propos du mode d’expdrimen- 
tation adoptd par M. Guillot; les rdsultats qu’il oblient n’ont pas 
encore dtd soumisa une contre-dpreuve qui les aurait ou validds ou 
infirmds. 

Les points sur lesquels nous nous sommes arrelds soul les plus 



BIBLIOGRA.PHIE. 141 

importants dans la partie dogmatique du livre; nous laisserons de 
c&td l’histoire des appareils tertiaire et secondaire, qui du reste a 
did traitde avec un grand soin, et nous dirons quelques mots de la 
partie critique. 

M. Guillot revient frdquemment aux prises avec une thdorie dont 
il a certainement 4 coeur de ne pas laisser vestige; c’est ce systfeme 
dans lequel l’organogenie n’est autre chose qu’une anatomie com- 
parde temporaire, pour employer l’expression de Tun de ses plus 
savants ddfenseurs, ce sysldme dans lequel on considfcre les or- 
ganes du foetus comme reproduisant successivement dans leur dvo- 
lution des dtats qui sont permanents dans la sdrie. M. Guillot ne 
combat naturellement dans cette doctrine que ce qui a trait au sys- 
tdme ncrveux; il ne ndglige ancune occasion de rompre une 
lance contre Tiedemann et ses adhdrents. Dans cette lutte, 11 a du 
reste frdquemment le dessus; ii redresse bien des faits inexacts, il 
signale bien des erreurs; mais dans ses conclusions, il oublie peut- 
dtre un peu trop qu il n’est pas un principe pbilosophique un peu 
dlevd que l’on ne puisse rendre inadmissible et presque absurde 
en le ponssant 4 ses dernidres consdquences. Il oublie que jamais 
les esprits sages n’ont songd 4 dtablir des identitds, mais des ana¬ 
logies entre les dtats transitoires du foetus et les dtats permanents 
des aniinaux infdrieurs. S’ii a voulu combattre les exagdrations de 
cette doctrine, ses efforts sont louables; s’il a voulu combattre la 
doctrine elle-mdrne , nous ne nous rangerons pas 4 son parti; assez 
depreuvesont dtd accumuldcsen favcurdecctte grande etpodtique 
idde, pour que nous ne conservions pas le moindre doute stir sa va- 
leurrdelle et que nous n’bdsitions pas a la proclamer comme une 
des plus belles erdations du sidcle. Sans doute elle a dtd outrde, 
ddfigurde par le fanatisme peu intelligent des adeptes, mais les rd- 
veries d’Oken empdehent-elles que tout le tnonde adinetle les 
grandes lois d’analogie posdes par Meckel, Goethe et M. Dumdril 
sue la constitution du squelette 1 

Signalons un autre point sur lequel M. Guillot a insistd en dderi- 
vant l’axe mddian antdrieur, dans lequel, soit dit en passant, nous 
avons vu aussi des fibres transversales formant une commissure 
rdelle entre les colonnes antdro-latdrales. Le savant anatomiste nie 
l’entre-croisement des pyramides. Nous regrettons 4 cet dgard qu’il 
n’ajt pas consulte des pidees qui sont en la possession de M. Longet, 
et dont I’examen a couvnincu plusieurs incrddules. S’il n’a pas vu 
renlre-croisement, cela tient uniquement au proeddd dont il s’est 

Nous aurions bien des rdflexions 4 ajouter 4 ce qtti prdcddc; 



BIBLIOGRAPHIC. 


142 

nous aurions vouiu nous arrdter sur plusieurs ddcotivertes que 
l’anatomie humaine el l’anatomie compare devronta M. Guillot; 
mais les questions de doctrine ont eu , nous l’avouons, pour nous 
un attrait plus puissant. Nous croyons avoir exposd Addlement les 
i tides capitales de l’auteur; nous les avons discutdes avec bonne foi. 
Quelquejugement que le temps porte d’ailleurs sur ce livre, il vivra 
certainement, parce qu’il a Sid fait avec conscience et talent, 
parce qu’il a etd lentement et patiemment composd, parce qu’il 
est riche de descriptions que les anatomistes consul teront tou- 
jours avec le plus grand fruit. Aujourd’hui que le concours ddvore, 
sansamener de ldsullats bien satisfaisants, les gdndrations qui se 
pressent, que tout ce qui est jeune et dnergique se saerifie a 1’idole 
du jour , quel’on spdcule sur son intelligence comme on spdcule 
sur loutes choses, il est consolant de voir des esprils graves et dds- 
intdressds travailler avec recueillement au vieil ddifice de la science 
anatomique. Nous ne sommes pas de ces personnes qui croient nd- 
cessaire d’dlever la gloire de M. Guillot sur les ddbris de rdputa- 
tions honorabiement mdritdes, honorablemenl soutenues et qui, 
grace a Dieu, ne sont pas prds de s’dcouler; c’est ddja faire un grand 
dloge d’un auteur que de le compter parmi les hommes sdrieux de 
l’dpoque: ils sont rares. E. Cloquet. 



WBLIOGRAPHIE. 




DE L’INFLUENCE DE L’HER^DITE 

LA PRODUCTION DE LA SUREXC1TATION NERVEUSE , 

LES MALADIES QDI EN RfiSDLTENT ET 11ES MOYENS DE LES GUliRIR; 


le docteur A.-J. GAUSSAIL, 

en interne 'deshSpiCIm et menriredek Societe a^lTtomique , membre lac 
te la Societe royale de medecine et de l’Academie des Sciences de Toulouse. 

OUVRACE COUnOSNE PAD LACADEMIE ROYALE DE MlCDECICiE 


aux Concours de <839. (841 et <845, 

pour le pris fonde par Mme Michel de Civrieus. 

Paris, <845. < vol. iu-8. 

Chez Germer Baili.ierf., libraire-dditeur, rue de l’ficole-de-Mfedecine, 1 


M. Gaussail entre en matifere par des notions gdndrales sur 
l’anatomie et la physiologic de l’appareil nerveux, qu’il considfere 
comme formant essentiellement un appareil unique et simple. La 
multiplicile des formes des diverses parties de cet appareil ne ltti 
en ont pas imposd , et h travers ces diverses apparences de masse, 
de fibres, de ganglions, il a relrouvd Tunitd organique marchant 
parallfelcment a l’unitd fonctionnelle. Dans les chapitres suivants, 
qui constituent & proprement parler l’ouvrage , l’auteur dtudie la 
sur-excitabilitd et la sur-excitation nerveuse ; puis il en recherche 
les causes. L’lidrdditd faisant partie de ces dernibres, mais jouant 
ici uu r61e de la plus haute importance, et, du reste, se trouvant 
dtre le point dtiologique a ddbaltre , devient le sujet de deux longs 
chapitres, dans lesquels M. Gaussail dtudie l’influence de cette 
cause : 1° sur la production de la stir excitation nerveuse; 2° sur 
les maladies qui rdsultent de la sur-excitation nerveuse. Enfln, 
1’ou wage se termine par un dernier chapitrc relalif au traitement. 
Je vais faire connaitre l’opinion de l’auieur sur ces diffdrents points. 




BIBLIOGRAPIIIE. 


144 

Et d’abord, qn’est-ce qae la sur-excitabilild nerveuse? Quel est 
son mode d’existence? Quelles en sont les lois de ddveloppement ? 
L’opinion de l’auteur se trouve formulae dans les propositions sui- 
vanles : a 1» II existe une disposition particulidre de l’organisme, 
caractdrisde par YimpossibiliU dans laquelle se trouve Yappareil 
innervaleur de recevoir sans trouble Vaclion des causes exci- 
tanles exldrieures ou inldrieures. 2° Cette disposition, qu’il con- 
vient de designer sous le nom de sur-excitabilitd Derveuse, est 
originelle ou acquise; dans un cas comme dans 1’autre, elle sc 
trouve lide au defaut d'harmonie dans les rapports preetablis 
qui doivent exister cntre I’element neneux el I’elemenl arleriel , 
pour former la condition constante et invariable de l’excilabilite 
pliysiologique. 3° Ce ddfaut d’harmonie ne pouvant ddpendre que 
d’une activity defeclueuse ou predominant de I’un ou de Vaulre 
des elements conslilulifs de [’excitability normale, la sur-excita¬ 
bility nerveuse ne peul, par suite, se presenter que sous quatre 
formes principales, c’est-i-dire que, suivant la modification orga- 
nique de laquelle elle depend, elle sera hyponevrique ou hyper- 
nevrique , hypoliemique ou hyperliemique. 4° Mise en jeu par 
les influences physiques ou morales, la sur-excitabilitd nerveuse a 
pour rysultat constant et immydial la sur-excitation. 5“ La sur- 
excitation nerveuse s’annonce lant&t par une simple exaltation de 
la sensibility normale, lantdt par des phynomftnes morbides, va¬ 
riables dans leurs formes et dans leur intensity. » P. 49 et 50. 
M. Gaussail, comme on le voit, et comme d’ailleurs il le declare 
lui-meme, a adopty la doctrine palhologique de la sur-excitability 
nerveuse ddveloppde par M. le docteur Cerise, dans son ouvrage 
sur les fonctions el les maladies nerveuses. Cette doctrine, qui 
semble devoir etre dyfinitivement adoptye par les mydecins, est, 
en eflet, la plus conforme aux faits et fondye sur une bonne' 
observation. 

L’hyrydiiy a t-elle une influence sur la production de la sur- 
excitability? M. Gaussail rypond : « 1° La ryality de celte influence 
se trouve ddmontrde, en thfese gendrale, par les preuves deduiles 
de I’analogie , aussi bien que par celles que fournit Yobservalion 
directe. 2“ Les deux formes de cette modality organique, depen¬ 
dant d’une activity ddfectueuse ou prddominante de l’appareil 
innervaleur (hypondvrique, hypernevrique ), semblent etre, 
surtout cette derniere, plus particulidrement et plus fryquemment 
produites par l’hyrydiiy, que celles qui tiennent au ddfaut ou 4 la 
surabondance des principe.s aclifs du sang artdriel (hypohemique, 
hyperliemique). 3" La sur-excitability nerveuse, considdrde comme 




B1BLI0GRAPHI15. 


145 

la predisposition generate a une strie d’affections morbides qu’il 
faut raitaclier & un type unique, a la surexdtation, peut exister 
pendant plus ou moins longtemps, sans que l’on voie se manifester 
quelqu’une de ces affections, et dans cet dtat de simple predispo¬ 
sition , eile peut se transmettre hereditairement. U° Les faits qui 
demontrent de la maniere la plus evidenle l’influence de l’heredite 
sur la production de la surexcitation nerveuse, ou les maladies 
qui en dependent, sont ceux relatifs a la transmission du pfere ou 
de la m6re aux enfants. Ceux qui n’ont pour element que des consta- 
tations sur des parents en ligne collaterale ne peuvent avoir aucune 
signification. 5° Les influences debilitantes ou les impressions mo¬ 
rales, auxquelles la m6re peut 6tre soumise pendant sa grossesse, 
ont, a quelques manies pr6s, la plus grande analogie avec celles qui 
resultent de l’heredite proprement dite, et il convient de les com- 
prendre dans une mfime categorie etiologique. » Pag. 73. Nous 
avons ete surpris a la lecture de la proposition relative a la nullite 
des observations faites sur les branches collaterales. En effet, s’il 
est un point qui ddmontre d’une manifere palpable la transmission 
hereditaire, c’est celui relatif a cette transmission dans divers en¬ 
fants de la mfime famille. On a beau vouloir expliquer la coinci¬ 
dence d’accidents nerveux, sur plusieurs enfants, par les influences 
du monde exterieur; cette assertion est inexacte, car d’autres en¬ 
fants, soumis aux memos causes determinantes, ne sont pas frappts 
de cette maladie. II est certain que la transmission directe du pfere 
ou de la ntere aux enfants est la preuve la plus pdremptoire • 
cependant la presence de maladies nerveuses chez d’autres enfants 
doit 6tre sdrieusement prise en consideration et regardde comme 
une preuve positive. 

A l’occasion de 1’influence de 1’herdditd sur la production des 
maladies, consequence de l’excitabilitd nerveuse, M. Gaussail essaie 
une classification de ces diverses maladies. Ainsi il en fait cinq 
classes, selon qu’elles sont constitutes par une surexcitation : 
1 “ ndvropathique generate, ou protdiforme; 2» spasmodique ; 
3° convulsive ou excito-motrice; h° cerebrate ou intellectuelle • 
5° ndvralgique. Les alterations d’organes qui peuvent exister 
comme consequences plus ou moins dloigndes de la surexcitation 
nerveuse sont : diverses alterations de texture ayant leur siege 
dans les gros vaisseaux de la poilr.'ne ou dans le cceur, les conges¬ 
tions cerebrales suivies ou non d’epanchements streux, I’hydro- 
cdphale aigue, les paralysies partielles, les retractions musculaires 
l’idiolie, les irritations et les engorgements de l’uterus, les con¬ 
gestions apoplectiformes, l’apoplexie et le ramollissement de la 

ANSAL. MED.-PSYCH. T. VI. Juillet 1845. 10. 10 




BIBLIOGRAPIIIE. 


1Z|6 

substance cdrdbrale, la ddmence. La predisposition aux affections 
ndvropathiques peut se transmettre et rester k l’etat de predispo¬ 
sition, ou bien revfitir une forme pathologique decidee; et rdci- 
proquement les parents affectes de maladies nerveuses caracterisees 
peuvent ne transmettre a leurs enfants qu’une simple predisposi¬ 
tion. — Lorsque la surexcitabilite nerveuse est descendue dans une 
generation, elle se manifested une epoque indeterminee de la vie; 
son developpement resulte des influences combinees de l’heredite, 
des causes occasionnelles, et de la maturite plus ou moins avancee 
de l’organisation. — Les affections morbides provenant de la sur- 
excitation nerveuse sont rarement graves par elles-mftmes ; mais 
par le fait de leur violence ou de leur persistance et de leur repro¬ 
duction frdquente, elles entrainent des maladies ou des alterations 
d’organes qu; compromettent rapidement l’existence ou nuisent k 
l’exercice d’une ou de plusieurs fonctions; et comme ces caraetkres 
leur sont imprimds par Pinfluence de l’heredite, c’est sous ce rap¬ 
port que son influence doit rejaillir ndcessairement sur la gravite du 
pronoslie que l’on est gendralement fonde k porter de ces affections. 

M. Gaussail divise le traitement en prophylactique et curatif: 
« 1- La premiere ressource prophylactique consiste dans l’obser- 
vation attentive et rigoureuse des rfegles hygieniques, au moyen des- 
quelles on peut, k chaque pdiiode principale de la vie, s’opposer k 
ce que l’appareil de l’innervation devienne le sidge d’une action prd- 
dominante, soit par ddfaut, soit par excks. 2” Lorsqu’on a pu dire 
assezheureuxpour empdclierle developpement de la surexcitabilitd 
nerveuse, il ne resle plus qu’k dloigner les causes qui ont pour effet 
de la mettre en jeu et de donner naissance k une forme maladive 
quelconque. Cette prdcaution prdventive mdrite la plus sdrieuse 
attention, lorsque les sujets hdrddilairementpredisposds approclient 
de l’kge auquel se manifestcnt plus particuliferement certaines ma¬ 
ladies dont on a toujours lieu de craindre l’invasion chez eux, 
surtout si elles avaient existd chez Pun ou l’autre de leurs parents. 
3° La circonstance de l’hdrdditd ne peut conduire a Pemploi des 
moyens curatifs parliculiers pour les maladies qui rdsultent de la 
surexcitation nerveuse; mais elle exige que parmi les agents 
adoplds k la nature de ces maladies, il soit fait un choix, pour ne 
mettre en usage que ceux dont la puissance modificatrice est la 
mieux ddmontrde : elle exige encore que le traitement curatif 
proprement dit, qui se compose de moyens pharmaceutiques, 
hygidniques ou moraux, soit continud avec une persdvdrance 
toute spdciale, et de concert avec le traitement prophylactique, 
toujours dcstind k attdnuer la puissance palhogdnique de la prd • 



BIBLIOGRAPHIC. 


147 

disposition organique herdditairc. » Pag. 326. II est impossible 
d’entrer dans de plus grands ddveloppements relalivc’mcnt a la 
question thdrapeutique. Les indications gdndrales doivent suffice 
pour guider le praticien, car les indications particuliferes sont 
cxcessivement variables et en rapport avec les nuances trds diverses 
des maladies. Nous ne saurions done mieux faire que de renvoyer 
le lecteur aux ouvrages spdeiaux, a celui de M. Gaussail, ainsi qu’a 
celui ddjd citd de M. le docteur Cerise. 

Le travail de M. A.-J. Gaussail est une oeuvre sdrieuse, qui s’est 
successivement perfectionnde d’annde en annde par des observa¬ 
tions plus dlendues et plus profondes, et qui a mdritd par ces 
modifications snccessives la couronne dont l’Acaddmie de mddecine 
l’a honord. La question de la surexcitabilitd nerveuse n’est pas 
enc*re jugde ddfinitivement, et, comme l'auteur ie fait Jui-mdme 
remarquer dans plusieurs passages de son livre, beaucoup de pro- 
blemes restent a rdsoudre. Cependant il faut reconnaitre que les 
travaux provoquds par le concours ouvert par l’Acaddmie ont rd- 
pandu une vive lumifcre stir cette question difficile et obscure qui 
n’avait jamais dtd posde d’une manidre bien nette; et, disons-le, 
a M. Gaussail revient 1’honneur d’avoir puissamment contribud A 
ce rdsultat. Docteur Boordin. 


MfiMOIRE 


LA REPARATION OU CICATRISATION DES FOYERS 
IIEMORRHAGIQUES DU CERVEAU, 

MAX. DURAND FARDEL. 


Distinguer le ramollissement cdrdbral de l’apoplexie,soit pendant 
la vie, soit, anatomiquement, 4 une distance peu dloignde du mo¬ 
ment oulemal s'estproduit, ce sont let deux points que M Durand- 
Fardcl avail ddjd examinds dans son remarquable traitd du ramol¬ 
lissement. II restait a rdsoudre une importante question, celle qui 
consiste a ddterminer la ldsion primitive , dtant donndes les trans¬ 
formations nltdrieures qu’elle peut subir; en d’autres termes, re¬ 
connaitre si une ldsion actuelle du cervcau, une cicatrice par 



BIBLIOGRAPHIE. 


148 

exemple, csl l’indice d’un ramollissement ou d’une apoplexie pri¬ 
mitive. Ge dernier travail esl 1'objet du meinoire qne nous ana- 
lysons. 

Une seule marche dvidemment dtait possible : suivre la sdrie des 
transformations anatomiques de ces dials patliologiques de manidre 
a arriver a leur dernidre expression possible. Lc travail se trouvait, 
par consdquent, divisd en deux parties bien distincles : 1“ etude 
du mode de rdparation des foyers hdmorrhagiques; 2 ’ dtude du 
mode de rdparation des ramollisscments. C’est 14 , on le voil, une 
question lout expdrimentale. Mais si on observe que l’hisloire du 
ramollissement dtait compldtement ignorde il y a encore pen de 
temps, qu’aujourd’hui mdme elle offre plus d’un point obscur, on 
voit de suite quel choix tout spdcial d’observations le lecteur esl en 
droit d’exiger; or , parmi les faits citds par M. Durand-Fardol, il 
enestd’assez concluanls sans doute, mais quelques aulres soni 
loin d’offrir le mdme caractdre. Telssontceuxqu’ilemprunie 4 Le- 
roux, 4 Lherminier, a Dan de la Vauterie, etc., etc., auteurs fort 
rccommandables d’ailleurs, mais qui dans cette question spdcialc 
ne supporteraient que difficilement une critique sdvdre. 

Pour M. Durand-Fardel, toute hdmorrliagie cdrdbrale embrasse 
quatre pdriodes dans son dvolution compldte. 

I. Rdsorption. Elle a pour caractdres : 1° la transformation du 
sang en une matifere dpaisse, boueuse, d’aspects divers, qui dispa- 
rait peu a peu plus ou moins compldtement, faisant place 4 de la 
sdrositd d’abord jaun4tre , puis incolore; 2" quelquefois la reduc¬ 
tion de la fibrine en un noyau dur qui est enveloppd de sdrositd, 
et se rdsorbe; 3" quelquefois aussi la formation d’un kyste qui en- 
veloppe le foyer sanguin; 4° enfm presque toujours la production 
d’une fausse membrane autour du foyer hdmorrliagique. 

II. Formation de cavitds sdreuses. Void les caractdres que leur 
attribue M. Durand-Fardel: « Elies ne sont pas gdndralement d’une 
» dtendue trds considdrable... La substance cdrdbrale qui les envi- 
» ronne est liabiluellement indurde dans une petite dtendue. Quel- 
d quefois, ct c’est presque sculemcnt autour des plus petits foyers , 
i. elle est tout-4-fait 4 1’dtat normal. Lorsqu'elle est ramollie, cela 
» est dd 4 une complication ou 4 l’apparition consdcutive d’un ra¬ 
il mollissement. La membrane qui les tapisse est presque toujours 
i) comparde 4 une sdreuse lisse... Quant au liquide contenu , il est 
ii transparent, semblable 4 de la sdrositd incolore ou colorde. lie - 
ii marquez ceci surtout, qu’on le trouve toujours ddcrit limpide et 
ii transparent. » 

Et plus loin : 



BIBLIOGRAPHIC. 149 

« Cavilds larges , Mantes 4 la coupe du ccrveau, pleines de se¬ 
ll rosite.» 

III. Rapprochement des parois des cavitds sdreuses, qui consti¬ 
tuent ainsi des « cavitds A parois rapprochdes adlierentes ou non , 
» vides ou humectdes de sdrositd. » 

IV. Formation de cicatrices par suite de 1’adhdrence complete 
des parois, condition trds rare d’ailleurs. De cettc dtude, M. Dn- 
rand-Fardel conciut que toute cavite sdreuse, ayant les caractdres 
indiquds plus liaut, que toute cicatrice formde dans les conditions 
prdcitdes implique ndcessaireraent l’idde d’une hemorrhagie anld- 
rienre. Et comme la pluparl des kystes sdreux du cerveau offrent 
ces caractdres A un degrd plus ou moins tranchd, leur pathogdnie 
se trouve ramende d’une manidre presque exclusive A un fait 
unique, l’hdmorrhagie. Ilien done de plus simple, si l’on admet 
surtout que cesoit la un fait absolu. Toute une classe d’altdrations 
cdrdbrales d’origine inddterminde se trouve ramende A une loi dld- 
mentaire. 

Mais, pour-en arriver 1A, n’est-il pas dvident qu’il fallait tout 
d’abord ddterminer trds rigoureusement les caracldres essenticls, 
speciaux de ces kystes consecutifs A 1'hdmorrhagie, et que e’est 1A 
le veritable nceud de la, question ? M. Durand Fardel ne l’a peut-elre 
pas fait assez compldtement. Aussi peut-on bien ne voir 1A que la 
gdndralisation d’une idee ingdnieuse, sans doute, mais fondde stir 
un trop petit nombre de fails. 

Quant au ramollissement, deux altdrations anatomiques consd - 
cutives lui appartiendraienl exclusivcment : l’une constituerait les 
plaques jaunes; l’autre l’infiltration cellulcuse. 

L’origine des premidres nous semble, en effet, peu contestable 
d’une mauidre gdndrale, sinon absolue. Leur sidge , des faits uom- 
breux permeltant de saisir la transition du ramollissement A la 
plaque jaune, conduisent facilement'A celte idde. Mais pourquoi 
done une affirmation aussi absolue, aussi exclusive dans une ques¬ 
tion si loin encore d’dtre compldtement dlucidde. Sans rappeler les 
objections, un peu diffuses d’ailleurs, qu’a prdsentdes A ce sujet 
M. Rocboux dans de nombreux articles, et particulidrement dans 
un des derniers nuraeros des Archices, qui ne sail que MM. Lal- 
lemand, Bouillaud, Rostan , c’est-A-dire les plus graudes autoritds, 
ont cesse d’dtre aussi absolus et composenl facilement, avec le.s 
exceptions ? 

L’infiltration cclluleusc, earaetdrisde essentiellement par l’isolo- 
menl du lissu ccllulaire qui la constitue, el 1’infiltration de ce der¬ 
nier par un liquide lait dechaux, nous conduira a la mdme re- 



150 BIBLIOGRAPHJlE. 

marque. Sans aucun doute, si l’on observe 1° quo la transition du 
ramollissement 5 l’infiltration celluleuse est immediate et facile- 
meat percevable dans les exemples donnds par M. Durand-Fardel; 
2° que dans l’hdmorrhagie on ne voit pas de transition semblabie, 
et que d’ailleurs on y concevrait bien diffilement le mdcanisme de la 
production de l’infillration celluleuse, on sera portd a croire qu’cn 
effet, l’infiltration celluleuse'seMt&te ordinairement le propre du ra¬ 
mollissement. Ces deux motifs nous sembient, en effet, avoir une 
grande valeur. M. Durand-Fardel ajoute que dans le foyer hd- 
morrhagique ne se trouve aucun eldment propre a constituer ultd- 
rieurement l’infiltration celluleuse. Nous ne pensons pas que cetle 
raison ait toute l’importance qu’y attache M. Durand-Fardel. II 
sulfa, en effet, de rappeler : 1° que la ftbrine peut devenir une dcs 
bases de ce tissu celluliforme ; 2° que la rupture hdmorrhagiquc 
de la substance cdrdbrale met, aussi bien que le ramollissement, a 
la disposition du travail pathologique qui s’dtablit, le tissu cellu- 
laire cdrdbral, s’il est vrai qu’U existe en quantild suffisante et 
apprdciable; 3° enfin que dans ces conditions il devient aussi dif¬ 
ficile de concevoir la production de ce tissu cellulaire a la suite du. 
ramollissement qu’S la suite de l’hdmorrhagie. 

D’ailleurs, pour donner h cetle opinion la forme absolue d’une 
loi , il faudrait avant tout: 

1° Que le diagnostic diffdrentiel du ramollissement et de l’apo- 
plexie fdt compldtementdlucidd; 

2“ Qu’on nous fit suivre pas a pas et avec des faits multiples la. 
sdrie des aitdrations anatomiques propres a chacune de ces ma¬ 
ladies ; 

3° Que chacune de ces aitdrations fat assez tranchde pour ne. 
permettre aucune confusion. 

Or, la science est-elle arrivde la? Qui oserait le dire? 

Le mdmoire de M. Durand-Fardel laisse l’impression d’un travail 
habile comme on devait s’y attendre, consciencieux, fait avec con¬ 
viction , et qui peut fournir quelques pages imporlantes h l’histoire 
des aitdrations du cerveau. M. D. 


La longueur des mdmoires originaux nous a settle empdchd d’in- 
sdrer dans ce numdro plusieurs articles de bibliographic impor¬ 
tant qui, nous l’espdrons, trouverom place dans le caltier du 
septembrc. 



Repertoire d’observations inedites. 


DEM0N0MAN1E PROVOQUEE PAR DES 
HALLUCINATIONS, DE L’OU'iE.— ACCES 
CONYULSIFS DEMONOMANIAQUES, RAI¬ 
SON APPARENTE. 

En 1842, on amena a l’hospice de 
la Salpetriere, dans le service de 
M. Mitiyid, une dame R..., agde de 
quarante ans, et que la police avait 
arret^e dans la rue, poussant de grands 
cris et dans un etat d’agitation ex¬ 
treme. 

Nous la vimes quelques lieures 
apres son cnlrde. C’est une femme 
brune, de petite taille, mais fortement 
constitute. Scs yeux, tris noirs, sont 
vifs et brillants, et ont une expression 
particuliere qui frappe au premier 

Nous trouvdmes la malade dtjaoccu- 
pte a travaiiler. Sa tenue ttait bonne, 
et les lilies de service, interrogees, 
nous apprirent que, depuis son en- 
trte, madame R... n’avait pas cessfi 
d’etre calme et raisonnable. 

Nous fimcs a la malade diverses 
questions sur sa position, son pays, 
sa famille. A tous ces points, ses rd- 
ponses furent parfaitement justes el 
sensdes; les causes seules de son cn- 
trde n’dtaient pas clairement expli- 
qudes; madame R... pretendait avoir 
tit arrtlte dans la rue, sans motif, 
et i! nous fut impossible de rien 
apprendre sur ce point. 

D’ailleurs, ellereconnaissait qu’elle 
se trouvait parmi des alitntes et pa- 
raissait attendre avec rtsignation le 
jugementqueles midecinsporteraient 
sur sa raison. I'.ejugementnc pouvait 
manquer de lui etre favorable, et alors 
la libertt lui serait rendue. « On 
m’interrogera tant qu’on voudra, di- 
sait-elle, et on verra si je suis folle.» 

Ainsi se passtrent les deux premiers 
jours. La malade, prcsstc de ques¬ 
tions, par diverses personnes, resta 
imptnttrablc, ou plutdt elle semblail 
avoir 616 l’objet d’unc mtprisc. On 


pouvait supposer encore qu’elle avait 
eu un de ces acces passagers de dt- 
lire qui ne laisse point de trace, et 
dont madame R... nc voulait pas 
convenir. 

Cependant tout cela n’ttait guere 
probable. A part l’expression de la 
physionoraie, qui n’tlait pas natu- 
relle, il y avait dvidemmenl dissimu- 

Le troisieme jour, cnlin, survinrent 
des indices de dtlire. 

Madame R... passa une partie de sa 
journte en prieres, et nous apprimes 
qu’elle avait demandt, & plusieurs 
reprises, cequ’onfaisaitaux personnes 
qui avaient des acces. On voulut sa- 
voir de quels acces elle prttendaitpar- 
ler; elle refusa de s’expliquer, mais 
elle annonca qu’a six lieures elle au- 
rait une aiiaque. Elle ajouta que d’ail¬ 
leurs il ne faudrait pas s’effrayer, 
parce qu’elle ne frappait pas. 

Ces renseignements devaient ex¬ 
citer tout notre inttret. Nous alldmes 
trouver la malade, qui se promenait 
au fond d’une cour. Nous recommen- 
tdmes, avec prtcaution, les questions 
des jours prtetdents, et nous vimes, 
avec plaisir, que madame R... ttait 
enfin disposte a parler. Cependant, 
elle se fit encore beaucoup prier. Elle 
craignait surtout qu’on nc se moquat 
d’clle quand on connaltrait son secret. 
Enfin, elle se dtcida a se confier a 
nous j void ce qu’elle nous raconta : 

Depuis plusieurs anntes,il lui ve- 
naitspontantment a l’esprit des idees, 
des impulsions singulieres; pendant 
longtemps elle 6lait parvenue ii sc 
dibarrasser de ces idfies, de ces im¬ 
pulsions j mais, depuis un an, sa rai¬ 
son avait succomixS. Il lui fallait, 
malgrc elle, obeir aux id6es qui la 
poursuivaicnl. Elle s’afiligeait de cet 
6tat, mais elle n’avait confid a per- 
sonne ce qu’elle dprouvait, et n’en 
cherchait point 1’explication. 



152 r£per 

C'esl dans ces circonslances qu’on 
lui conseilla dc voyager, el eile vint 
aupres do son fils qui liabitait Paris. 
Bienldlellc apprit, par uneletlrc, que 
son mari 6Lait graveraenl malade. Son 
devoir dtait de parlir, de relourner 
aupres de lui, inais le conlraire ar- 
riva. Elle scntait ce qu’elle devait 
faire, mais elle ne put y parvenir el 
laissa son fils partir seul. 

Peu de temps aprfes, la malade com- 
rnenca a entendre une voix qui lui 
parlait Ires distinctement quand elle 
6tait seule. Elle fut tres eflrayie et 
raconta ce fait a plusieurs personnes, 
qui chercherent a la dissuader. 

On itail dans le careme, et madame 
R..., qui est tres religieuse, passait 
une parlie de ses journdes dans les 
eglises. Enfin elleen vint acommu- 
nier. Ici la malade s’arreta, ne sachant 
si elle devait continuer. Ce qui lui 
restait a dire semblait lui cotHer beau- 
coup ; pourtant elle se decida a une 
confidence plus complete. 

« A peine, nous dit-elle,. ayais-je 
refu l’hostie, quejesentis tout-a-coup 
en inoi une explosion subite, ce fut 
comme une d6faillance, et bientbt 
quelque chose se d£chaina dans mon 
corps. Je crus entendre vingt chiens, 
qui tous aboyaicnl a la fois dans mon 
estomac. » 

Ces symptdmes se calmerent, mais 
la voix que la malade cntendait de- 
puis longtemps dans la solitude lui 
reprocha chaque jour la communion 
qu’elle avait faite. 

Jusqu’ici madame R... n’Otail 
qu'hallucinec; elle s’lilonnait, s’ef- 
frayait de ses hallucinations, mais 
n'avait point encore essayd de les ex- 
pliquer. 

Un jour, elle vint a pcnser que tout 
ce qu’ellc dprouvail pourrait bien 
lenir a la presence du demon. Elle 
fut confirmee dans cctlc idte par le 
souvenir d'une fille de son pays, qui 
avait 616 possbdee et qui, vingt ans 
auparavant, lui avail fait baiscr, dans I 
une cglisc, une image dc la Vicrge.j 


iVul doute que ce nefdtle demon dc 
cetle fille qui s’ilait empart d'elle. 

Alors, de simple hallucimie, la ma¬ 
lade 6tait devenue d6monomaniaque. 
La voix qu’elle enlendait depuis long- 
temps fut, pour elle, la voix du dia- 
ble; cette voix partait de la poitrinc 
et lui parlailpresquecontinuellemenl. 

Mais les choses ne devaient pas cn 
rester la. Le ddmon, a de certains mo¬ 
ments , se mit a crier avec la propre 
voix de la malade, qui, pendant ce 
temps, entrait dans un violent acces 
d’agitalion. C’est dans un de ces acces, 
survenu dans la rue, qu’elle a 6t6 ar- 
retee et, par suite, conduite a l’hos- 
pice. 

Telle est, en abr6g<5, la confidence 
que nous fit madame R.... Elleajou- 
tait d’ailleurs qu’elle pourrait faire 
passer Ied6mon qui la possidaitdans 
le corps d’une autre personne, mais 
qn’elle ne le ferail pas. Nous lui ol- 
frimes de nous en charger, elle nous 
refusa, nous priantseulementde faire 
venir un prelre, pour interroger le 
diable. 

Six heures allaient sonner; nous 
essaydmes de changer de conversa¬ 
tion, esp6ranldislraire la malade de 
la pridiciion qu’elle avait faite dans la 
journte. Nous lui parlions, depuis 
quelques instants, de plusieurs villes 
du Midi, qu’elle connaissait, lors- 
qu’elle enira toui-a-coup dans un vio- 
leni acces de fureur. Elle se mit a pous- 
ser des cris, a hurler. avec lant do 
force, qu’on pouvail l’enlendre dans 
tout 1’hospice. Au milieu des mots 
sans suite qu’elle profbrait, nous sai- 
simes les suivants : « Prends-moi, je 
me donne a toi, p rends , Dieu ven- 
geur , etc. » Les yeux fitaient hagards 
cl tous les traits bouleversfis. A pres 
un instant, la malade sc jetasur nous, 
mais sans nous frapper, et nous ne 
parvinmes a nous dibarrasser d’elle 
qu’avec. beaucoup de peine. 

Tout cela avait a peine dure quol- 
ques minutes. Madame R..., epuisee 
par les efforts qu’ellc Yenait dc faire , 





153 


REPERTOIRE. 

avait la figure pAle el dAfaite; clle lion, ce que la malade annoncait ar- 
Alail toute Iremblanle, son pouls ctait riva. Elle passa quinze jours a l'hos- 
exlremement agitA. pice el les accAs nc rcvinrenl plus. 

« Eh bien, nous dil-clle, apres un Elle ful conslaramenl calme, raison- 
instant, vous l’avez enlendu; que nablc, travailleuse. Au bout de ce 
vous a-t-il dit ?» Nous lui demandA- temps, un magistral, qui connaissait 
mes si elle-memc elle ne se souvenait sa famille, vint la rAclamer, et on lui 
dc rien; elle nous dit n’avoir distin- accorda sa sortie. Madame R... avail 
gud que quelques mots. promis dc venir nous revoir, et de 

[.a malade avail la conviction in- nous faire alors une confidence corn- 
time et profonde quece n’Atait pas elle plete sur la cause de la cessation des 
qui venait de crier, que c’Atait le dA- aceds, mais elle ne tint pas parole, 
mon qui s’dlait servi de sa voix, que Elle cst revenue dans la maison, vi- 
c’dtait lui qui s’dtait jetd sur nous, siter une malade avec laquelle elle 
Elle eftt commis un meurtre dans cet s’dtait liee, mais elle a refuse de nous 
dlat.avec la conscience qu’elle n’avail rien dire, parce que son confesseur , 
rien a se reprocher. qu’elle avait vu depuis sa sortie, lui 

Un quart d’heure s’dtait a peine avait ddfendu dc parler de ce qu’elle 
ecouIA, que l’acces recommenca plus eprouvaita des mddecins. 
violent. Madame R..., la lete renver- Madame R... d’ailleurs, si elle n’a- 
sde en arriere, pour crier plus fort, . ait plus d’acces, n’dtait cependant 
s’avangait menacante vers les per-pas guerie. Un jour qu’elle notis re- 
sonnes qui l’entouraient, mais elle nc nouvelait la proinesse de venir nous 
frappait pas. Au bout d’un instant, voir apres sa sortie, elle ajouta : Je 
elle se laissa tomber sur le sable, et ferai rnieux, je vousdonnerai rendez- 
resta quelques moments en proie A de vous, et alors vous verrez lout de 
violentes convulsions. vos propres yeux. 

Quand on voulait la contenir, elle Cette observation se distingue par 
criait: « Laissez-moi, vous me faites une particularite qu’on retrouve chez 
souffrir. » lesddmonomaniaques du moyen-Age, 

On fut obligd de la mettre en loge, mais que nous avons vainement 
et elle cut encore plusieurs acces pen- chcrchee dans les fails de ddmono- 
dant la nuit. manic publics par les auteurs mo¬ 

le lendemain , on la trouva aussi dernes : nous voulons parler des ac- 
calme, aussi raisonnable qu’ellc avait ces convulsifs prddits a t’avance. 
dtd les premiers jours de son entrde. Nous aurions d’aillcurs bien d’au- 
Elle nous dit, des le matin, qu’elle ires reinarques a faire sur la malade 
pensait que ses acces ne reviendraient donl nous avons rapporte I’histoire; 
plus. Nous I’encourageAmes tant que nous nous bornerons a faire remar- 
nous pCimes dans cette croyance, mais quer que les hallucinations de 1’ou'ie 
nous nc parvinmes pas a savoir ce ont priicedd de trois mois la premiere 
qui lui avait donnA cette conviction, idee de dimonomanie. I.e diable n’est 
Quelques mots ont pu nous faire intervenu que comme explication des 
croire qu’elle avait l’idde que le de- phenomeues Alranges que madame 
mon l’avait abandonee, pour passer r... ^prouvait. 
dans le corps d’uncautre malade qui, voila ce qu’il nous importe de faire 
pendant la nuit, avait criA dans la re ssortir dans cette observation, parce 
loge Yoisine, et avec laquelle le dA- q Ue ] a dAmonomanie n’est ici qu’une 
mon, disait-ellc, avait fait la conver- var ^tA de la monomanie sensorialc. 
sation. . j. Baillabger. 

Quoi qu’il en soil de cette supposi- 



MRIETES. 


M. le doctcur Lon get, 1’un des fondateurs des Annales midico-psy- 
chologiques, a tli noramii membre del’Academie royale dc midecine de 
Paris, dans la stance du 6 mai dernier. M. Longet avait d6ja, il y a 
quelques mois, etc nomme chevalier de la Legion-d’Honncur. 

— M. le docteur Ceuise, 1’un des fondaleurs des Annales midico- 
psychologiques, vient d’etre nomme chevalier de la L<5gion-d'Honneur. 


Monsieur le Hidacleur, 


12 mai 1845. 


Je viens de lire, dans votre dernier numfiro des Annales, la descrip¬ 
tion d’un lit d’dpileptiques, dont j’appr4cie d’autant plus les avantages 
que, depuis plusieurs ann6es, j’emploie dans mon service, pour le meme 
genre de malades, un lit fort analogue, quoique un peu different. Les 
c6t6s, ayant la forme d’une claire-voie, entrenta coulisse dans les bords 
de la tete ct du pied du lit, de maniere a pouvoir s’enlever ou se placer 
avec la plus grande facility. Leur bord superieur ddpasse d’environ un 
pied le niveau des couvertures. 

Depuis que nous avons adoptd cctte forme dc lit, nous n’avons dtd 
obligd d’employer aucun moyen de contrainte pour contenir les 6pilep- 
liques pendant leurs attaques, et nous n’avons vu aucune blessurc, ni 
contusion en etre la suite. Nous faisons couchcr dans cc meme lit des 
hystfiriques sujetles a des convulsions, des idiots et des paralyliques 
qui, pendant leur sommeil, tombaient souvent dc leur lit. 

A cctte occasion, je vous parlerai d’un mode de chaussurc adopts a la 
maison des alidnds de Morlaix , qui me semblc ofTrir de grands avan¬ 
tages. Cctte chaussurc, connuedans le pays sous lenom d egaloche, aunc 
scinelle cn bois de 2 a 3 centimetres d’epaisseuret une empeigne en cuir 
se prolongeant, en forme de brodequin, jusqu’au-dessus de la cheville. 
Ces chaussures sont beaucoup pluschaudes que les souliers, ct preser- 
vent mieux les pieds de 1’humidiUS. Elant laedes au bas de la jambe, 
commc des brodequins, les clients les gardent bien mieux que des sou¬ 
liers ou des sabots. Cette chaussure a, en outre, 1’avantage de cohter 
fort peu cher : 2 fr. 50 c. a 3 fr. la paire. 

Veuillez agrter, monsieur, 1’assurance de ma consideration tres dis- 
tingute, Votre tres humble servileur, 

L. Lahkukier, 

Mddecin cn chef dcla maison d’aliends de Morlaix. 


A M. LE EEDAOTEUR DES ASSALES MEDICO-PHVCHOLOGIQUES. 

Monsieur el ires honori confrere, 

Pormctlez-moi de juslifier en peu de mots ma critique a regard de 
certaines assertions tirdes du Traili sur I’liypochondrie, par M. Brachet, 
critique dont cet honorable et savant auteur a cru devoir se plaindre 
dans une lettre que renferme un des derniers numeros des Annales 
, , ) irliologiqn.es. 

J’ai ditque lc principc qui predispose 4 I’hypochondrie, si clair quand 
on invoque convenablcment les lumiercs de la psychologic, restait une 
dnigmc dans la thcorie dc M. Brachet. Or, ecoulcz les proprcs paroles 
de l’aulcur: « II nc fandrait pas conclure qu’une disposition qui existc 
aujourd’hui existcra demain, el que telle autre disposition qui ne parait 
pas existcr ne sc devcloppera pas. C’esl de cette maniere qu’on peut 
expliquer pourquoi dcs individus soulfriront dc longues anodes, sans 
avoir la moindre atleinte dc l’hypochondrie, ct pourront devenir plus 
lard hvpochondriaqucs sous l’influencc d’une doulenr beaucoup moins 






VARIATES. 155 

grande et moins longue. Pourquoi cela? L’expeHence demontrc ccs va- 
ri6t«5s de modifications; mais le pourquoi nous echappe comrac dans 
bien d’autres questions dc ce genre. C’est cn vain qu’on chercherait la 
raison dans la constitution plus nerveuse. Nous avons vu plusieurs 
personnes, les plus eminemment nerveuses, supporter ainsi de longues 
souffrances sans contracter la predisposition hypochondriaquc. II y a la 
un quid ignoti que nous ne chercherons pas davantage a expliqucr. 
( Traili de I’hypochondrie , p. 310 et 311). » 

Mon estimable et savant confrere, qui regarde la crainle de la souf¬ 
france pluldt que celle de la mon comme un des 6l6ments psychologi- 
ques de I’hypochondrie, se trouve done cn contradiction avec lui-meme ; 
car si son opinion etait conforme a la v6rit6, l’aptitude a contracter 
l’hypochondrie scrait toujours et n&cessairement en raison directe de 
l’energie et de la continuity des souffrances. II rfipond a cela que la dou- 
leur et la souffrance sont deux choses essentiellemenl dilTerentes, que, 
dans l’hypochondrie, toutes les douleurs sont des souffrances, mais que 
toutes les souffrances ne sont pas des douleurs. L’argument, il faut en 
convenir, est bien subtil; etil depasse, je 1’avoue, toutes les forcesde mon 
esprit. Jusqu’icije croyaisavec tout le monde a la difference qui cxiste 
entre ces phenomencs envisages au point de vue physique el au point 
de vue moral; mais je ne pensais pas qu'il ffil possible, voire au ca- 
suiste le plus profond , de trouver jamais un caracterc susceptible de 
distinguer la douleur de la souffrance considerces en general. 

Agreez l’assurance de ma parfaite consideration , 

Michez. 

Paris, ce 26 juin 1845. 

— M. le docteur Giraud vient d’etre nomme medccin de I’asile des 
alienes de Saint-Dizicr (Haute-Marne), en remplacement de M. Belloc , 
nomme medecin en chef directeur de l’asile d'alienes de Rennes. 

— Dans la seance de la Chambre des communes, du 6 juin dernier, 
lord Ashley a renouveie la motion qu’il avait faite l’annee derniere en 
faveurdes alienes (1). Le noble lord a traite cettc haute question d’hu- 
manite de maniere a entrainer tous les suffrages, etsa brillante allocu¬ 
tion a excite a plusieurs reprises les applaudissements de l’assembiee. Le 
ministre de l’interieur a declare qu’il adherait aux propositions de l’ho- 
ncrable lord, et la chambre a autorise ce dernier a apportcr les deux bills 
qu’il a formuiessur ce sujet. Nous feiicitons l'Angleterre de cel heureux 
resultat, dont elle sera redevable a I’esprit de charite et a la perseve¬ 
rance d’un illustre philanthrope. Nous prenons des aujourd’hui I’enga- 
gement de reproduire, dans notre prochain numero, son eloquent dis¬ 
cours , que M. Baltelle, administrateur des hospices dc Paris, a bien 
voulu se charger de traduirc. 

SOUSCRIPTION POUR LE MONUMENT DU DOCTEUR FODERE. 

Le docteur Fodere est mort a Strasbourg, le 4 fevrier 1835. II etait 
professeur de medccine legale a la Faculte de cette ville depuis 1824; 
les immenses services que cet illustre medecin a rendus a la science el 
a l’humanite doivent etre rappeies au souvenir de ceux qui ont pu les 
bublier. M. le docteur Ducros (de Sixt), vient depublier sa biographic 
dont nous reproduirons une parlie dans le prochain num6ro des Annales. 
Cette biographie, parfaitement ecrite, a 6t6 faite a 1’occasion du monu¬ 
ment qui doit etre eieve a Fodere, a St-Jean-de-Maurienne, en Savoie, 
sa ville natale. On souscrit au bureau des Annales, et chcz M. le 
docteur Ducros, rue Cherubini, n° 1 (ci-devant rue Chabannais, 13). 


(1) Voir Annales mddico-psychologiques, t. IV, p. 391 et seq. 





156 VARIETIES. 

— Deux nouveaux convoisd’aliintes chroniques viennenl de parlir de 
la Salpelriere, l’un dans le service de M. TrClat, et l’aulre dans celui de 
M. Baillarger, pour la maison dCpartemenlale de Sainl-Venant (Pas-de- 
Calais. Un troisieme et dernier convoi, compose en partie d’alienCes chro¬ 
niques, du service de M. TrClat, et d’Cpileptiques, du service de 
Bl. LCIut, parlira le 9 de ce mois. (V. Annales midico-psychotogiques , 
t. IV, p. 230.) 

—La 13' session du Congresscientifiquede France aura lieu a Reims; 
il s’ouvrira du 1“ au 10 septembre de cette annCe, et durera au moins 
dix jours. 

Parmi les questions proposes pour les sciences mCdicalcs, nous signa- 
lcrons les suivantes: 

1° Quellesdonnees I’anatomiepathologique peul-elle fournir a l’etude 

2° Existe-L-il des signes spCcifiques a l’aide desquels on puisse difffi- 
rencier les acces complexes d’hysterie des acces d’epilepsie? 

3° Les syslemes phrCnoIogiquesdeGall el de Spurzheim s’accordcnt-ils 
avec les rCsultals fonrnis par l’observation anatomiquc et la physiolo¬ 
gic , la pathologie et 1’anatomie pathologique. 

STATISTIQUE DU SUICIDE. 

Le ministcre public aete appeie, en 1843, a verifier les circonstances 
de 10,787 dCcis, dont la cause pouvait, au premier aspect, paraitre sus- 
pecte. II a 6t6 reconnu que 6,775 de ces deces etaient la suite d’accidents 
divers, 972 de morts subites, enfin 3,020 le resullat de suicides. 

Le nombre des suicides constates en 1843 a depasse de 154 celui de 

1842, de 206 celui de 1841, et de 268 celui de 1840. II s’accroit rCgulie- 
rement cbaque annee. 

Le deparlement de la Seine a fourni 551 suicides en 1843; c’est pres- 
que le cinquieme ( 0,18 ) du nombre total. La proportion etait la memo 
en 1842.11 y en a eu 113 dans le departement dc Scinc-et-Oise, 112 dans 
la Scine-lnfeneure, 101 dans la Blame, 89 dans le Nord, 78 dans l’Aisnc, 
75 dans Seine-et-BIarne et dans l’Oise, 71 dans la Somme. Dans quel- 
ques autrcs d6partements, qui prCsentent aussi de grands centres de 
population, il y a eu beaucoup moins de suicides : ainsi, on en compte 
13 seulcmentdansl’Heraull, 12 dans la Hautc-Garonne, 23 dans IcGard, 
26 dans la Gironde, 30 dans l’Isere, 44 dans le Rhone. Les femmes 
Ctaient, parmi les suicides, au nombre de 729, ou 24 pour 100. On re- 
marque 15 enfanls de moins dc seize ans, 20 octogCnaires ,170 septua- 
gCnaires, 384 sexagenaires. 

La distribution des suicides par mois s’est faile comme les anndes 
precedentes. Bloins nombreux pendant les mois d’hiver et d’automne , 
ils ont ete surtout frequents pendant les mois de mai, de juin et de 
juillet. Le moyen le plus habituel que les suicides cmploient pour sc 
donner la mort est toujours la submersion : 1,098 ont eu rccours, en 

1843, A ce mode de destruction ; 954 a la strangulation ou suspension ; 
450 se sont servis d’armes a feu; 206 se sont axphyxiCs a l’aide de la va- 
peur de charbon : dans le seul deparlement de la Seine, 151 ont employe 
ce moyen. 

Les motifs presumes des suicides se prCsentent a peu pres les memes 
tous les ans : on trouve toujours au premier rang de ces causes les con- 
IrariCtCsd’arnour, la jalousie, les suites de la debauchc, la misere cl les 
revers de fortune , les chagrins domestiques, le desir dc sesoustraire a 
des soul'frances physiques. Le quart des suicides de 1843 ne jouissaient 
pas de la plenitude de leurs facultes inlellccluelles. 


Paris. — Imprimeric dc Bourgogne et BIartinet, rue Jacob, 30. 




INHALES MEDKO-PSKHOLOGIQUES, 

JOIJBSAL 

de rAndtomie, de la Physiologie et da la Patbologie 


SYS I KM F. NERVEUX. 


Physiologie. 

NOUVELLES EXPERIENCES 

RELATIVES A LA SOUSTRACTION 

1)1 LIQUIDE CEREBRO-SPINAL, 

I'HElNOMENES QU1 I’.ESULTENT DE LA SECTION 
DUS PARTIES MOLLES DE LA NUQUE; 


M. LONGET. 

f,es physiologistes admettent, depuis un certain nombre 
d’annees, que ia soustraction du liquide cerebro-spinal oc- 
casionne un trouble notable des facultes locomotrices. Ayant 
evacue ce liquide, entre l’occipital et 1’atlas, apres avoir divise 
les parlies qui recouvrent I’espace occipito-atloi'dien posterieur, 
j'ai vu, en eflet, lesanimaux abandonees a eux-memcschanceler 
comme s’ils etaient ivres, leur corps se balancer de tous cotes 
comme s’il etail successivement sollicite par des forces antago- 
nistes : mais, chez les meuies aniinaux (cbeval, mouton, chien, 
chat, cabiai, lapin , etc.), m’elant bornS a inciser les parties 
modes de la nnque, sans domer issue au liquide cerebro-spi- 
asmal. jniD.-psvcH. t. vi. Seplembre 1855. 1. 11 



15«S iNOUYELLES EXPERIENCES RELATIVES 

ual, j’ai observe, avec quelque surprise, Ies mfirnes plieno- 

menes jusqu’a present attribues a sa soustraction. 

Des lors, il devenait necessaire de faire ccouler le Iiquide cere- 
bro-spinal satis leser les parlies musculaires et ligamenteuses de la 
region poslerieure du cou: j’enlevai done uneseule lamevertebrale 
vers le milieu du dos; et si, a la suite de cette operation prealable, 
de la faiblesse survint (a cause de la plaie musculaire) dans le train 
posterieur, elle ne fut en rien augmentee par recoupment du 
Iiquide, et d’ailleurs les animaux (chiens) ne presenterent au- 
cunemeut la litubalion si singuliere que j’avais remarquee dans 
l’autre serie d’expMences, apres la simple division des parties 
molles de la nuque. 

Mais on pouvait objecter qu’en procedant ainsi, j’avais donne 
issue a une quantite de Iiquide moins considerable qu’en per- 
forant les membranes au lieu ordinaire d’election, a la hauteur 
du quatrieme ventricule, entre l’occipital et l’atlas; d’ou l’ab- 
sence de troubles dans la locomotion. II fallait done avoir recours 
a une contre-epreuve plus decisive. 

Or, en variant les experiences, je n’ai pas tarde a recon- 
naitre un fait important, savoir, la possibilite d’evacuer le 
Iiquide au niveau du lieu d’election, et en meme temps d’iso- 
ler, pour l’observateur, les elfets qui pourraient r6sulter de 
cette evacuation, de ceux qui surviennent aussitot apres la 
section des parties recouvrant le ligament occipito-atloi'dien 
posterieur. Ainsi, j’ai vu (chez les chiens, les chats, les la- 
pins, etc.), la litubation, l’iucertitude dans la demarche, que 
j’avais produites en me bornant a diviser ces parties, disparaitre 
completement en trente-six ou quarante-huit heures : et, des 
lors, le ligament occipito-atloi'dien posterieur etant demeure a 
decouvert, la locomotion 6tant redevenue tout-a-fait normale, 
les conditions etaient on ne peut plus favorables a la fois pour 
extraire le Iiquide cerebro- spinal et pour observer l’influence 
immediate, si elle etait reelle, de son extraction sur l’exercice 
r6gulier des organes locomoleurs. Malgre le soin que j’ai pris, 



A LA SOUSTRACTION DU LIQUIDE CERfiBRO-SPINAL. 159 
au moment de la perforation des membranes, de faire crier lee 
animaux, de geuer leur respiration, ou meine, apres avoir 
ouvert les membranes spinales, d’enlevcr une partie de la 
voute crSnienne (lapins), pour rendre recoupment du liquide 
plus facile et plus complet (1), dans aucun cas la demarche des 
animaux n’a presente la moindre modification. Par consequent, 
d’une part, on peut donner issue au fluide c6rebro-spinal 
sans determiner aucun trouble dans les mouveinents; d’autre 
part, celui qui edate d’une maniere si brusque et si marquee , 
apres qu'on a seulement divise les muscles sous-occipitaux pos- 
terieurs (avec le ligament sus-epineux, quand il existe), ne dltre 
qu’un espace de temps assez court. 

A propos de ce dernier resultat, qu’il me soit permis de faire 
observer qu’ici, pour expliquer la restitution prompte et inte¬ 
gral desmouvemeuts, il est bien impossible, comme 1’ont tou- 
jours fait les experimentateurs qui avaient d’abord 6vacu6 le 
liquide, d’invoquer sa reproduction rapide, puisque son eva¬ 
cuation n’avait point eu lieu d’abord. 

Ainsi, evidemment, dans nos experiences, le retablissemenl 
des fonclions locomotrices ne saurait pas plus dependre de la 
reproduction du liquide cer6bro-spinal, que leur perturbation 
n’a pu d6pendre de son ecoulement; et jusqu’alors, par conse¬ 
quent, la cause de 1’apparition de ces phenomenes, aussi bien 
que la cause de leur disparition rapide, a 6te enlierement me- 
connue. 

Mais, avant de cbercher 5 les expliquer, il importe de de- 
crire les phenomenes dus a la section des parties molles de la 
nuque. Comme ils varient un peu selon l’espece animale, avant 
d’exposer le tableau compare de leurs variations, j’indiquerai 
les effets obtenus sur une espece donn6e, chez le chien par 
exempte. 

La tSte s’inliechit fortement au-devant de la colonne cervi- 


(1) Ce dernier precede est dO a M. Foville. 



160 NOUVELLES EXPERIENCES RELATIVES 

cale; 1’animal perd aussitot I’6quilibre, faiblit sur ses quatre 
membres, specialement sur les posterieurs, detneure d’abord 
a plat sur le ventre, et, apres etre restt un moment comme 
indecis, tout-a-coup s'elance, fait trois ou quatre bonds en 
avant avec une grande precipitation, puis retombe a plat en 
ecartant les patles anterieures, qu’il meut d’une maniere brus¬ 
que et incoherente. Mais bientot il parvient a se soulever im- 
parfaitement, chancelle sur ses membres ecartes, et, s’il 
marche, s’avance d’un pas mal assure et bizarre qui lui donnc 
tout-a-fait l’apparence de l’ivresse. Vient-on a 1’effrayer, il fait 
effort pour fair, s’embarrasse dans ses mouvements, tombe et 
roule sur Iui-meme. 

Memes effets chez le cabiai et le lapin : seulement le train de 
derriere m’a paru moins alfaibli que chez le chien , et le mou- 
vement de recul s’est offert plusieurs fois it mon observation. 

Le chat, dout d’une extreme vivacite, d’une adresse et d’une 
precision si remarquables dans ses mouvements, offre surtout le 
spectacle le plus frappant par l’impetueux desordre de sa loco¬ 
motion , rappelant toutes les allures de l’ivresse la plus fou- 
gueuse : ses chutes sont frequentes, et parfois il roule sur 1’axe 
de sa longueur. 

Sur cinq moutons mis en experience, trois ont presente 
une tendance manifeste au recul. Le desordre et I’incoherencc 
dans les mouvements ont etc moindres que chez le chien, le 
chat, le lapin et le cabiai. 1’outefois, le train de derriere s’est 
montrd assez alfaibli et la demarche assez incertaine pour per- 
mettrela chute de l’animal. 

Chez le cheval, la section isoice des muscles sous-occipilaux 
posterieurs n’a ele suivie d’aucun elfet appreciable; mais, apres 
celle de ces muscles cldu ligament sus-epineux , la demarche est 
devenuc irregulitre, embarrassee, ind6cise : I’animal mar- 
chait, alTaisse sur le train posterieur, comme s’il eut ete charge 
d’un lourd fardeau; il elendait et relevait d’une facon bizarre 
et maladroite les jambesde devant, comme l’eut fait un cheval 



A LA SOUSTR ACTION IMJ LIQCIDE CERERRO -SPINAL 161 
atteint d’une cecite rficente. Neanmoins, l’allure est demeuree 
plus ferine, plus assurSe que chez les autres animaux; car je 
n’ai vu survenir la chute chez aucun des trois chevaux qui in’ont 
servi h executer ces experiences. 

Tous les effets precedents ne sent bien prononces, chez ces 
diverses especes animales, qu’a la condition que les deux pe- 
tits muscles droits posterieurs soient entierement divis6s. En 
cherchant a expliquer ce resultat, on ti ouve qu’a cause du lieu 
d’insertion, de la direction de leurs fibres, et de leurs adlie- 
rences intimes avec le ligament occipito-atloidien posterieur, ces 
deux muscles noil seulement empechent un ecartement exagfire 
de 1’occipital et de l’atlas, lors de la flexion de la tele, mais encore 
soulevent le ligament occipito-atloidien et le raaintiennent suffi- 
samment eloign^ des parlies nerveuses sous-jacentes. Aussi, a 
cause meme de Taction speciale de ces muscles, les effets qui 
surviennent apres leur section n’ont-ils pas lieu quand on se 
borne a fl6chir fortement la tete des animaux a l’aide de liens 
appropries (1). 

Je dois ajouter que sur le chien, le chat, lelapin, etc., ayant 
fait plusicurs fois la section des muscles cervicaux posterieurs 
d’un seul cdte, au niveau de I’espace occipito-atloidien , je n’ai 
donn6 lieu a aucun des phenomenes precedents. 

Du reste, j’ai pu, au moment ou je venais de les produire, 
faire disparaitre ces phenomenes a volonte et presque instanla- 
n6ment, c’est-a-dire restituer aux animaux leur equilibre et la 
facult6 de marcher, en soutenant leur tete et la retenant dans 
l’attitude normale avec la main ou a i’aided’un collier de carton 
suffisamment large. 

Cette derniere observation me conduisit a effectuer la division 
des parties molles de la nuque sur des animaux d’abord munis 
d’un semblable appareil convenablement decoupe : les effets 
furent nuls ; tandis que, aussitot apr6s 1’enlevement de 1’appa- 
reil, ils se raanifesterent avec toute leur singularite. 

(1) On Irouvcra plus loin (l’aitlres raisons qui expliquenl egalemeiU 
ces differences. 




162 NOUVELLES EXPERIENCES RELATIVES 

j’ai dit plus haut qu’ils elaient de courte durfie chez les ani- 
maux abandonnes a eux memes; mais cette duree varie selon 
leur intensity, et, par consequent, selon l’animal. Chez le 
cheval, la locomotion redevient reguliere apres six ou huit 
heures; apres dix ou douze chez le rnoulon; et, chez le 
chien, le chat, le cabiai, le lapin, la restitution integrate de 
la fonction n’a lieu qu’au bout de trente-six a quarante-huit 
heures, 

Si le retour de la fonction est d’autant plus rapide que son 
trouble a 6t6 moindre, il est facile de demontrer que l’intensitf* 
de celui-ci sera d’autant plus grande, qu’apres l’exp£rience la 
flexion de la tEte sur la colonne cervicale sftra devenue 
accidentellement plus considerable, relativement au degre de 
flexion normale. Chez le cheval, I’angle sous lequel se rencon- 
trent les axes longitudinaux de la tete et du cou est un angle 
droit; chez le chien, le chat, le lapin et le cabiai, ces deux 
axessont apeu pres surle prolongement l’un de l’autre, et for- 
ment, par consequent, un angle extremement obtus; tandis 
que chez le rnoulon, leur position relative est intermediate 
aux deux precedents, c’est-a-dire que Tangle forme est plus 
ouvert que chez le cheval et moins obtus que chez le chien. Il 
en resulte evidemment qu’apres la division des parties muscu- 
laires ou ligamenteuses indiquees, la tete du chien , du chat, 
du lapin et du cabiai devra s’inflechir plus que celle du rnouton, 
et celle du rnouton plus que celle du cheval, pour faire un angle 
de inerne ouverture avec l’axe longitudinal du cou. Or, c’est 
precisement Tordre dans lequel nos experiences nous avaient 
amene a classer ces animaux, au point de vue de l’intensite du 
trouble fonctionnel. 

Ces faits se repr&enteront bientot a l’appui de la theorie 
physiologique que nous avons cru devoir adopter. 

Il m’importait de savoir si des experiences, semblables & celles 
quej’avais executes sur des mammiferes , produiraient, sur les 
oiseaux, des effets analogues: celles que j’ai faites sur plusieurs 
Gallinac&>, sur divers Passereaux et Palmipedes, n’ont donne 



A LA SOUSTRACTION DC LIQUIDE CEREBROSPINAL. 163 
que des r&ultats ndgatifs; la tete ne s’est point Archie sur le 
cou d’une maniere appreciable, si ce n’est higbrement chez les 
palmipedes it bee long et volumineux, comme le canard, dont 
ndanmoins la station et la progression ne m’ont pas paru sensi- 
blement modifies. 

A ce propos, on pent se rappeler que, chez la plupart 
des oiseaux, l’axe longitudinal du cou est perpendiculaire a 
celui de la t6te, comme chez les mammifferes dont la locomo¬ 
tion , aprbs l’experience, a offert le moins d’irr6gularit6; que, 
de plus, le trou occipital n’est pas, en general, situe & l’ex- 
tremite posterieure du crane, mais vers sa base, au point 
que, dans la becasse, par exemple, ce trou est au moins 
autant que dans l’homme a la face interieure de la t&te; que 
les os du crane des oiseaux sont fort legers a cause de nom- 
breuses cellules qui se remplissent d’air, provenant soit de 
l’organe auditif, soit des cavitfis nasales ^.qu’enfin les apophyses 
para-mastoides sont ordinairement trfes volumineuses et tres 
saillantes en arriere, comme les fosses cerebelleuses de l’occi- 
pital. Or, cesconditions, bien differentes, pour la plupart, de 
celles qui se rencontrent chez les mammiferes, tendent a faire 
que la ttite soit a peu pres maintenue sur l’6pine par son propre 
poids au degre de flexion normale, d’ou les resultats n6gatifs 
que nous avons obtenus : peut-etre devrait-on aussi tenir 
compte du mode particulier d’articulation de la tete avec le corps 
de la premiere vertebre cervicale. 

Un fait que je ne saurais passer sous silence, parce qu’il a 
viveraent excite ma surprise, e’est que, chez plusieurs chiens 
et lapins conserves a pres i’experience, la mort ait pu resuiter 
de la simple division des parties musculaires de la nuque, d6s 
le troisieme ou le quatrieme jour. A 1’autopsie, je ne rencontrai 
pourtant pas de signes qui permissent de croire que l’inflamma- 
tion exierieure se fut propagee spficialement au bulbe, a travers 
le ligament occipito-atloi'dien post^rieur et les membranes de la 
moelle; mais je trouvai, pour toule lesion, une congestion c6- 



EXPERIENCES RELATIVES 


K')/| NOliVKU.KS I 

rebralc des plus inlenses, qu’il me parui ralionnel d’altribucr h la 
gSne circulatoire et respiratoire qui avail du resulter de la flexion 
angulaire longtcmps continuee de la tele , et sans aoute, en par- 
ticulier.de la compression de 1’arlere basilaire etdu bulbe contre 
la base du crane. Cette remarque m’engagea a tenter sur moi 
une experience dans laquelle, pendant pr£s d’une heure, je 
demeurai.le menton appliqud au sternum. Independammentde 
la fatigue musculaire, des battements incommodes survinrent 
dans les arleres temporales, la face s’injecta , des etourdisse- 
ments, des bruissements d’oreilles se manifestdrent, et ma 
respiration devenant de plus en plus difficile, je fus contraint 
d’interrompre celle experience, de laquelle je ne conservai 
qu’une cdphalalgie qui se dissipa graduellement. 

Maintenant il reste a donner une courte explication desautres 
phenomenes deja deceits. Les physiologistes ont pu reconnaitre 
leur extrfime analogieavec ceuS que M. Flourens a le premier 
signales apres les lesions directes du cervelet. 

La flexion angulaire de la lete sur l’allas, qui, chez certains 
animauxque nous avons designes, resultede la section complete 
des parties musculairesde la nuque, noussemble devoir occasion- 
nera la foisun tiraillement et une compressiou de l’axe cerebro¬ 
spinal, portant plus sp£cia!ement sur les parties qui avoisinent 
l'articulation occipito-atlo'idiennc. Ces parties sont 1c bulbe et la 
protuberance annulaire, auxquels se lient tons les pedoncules 
du cervelet. Or, ces moyens de transmission n’apportant plus 
qu’imparfaitement aux muscles l’influence coordinatrice de cet 
organe, on comprendra qu’il puisse en resulter les memes ef- 
fets que s’il etait 16s6 lui-meme directement. D’ailleurs, jen’ai 
pas n6glige de repeter souvent des experiences comparatives 
sur deux animaux de la meme espece : chez l’nn , je 16sais iso- 
lement, mais superficiellement, le cervelet; chez l’autre, je ne 
pratiquais que la section des muscles cervicaux posterieurs, et 
j’ai toujours trouve une frappanle analogie dans les ph6no- 
menes. 



A r.A SOUSTRACTION DU LIQUIDE CfcREBRO-SPINAI,. 165 

Objeclera-l-on que, dans nos experiences, ccs phenomfenes 
ont ete passagers? Mais tous les ex perimeuta terns saveut avec 
quelle promptitude les centres nerveux, chez les animaux, 
s'habituent a une compression et it un tiraillement moderes, 
avec quelle facilite ils reacquierent iutegralement leur fonctiou. 

Ayant enleve la voute cranienne a des lapins, j’ai successive- 
ment superpose de petites lames metalliques sur l’eucephale lui- 
merne, jusqu’ii ce que je visse les animaux chanceler et pres de 
flechir sur leurs membres : aussilot je m’arrelais, et au bout 
d’une lieure, deja la station etait redevenue plus ferme et mieux 
assuree. 

Sur la merne espece animale, il m’est frequemment arrive 
de pratiquer la section intra-cranienne du trijumeau, et de leser 
en m6me temps le sinus caverneux. Au bout de quelques mi¬ 
nutes, les animaux tombaient sur le cote opposi a la 16sion; 
puis je les abandonnais, et le lendemain ils fitaient debout sans 
la moindre trace de paralysie. A l’autopsie, faite apres quelques 
jours, on rencontrait un caillot sanguin qui avait comprime et 
deform6 rhemisphfere cerebral correspondant. 

Ajoutons que, dans ses experiences si varices, ftl. Flourens a 
vu souvent, et que nous avons vu nous-meme, apres des lesions 
circonscrites du cervelet, les fonctions de cet organe se retablir 
d’une maniere trfis rapide et complete. 

Je ne m’arreterai pas a 1’examen d’autres theories qui s’offrent 
egalement a 1’esprit pour expliquer les resullats finonces dans 
ce memoire, et je crois devoir ici m’en tenir li celle qui, jus- 
qu’a present, m’a paru la plus rationuelle. 

Toulefois, je ferai observer qu’un simple deplacemenl du, 
centre de gravite, par suite de la flexion de la tete, due a la sec¬ 
tion de ses muscles extenseurs, ne saurait rendre compte des 
d^sordres si bizarres qui surviennent dans la locomotion des 
animaux. Car, coniine nous l’avons experiment^, on ne donne 
pas lieu a ces niemes desordres en fixaut la tele au-devant 
du sternum a l’aide de liens conveuables, quoique ia flexion 



166 NOUVELLES EXPERIENCES RELATIVES 

puisse alors fitre portee plus loin que chez l’animal aban- 
donnd a lui-meme, apres la section des muscles cervicaux pos- 
tdrieurs. De plus, ne sait-on pas que , quelques minutes apres 
l'amputation de l’un de ses membres, le chien, en changeant 
son centre de gravity, retrouve l’equilibre ? J’ai vu tout rd- 
cerament un de ces animaux auquel j’avais lid l’aorte abdominale, 
et chez qui les membres abdominaux elaien.t completement 
paralyses, reprendre instantandment son equilibre a 1’aide 
d’une attitude singuliere dans laquelle son train postdrieur dtait 
enlidrement ddtachd du sol, et qui lui permettait de se sou- 
tenir et de marcher avec vitesse et regularity sur ses deux pattes 
de devant. J’ai deplacd le centre de gravite de bien d’autres 
manidres, sans avoir jamais pu reproduire des phfinomenes 
analogues h ceux qui font l’objet de ce travail. 

Maintenantil reste a savoir pourquoi on ne les produit point, 
quand on se borne a fldchir fortement la tete des animaux 
a l’aide de liens approprids. 

Dans ce cas, le mouvement se fait par un deplacement de 
toutes les vertfebres de la colonne cervicale, et, quoique les 
rapports des vertebres entre elles soient tres peu changes, il en 
resulte une courbe qui permet un abaissement considerable de 
la tdte, sans lesion possible des masses nerveuses : au contraire, 
dans le cas ou la flexion n’a lieu qu’apres la section des parties 
molles de la nuque, la tete s’inflechit directement sur l’allas, 
lesautres vertebres cervicales ne participent point a ce mouve¬ 
ment, et, quoique la flexion ne paraisse pas plus considerable 
que dans le cas precedent, elle s’est operee au moyen d’un 
deplacement angulaire entre l’atlas et le contour du trou occi¬ 
pital, d’ou resulte un angle qui fait saillie en dedans et vient 
comprimer des parties de l’axe cerdbro-spinal que nous avons 
ddja specifiees (1). 

(1) On a vu, plus haul, que la section des deux petits muscles droits 
posterieurs etait indispensable pour permettre ce ddplacement et lous 
les accidents qui en rdsultent. 



A LA SOUSTRACTION DU LIQUIDE CfiREBRO-SPINAL. 167 

Conclusions. 1° La soustraction du liquide cerdbro-spinal 
n’a aucune influence sur l’exercice regulier des organes locomo- 
teurs : au contraire, la simple section des parties molles de 
la nuque entraine la perte immediate de toute faculty de sta¬ 
tion et de locomotion rfiguliferes. 

2" C’est a la division prfialable de ces parties qu’on doit rap- 
porter le trouble locomoteur attribuS, jusqu’fc present, a la 
soustraction du liquide cerebro-spinal faite au niveau de 1’espace 
occipito-atloidien. 

3° Ce trouble, si notable chez certains mammiferes, est nul 
chez les oiseaux dont l’axe longitudinal du cou est perpendicu- 
laire li celui de la tete, et le trou occipital situ<5 a la base du 
crane. 

k° Chez les mammiferes, (’incertitude dans la station et dans 
la marche, apres qu’on a divis4 les muscles cervicaux posfe- 
rieurs, est d’autant plus prononcee et disparait d’autant moins 
vite que les deux axes precedents ferment, a l’fitat normal, un 
angle plus obtus. 

5° Elle offre, d’ailleurs, la plus grande analogic avec celle 
qui resulte des lesions directes du cervelet, et parait avoir pour 
cause la compression et le tiraillement, au niveau et au-dessus 
de l’atlas, des portions de l’axe cerebro-spinal auxquelles sont 
lfes les pedoncules cer6belleux. 

6° C’est par l’habitude que ces portions enc4phaliques pren- 
nent si rapidement d’etre comprimees et tiraillees, et non par 
la reproduction du liquide cephalo-rachidien, qu’on doit expli- 
quer la restitution prompted entiere des faculfes locomotrices. 

7° Meme apres le retablissement de ces facultes, la section 
des parties molles de la nuque, chez certains animaux , peut 
determiner la mort en occasionnant une congestion cer4brale 
des plus intenses, due & la gene de la circulation enc4phalique 
et de la respiration, qui r4sulte de la flexion angulaire de la 
tete sur l’atlas. 



m 


CAUSES ET THfiORIE 


Palhologie. 

MALADIES MENTALES. 


DE L’INFLUENCE DE L’ETAT INTERMEDIATRE 

A LA VEILLE ET AU SttMNKIL 

SUH LA PRODUCTION ET LA MARCHE 

DES HALLUCINATIONS, 

HI. BALIIiliAKCiEH, 


SECONDE PARTIE. 


§ I". 

Examen et discussion des observations. 

Les observations qui precedent prouvent d’une maniere in¬ 
contestable 1’influence que le passage de la veille au sommeil et 
du sommeil a la veille a sur la production des hallucinations, 
chez les sujets predisposes & la folie, au debut et dans le eours 
de cette maladie. Sur les trente fails que j’ai citds, onze sont 
empruntes a divers auteurs qui n’ont rien dit de la cause 
que je viens d’indiquer , et qui ne paraissent pas meme l’avoir 
remarquee. Ces onze observations ne sauraieut done etre sus- 
pectes , et si j’avais pu avoir quelques doutes sur celles que j’ai 
moi-mdme recueillies, cette circonstance les eut dissipes. C’est 
done, je crois, ddsormais un point bien etabli que cette in¬ 
fluence de l’etat inlermediaire a la veille et au sommeil sur la 
production des hallucinations dans la folie. 

,1’ai dit que la nuit avait. dejii die sign alee, dans plnsieurs on- 








DES HALLUCINATIONS. 


169 


vrages, comme un moment de paroxysme pour les hallucines; 
mais on se bornait a enoncer le fait sans en rechercher la cause, 
ou bien on donnait des explications en dehors de la verite. 
Voici, par exemple, comment s’expliqne Fodere dans son 
Traiti du delire. 

«II est a remarquer, dit Fodere, que quoiqu’en general ces 
apparitions aientlieu lejouraussi bien que la nuit, cependant 
elles commencent ordinairement avec les tfinfebres, et elles sont 
plus fortes pendant la nuit, parce qu’alors on a moius de movens 
de s’iuformer de la veritable raison de ce qu’on croit voir ou en¬ 
tendre, etque d’ailleurs l’obscurite et le silence pretent singu- 
lierementau travail del’imagination. » 

Une explication analogue a ete donnee par M. Calmed, dont 
le travail est un des plus recents. 

« Les hallucinations de l’ouie, dit-il, presentent quelquefois le 
jour une sorle de rdmittence ou meme d’intermittence, et se 
rfiveillent ensuite au moment de la nuit; soit que le mouvement, 
les occupations de la journee, exercent sur l’esprit une diver¬ 
sion heureuse, soit que l’obscurite , le silence, l’isolement 
contribuent, en concentrant l’attention sur un petit nombre 
d’objets, a exalter l’imagination et a dgarer le jugement. Tel 
ali§n§ qui est calme et satisfait taut que le soleil est sur l’horizon, 
voit arriver la fin du jour avec une sorle d’appr6hension, con- 
vaincu qu’il est que les scenes de la nuit precedente vont en¬ 
core se renouveler jusqu’au lendemain. » 

Les causes indiquees par Fodere et par M. Calmeil, pour 
expliquer les hallucinations qui out principalement ou memo 
uniquement lieu pendant la nuit, peuvent assurement avoir 
quelque chose de vrai; mais on ne doutera pas, en lisant les 
observations qui precedent, que la principale do ces causes n’ait 
echappc aux auteurs que je viens de citer. Cette cause est I’iu- 
fluence de 1’etat intermediate a la veille et au somineil, pen¬ 
dant lequel se produisent comme des revcs anticipes, acconi- 
pagues souvent d’hallucinations. 



170 CAUSES ET TH150IUE 

Le moment precis auquel le phenomene a lieu est d’ailleurs 
clairement indique par les malades cux-mSmes. 

C’est avant de s’endormir et h son reveil que la mfelancolique de 
Pinel ( Obs . XV) eprouvait les hallucinations qu’elle ddcrit si 
bien. 

C’est au moment oh il allait s’endormir qne I’alienS dont 
parle M. Leuret entendait dans la tfite ce singulier frappement 
( Obs. XI). 

C’est encore avant le sommeil, et lorsqu’il s’eveillait, que cet 
ancien employ^ des finances, dont j’ai trauscril l’observation , 
entendait des voix; c’est alors aussi qu’il avait des visions 
( Obs. XVI). 

Le fait n’est pas moins bien indiqud dans les observations de 
MM. Cazauvielh et Moreau , ni dans celle de l’hallucinfi dont 
parle Bodin ( Obs. XXI, XXII, XXIII, XXVII). 

Je cite de preference les faits empruntes aux auteurs, parce 
que les termes dont ils se sont servis ne sauraient etre sus¬ 
pects. Us prouvent que les malades que j’ai moi-ineme inter- 
roges n’ont rien dit que ce qu’ils eprouvaient. 

II est important de ne pas confondre ces hallucinations, sur- 
venant alors que le besoin de sommeil se fait sentir, que les 
paupi&res se ferment, mais qu’on n’est point encore endormi, 
avec celles du sommeil proprement dit. La jeune fille qui voyait 
le diable, et qui peut-etre est une de celles qui explique.ut le 
moins nettement l’htat dans lequel elle se trouvait, me disait 
qu’en sortant de cet 6tat, elle n’avait jamais conscience du 
reveil, il lui semblait qu’elie n’avait pas cesse de veiller; quoi- 
que ses yeux se fussent fermes, elle avait continue & entendre 
lout ce qui se passait autour d’elle ( Obs. XVII). 

II y a loin de I& aux hallucinations des reves. Quand on a 
reve et par consequent dormi, on est hclaire au reveil sur le 
phenomfene qu’on vient d’dprouver, et il n’y a rien de semblable 
chez les malades dont j’ai parle. 

— Esl-il bien sur que vous ne dormiez pas quand tout cela 



DES HALLUCINATIONS. 171 

se presente a vous ? demaude M. Leuret a l’alien6 qui fait le 
sujet de la seizieme observation. 

— Surement je ne dors pas, repond-il, car je vois tres 
distinctement. 

M. Leuret n’accepte pas cette reponse et demontre facile- 
menlqu’ellen’estpasrigoureuse, car onpeut voir tres distincte- 
menl dans un reve. Cependant le malade etait dans le vrai, il ne 
dormait pas; il etait seulement legerement assoupi. Au reste, 
c’est un de ceux auxquels il suffisait, meme pendant le jour, de 
fermer les yeux pour avoir des hallucinations de la vue. J’insiste 
sur ce point parce que c’est, je crois, une distinction qu’on 
devra faire desormais, que cede des hallucinations survenant 
dans l’etat intermediate a la veille et au sommeil, et des hal¬ 
lucinations qui ont lieu pendant le sommeil. Ces dernieres ont 
beaucoup moins d’influence sur 1’esprit des malades, sont beau- 
coup moinsdangereuses; les autres, au contraire, affectent l’ima- 
gination bien plus vivement parce qu’on ne dort pas. Comme le 
disent les malades , ce n’est pas un reve; on voit et on entend 
bien reellement. D’ailleurs, que de difference entre les unes et 
les autres sous le rapport de la gravite : les hallucinations dans 
les reves sont sans doute un signe d’excitation cerebrale, mais 
elles peuvent exister longtemps sans qu’on ait a craindre l’inva- 
sion de la folie; les autres, au contraire, qui se rapprochent 
sous ce rapport des hallucinations de la veille, ne tardent pas, 
pour peu qu’elles persistent, a devenir continues et a entrai- 
ner le delire. 

Je dis que les hallucinations qui precedent le sommeil de- 
viennent bientot continues et entrainent le delire; c’est, en 
effet, ce qui 'a lieu le plus souvent. Cependant, les trois pre- 
. inieres observations prouvent qu’il n’en est pas toujours ainsi, 
et que la folie peut ne survenir qu’apres plusieurs annees chez 
des sujets qui, tous les soirs, etaienl tourmentes par des hal¬ 
lucinations au moment du sommeil. Je connais une dame, d’un 
esprit distingue et douee d’un excellent jugement, qui n’a ja- 



172 CAUSES EX XlfECfatlE 

mais pu s’endormir sans une lumiere, a cause des visions dont 
elle estassiegee dans l’obscurite. On devra surtout tenir compte 
de ce symptome chez des sujets nes de parents alienes, ou qui 
ont d’autres signes de predisposition a la folie. Des trois ma- 
lades dont j’ai donne 1’histoire, deux , en effet, ont fini par 
perdre la tete, et le troisieme a ete plusieurs fois dans l’immi- 
nence du delire. Les hallucinations au moment du sommeil 
devront done etre recherchees, chez les sujets predisposes a la 
folie , comme un des traits de cette predisposition. 

L’etude des hallucinations qui precedent le sommeil oflrc 
plus d’importance dans le prodrome et au debut de la folie; elle 
montre, en effet, dans beaucoup de cas, le point de depart et 
1’origine des fausses sensations qu’on observe pendant la veille. 
D’ailleurs, e’est apres un temps variable que les hallucinations 
qui se sont d’abord produites uniquement au moment du 
sommeil deviennent continues. Ainsi, chez Alexandrine J... 
[Obs. IV), cela n’a eu lieu qu’aprfes une douzaine de jours. 
D’abord il suffisait a la malade de sauter de son lit et d’avoir de 
la lumiere pour retrouver le calme; ce ne fut qu’apres ces 
douze jours que, les hallucinations persistant rnalgre la lumiere, 
la malade en vint a se disputer avec les voix et a se sauverdans 
les rues en appelant du secours. Dans d’autres observations le 
phenomene a persiste moins Iongtemps isole. Dans la huitieme, 
par exemple, le bruit survenu au moment du sommeil conti¬ 
nue , d&s la premiere fois, pendant toute la nuit. Chez la ma¬ 
lade de la treizieme observation, les hallucinations durent pen¬ 
dant six heures, des le premier jour. Enfin , chez madame L... 
( Obs. XIV), un dfilire violent a suivi immediatement et n’a 
pas cesse depuis huit ans. 

Les hallucinations qui surviennent au moment du sommeil, 
apres etre devenues continues, peuvent de nouveau, avant 
de se terminer completement, revenir a leur point de depart. 
C’est ce qui a eu lieu spontanement dans la ciuquieme observa¬ 
tion , et sous 1’influence du datura dans les observations XXII 
et XXIII. 



DliS HALLUCINATIONS. 


173 

Cette espSce de tnarche decroissante pourra quelquefois faire 
reconnaitre le point de depart des hallucinations , alors que les 
renseignements sur le debut n’auront pas permis de l’Stablir 
bien nettement. 

Quelle que soit l’origine des hallucinations, elles deviennent 
souvent plus fortes au moment du sommeil. On voit cette espece 
de paroxysme indique par les malades eux-memes dans les 
observations XVI, XXVII, XXIX et XXX. 

II arrive assez souvent que des aliSnes, hallucines d’un ou 
de plusieurs sens pendant le jour, ont des hallucinations d’un 
autre sens dans l’fitat intermediaire & la veille et au sommeil 
( Obs. XXIV, XXV, XXVI et XXVII). 

Les fausses sensations qui precedent le sommeil font quelque¬ 
fois redouter aux malades le moment ou ils vont s’endormir: 
c’est ce qui explique pourquoi celui-ci ne rentrait chez lui que 
le plus tard possible, ou meme passait la nuit dans les rues 
( Obs. XII); pourquoi une autre ne s’est pas couchee pendant 
deux mois ( Obs. XXVI); pourquoi, enfm, cette jeune fille 
chlorotique luttait contrc le sommeil, dont elle avait, disait- 
elle, si grand besoin ( Obs. XXIX ). Quelque chose d’analogue 
avait lieu chez un febricitant qui me demandait souvent, au 
milieu de la nuit, de ne pas cesser de lui parler, ou de lui faire 
une lecture pour le tenir Sveille, parce que, dfis qu’il s’assou- 
pissait, il avait des illusions fatigantes qu’il decrivait avec la 
plus grande precision. 

^Depuis que j’ai fait les observations qui precedent, sur 1’in¬ 
fluence du passage de la veille au sommeil, j’ai rencontre plu¬ 
sieurs malades, non alienSs, qui ressentaient beaucoup plus 
vivement leurs douleurs quand ils s’assoupissaient. J’ai 6t6 
consult, entre autres, par une femme dont les douleurs nfivral- 
giques deviennent intolerables et se produisent quelquefois 
uniquement au moment du sommeil. Enfin, j'ajouterai cru e 
l’influence du passage de la veille au sommeil doit etrc Studiee 
chez les epileptiques. ChargS provisoirement, pendant deux 
axnal. MEB.-psvcir. t. vi. Septcmbre 1815 2 12 




ilk CAUSES et TiiEoEiE 

mois , du service de ces malades a la Salpfilrifire , j’eii Si vu 
une chez laquelle. cette cause provoquait manifestement les 
acces. On sait que ceux-ci siirviennent tres souvent pendant la 
nuit, et il reste a rechercher quels rapports l’invasion peut avoir 
avec celle du sommeil ou avec le rdveil. 

Les hallucinations qui se produisent le plus souvent dans l’d- 
f tat intermddiaire h la veiile et au sommeil sont celleS de 1’ou'ie 
et de la vue. C.e sont aussi Celles qu’on observe chez le plus 
grand nombre des malades dans l’dtat de veiile. Cepebdant les 
hallucinations de la vue sont certainement ici relativemeilt plus 
frequenteS. Dans plusieurs observations, il y a eu de fausses 
sensations du toucher et de l’odorat. 

Il est des malades chez lesquels les hallucinations siirviennent 
seuleineiit au moment du sommeil ( Obs. I, II, IV, VI, VII, 
IX, Xl, etc.); c’est leCas le plus frequent. Elies ont rare- 
nlent lieu uniquement au rdveil ( Obs. XIII, XIV); il est plus 
commun, au contraire, de les observer immediatement avaht 
et apres le sommeil: c’est ce qui existait dans les observations 
IIP, Vs VIlP, xvs XVP, XVIIIS etc. 

Les hallucinations qui se produisent sous l’influence du pas¬ 
sage de la veiile au sommeil sont souvent simples et confuses; 
ce sont, par exemple, des bourdonneinents d’oreilles, des 
bruits de differente nature. C’est Un frappement qUi s’operail 
sur le tympan chez le malade de M. Leuret ( Obs. II); pour 
d’autres, c’est un bruit de voix dans lequel les malades ne dis - 
tinguent rien. Dans Certains cas, il eii est autrement, les pa¬ 
roles sont nettement pronoiicees; ce sont des menaces, des iiH 
jures, on annoiice au malade des evdnements facheuX. On de- 
mandait a une femme des messes pour l’Sme de ses parents 
morts. Une autre entendait des assassins qui venaienl la tuer 
ainsi que son rnari. 

Les hallucinations de la vue sont tres variees. La malade qui 
fait le sujet de la neuvidme observation voyait presque toujours 
des militaires. Une autre apercevait le diable chaqtte soir, tou- 



DBS ftAi-LDCINATIONS. 175 

jours sous la m@me foriile. Ainsi, oil ne peut rieii etabllr de ge¬ 
nera! , et les hallucinations de l’etat intermediaire a la veille et 
att sommeil ne different eh rien, sous ce rapport , de celles qui 
Oht lieu pendant la veille. 

La comparaison des observations que j’ai cities me parait 
faire ressortir, quant § l’etiologie , uu fait de quelque interSti 

Chez Alexandrine J... (06s. IV) les hallucinations survin- 
rent a la suite de la suppression des regies, et cesseirent apres 
une application de sangsues qui les fit reparaitre, 

La femme Li . . ( Obi . V) aVaitj depuis quelque temps, de la 
cephalalgie, des etourdissements , des bourdonnements dans les 
oreilles. Elle etait tres coloree et sous l’influence d’une conges¬ 
tion cerebrale permanente, qu’aggravaient encore des exces de 
boisson. Les hallucinations, aprfis avoir cede une premiere fois, 
revinrent a l’epoque des regies. 

Denise B... ( Obs. VI) avait ornis de se faire pratiquer une 
saignee a laquelie elle etait habituee depuis plusieurs annees; 
ses migraines avaienl augmente, et elle etait aussi trfis co- 
loree. 

Dans les septifeme et huitieme observations , les malades 
etaient arrivees k l’age critique ; l’une d’elles etait forte, pl6- 
thorique et sujette a des 6tourdissements. 

Chez la malade del’observation neuvieme, les regies, depuis 
quatre ans, avaient toujours ete en diminuant. 

Dans l’un des faits empruntes k M. Aubanel, le malade avait 
de la cephalalgie, la figure rouge, le front chaud. Les halluci¬ 
nations cederent k une saignee que fit pratiquer M. Ferrus. 

Dans tous les cas que je viens de rappeler, et dans d’autres 
encore, la congestion cerebrale parait avoir joite le principal 
rOle pour la production des hallucinations. C’est un point qu’il 
faut constater, parce qu’il fournit des indications bien precises 
pour le traltement. 

Le delire qu’entrainent les hallucinations sufvenanl au mo¬ 
ment du sommeil est souvent de peu de dur4e 



CAUSES ET THfiORIE 


176 

La malade de la quatrieme observation lilt guerie quelques 
jours apres son entree a la Salpetriere. II en fut de menie pour 
celle de l’observalion septieme. La femme qui entenditplusieurs 
nuits de suite la voix de ses parents qui lui demandaient des 
messes ne donna aucun signe de delire it l’hospice, et celui qui 
avait du provoquer son entree avait d6ja cesse. Les malades des 
vingt-unieme et vingt-deuxieme observations furenl aussi tres 
promplement gueris. 

Plusieurs auteurs, et Esquirol, entre autres, out signalC l’ana- 
logie des reves et des hallucinations. Cette analogie existe , et 
les faits que j’ai cit6s me semblent surtout propres a la dfimon- 
trer; cependant on a neglige de faire une distinction sur laquelle 
je crois devoir insister. 

11 y a deux sortes de rSves: les uns sont simples et purement 
intellectuels, si je puis dire; lesautues sont accompagnesd’hal¬ 
lucinations veritablement sensorielles. 

Les reves simples sont les plus frequents; on se rappelle sou- 
vent des conversations qu’on a eues avec des personnages qu’on 
u’a pas vus, et de la voix desquels on n’a conserve aucun sou¬ 
venir. II se passe dans ce cas ce qui a lieu tres souvent, mais 
avec conscience , dans l’6tat de veille, lorsqu’on est tres preoc¬ 
cupy. II arrive alors qu’on se parle a soi-meme mentalement 
a la seconde personne, comme le ferait un interlocuteur. C’est 
ainsi que nous nous adressons des reproches et que nous nous 
faisons des objections auxquelles nous repondons, etc. Mais dans 
ces espfcces de dialogues interieurs il n’y a que des pensfies 
formulees sans aucun bruit de voix. C’est un phdnomene intel- 
lectuel independant de l’action des sens. 

Ces reves simples constituent aussi de fausses perceptions de 
1’ou'ie, puisqu’on croit entendre des paroles; mais ces paroles, 
on les entend sans bruit, elles sont tout intMeures, ce sont des 
hallucinations incompletes et qui different des veritables hallu¬ 
cinations par l’absence des ph£nomenes sensoriaux. 

Quelquefois on se rappelle avoir vu certaines figures, en- 



DES HALLUCINATIONS. 


177 

tendu certaines voix pendant le somnieil; ce qu’on a 6prouv6 
est alorstout-'a-fait identique avec ce qu’eprouvent les hallucinfe 
pendant la veille, et une des observations que j’ai cities le 
prouve d’une maniere evidente; la malade entendait des voix 
avant de s’endormir et en se rfiveillant, mais, de plus, elle se 
rappelait les avoir entendues pendant son somineil; quelquefois 
meme ces voix la reveillaient. Ainsi l’hallucination avait lieu 
avant, pendant et apres le sommeil, et, dans tousles cas, elle 
etait evidemment de la meme nature. 

II importe done, si on compare les reves aux hallucinations, 
de tenir compte de la distinction dont je viens de parler, et sur 
laquelle je vais bientot revenir pour montrer qu’elle doit egale- 
ment etre faitepour les phenomenes qu’<5prouvent les liallucines. 

La nature des hallucinations est tres diversement comprise 
par les auteurs : les uns les considerent comme un symptome 
purement physique, dont le bourdonnement d’oreilles est le de- 
gre le plus simple; les autres comme une espece particuliere de 
d&ire qui ne differe des conceptions delirantes, en general, 
que par sa forme. Pour les uns, les hallucines sont reellement 
impressionnes comme s’ils voyaient et entendaient, etc.; pour 
les autres, au contraire, ces malades se trompent, et n’eprou- 
vent rien de ce qu’ils disent. Les partisans de la premiere opinion 
preconisent surtout les moyens physiques; ceux de la seconde, 
le traitement moral. 

Les observations que j’ai citees me semblent de quelque inl6- 
ret pour la solution de la question. Elies fournissent un des 
arguments les plus solides al’opinion, surtout bien defendue par 
M. Foville, qui fait des hallucinations un symptome tout physi¬ 
que. C’est, en effet, d’une maniere en quelque sorte mdca- 
nique qu’on les voit survenir au moment du sommeil. Elies sont 
alors evidemment le resultat du changement qui s’opere dans 
les centres nerveux, changement inconnu, mais qu’il est impos¬ 
sible de concevoir autrement que comme un fait purement or- 
ganique. Le simple abaissement des paupieres suffit pour pro- 



178 CAUSES EX THE0R1E 

voquer chez quelques malades des hallucinations de la vue; ils 
apercoivent alors des objets varies dont ils n’avaient pas la 
moindre idee un instant auparavant. La position horizontale pa- 
rait meme contribuer beaucoup a la production des hallucina¬ 
tions. La meiancolique citie par Pinel cessait, des qu’elle 
etait assise, d’entendre la voix qui lui parlait. J’ai dans mon 
service une uialade qui entend plus forteraent le bruit de voix 
qui la tourmentent quand elle a la tete basse. Dans l’une des 
observations empruntees a M. Moreau , les hallucinations re- 
commencaient d6s que le malade posait sa tete sur I’oreiller, el 
il lui suflisait de se mettre sur son seant pour s’en debarrasser. 
Chez les femmes, c’est, dans beaucoup de cas, sous l’influence 
de la suppression des regies et de symptomes de congestion 
cerebrate que les hallucinations surviennent au moment du 
sommeil. Or, j’ai montr6 que ces hallucinations etaient souvent 
le point de depart de celles qui ont lieu pendant la veille. Elies 
doivent done , au moins dans ce cas, etre considirees comme 
un symplome physique, et qui appelle surtout 1’emploi des 
mayens physiques. 

' Les hallucinations qui precedent le sommeil, pour peu 
qu’elles persistent pendant plusieurs jours, doivent fiveiller l’at- 
tention du medecin , surtout s’il s’agit d’un sujet predispose a 
la folie, ou qui a deja et6 alifine. C’est, en effet, parce qu’elle 
permettra quelquefois de prevenir un delire imminent que 
l’etude des hallucinations de l’etat intermediate a la veille el 
au sommeil peut avoir quelque utility pratique. 

II me reste a parler des faits que j’ai cites sous le rapport de 
la m6decine legale. 

Un paysan allemand, r6veille au milieu de la nuit, frappe 
d’un coup de hache un fantome qu’il apercoit devant lui. Get 
homme imraole ainsi sa femme, avec laquelie il avait toujours 
v6cu en ires bonne intelligence. Il n’avait donnejusque la aucun 
signe de folie, et il n’en donna aucun apres. Ce cas devait in- 
teresser a un haul degr6 les medecins-Idgistes, et il provoqua 



DES HALLUCINATIONS. 179 

une longue consultation, que jVIarc q traduite en entier et qu’il 
cite comme un lpodide. Les auteurs de cette consultation, apres 
avoir rappele l’especa de delire qui sunrient souyent au mo¬ 
ment du sommeil et du rdveil, declarent que le meurtre a du 
etre commis dans un etat intermediaire a la yeille et au sommeil. 
Cbpse singuliere, cette opinion, dtayfie de I’autorite des plus 
celebres physiologistes, ne s’appuie sur aucun fait emprunte a 
la pathologie mentale. Hoffbauer et Marc, dans les chapityps 
consacres a l’examen de l’6tat intermediaire a la veille et au 
sommeil, sousle rapport medico-legal, ne citent non plus aucun 
fait observe chez les alienes. C’est le silence d’auteurs si erudits 
qui m’a surtout engage a publier les observations que renfernie 
ce memoire. Elies devraient, en effet, etre invoqu^es dans le 
cas ou des hallucinations seraient alleguees comme excuse d’un 
meurtre commis pendant la nuit par un homme qu’on retrpu- 
verait le lendemain parfaitement sain d’esprit. On a vu les hal¬ 
lucinations provoquees par le passage de la veille au sommeil se 
continuer, des la premiere fois, une partie de la nuit et cesser 
le matin ( Obs. VII et XIII). 11 y a done la une cause de fohe 
transitoire , dont il pourrait ne rester aucun signe. II faudrait 
alors recheicher si le malade s’etait couche, s’il ayait eu un 
commencement d’assoupissement, ou si e’est au reveil que les 
hallucinations ont comnience, etc, 

§ 11 . 

Applications a 1’etude physiologique des hallucinations. 

J’ai reproduit le memoire qui precede tel qu’il a et6 lu a 
l’Acaddmie royaie de medecine dans la seance du iU mai 1843, 
Depuis lors j’ai continue a etudier cette question si curieuse et 
si complete des hallucinations, et i| m’a semble que les fails 
contenus dans ce travail pouvaicut offrir des applications impor- 
tantes it l’etude physiologique de ce phenomene et a cede des 
diverses varietes de delire : e’est ce que je vais essayer de de- 
montrer dans cet appendice. 



180 CAUSES ET THEORIE 

Les hallucinations qui surviennent au moment du sommeil, 
alors que nous avons encore conscience de ce qui nous entourc, 
sont une sorte de reve anlicipe. Comme les reves, elles sont 
evidemment dues a l’exercice involonlaire de la memoire et de 
l’imagination. Le moindre effort d’attention les suspend immfi- 
diatement en ramenant la veille complete, en substituant un 
dtat intellectuel actif et volontaire a l’6tat en quelque sorte 
passif dans lequel le sentiment de la personnalite commencait a 
s’effacer. 

f J’ai souvent eprouve le phenomene des images fanlastiques 
au moment du sommeil, ctces imagesont constamment disparu 
toutes les fois que j’ai voulu fixer sur elles mon attention pour 
les bien dtudier. On ne peut, en effet, prolonger cet 6tatinter- 
mediaire a la veille et au sommeil, et surtout les hallucinations 
qui 1’accompagnent, qu’en s’abslenant de tout effort d’atten¬ 
tion et en restant le plus possible spectateur passif. 

11 y a done une sorte d’antagonisme entre 1’exerc.ice actif do 
la volonte et de l’attenlion et l’exercice involontaire de la me¬ 
moire et de l’imagination. 

Lorsque 1’esprit se repose, et, comme l’a dit Jouflfroi, lors- 
qu’il abandonne les nines, la memoire et 1’imaginalion se meu- 
vent de leur propre mouvement et selon leurs Iois. Alors se pro- 
duisent mille associations d’idees bizarresqui nous entrainent, 
comme cela a lieu dans les reves. 

C’est quand cettc inertie du pouvoir personnel et cette ind<5- 
pendance des faculles commencent que les images fanlastiques 
apparaissent au moment du sommeil. Elles cesscnt aussitot que 
l’esprit reprend la direction des facultes, et qu’il fait acte de 
voIontG et d’attention. 

Les hallucinations des alienes, comme les images fantastiques 
qui precedent le sommeil, ont-elles toujours leur point de de¬ 
part dans l’cxcrcice involontaire de la memoire et de [’imagi¬ 
nation? 

Ne sont-elles pas, au contraire, au moins dans quelques 



DES HALLUCINATIONS. 181 

cas, comine on l’a pretendu, le rfisultat et pour ainsi dire le 
plus haut degre de la meditation ? 

Suffit-il pour les suspendrede fixer plus ou moins fortement 
I’atlenlion des malades? 

Je n’ai pas besoin d’ajoutcr que la solution de ces questions 
est d’un grand interet pour l’etude physiologique et meme pour 
le traitement des hallucinations. 

J’ai cherche & demontrer dans le travail que j’ai adresse a 
I’AcadSmie pour le concours au prix Civrieux : 

1° Que les hallucinations avaient toujours leur point de de¬ 
part dans l’exercice involontaire de la m6moire et de l’imagina- 
tion, et qu’elles ne pouvaient point etre produites directemenl 
par un effort de meditation; 

2° Qu’on suspendait le plus souvent les hallucinations cn 
fixant plus ou moins fortement l’attention des malades. 

L’elatintcllectuel des hallucines est d’ailleurs loin d’etre tou¬ 
jours le meme, et il v a sous ce rapport plusieurs degres que je 
vais indiquer brievement. 

I. On observe quelquefois, tout-a-fait au debut de la maladie, 
des hallucines chez lesquels le pouvoir personnel est complele- 
ment suspendu. Ces malades perdent la conscience de ce qui 
les entoure, et leur etat est en tout point comparable aux reves. 
Tel est l’exemple suivant: 

Madame G., agee de quarante ans, est depuis longtemps su- 
jette aux migraines. Forcee depuis plusieurs mois de rester 
presque toute la journee dans une chambre au milieu du bruit 
que font un grand nombre de malades, elle a vu ses migraines 
augmenter. Le soir, elle sortait parfois avec la tele tres lourde, 
et etait comme etourdie. C’etait pendant des chaleurs tres 
fortes, en juin 1842, et cette cause paraissait contribuer en¬ 
core a augmenter la cephalalgie. 

C’est dans ces circonstances, le 14 juin, que inadameG... eut 
avec trois personnes une conversation qui l’impressionna trfes 
vivement. Il s’agissait pour elle d’intfirets graves; elle eut a 




182 CAUSES E'U THfiQRIE 

lulter activement pour se defendre, et sartjt de la tres emue et 

tres preoccupee. 

Des lors cette conversation est sans cesse presente a son es¬ 
prit ; elle se la rappelle dans les moindres details, et ne pent 
s’en distraire. Quelques jours apres, elle dprouve les phdno- 
menes suivants : 

Quand elle est seule dans sa chambrc et qu’elle se laisse aller 
it ses id&s, elle sent, dit-elle, dans sa tete comme un ressort 
de montre qui se deroule tout-a-coup, et que rien ne peut ar- 
reter. Alors une foule de choses lui passent dans 1’esprit; elle a 
comme un debordement d’idees qui se succedent rapidement et 
malgre elle. A peine cela a-Gjl dur6 quelques instants qu’elle 
perd en quelque sorte conscience de tout ce qui l’enloure; elle 
n’entend plus le bruit des personnes qui passent continuelle- 
ment sous sa fenetre; si elle travaille, son ouvrage lui tombe 
des mains. Alors apparaisscnt a sesyeux leslrois personnes avec 
lesquelles elle a eu la conversation dont j’ai parle plus haul; 
elles occupent les memes places; la malade entend et distingue 
leurs voix, elle repond a ce qu’ils lui disenl, etc, L’une de ces 
trois personnes a une voix aigre qui fatigue , etmadame G. res- 
sent 1’impression de cette voix criarde aussi vivement qu’elle l’a 
ressentie le 13 juin, 

Gombieii cela dure-t-il? la malade l’ignpre. Elle sort de cet 
6lat quand on entre chez eHe, qnand on l’appelle; alors elle 
eprouve nne sensation particuliere comme sj elle ge reveillait; 
elle retrouve son ouvrage a lerre, et le ramasse, Souvent, en re- 
venant a elle, elle entend les derniers mots qu’elle a prononces 
dans cette espece de reve. 

Quelquefois elle a pu s’assure.r qu’elle avait pass6 unedemi- 
heure, une heure, dans cet etat d'hallucination , qui se renou- 
vc’ait cbaquejour plusieurs fois et presque constammept quand 
elle etait seule, qu’e//e cessait de s'occuper et se laissait alter d 
ses idees. 

Get 6tat se reproduisa.it en marchant, et madame G. n’avait 




DE§ HALLUCINATIONS. 183 

alors nulle conscience des endroits qu’elle traversait, des per- 
sonnes qu’elle rencontrait, etc. 

Chose singulifcre, la malade ne sentait plus sa migraine, 
quelque forte qu’elle fut, taut que duraient Ies hallucinations; 
mais leg dopleurs se faisaient c}e nouveau sentir des qu’elle 
etait revenue a elle-meme. 

Ces hallucinations ont dure pendant deux mois; puis elles 
ont cesse lout-arcpup & 1’epoquc menstruelle. 

Pendant tout ce temps, il n’y a pas eu trace de delire, et la 
malade a toujours apprecie parfaitement ce qu’elle eprouvait 
comme un phenomene pathologique. 

Cette observation in’a paru des plus remarquables. 

Madame G., en effet, en meme temps qu’elle dtait prise 
d’hallucinations de la vue et de l’ouie, tombait dans un etat par- 
ticuljer qui offre la pjus grande analogie avec J’gtat de reve et 
quej’ai appele etat d’hallucination. Get 6tat etait, en effet, 
caracteris6, outre les fausses perceptions : 

1° Par Ja perte de conscience du temps, du lieu et des objets 
environnants; 

2° Par Taction toute spontanee et involontaire de certaines 
facultes que la malade ne dirjgeait plus; 

3° Par la possibility ou etait madame G. de sorlir de cet etat 
par une impression qui reveillait son attention; 

4° Par Ie souvenir qu’elle conservait de ce qui s’6tait passe. 

II. Le plus grand nombre des hallucines, pendant la durfie de 
leurs hallucinations, ont conscience de ce qui Ies entopre et 
assistent 6veill6s il Tespece de reve qui se produit involontai- 
rement dans leur cerveau. 

Parmi ces malades, il en est qui peuvent suspendre leurs 
hallucinations en fixant leur attention , surtout lorsque des im¬ 
pressions externes vives leur viennent pour ainsi dire en 
aide. 

Il en est d’autres, au contraire, chez lesquels le phdinomfeiie 
persiste malgre les efforts du malade. Les impressions externes 



184 CAUSES ET THIiORIE 

les plus vives suspendeiit seules et pour un temps ires court les 
fausses perceptions; ce sont comine deux degres differents dont 
il est facile de trouver des exemples. 

La suspension momentauee des hallucinations quand l’atten- 
tion est fixee explique pourquoi les malades de nos hospices 
cessent si frequemment d’entendre les vnix pendant la visite 
du medecin. J’aibien souvent remarque cette suspension, dont 
les alien&s donnent des explications differentes, mais qui ne 
changent rien au fait lui-meme. A peine a-t-on quitt6 l’hallu- 
cine, dont on vient de fixer 1’attention, qu’on le voit retom- 
ber dans ses fausses perceptions. 

On sait que le pr£fet dont Esquirol a rapporte l’obseryation 
cessait d’entendre ses voix Iorsque la conversation l’interessait, 
c’est-4-dire Iorsque son attention elait assez activement fixee. 

L’etat intellectuel des hallucines varie ainsi a chaque instant. 

Sont-ils attenlifs et plus ou mom's vivement impressionnes, 
leurs hallucinations se suspendent. 

Abandonnent -ils, au contraire, Ieur esprit a lui - meme , 
les hallucinations reparaissent. 

C’est ainsi qu’on peut, au moment du sommeil, interrompre 
et voir revenir il volonte les images fantastiques. 

Les ali&ies, chez lesquels les hallucinations persistent depuis 
louglemps avec une grande intensite, luttenl en vain contre ce 
phenomene, qu’ils subissent malgre eux, et que des impressions 
externes tres vives ne peuvent suspendre. Je connais un 
litterateur distingue, hallucine depuis plusieurs annees, et qui 
explique tres bien la lutte qu’il soulient contre ses hallucina¬ 
tions. Pendant queje cause avec vous, me disait-il un jour, 
j’entends une autre conversation qui tend a troubler ce queje 
veux vous dire. J’ai besoin d’un grand effort d’attenlion pour 
ne pas me laisser entrainer par cette conversation etrangfere. Ce 
malade ajoutait que ses voix venaient se jeter a la traverse de 
tout ce qu’il voulait faire et lui rendaient le travail tres difficile 
en l’empechant de fixer son attention. 




DES HALLUCINATIONS. 185 

Dans ce degre extreme de la maladie, il y a un fait psycho- 
logique tres curieux: c’est l’exercice simullane de I’intelligence 
dirigee par la volontS, et de cetle meme intelligence produi- 
sant des associations d’idees par suite de la senle excitation du 
cerveau. 

On voit, d’apres ce qui prficfede, que l’etude physiologique 
des hallucinations doit surtout avoir pour point de depart les 
rapports de la personnalite avec l’exercice involontaire de la me- 
moire et de 1’iinagination. 

On voit encore, si les hallucinations sont toujours dues 
a l’exercice involontaire de la memoire et de l’iniagination, 
combien est grande 1’erreur dans laquelle les auteurs sont 
tombes en regardant, au moins dans beaucoup de cas, l’halluci- 
nation comme le resultat du plus haut degre de la meditation. 
G’est cette id6e que vient encore de reproduire M. Brierre 
de Boismont, comme le prouvent les passages suivants de son 
ouvrage : « Lorsqu’un homme s’est longtemps livre & des me¬ 
ditations profondes, dit M. Brierre, ilvoitsouventla.penseequi 
l’absorbait se revetir d’une forme materielle; le travail inlel- 
lectuel cessant, la vision disparait, et il se l’explique par les lois 
naturelles. » (Page 5. ) 

« Chez le penseur, l’hallucination est le plus haut degre de 
tension auquel puisse parvenir l’esprit, une veritable extase. » 
(Page 6.) 

Ailleurs, le meme auteur dit encore, en parlant de Loyola 
mfiditant la fondation de la Societe de Jesus : « Plein de cette 
id6e dont la realisation doit raffermir le trone papal ebranle, le 
catholicisme si vigoureusemeut attaqu<5, il se prepare au combat. 
En face de cette lutte immense, dont il saisit toutes les diffi- 
cultes, tous les dangers, son esprit doit atteindre le plus 
haut degre d’energie, de tension, c’est-a-dire l’etat le plus 
favorable a la transformation de l’idee en gignes sensibles, en 
images. » 

Enfin, nous trouvons encore dans 1’ouvrage de M. Brierre le 



186 CAUSES et thLorie 

passage suiVant: « La sensation arrive inapercue au cerveau , 
mais l’attention la fait reparaitre d’autant plus visible qu’elle 
est plus forte, de telle sorte que, d’abord confuse, puis claire, 
elle finit par venir se placer devant les yeux. » 

II est Evident que, dans l’opinion de M. Brierre de Boismont, 
l’hallucination peut etre directement le rfeultat de la tension 
d’esprit, de la meditation , etqu’on peut ainsi, comme il le dit 
positivetnent dans plusieurs points, la produire d volonte. 

Cette doctrine me parait une erreur grave au point de vud 
de la physiologie des hallucinations. 

Je pense que ce phfinomfine, loin d’etre produit volontaire- 
ment par un grand effort d’atteiition, est toujoursle resultat de 
la detente de l’esprit; qu’ll ne commence que lorsque l’atlention 
a cesse de S’exerCer, comme cela a lieu atl moment dtt sofflmeil 
et si frequemment encore pendant la Veille. 

II y a dans l’onvrdge de M. Brierre une observation blen prfi* 
CieUse pour l'bplttibtt qtte je defends : c'est Celle du llbratre 
Nicolai de Berlin. Void, eutreaUlres details, cdUx quele tna- 
lade donne lui-indme siir ses hallucinations: 

« J’essayal, dlt-il, de reprodulre a voloiitd les personnes de 
ma connaissance par une objectivite intense de leur image; mais 
quoique je visse distinctdnlent dans inoh esprit deux ou trois 
d’entre eileS, je tie pits reiissir a rehdre exterieilre 1’lmage ih4' 
terieure, quoique auparavant je les eusse vues involontairerttehl 
de cette lhaniere, et que je les aperpusse de iiouvetiu quMque 
temps apres , lorsque je ri 'y perisais plus. » 

On peut, 6ii elfet, en fixaiit fortemeiit son attention Sdr tine 
image, la reiidi'e ties distliicte a l’esprit; ffials Oh he parvieht 
pas a la reiidrd extd'ieure, C*est-a-dlfe a avoir une hallucination. 

L’hallucination ne se pi-esente qde quand oh a Cess6 de la 
poursuivre, et quand on abaildonue l’esprit a tui-mSme. C’est 
pour cela que notts voyons dans nos rfives les Objets de nos 
preoccupations , et qu’il y a tant de rapports entre les id£es do- 
minantes et les fausses perceptions des extatiqUCs. 



DMS HALLUCINATIONS. 18? 

En resume, les hallucinations des aliCnCs , comme celles qui 
ont lieu au moment du sommeil, sont dues h l’exercice invo- 
lontaire de ia memoire et de 1’imagination. 

Le plus souvent elles peuvent etre suspendues par un effort 
detention, et c'est 5 tort qu’on croit que la meditation les 
produit quelquefois directemenf. 

§ HI. 

Applications a 1’etude physiologique des diverses varies du delire. 

Ces idCes me paraissent complfitement applicables k I’etude 
physiologique des diverses VarietOS du dClire. 

Le delire des fCbricitailts est Id rfisultat de 1’eXercice involon- 
taire de la meniOire etde i'lltiagiilation. Lorsque ee dfillre est trds 
intense, le malade ne petit fitrd tappfeid it lul-ffldme 6t teprendre 
la direction de ses idees, alors me me qu’on sollicite son attention 
par des excitati&ns exietllds. Qtiand it est plus lfigdr, on par- 
vient, du contraite, faciletilelff h Id stlspendre pehdant quelques 
instants en fixaiit 1’attdtrtiOfl; lnais ll i'e])Hralt de hdUveau, 
aussitot qu’on cesse, pout* aitlsl dire, de tfefilr le fdbricitant 
dveilie. J'ai vti dans CCS cas des malades dettiandet qu’on leur 
parlat, parce qu'iis retoinbaient dans des halluclnatitllls fati- 
gantes dfes qu’on les abandonnait k eux-nifimes. 

Dans les simples revasseries, le febrlcitaiit parvieut souvent 
lui-meme, et sans du e aide pat des excitations exlehids, a fixer 
plus ou moius longtemps sou dtt'ehtltin. 

Aiusl i'intensild du delite fCbrile peut, jtiSqu'll uli certain 
point, etre apprdcide d'apffe le degrO de puissance quo le nia- 
lade conserve encore stir la direction de ses MCes. 

il est trfes Intense quatid l’exerdee de la memoire et de l’i- 
magluatioii est cotBpletenient sousirait ft l’empire de la volume. 

li estmoindresi le malade peutle Suspeiidre, aide par des 
excitations externes qui fixent son attention. 

11 est'ires leger quand le febricitant peut lui-meme inter- 



188 CAUSES ET THfmiE 

rompre, par la seule force de sa volonte, I’espece de rSve au- 

quel il est en proie. 

Sous ce rapport, la manie peut etre assimilee au delire 
febrile. 

Elle est, en effet, aussi le resultat de l’excitation generate 
du cerveau et de l’exercice involontaire de la mSmoire et de 
1’imagination. 

Au plus haut degre le malade est completemenl enlraine par 
ses idees, et les excitations externes les plus vives lie peuvent le 
rappeler a lui-meme. Ce sont des cas presque exceptionnels. 

Le plus souvent il est possible , comine on sail, de suspendre 
momentanement le delire en fixant l’altention, et on obtient 
ainsi quelques instants de luciditd et de raison. 

Le temps pendant lequel on peut ainsi fixer l’atlention du ma- 
niaquc est le meilleur moyen de juger du degre d’acuite de 
la maladie. 

Dans la stupidile, il y a un delire tout interieur accompagn6 
d’illusions des sens et d’hallucinations. Ce delire est sou¬ 
vent si intense, qu’il ne peut etre suspendu meme momenta- 
nement par des excitations externes. 

C’est encore dans l’exercice involontaire de la in6moire et de 
1’imagination qu’il faut cherclier la source du ddlire des melan- 
coliques et des monomaniaques. 

11 y a alors une serie d’idees qui se reproduit toujours la 
meme, que le malade souvent voudrait chasser, inais qui s’im- 
pose, pour ainsi dire, a son esprit. 

Si on v reflechit bien, on verra que, dans certains cas de me- 
lancolie, l’influence de ia volonte sur la direction des id6es est 
aussi completement abolie que dans la manie laplusaigue. 

Dans la manie, le malade est deborde par une foule d’idees et 
d’iinages qui se succedent rapidement dans son esprit; il est en- 
traine, subjugue, et 1’influence de la volonte a plus ou moins 
completement disparu. 

Dans la m61ancolie, l’esprit est occupe par une sdrie d’idees 



Dl-S HALLUCINATIONS. 


189 


toujours la rneuie. II n’est pas plus au pouvoir du melancolique de 
reinplacer cette serie d’idees par une autre qu’il n’est au pou¬ 
voir du maniaque de fixer son attention sur un point determine. 

Excitez fortement l’attention d’un melancolique et vous l’ar- 
racherez, pour quelques instants, a ses idees fixes, de la memo 
manifere que vous suspendrez aussi, pour quelques instants, 
1’incoherence du maniaque. 

Si l’excitation exterieure cesse, l’idee fixe reparalt immedia- 
tement, et le malade y retombe, comme par une pente fatale 
sur laquelle il ne peut se retenir. 

Les hallucinations , le delire aigu , la manie, la stupidity , la 
melancolie, etc., ont done leur point de depart dans l’exercice 
involontaire de la memoire et de 1’imagination , et le degre d’iu- 
tensite de la maladie peut, dans tous les cas, etre apprecie par 
la possibility qu’on a ou non de fixer plus ou moins longtemps 
l’attention du malade et de le rappeler a lui-meme. 

Quand on parvient ainsi a suspendre le delire en fixant 1’atten- 
tion , on rend momentanyment & 1’aliene le pouvoir qu’il avail 
perdu de diriger ses facultes; on reveille 1’action de la personna- 
litf 1 .; on substitue, pour quelques instants, un elat intellectuel 
actif et volontaire a l’etat pathologique dans lequel l’influence 
de la volonte avait completement cessfi. y 

C’est le rfiveil qui interrompt le reve. 

G’est 1’homme qui reprend la place de l’animal. 

§iV. 

Des lesions de l’attention chez les alienes. 

Esquirol a dit et plusieurs auteurs ont r^pele que les lesions 
de 1’entendement, dans la folie, pouvaient etre ramenees 1) 
relies de l’attention, et que cette faculte est essentiellement 
Iesee chez tous les alienes. 

MalgriS lout le respect que je conserve pour les idfies et les 
doctrines de mon illustrc maitre, il m’a cependant semble, 
apres plus de reflexion, qu’il n’etait pas completement exact de 
a.vnal. med.-psych. t. vi. Septembre 1845. 3. 13 



190 CAUSES ET THEORIE 

rapporter ainsi les ldsions de l’entenderaent k celles de I’atten- 

tion. II m’a paru qu’il etait au moins necessaire de bien s’en- 

tendre sur ce point. Voyons, par exemple, ce qui a lieu dans la 

manie. 

« Les impressions, dit Esquirol, sont si fugitives et si nom- 
breuses, les idees sont si abondantes, que le maniaque ne peut 
fixer assez son attention sur chaque objet, sur chaque idee. » 

Rien n’est plus exact; mais ici est-ce l’attention qui est ldsde? 

L’altention n’est que la volontd appliquee. 

Or qu’y a-t-il de change chez le maniaque, ou de 16s6, si on 
veut? 

Est-ce le degre d’energic avec lequel il peut appliquer son 
attention ? 

Assurenient non. 

Ce qu’il y a de changd, c’est l’dtat de son cerveau surexcitd 
qui engendre tine foule d’iddes que la volontd est impuissante a 
reprimer. 

On ne peut pas dire d’un maladeen proie aux convulsions que 
sa volonte est lesee parce qu’il ne peut plus, coinme dans 1’etat 
normal, diriger ses mouvements. 

Sa puissance de volontd, en effet, est restde aussi forte qu’au- 
paravant, maisl’dtat des instruments sur lesquels elle s’exerce a 
change. II en est de meme de la manie. Alors en effet, comme 
l’a dit Esquirol,«les pensees se presentent en foule, se pressent, 
»se poussent pele-mele. » 

La volonte est impuissante a les arreter , a les diriger; l’at- 
tention ne peut pas s’appliquer; mais ce serait a tort qu’on pre- 
tendrait qu’elle est Idsde. 

On ne dit pas d’un homme qui porte habituellemeijt un far- 
deau de cent livres que ses forces sont diminudes parce qu’il 
succombe a une charge deux ou trois fois plus grande. 

Les forces de cet homme n’ont pas change, mais 1’objet au- 
quel elles s’appliquaient n’est plus le meme. 

Dans son article si remarquable sur la manie, Esquirol a 
parfaitement bien caractdrise cette maladie en disanl ctu’eJ re- 





DES HAIXTJCJNA.TIQNS. 191 

suite d’un defaut d’harmonie entre l’attention et les autres far 
cultes : or, ce ddfaut d’bannonie vient 6videmment de la sur- 
excitation de la meuioire, de l’imagination et des sens. 

La lesion principale n’est done pas celle de l’attention. 

§ V. 

Distinction de deux sortes d’hallucinations. 

J’ai dit dans le mfimoire qui precede que e’etait a tort qu’on 
avait compare d’une maniere generale les hallucinations aux 
reves. II y a ea effet des reves sans hallucinations, ou pjut6t ces 
hallucinations sont d’une autre nature que celles qu’on observe 
le plus souvept chez les alienes. On §e reveille quelquefois avec 
le souvenir d’une conversation qu’on a eue pendant le sommeil; 
on se rappelle tres bien ce qui a ete dit, mais on ne conserve 
aucun souvenir d’un bruit exterieur, on est meme certain que 
ce bruit n’a pas exisle et qu’on a eu une conversation tout m- 
terieure, Daps d’autres cas, an contraire, dans l’etaf de 
maladie, quand le cerveau est plus excit6, on se souyient d’une 
voix exterieure qu’on a euteudupet dans ce cas settlement ou 
a eu un reve avec hallucination, 

L’hallucinatipn, en effet, s| compose de deux Elements, l’up 
purement psyebique et 1’antre sensorial; quand l’61ement sen- 
sorialmanque, il n’y a plus hallucination, on bien cette halluci¬ 
nation est incomplete, 

Cette distinction que l’fitude des reves conduit directeipent & 
faire me parait devoir etre maiotenne pour les hallucinations 
des pliGpes, 

Dans un travail adresse, il y a pres de djs-]iuit mpis, a l’Aca- 
demie royale de medecine, j’ai essays de deinontrer qu’ji y 
avait deux sortes d’hallneinafions; 

1° Pes hallucinations completes et composees de deux ele¬ 
ments, }’un psyebique, l’autre sensorial j 

2° Des hallucinations incorapletes, constitutes par un seul 
Element, l’element intellectuel. 

J’ai cherche a rattacher a cette derniere classe d’hallucina- 



192 


CAUSES ET THflORIE 


tions incomplStes les malades qui entendent la pensee sans au- 
cun bruit de paroles, qui cornersent d’dme a dme, qui sont doues 
d'un sixieme sms, le sens de la pensee , et qui entendent des 
mix secretes, interieures, etc. Ces malades jusqu’ici ontdl§ con- 
fondus avec les hallucines, et le phfinomene qu’ils dprouveut, 
comparable aux reves ordinaires , est si different des veritables 
hallucinations qu’il merite d’en etre distingue. 

Cette distinction, d’ailleurs, qui a echapp6 aux pathologistes, 
a 6te faite de la maniere la plus nette par les auteurs mystiques, 
comme le prouve le passage suivant des Lettres sur Voraison 
mentale. 

« II y a, dit l’auteur, des locutions et des voix intellectuelles 
qui se font dans l’esprit et dans l’intfirieur de l’ame, il y en a 
d’imaginatives qui se font dans l’imagination, et il y en a de 
corporelles qui frappenl les oreilles exterieures du corps.» 

Les aliSnfis fiprouvent parfois successivement ces deux sortes 
d’hallucinations, dont les unes appartiennent plus particulibre- 
ment k l’dtat aigu et les autres a l’6tat chronique. 

Parmi les exemples d’hallucinations incompl&tes qui me pa- 
raissent avoir et§ confondus avec les hallucinations proprement 
dites, je citerai particulierement d’observation d’une malade de 
la Salpetrifire, nommde CMmence, et qui entendait la pensee de 
ses interlocuteurs sans qu’ils eussent besoin de remuer les le- 
vres ( Leuret, Fragments psychologiques ); et celle d’un hal— 
lucin6 de Bedlam, nommfi Blake, dont 1’histoire, publifie dans 
la Revue britannique, a dte reproduite par M. Brierre de Bois- 
mont, et qui meparait appartenir & la meme classe , au moins 
quant aux hallucinations de l’ouie. Blake, en effet, conversait 
d’dme d dme avec les nombreux personnages qui venaient le vi¬ 
siter. C’est par intuition et par magnetisme qu’il leur parlait. 

J’ai rapport^ entre autres faits, dans le travail adressfi a 
I’Acaddmie, comme exemple d’hallucinations incompldtes, l’ob- 
servation d’une dame qui lenait ainsi des conversations suivies 
avec des interlocuteurs 61oign6s & l’aide d’un sixieme sens, le 
sens de la pensee. 



DES HALLUCINATIONS. 


19 S 

On pourra se convaincre, si on interroge avec soin les hallu- 
cinds, si on leur fait bien preciser en quoi consistent les voix 
qu’ils entendent, que beaucoup d’entre eux n’eprouvent que le 
phenomene que j’indique ici, et qui consiste , non 4 entendre 
des voix exterieures, mais seulement la pensSe formulae inte- 
rieurement en paroles distinctes. 

Ges conversations, toutes mentales, tout intellectuelles, ont 
lieu en dehors de Taction des sens; le malade , a son insu , fait 
les demandes et les rfiponses avec la conviction que les reponses 
seules viennent de lui. 

Je donne dans ce moment des soins a une demoiselle de trente- 
six ansquiest devenue hallucinee a la suite de longs jeunes etde 
pratiques religieusesexagerees. Elle entend dixoudouze voix qui 
lui parleut presque continuellement, mais elle expliquetres bien 
que ces voix se font sans bruit, qu’elles sont tout int6rieures. 
Quelquefois meme elle a eu conscience, en sortant de l’es- 
pfece d’etat de reverie dans lequel elle tombe pendant ses 
hallucinations, que c’etait elle qui avait fait les demandes et les 
reponses. 

Ces fausses perceptions sont tr6s frequentes, et on doit 
s’etonner que ces malades n’aient pas ete distingues plus tot des 
hallucines qui entendent des voix exterieures avec bruit, des 
voix graves, sonores, qui semblent apportees par des porte-voix 
qui font croire aux malades qu’il y a autour d’eux comme un 
echo, qui viennent dans telle ou telle direction, etc. 

Cette distinction, comme on l’a vu, a fite faite par les auteurs 
mystiques, et l’etude des reves y conduisait naturellement. Je 
n’insiste d’ailleurs pas davantage sur ce sujet, que j’ai longue- 
ment developpe dans le travail adresse a l’Academie royale de 
Mddecineen 1844, etqui paraitra prochainement dans les me- 
moires de cette societe. 


§ VI. 

Resume et conclusions. 

1° Le passage de la veille au sommeil et du sommeil a la 



194 CAUSES E l' THEORIE 

veille a urie influence positive sur la production des hallucina¬ 
tions cliez les sujets predisposes & la folie, dans le prodrome, au 
debut et dans le cours de cette maladie. 

2° Le simple abaissemeiit des paupieres Suffit, chez quelques 
malades, et pendant la veille, pour provoquer des hallucina¬ 
tions de la vue. 

3° Les hallucinations, survenaht dans l’itat intermediate a 
la veille et au sommeil, pour pen qu'elles persistent, devienrtent 
le plus souvent continues et entrainent le delire. 

U° La folie , pr6cedee d’hallucinations au moment du som¬ 
meil , est principalement, et des le debut, caracterisee par des 
hallucinations. 

5° Un acces de manie peut suivre immediatement les hallu¬ 
cinations qui se produisent avant ou apres le sommeil. 

6“ Les hallucinations qui ont commene dans l’etat interme¬ 
diaire a la veille et au sommeil, peuvent, apres etre devenues 
continues, et avant de se terminer conipietement, revenir k 
leur point de depart." . 

7“ Des hallucinations d’un ou de plusieurs sens ayant lieu 
pendant la veille, des hallucinations d’un autre sens se pro¬ 
duisent quelquefois au moment du sommeil. 

8° Les hallucinations qui existent pendant la veille de- 
viennent souvent plus fortes immediatement avant le sommeil 
et au rfiveil. 

9" Le passage de la veille au sommeil a beaucoup plus d’in- 
fluence sur la production des hallucinations que le passage du 
sommeil k la veille. 

10“ C’est souvent apres la suppression d’une hemorrhagic qui 
a determine des signes de congestion vers la tete que se pro¬ 
duisent les hallucinations au moment du sommeil. 

14“ Les hallucinations ne doivent pas etre compares aux 
reves en general, mais seulement aux reves accompagnes d’hal¬ 
lucinations. 

12° L’influence du passage de la veille au sommeil et du 
sommeil k la veille prouve que, dans certains cas au moins, les 



DES HALLUCINATIONS. 


195 


hallucinations sont un symptdme tout physique, el qui appelle 
surtout l’emploi des raoyens physiques. 

13" Les hallucinations survenant dans l’etat de demi-sommeil 
sout souvent, surtout chez les. sujets predisposes a la folie, ou 
qui ont deja ete alienes, l’indice d’un delire imminent. 

\U° Les hallucinations qui precedent ou suivent le sotnmeil 
durent quelquefois, et dfes le premier jour, pendant plusieurs 
heures, devieunent une cause de folie transitoire, et pourraient 
excuser des actes commis pendant la nuit par un sujet qu’on 
retrouverait le lendemain parfaitement sain d’esprit. 

15° Les hallucinations onttoujours leur point de depart dans 
l’exercice involontaire de la memoire et de 1’imagination, et 
elles ne peuvent etre produites directement par un effort de 
meditation. 

16" On peut sdspendre les hallucinations en fixant plus ou 
moins vivement l’attention des malades. 

17'’ 11 y a des hallucin6s qui perdent compietement la cbn- 
science de ce qui les entoure, el qui tortibent dans un etat 
special analogue h l’etat de reve, et qu’on peut appeler etat 
d’hallucination. 

18° La inanie, la meiancolie, sont, comme les hallucinations, 
le resultat de l’exercice involontaire de la memoire et de l’ima- 
gination, et on peut le plus souvent suspendre le delire en 
fixant fortement l’attention des malades. 

19° Les lesions de 1’entendement dans la folie ne sauraient 
etre rapportbes aux lesions de l’attention. 

20° La lesion essentielle et surtout primitive chez les alienes, 
c’est l’exercice involontaire de la memoire et de l’imagination 
produit et entretenu par un etat cerebral inconnu. 

.21° 11 y a deux sortes d’hallucinations: des hallucinations 
completes et composees de deux elements, l’un psychique et 
l’autre sensoriel; des hallucinations incompletes constiluees par 
un seul element, 1’element intellectuel. 



196 


PATHO LOGIE MENTALE 


PATHOLOGIE MENTALE 

BELGIQUE, M HOLLANDE ET M ALLEMAGNE. 


A M. le docteur Ferrus. 

Monsieur, j’ai l’honneur de vous envoyer la relation neces- 
sairement bien abregee de ce que j’ai observe de remarquable 
au point de vue des maladies menlales dans les divers pays que 
j’ai visiles. Je m’estimerai heureux si cet extrait de mon journal 
de voyage peul vous interesser; bien plus, si vous jugezapropos 
d’en gratifier les lecteurs des Annales medico-psychologiques, 
je n’aurai aucune objection a faire a un projet qui me flalterait 
sous tous les rapports. 

Avant de quitter la France, je visitai deux des principaux 
etablissements de notre pays, Nanteset Rouen. Je dois vous dire 
d’avance que les hospices de ces deux villes, diriges par 
MM. Parchappe et Bouchet, peuvenl rivaliser avec ce que j’ai 
vu de mieux en pays etrangers. Lorsque les inedecins allemands, 
de la bienveillance desquels je ne puis assez me louer, me par- 
laient avec 6!oge des ameliorations inlroduites depuis ces dcr- 
nieres annees dans les hospices d’alienes eu France, j’elais 
heureux de pouvoir leur citer Nantes et Rouen. Au reste, je 
ne puis me dispenser de signaler d’avance la sympathie et l’dmil¬ 
lation qu’excilent chez les savants etrangers les progres en tous 
genres dont la France a pris souvent dans ces derniers temps 
la genereuse initiative; mais si nous avons a ce point de vue 
sujet de nous enorgueillir, ce n’est pas une raison pour roster 
indifferents au spectacle des progres qui s’accomplissent aussi 
chez les autres nations. La suite de ma lettre vous demontrera 




EN BELGIQUE, EN HOLLANDE EX EN ALLEMAGNE. 197 
que nous pouvons en recevoir d’ailleurs d’utiles enseignements. 
G’est sous l’influence de cette persuasion que je prendrai la 
liberty, a la fin de cette lettre, de vous soumettre un projet qui 
nous permettra de nous associer plus que nous ne l’avonsfait 
jusqu’h present aux progres des sciences chez nos voisins 
d’outre-Rhin. 

Le premier medecin Stranger que je visitai fut M. le profes- 
seur Guislain, a Gand. Je ne pouvais mieux commencer ma 
tournSe en Belgique; ce qui me retint quelque temps pres de 
lui fut moins sa science encore que son caracthre si bon et si 
expansif. M. Guislain, apres m’avoir fait visiter son hospice de 
Gand, me init au courant des etablissements beiges, en ine 
communiquant le rapport si consciencieux qu’il a fait sur ce 
sujet. Si le zele et la science reunis pouvaient suffire pour opetjer 
le bien , il y a longtemps quo la Belgique, si feconde d’ailleurs 
en etablissements utiles, aurait cree des hospices d’alienes plus 
en rapport avec les besoins de la science et de I’humanile. — 
J’ai pu me convaincre par mes propres yeux en quel horrible 
etat sont les divers etablissements de Belgique; c’est les de- 
peindre en un seul mot, de dire que le traitement y est com- 
pletement impossible. On peut, en les visitant, tircr cette 
consequence : que quel que soit le caractere phlegmalique d’un 
peuple, ses etablissements, s’ils sont vicieux, seront remplis de 
maniaques furieux et d’une masse d’incurables propres a deses- 
pSrer le zele du medecin le plus philanthrope; je reviendrai sur 
cette remarque a propos d’etablissements d’un ordre tout-a-fait 
secondaire. 

Je ne puis me dispenser, a propos de la Belgique, de vous 
parler de Gheel, cette colonie de fous qu’on a decrite si souvent; 
il est difficile de comprendre au premier coup d’ceil la position 
de 800 aliSnSs, nombre enorme, vivant avec plus ou moins de 
libertS, plus ou moins d’inconvenients, au milieu d’une popu¬ 
lation de 8,000 habitants. Je sais que le cot6 pour ainsi dire 
dramatique de cette situation a ete d6crit avec plaisir par plu- 



PATHOI.OGIE MENTALS 


sieiirs auteurs; mais ne m’arretant qu’a 1’idee scientifique, je 
soutiendrai que toute espCce de traitement est impossible dans 
les conditions oft vivent ces malheureux alifines. Les paysaiis, 
qui sont gen^ralement bons et humains, ii’ont d’autre manifere 
de traiter les maniaques furieux que de les enchainer; les 
accidents qui arrivent dans cet ordre de choses ne sont pas aussi 
rares qu’on veut bien le dire; l’avant-veille de moil arrivee, Ie 
bourgmestre avait etS tu<5 par un monomaniaque; cet tene¬ 
ment deplorable avait jet<S la terreur parmi les habitants et 
necessity plusieurs actes de rigueur contre des fous qui jusque 
lit circulaient librement. 11 est inutile de dire que la plupart de 
ces ali£n6s vivent dans l’abandon de leur famille; qu’un grand 
nornbre de faits palhologiques sont perdus pour la science, 
attendu que la ville de Gheel manque rndme d’un hopital pour 
soigner ceux qui auraient besoin d’un traitement special. 
M. Guislain , dans son rapport, signale avec details l’inconvg- 
vient de cette singuliere colonie qui a fourni & quelques mCde- 
cins I’idde de la colonisation des fous sur une vaste echelle. Je 
ne veux ici ni attaquer ni ddfendre cette manifere de voir; je 
me contenterai dedire que la colonisation ne sera profitable que 
lorsqu’elle sera dirigde dans des conditions scientifiques qui 
feront necessairement du medecin un des principaux agents du 
traitement. Je finirai par une dernibre remarque : on se demande 
quelle influence peut exercer sur le moral des habitants cette 
cohabitation avec des fous parmi lesquels on compte beaucoup 
d’epileptiques. Eh bien , les mddecins de I’endroit m’ont assure 
qu’elle etait a peu pres nulle; et cela se concoit lorsqu’on a 
etudid le caractCre des habitants, remarquables par la simplicity 
de leurs mceurs champetres. Les alienes pauvres, et c’est le plus 
grand nombre, vivent et mangent avec les paysans; outre le 
travail des champs auquel ils participent, ils remplissent toutes 
sortes d’offices dans l’intCrieur des habitations. Leurs actes les 
plus exagCrCs n’excitent pas meme l’attention des enfants; j’ai 
vu un maniaque velu d'uq yostume bizarre courir pieds nus 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDli ET EN ALLEMAGNE. 199 
devant la maisun 5 il continuajt cet exercice jusqu’a tomber de 
lassitude, les passants ne semblaient pas meme le regarder; 
j’ai ete effraye pour mon compte de voir un aliene traversant la 
villd au grand galop avec un enfant dans les bras. J’ai appris 
qu’il allait rejoindre le reste de la famiile qui travaillait aux 
champs j mais, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, cette 
s^curite leur devient quelquefois fatale ; on a tout & craindre de 
la part de certains monomaniaques dont le d£lire et les ten¬ 
dances sont difficiles a distinguer pour d’ignorants habitants de 
la campaghe. 

Au reste, les indonviinients que M. Guislain a signals ont 
virement 6 mu I’atitorite; je sais de bonne part que les reformes 
si viveitient proVoquSes par les mddecins sont prises en sirieuSe 
consideration par les personnes investies du pouvoir, mais qui 
souvertt sont entrav 6 es dans leurs bonnes resolutions par le 
manque de fonds necessaires a une reforme aussi complete, 
flatons-nous cependant de dire que les ameliorations qui ne d£- 
pendaient que du z61e des medecins ont 6 t 6 en grande partie 
obtenues. Ce qui a ete fait sous ce rapport en Europe depuis une 
vingtaine d’annees est vraiment extraordinaire; que Ton me 
permette, pour avoir un point de comparaison, de citer comment, 
en 1840, M. Guislain a encore trouve l’hopital de Buitengasthuis 
prbs d’Amsterdam :« C’est un lieu affreux , dit-il, un asile de 
» douleur, un veritable enfer; un batiment qui, vu de 1 ’extG- 
» rieur, n’est pas sans quelque bonne apparence, mais entoure 
»d’une eau stagnante pestilentielle, infectant tout ce qui vit 
» dansle cercle deses emanations; des fenetres a bascule, une 
» eau sale, bourbeuse, qui a servi au nettoyage dela maison, 

» coulant dans un ruisseau qui sillonne le milieu des salles. 

»Quant & la division des atienes, c’est le comblc des misbres 
» humaines, un desordre affreux difficile a decrire, des furieux 
»entasses pele-mele dans des chambres de 15 a 20 fits, Se 
■> livrant a tous les excfes, tous les actes turbulents possibles; 

» des homines enchalnes par les piedset les mains, et cela de- 




200 PATHOEOGIE MENTALE 

» puis des annees, partout l’imbecillite, la rage sur les traits. 
» Et quels horribles cachots! II me semble encore voir ces gui- 
» chets, ces gonds, ces ouvertures rondes menagfies au-dessus 
» des portes qui les ferment; je sens encore cette odeur mfiphi- 
»tique qui s’en exhalait au moment de ma visite (1). » 

Tel est le tableau que M. Guislain faisait, daus son voyage en 
1840, de I’hospice pres d’Amsterdam; et ces details sont con- 
firmes par le docteur Ramaer, medecin hollandais. C’est avec 
bien du plaisir que M. Guislain a appris par moi que sa descrip¬ 
tion ne pouvait plus servir que comme histoire d’un fait accom¬ 
pli. Tout a ete change par l’influence et le zele bien digne 
d’6Ioges d’un jeune medecin, M. Schneevogt, qui a etudi6 it 
Paris ; grace a Iui, on ne voit plus dans I’etablissement ni chaines 
ni cabanons; toute la proprete possible regne dans les salles; 
lesmalades, autrefois si furieux, sont tranquilles maintenant; 
quelques uns, il est vrai, portent encore les traces de Ieurs 
anciennes souffrances; ils ont les pieds et les genoux ankyloses 
par l’effel des chaines qu’ils ont portees, et qui sont, pour 
aiusi dire, les temoignages encore vivants de la description de 
M. Guislain. Au reste, l’administration, mieux eclairee, s’occupe 
a fonder un etablissement qui repondra mieux aux besoins de 
la science. J’ai ete heureux, dans mon sfijour en Ilollande, de 
pouvoir fairc la connaissance du savant Schraeder van der Kolk ; 
cet honorable medecin peut etre regarde comme le createur du 
bel etablissement d’Utrecht, qui, sauf quelques imperfections 
tenant a sa position au centre d’une ville, est encore ce que j’ai 
vu de mieux dans les Pays-Bas. M. Schraeder est connu en 
Europe moins comme alienisle que coranie physiologiste et 
anatomiste; ses travaux sont immenses, el sa science n’est 
6gal6e que par la bienveillance avec laquelle il vous commu¬ 
nique toutes ses id6es. Dans son discours a une celebre academie 
(Dedebitacura infaustam maniacorumsortem emendandi eosque 


(1) Guislain, letlres mGdicales sur la Hollande. 




EN BELGIQUE, EN HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE. 201 
sanandi, in nostra patria nimis neglecta) , M. Schraeder s’6l6ve 
avec force centre l’espece d’abandon dans lequel ont v6cu 
jusqu’a ce jour en Hollande Ies malheureux alienes. «Si vero 
»jam ad patriam oculos adverto, dit cet Eloquent medecin, 
»nescio utrum me gravius mcerore cornmoveri , an pudore 
» suffundi sentiam. » Cette phrase en dit plus sur l’dtat des 
6tablissements d’alienes de ce pays que tout ce que je pourrais 
vous en <5crire; mais il y a tout lieu d’esperer que l’influence 
des medecins distingues que possede la Hollande agira d’une 
maniere heureuse non seulement sur les asiles d’alien£s, mais 
sur les hopitaux en general, qui meritent encore en partie la 
critique sfivfere qu’en a faite M. le docteur Warrentrap dans son 
voyage en Hollande. 

Je ne m’en suis pas tenu, dans les rapports que j’ai eu le 
bonheur d’avoir avec les savants Strangers, a la visite des hopi¬ 
taux ; j’avais a coeur d’eclairer certains points de la science que 
je m’Stais propose d’etudier en partant, et dont les principaux 
avaient pour but l’etude des causes de la folie chez les diffS- 
rents peuples, l’examen des doctrines medicates a propos d’alie- 
nation et le traitement employe dans cette maladie par les mede¬ 
cins des differents pays. Quant a 1’examen des causes physiques 
et morales de la folie, j’ai eu lieu de sentir la verite de cette 
assertion de Pinel, qui dit que nulle etude, plus que celle de 
1’aliSnation, n’est en rapport avec l’etude de l’histoire et de la 
philosophie. En effet, pour bien apprScier les modifications 
maladives qui arrivent dans la manure de sentir et de penser 
chez les differents peuples, il ne faut pas seulement tenir compte 
des influences hygieniques ou climateriques, mais il faut encore 
apprecier, et cela a diverses epoques de leurs phases, les in¬ 
fluences religieuses, politiques et morales, sous l’empire des- 
quelles se developpe l’esprit humain. Je me contente pour le 
moment, monsieur, de vous indiquer le point de vue auquel je 
me suis place, ne pouvant, dans une simple lettre, entrer dans 
les details d’un sujet aussi vaste; disons cependant que pour 



202 PATHOLOGIC MENTALE 

tirer des consequences serieuses de cette manibre de voir, jl faut 
etudier la question d’une faconplus approfondie peut-etre que 
ne l’a fait M. Friedreich, iorsque, parlant des causes morales de 
la folie chez le Francais, il dit, que le caractere futile de notre 
nation, les tendances politiques, le gout du luxe et de la vanite 
poursuivent nos alienesj usque dans le d6sordre de leur maladie. 
Bergmaun, cite d’apres lui, a vu « dans les etablissements 
» francais beaucoup de types d’orgueil, de tendances aux 
i) bonneurs , it la vanite, a tout ce qui peut eblouir; des id6es 
ii d’une extravagance particuliere, du radolage, des rodomoq- 
»tades, avec cela de la politesse, de la naivete, quelque chose 
» encore de spiritual; mais beaucoup de propension a la vanite, 
» la frivolite , l’amour de se poser. » 

On voit dans cette courte citation le resume des defauts dpnt 
on a gratifie notre nation; et c’est trancher bien lestement la 
question que de la juger d'apres quelques types de foug excen- 
triques que I’on rencontre non seulement dans tous les lmpi- 
taux du rnonde, mais encore dans ia societe. La fobe dans son 
essence, la fplie dans sa manifestation, comrne maladie attei- 
gnant 6galenjent le corps et ^intelligence , doit se developper 
d’apres certaines lois communes a tons les peuples : aussi jg 
melancolie d’nn Allemand ou d’un Italien ne differe pas plus de 
la mfilancplie dn Francais que la pnemnonie du premier ne 
differe de la pneumonic du second. Mais ce qui peut et doit 
differer, e’egt {’influence de telle on telle cause plutot que d’uae 
autre, agissant d’une maniere plus ou moins genfirale, plus ou 
moins restreinte, sur leg intelligences d’un people selon ges apti¬ 
tudes morales, la nature de ses sentiments et son impression- 
nabilite physique, C'est en nous plapant a ce point de vue que 
nous pourrops expliquer pourquoi la folie , par example , est 
moins commune en Italie qu’en Frauce et en AUemagnej ce 
qui, partant de la, differe encore, c’est {’influence des moyens 
curatifs, selon tel ou tel people; non pas que je veuille donner 
a cette id6e une extension trop generate; mais, pour suivre ma 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDS EX EN ALLEMAGNE. 203 
comparaisonjusqu’au bout, jeveux dire seulement quesi, dans 
le traitement de la pneumonie ou de toute autre maladie, les 
medecins de tous les pays sont obliges de respecter les influences 
clirnateriques, hygieuiques, sociales meme, sous l’empire des- 
quelles vivent les individus, ainsi doit-il en etre de la folie. 

Puisque nous sommes en Hollande, permettez-moi, pour 
confirmer ma maniere de voir, de m’arreLer un moment aux in¬ 
fluences clirnateriques de ce singulier pays; je m’appuie sur 
l’autorite de medecins competents en pette matibre (1): « Cet 
» air prpdigieusement humide, ce regime peu succulent, pes 
» miasmes paludeux qui se degagent du sol, tout en modifiant 
u les circonstances hygieniques, jmprjment a la constitution un 
» etat special qui change la nature et la face des maladies; les 
» mouvements reactionnaires y sont meins impetueux, l’irrita- 
» bilite moius vive , la vitafite s’y epuise plus vile, et de la les 
»precautions ponstantes pour ne pas porter la cure debilitante 
»jusqu’a I’exces et de secourir la nature en temps opportun par 
v des stimulants et des toniqoes, Un soleil 

brulant dardant ses rayons sur un sol gras prealablement inonde, 
en extrait une telle sorame de miasmes qu’il en resulte on veri¬ 
table empoisoimejpent dont les effets ne determinent pas tou- 
jours des acces d’iatermittence, uiais bien un eflroyable appa- 
reilde symptomes cerebraux, ataxiques. J’ai vu en Hollande de 
ces symptomes se deyelopper chez les alienes clans tputes les 
phases de leur maladie; je n’anrais pas besite, dprimo visu, 
d’employer les antiphlogistiqnes les plus energiqnes, erreur qui 
aurait et6 fatale an malade, ear tous ces symptomes disparais- 
sent par 1’administration des toniques et des excitants. 

Que ne ponrrais-je pas vans dire sqr la difference d’actiou, je 
ne dis pas du traitement moral (pepi est plus grave), mais des amu¬ 
sements que I’pn peut introduire dans les hospices d’alienes de 
divers pays! A Venise, par exemple, la distraction la plus agitable 


(1) Guis)ain, lettres medicates. 




20/1 PATHOLOGIC MENTALE 

que l’on puisse offriraux malades sont les marionnett s; rien 
n’dgale le bonheur de ces pauvres insens£s a la vue d’un spec¬ 
tacle si chfiri par le peuple. Les traits s’6panouissent, le sourire 
revient sur les levres des plus melancoliques, I’intfiret le plus 
vif fixe pour un moment leur attention ; que Ton suppose main- 
tenant la sc£ne transports tout-a-coup en Hollande : l’effet 
produit sur l’imagination mobile des Italiens restera sans 
resultat sur le caractere phlcgmalique et grave des Hollandais. 

Quant a la seconde question : l’examen des doctrines medi- 
cales a propos de folie, et le traitement employe dans cette 
maladie par les medecins des divers pays , elle Sail deja pour 
moi, comme vous le savez, l’objet d’Sudes anterieures. L’AlIe- 
magne est sous ce rapport un vaste champ d’exploration ; nulle 
part on n’a tant ecrit sur cette maladie. Si les differents systemes 
n’ont pas toujours et6 confirmes par l’experience, au moins ont- 
ils imprime a l’esprit de recherches une activite peu commune; 
tant de travaux ne resteront pas sans fruit, et l’avenir nous don- 
nera sans doule la clef de l’enigme. En Hollande, M. Schraeder 
a des croyances positives; pour lui, ces affections marchent de 
pair avec un etat morbide du cerveau qui doit toujours monlrer 
des traces si l’autopsie est bien faite. Les convictions du medecin 
hollandais sont vives; il les exprime d’une maniere entrafnante > 
jl ne s’est pas laisse aller au decouragement et n’a pas aban- 
donn6, comme tant d’autres, la foi en 1’anatomie pathologique. 
II a souvent constate des changements de couleur, notamment 
dans la substance grise et surtoul dans les circonvolutions occi- 
pitales et frontales des hemispheres cerebraux ; il considfire cette 
alteration comme jiropre a l’etat aigu et chronique, de meme 
que l’adherence de la substance corticale h la pie -mere qu’il a 
eu occasion de constater. Dans la demence, il a vu I’extreme 
blancheur de la corticale des circonvolutions ceriibrales. Les 
collections sereuses lui semblent meriter une grande attention; 
il les envisage comme la suite d’autres alterations morbides, 
d’engorgemenls veineux , d’alteration du tissu cerebral. 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE. 205 

11 regarde la manie comme un 6tat d’irritation cerebrale, de 
sub-inflammation dans d’autres, et quelquefois de veritable 
inflammalion. Lorsqu’il y a adhesion de la pie-mfcre, la manie 
pour lui est chronique. 

Dans la demence, la pie-mere se detache plus facilement, 
mais la substance corticale est plus pale. 

La pie-mfere, contrairement a l’arachnoldc, peut s’enflammer 
isol4ment. 

La suppression des hemorrhoidcs cause presque toujours, 
d’apres lui, l’etat melancolique; il eu est de meme du frequent 
abus des boissons, qui estune cause de melancolie bien frequente 
en Hollande, et surtout dans le nord de 1’Allemagne. 

La rougeur anormale du nez et du menton est un indice de 
congestion cerebrale. 

Les remcdes dans lesquels il a le plus de confiance sqnt: le 
sulfate de cuivre et le tartre emetise, dans la manie; il einploie 
le premier de ces medicaments a hautes doses. Il donne aussi 
avec succes dans la melancolie des pilules composees d’extrait 
aqueux d’alofes el de tartre emetise; chaque pilule contient 
trois a quatre grains d’emetique. 

Il a peu de confiance dans la digitale, qui, selon lui, debilitc 
trop le malade. 

11 a gueri un epileptique par une incision au haut de la tele 
el la cauterisation. L’epilepsie, cette maladie gen^ralement si 
abandonnee, trouve pourtant encore quelques medecins qiii ne 
desespercnt pas tout-a-fait de sa guerison. SI. Schneevogt, 
d’Amsterdam, m’a dit qu'il avait employe avec quelque succes 
l’indigo et l’oxide de zinc; il donne jusqu’k un gros d’indigo 
par jour. 

L’Allemagne va nous offrir un champ d’exploration plus vaste 
que la Belgique et la Hollande. Ces deux derniers pays peuvent 
citer avec orgucil MSI. Guislain et Schraeder, parmi les jeuues 
medecins SI. Schneevogt; mais en general le gout pour cette 
speciality difficile n’a pu se propager au milieu des difficulty 
aiskal, med.-psych, t. vi. Septembre 1845. 4. 14 



206 PATHOLOGIE MENTALE 

sans nombre dont elle est herissee. II n’en est pas de rnerne pour 
I’AHemagne ou , dans beaucoup d’endroits, les gouvernements 
sont enlres dans les vues des medecins avec une generosite bien 
digne d’filoges. C’est ainsi que le petit duche de Baden a vu 
s’elever, sous la direction du savant Roller, un des plus magni- 
fiques asiles qui existent. Winnenthal dans le Wurtemberg, 
Halle en Prusse, Prague en Boheme , Sonnenstein en Saxe , 
sont des etablissements d’autant plus intfiressants a etudier que 
les medecins de ces hospices, MM. Zeller, Damerow, Riedel, 
Klotz, ont fait des maladies mentales 1’objet de l’etude de toute 
jeur vie. 

Le premier medecin allemand que j’eus occasion de visiter fut 
M. Jacobi k Siegbourg. Get auteur, celfebre par ses nombreux 
ouvrages et sa position comme un des principaux cbefs de 1’ecole 
dite somatique, me fit l’accueil le plus bienveillant. Les limites 
dans lesquelles je dois me renfermer ne me permettent pas 
d’entrer dans l’examen des doctrines des medecins allemands. 
Je me contenterai de vous signaler d’une maniere genfirale 
les tendances rSgnantes. L’ecole psychologique a, comme vous 
savez, subi, dans cesderniers temps, derudes atteintes; depuisla 
mort d’Heinroth, M. Ideler, a Berlin, soutient courageusement 
la doctrine qui place dans les affections perverlies la source des 
maladies mentales; les principes de ce celebre praticien ont ete 
exposes dans les Annales medico-psychologiques; je n’y revien- 
drai pas. L’ficole qui tient le milieu entre les deux extremes 
compte aujourd’hui le plus grand nombre de partisans. Tout en 
croyant a 1’influence si puissante des causes morales, elle ne 
peut se rksoudre a admettre des maladies mentales sans lesion 
physique. La folie est une maladie, dit M. Zeller, et non pas 
un etat purement psychique. Quoi qu’il en soit de la diversity 
d’opinions, disons a la louange des mfidecins allemands, que 
tous concourent au merne but, savoir : l’amelioration du sort 
des alienes d’une part, et de 1’autre la recherche raisonnee et 
philosophique de tout ce qui peut agrandir le cercle du traite- 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDS ET EN ALLEMAGNE. 207 
inent. C’est sur ce dernier point surtout que je me permettrai 
d’appeler votre attention. 

A Siegbourg, le traitement n’offre rien de particulier. L’at- 
tention du medecin ytant principalement fixee sur l’organe ma- 
lade, toutes les ressources de la tlifirapeulique sont egalement 
mises en oeuvre selon les indications. Les abus de la saignee 
trop frfiquente ont ete constates par M. Jacobi, comme par tous 
les medecins alienistes que j’ai vus; tous se plaignent du de¬ 
plorable etat dans lequel leur sont envoyes les malades des pro¬ 
vinces, qui arrivent souvenl 6puis6s par une th6rapeutique aussi 
antirationnelle. La position de l’etablisseuient est des plus 
magnifiques; de toutes parts les malades ont la vue sur le plus 
beau pays du monde; Sonnenstein, en Saxe, peut seul entrer 
en parallele avec Siegbourg pour le charme des sites environ- 
nants. La beaute de la position, la possession de nombreux jar- 
dins, offrent aux medecins de precieuses ressources dont ils 
savent profiter pour faire faire aux malades des promenades et 
les appliquer a des travaux manuels. J’ai remarque, a Siegbourg, 
une petite particularity que je n’ai pas encore vue ailleurs; au- 
dessus de la porte de chaque maiade est inscrit le nom, soit 
d’une vertu a pratiquer, soit d’un defaut a eviter; ainsi les 
mots : ordre , tranquillite , silence , proprete , douceur , obeis- 
sance , resignation , etc., etc., sont de courtes mais eloquentes 
sentences dont les malades peuvent plus ou moins profiter. 

Le bel etablissement d’lllenau , dirige par M. Roller, est oc- 
cupe seulemenl depuis un an par les ali^nfe qui, auparavant, 
ytaient a Heidelberg;'toutes les ameliorations que la science a 
introduites dans ces derniers temps sont appliquees dans cet 
asile. L’etablissement peut con ten ir ZiOO malades, et ne laisse 
rien a desirer, tant sous le rapport de la position que de la dis¬ 
tribution interieure; il renferme les malades de la classe riche 
et de la classe pauvre. Les premiers ont tous des chambres par- 
ticulieres; les dortoirs communs ne renferment pas plus de huit 
a dix fits, disposition, du resle, presque generate merit usitee en 



208 PATHOLOGIE MENTALE 

Allemagne clans les hopitaux. Les malades qui ont besoin d’etre 
particulieremenl observes sont mis dans des chambres oil Ton 
pout voir et entendre tout ce qu’ils font et disent sans qu’ils s’en 
doutent. L’etablissement, qui se trouve completement isol<5, est 
environne de terrains que les malades cultivenl; sur 10 ma¬ 
lades, m’a assure M. Roller, 7 fravaillent. Des ateliers de tous 
genres sont en activite dans 1’interieur de la maison, et fournis- 
sent les vetements necessaires aux alienes. M. Roller est aide 
dans ses fonctions par deux medecins assistants , MM- Hergt 
etR.... ;deux aumoniers,l’un pour les protestants, l’autre pour 
les catholiques, residentdansla maison. Cesmessieurs preteritaux 
medecins l’appui de leur influence , toujours puissante sur un 
peuple aussi religieux. Les infirmiers et infirmicres sont lai'ques, 
choisis avec soin, et rfitribues de maniere a pouvoir faire des 
choix convenables; ce qui est une chose bien importante. Les 
medecins allemands sont presque unanimes sur 1’opinion que 
les corporations religieuses, qui rendent d’ailleurs de si emi- 
nents services, n’atteignent pas le meme but dans les etablis- 
sements d’alien6s. M. Warrenlrap, a Francfort, s’est eleve avec 
force contre leur admission dans les hopitaux en general. Voici, 
du reste, leurs principals raisons dont vous eles plus a mOme 
que moi, monsieur, d’apprecier la valeur : 1° les communions 
protestante et calholique etant necessairement melangees dans les 
hopitaux en Allemagne, on craindrait la svmpathie plus grande 
que les soeurs eprouveraient pour leurs coreligionnaires. 2° Les 
congregations religieuses ont une tendance, naturelle d’ailleurs 
au coeur humain, de se placer d’une manifere inddpendante, de 
facon que l’autorite , se trouvant tiraillee en divers sens, n’au- 
rait plus cette unite d’action si n£cessairepouratteindre le bien. 
Aussi, c’est d’apres ce principe que, gen(5ralement, en Alle¬ 
magne , les medecins des hospices en sont aussi les direcleurs. 
3° L’experience a-t-elle prouve que les malades soient mieux 
traites dans les hopitaux diriges par les congregations? Le zele 
remplace-t-il toujours la science ? L’action des medecins y est- 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE. 209 
elle bien fibre, etc., etc. ? Les abus sont-ils moins profonds? 
4° Enfin, la question d’economie prouverait qu’avec des em¬ 
ployes la'iques on peut faire les choses a moins de frais. 
Presque partout j’ai vu, comme j’ai eu l’honneur de vous le 
dire, des employes de cette classe. A Prague, par exemple, les 
fonctions d’infirmiers sont confiees ordinairement a de vieux 
militaires maries dont la moralite est bien connue. L’ordre et la 
discipline auxquels iis ont et6 sourais touteleur vie sont une ga- 
rantie de plus en leur faveur. Us sont aides dans leurs fonctions 
par leurs femmes, et Ton n’a jamais vu aucun inconvenient 
resulter de cet etat de choses; au contraire, les femmes qui ont 
recu une certaine education exercent sur les alidn&s hommes 
une influence qu’elles puisent dans ce tact exquis qu’elles pos- 
sedent a un si haut degrd. M. Riedel, medecin de 1’hospice, 
me faisait observer que chaque infirmier qui a, avec sa femme, 
la surveillance d’unesalle, represente pour les malades unees- 
pfecede famille autour delaquelle ils viennent se grouper. L’es- 
prit d'union, d’ordre et de douceur qui distingue ces employes 
ne peut qu’avoir.le meilleur effet sur le moral des malades. 
Notre honorable confrere M. Koestel, a Vienne, va plus loin 
encore dans ce qu’il voudrait pouvoir exiger des infirmiers. II 
desirerait qu’ils apportassent certaines garanties d’instruction 
qu’ils puiseraient dans des lecons qui seraient faites exprfes pour 
eux, et que leur admission dans les hopitaux fut ainsi basee 
sur certaines conditions, non seulement de moralite, mais en¬ 
core de capacite. Vous sentez bien, monsieur, que pour atlein • 
dre ce but et exiger autant de simples infirmiers, il serait de 
tonte necessity d’ameiiorer leur position et leur faire entrevoir 
une espfece d’avenir pour prix de leurs penibles fonctions. Lors- 
que j’6tais a lllenau, M. Roller etait tres occupe de la statistique 
de son etablisseuient; j’espere, a mon relour, profiter des tra- 
vaux de cet honorable savant, et passer avec lui quelques unes 
de ces beures de douce confraternity dont on ne perd jamais le 
souvenir. 



210 PATHOLOGIE MENTALE 

Je n’euspas l’avantage de voir M. Zeller h mon passage; il se 
trouvait en voyage. Je visitai l’etablissement avec son mfidecin 
adjoint. Ce que je dis de ses opinions, je le puise h une source 
certaine, dans les Merits monies de ce celfebre mfidecin. Encore 
une fois je ne puis entrer ici dans tous les details que l’on pour- 
rait d6sirer; mon intention est, & mon retour, de publier la re¬ 
lation aussi complete que possible de ce que j’ai vu de remar- 
quable en Allemagne et en Italie, tant sous le rapport des 
doctrines sur l’alidnation que sous le rapport du traitement de 
cette maladie. 

L’etablissement de Winnenthal, dirig<§ par M. Zeller, mfirite 
d’etre cit6 entre tous ceux qui honorent l’AUemagne. Son admi¬ 
rable position, la reputation du medecin-directeur, ont attire 
dans cet hospice des malades riches de toutes les parties de 
l’Allemagne. Aussi tous les elements de succes possibles s’y trou- 
vent reunis; les amusements inlellectuels, les arts liberaux, qui 
entrent surtout dans l’education des gens riches, sont cultives 
ici de manure que les pauvres puissent en profiter, et s’y 
adjoindre mSme selon la nature de leur maladie et les disposi¬ 
tions de leurs facultes; le principe qui rfcgne dans l’etablisse- 
ment est de rendre les malades utiles les uns aux autres; le sen¬ 
timent tend par 1& & se developper, et l’egoi'sme, qui domine 
presque toujours dans la manifestation de cette maladie, se 
trouve ainsi combattu. 

Je vous ai d6j& cit£ l’opinion de M. Zeller, qui dit que la 
folie est une maladie et non pas uu 6tat purement psychique. Si, 
parmi les gens du monde et parmi les nnklecins, dit cet auteur, 
on 6tait plus persuade de cette verity; si Ton croyait qu’il n’est 
pas plus honteux d’etre ali£n£ que d’etre afflig£ de toute autre 
maladie, alors l’int6ret que Ton porte & ces malades serait bien 
plus grand. Les parents surtout ne seraient pas retenus par une 
fausse honte, et auraient recours aux soins dela m6decinesp£- 
ciale, lorsqu’il y a encore chance de guSrison. Quoique l’atten- 
tion de ce savant rnedecin soit surtout portee sur les ph6nomenes 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE. 211 
morbides qui se passent dans 1’organisme et qui sont, pour lui, 
une indication precieuse de traitement, il est loin de negligee 
l’416ment du traitement moral; mais cet 614ment si difficile, il 
va le chercher a sa source, et dans son acception la plus haute 
et la plus psychologique. « De meme, dit-il, que 1’orthopMie 
» s’61eve de la grossiere mficanique aux principes plus 41ev4s de 
i) la gymnastique, pour rendre h des organes incapables de 
i) mouvement le jeu de leur action, de meme aussi faut-il s’4- 
» lever des principes les plus Slementaires de la psychiatric aux 
» principes plus Sieves de l’Sducation de l’ame. » A propos des 
spectacles, il dit : «Tous ces amusements, qui rSjouissent un 
» moment le malade, ne sont pas capables d’atteindre le mal 
» danssa source. Ils ne remuent que la superficie, tandis que 
» la religion est seule puissante pour gufirir les maux profonds; 
» la religion fait taire les bruits discordants des Emotions ter- 
» restres qui ne font que troubler notre ame; seule elle peUt la 
« faire entrer dans la region ou rSgnent l’harmonie, 1’ordre et 
» l’amour Stern el. » Il ajoute, & ce propos, que Foil he peut 
citer dans l’Stablissement aucun cas de manie religiehse iSsul- 
tant de Implication des principes qu’il vient d’Stablir. Il s’ar- 
rete avec complaisance & un trait que je ne puis m’empScher de 
vous citer. Un pretre guSri dans l’Stablissement monta en chaire 
et precha & ses anciens compagnons d’infortune. Il est impos¬ 
sible de rendre l’impression qu’il faisait sur l’auditoire; ses pa¬ 
roles remuaient aussi profondSment les malades que les assis¬ 
tants : il avait puisS a l’Scole de la plus grande infortune la con¬ 
viction de notre misere; aussi avec quelle Sloquence insisfait-il 
sur la nScessilS de nous tenir en garde contre tout ce qui peut 
nous faire perdre le seul vrai bonheur de la vie: la jouissance 
de la raison. Des annees pourront s’4coiiler, dit l’auteur, avaht 
qu’une occasion aussi belle se repr4sente pour 4veiller dans le 
cceur de nos malades le sentiment de leur dignitfi perdue et 
leur confiance en la divinity. 

Dans les trois dernieres annees, il a 6te recu & l’4tablisse- 



212 P A Til 0 LOO IE XIENTALE 

ment 258 malades: 16 1 homines, 97 femmes. On a compl6 : 
gueris 93, am61ior£s 79, morts 36; sent restes dans l’6iablis- 
sement 91. 

Parmi les causes principales prddisposantes, il place, aprfes 
I’h6r6dit6 : 

1° Les scrofules et le rachitisme. 

2° Le temperament apoplectique ( habitus apoplecticus ), cause 
ordinaire de la manie, qui, dans quelques cas, se termine par 
la paralysie. 

3° Hemorrhoides, leur suspension. 

4“ Pertes seminales, soit par pollutions involonlaires, soit 
par la masturbation ou les rapports sexuels. (Le chiffre des ma¬ 
lades places dans celte categoric est enorme.) 

5° Les fievres nerveuses. 

6° Les fonctions de la peau alterees. 

7° L’abus des boissons alcooliques, suivi ordinairement 
d’excfes de colt. 

La peau et le canal intestinal sont les organes par lesquels la 
crise s’opere le plus souvent; mais combien la nature n’est-elle 
pas difKrente dans ses procedds! II a vu, surtout chez les 
femmes, de violents acces d’asthme etre la crise de la mfilan- 
colie; d’autres fois, c’6tait le retour d’une douleur nerveuse pfi- 
riph6rique exislantauparavant, comme la migraine, les crampes 
d’estomac. Toutes les fois qu’il a voulu agir directemcnt sur le 
systfeme nerveux par des narcotiques, il a eu peu de succfes ; 
l’effet elait nul ou passager seulement, mais le plus souvent 
nuisible. 

Comme la crise de la mflancolie se signale quelquefois par 
un acces de inanie, l’idee est venue, a un medecin allemand 
d’employer tous les moyens possibles pour faire nailre la ma¬ 
nie , en changeant, pour ainsi dire, l’etat chronique en etat 
aigu; mais le resultat s’est trouve etre un plus grand 6puise- 
ment du sysleme nerveux et l’invasion plus rapide de la de- 


mence. 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDS ET EN ALLEMAGNE. 213 
La methode revulsive est celle qui lui a pr6sente le plus de 
chances .de succfcs; c’est celle quo la nature nous indique le 
plus souvent dans ses procedes. D’uu autre cote, dans la fonc- 
tion de chaque organe, a cote des elements de sa destruction , 
sont renfermfe les elements tout aussi puissants de sa gu6rison. 
Pourquoi refuser h I’ame une virtualite que possedent les autres 
organes ? Pourquoi n’y aurait-il pas des crises psychiques, 
quand bien meme la logique, sinon l’exp6rience physiologique, 
nous ferait conclure dans] ces cas a des modifications dans le 
systeme nerveux. N’a-t-on pas vu l’entr6eseule dans l’asile des 
alienes operer sur l’esprit des malades la crise la plus salutaire ? 
Quel element puissant de guerison n’y a-t-il pas dans l’ordre, 
la discipline, la tranquillite que le malade voit regner autour 
de lui! Cette verite, que les idees et les ecrits des grands m6- 
decins ont rendue, pour ainsi dire, populaire, ressort bien 
mieux encore quand on voit la fureur, la demence, l’incurabilite 
former l’6tat normal des hospices mal tenus. 

Parmi les agents therapeutiques tires de la classe des narco- 
tiques et employes par M. Zeller, je vous indiquerai la digitale, 
dans laquelle il a grande confiance , mais dont il ne conseille 
l’usage qu’apres avoir bien etudifi I’etat du systeme arteriel. En 
Hollande, M. Schraeder n’emploie la digitale qu’avec precau¬ 
tion , craignant de trop debiliter des malades qui ont besoin de 
toniques. D’ailleurs, rien n’empeche de joindre la digitale it 
d’autres remfedes. Voici, du reste, la recette d’une potion em¬ 
ployee dans un cas de manie chez un jeune homme de quinze 
ans, etque M. R..., le medecin adjoint, m’a beaucoup vantee. 

Herba digitalis. ... 1 scrupule. 

Folia senae. U scrupules. 

Semen fceniculi. ... 1/2 drachme. 

Infunde aqua fervida; adde 

Magnesie sulfurique. . . 1 once. 

Tartre emetique. ... 2 grains. 




214 PATHOLOGIE MENTAEE 

Cette potion, renouvelde tous les quatre jours, fut donnde 
avec avantage pendant trois mois. 

Void encore la composition d’une autre potion , appelde mix- 
tura Zelleri, et donnde avec succes dans les cas d’amdnor- 
rhde, suivie de troubles inlellectuels. 

Feuilles de sene, (14 2 drachmes. 

Herbe de mdlisse, l infusds dans 6 onces d’eau. 

Borax.2 a 4 drachmes. 

Journellement quatre a cinq cuillerdes. 

L’arnica est aussi employe avec avantage comme excitant; 
et, dans les cas de constipations opiniatres, on a donnd avec 
fruit Yextractum gratiolce. 

11 me resle, monsieur, dans le cadre ou je veux me renfer- 
iner pour cette fois, a vous parler de Berlin , de Prague et de 
Vienne. Les opinions du savant professeur Ideler ont dtd expo- 
sees dans les Annales, je n’en parlerai pas; seulement je m’ar- 
rdlerai a sa pratique, peu connue en France, et qui est jugee 
diversement en Allemagne, selon les sympathies qu’excitent 
les opinions exclusivement animistes au point de vue des- 
quelles s’est placd cet auteur. 

La section de l’bopital de la Charitd qui renferme les alidnds 
4 Berlin est en meme temps destinde aux vdndriens, et sert de 
ddpot pour des prisonniers et des vagabonds; toutes les misdres 
humaines se trouvent done rdunies dans un local dtroit qui, 
avec cela, ne prdsente aucune ressource ni en jardin, ni en 
promenades. M. Ideler ne s’est pas laissd rebuter par ces diffi- 
cultds. De sept heures du matin a midi, on le voit a son oeuvre, 
toujours patient, toujours bon, toujours convaincu, avec son 
maitre Langermann, que, mdrne dans les casles plus ddsesperds, 
on trouve encore une dtinceile d’un sentiment que Ton peut 
fomenter, exciter, pour rdagir sur la sensibility morale. Plein 
de foi dans ses convictions, il fait marcher de front les moyens 
physiques et moraux. II s’adresse aux sentiments des malades, 




EN BEEGIQDE, EN HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE. 215 
les fait reflechir sur leur etat, et iie craindra pas, pour raffermir 
leur convalescence, de leur rappeler les causes de leur dfilire 
passe, les dangers de leur rechute, et d’emouvoir jusqu’aux 
fibres les plus intimes de leurs sentiments. «Quel estvotre droit 
sur vous-meme ? dit-il au mCIancolique avec tendances au sui¬ 
cide. Vous vous devez a votre famille, a la soci<5te, a vous- 
m£me. Quelle est la valeur, aux yeux de la religion, de l’acte 
que vous avez commis ? En avez-vous le pouvoir ? R6pdtez-moi 
les motifs que je vous ai donnfis il y a trois ou quatre jours.»— 
Le malade hfisite, se renferme dans le cercle de sa sombre tris- 
tesse; le m£decin insiste, presse et ne le quitte pas sans avoir 
encore la promesse solennelle qu’il n’attentera pas a ses jours. 
Au lypfimaniaque il dit: « Vous venez d’entendre les raisonne- 
ments que j’ai faits ii votre voisin qui se trouve dans le meme et 
triste 6tat que vous; qu’adviendra-t-il si vous n’exercez pas les 
forces qui vous restent ? » Le malade r6pond: « Vous m’avez dit 
que les forces pouvaient se rdveiller par l’activit6 et le travail; 
je le ferai. » Faites done, lui repond le mfidecin, et vous serez 
gueri. — A une malade qui se laissait aller a de frequents acces 
de dfeespoir religieux il disait: «Que viens-je d’apprendre en¬ 
core ; vous avez done perdu toute confiance en Dieu ? Dieu seul 
peut vous sauver, mon enfant, ayez confiance en lui; je suis la 
pour voussoutenir.» — « Je ferai mon possible pour m’arracher 
& ces id£es, dit la malade, car 1’enfer est pr6f6rable a ce que 
je souffre. » 

Il me serait facile de citer encore les paroles; mais ce qu’il 
est impossible de rendre, e’est l’accent de conviction et de 
persuasion avec lequel le medecin les prononce, e’est l’in- 
fluence de ce magnetisme moral auquel ne peuvent se soustraire 
ni le malade tranquille. ni celui qu’agite son d^lire. D’ailleurs 
dans le cercle des devoirs qu’il s’est imposes, le praticien de la 
CharitS ne s’adresse passeulement aux maliides; son activity et 
son Zele s’exercent encore sur les parents de ceux-ci qui vien- 
nent les visiter. Les causes morales des maladies mentales ont 



216 


PATHOLOGIC MENTALE 


des connexions trap intimes avec les relations de famille pour 
qu’il soit inutile de preveuir les parents sur la conduite qu’ils 
ont a tenir envers leurs malades gueris. Le mddecin d’alien^s 
est plus & inline que personne de connaitre les plaies qui d6vo- 
rent la society et dont chaque famille porte dans son sein l’at- 
teinle plus ou moins deplorable. 

Je ne m’arretcrai pas plus longtemps au traitement moral; 
vous sentez , monsieur, qu’avec les principes de l’auteur el avec 
les antecedents qu’a etablis Horn dans cet hospice, le travail 
manuel et intellecluel doit recevoir dans I’application une con¬ 
secration rigourcuse. Un professeur, qui recoit son impulsion du 
maitre, est etabli k poste fixe dans l’6tablissement; et les diffe- 
rentes classes, graduees selon la nature des malades et des ma¬ 
ladies, y sont en pleine activity et suivies avec cette regularit6 
-qui seule en assure le succes. 

Je ne chercherai pas a defendre M. Ideler des attaques que 
ses compatriotes ont dirig6es contre lui; on l’a accuse de rigueur 
excessive, de tourmenter inutilement des malades par la douche 
et le moxa, de tomber meme dans le bigolisme ; je ne repon- 
drai a cela qu’en citant brievemenl quelques uns des principes 
de l’auteur. D’apres Langermann, «il reste encore aux malades 
» quelque trace de la connaissance differentielle du bien et du 
» mal; mais on prevoit de quelle difficult^ il sera souvent d’uti- 
» liser cette connaissance au profit du malade; on n’aura d’autre 
» ressource que d’appliquer aux fous la meme regie qu’aux en- 
»fants, la conlrainte (die ziichtigung). 

» Une autre conclusion , c’est que ce n’est pas par l’emploi 
.» pur et simple du raisonnement, mais parfexcitation et l’eveil 
» vigoureux du sentiment, que l’on pourra atteindre ce but. Si, 
.» dans l’education des enfants, on ne voulait employer que l’ar- 
» gumentation logique, quel succfes obtiendrait-on ? On objec- 
»tera que la seule influence du reglement d’une maison bien 
» ordonnfie suffit pour ramener l’aliknd; mais ceux qui raison- 
» nent ainsi favorisent la paresse du m6decin. Le rkglement est 



EN BELGIQUE, EM HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE. 217 
» un rnoyen exterieur; il peut servir h maintenir 1’ordre et la 
»tranquillity; mais il ne s’adressera pas aux passions et aux 
» idees pour les deraciner. Si Ton n’emploie pas d’autres moyens, 
»le fou se promenera tranquillement au milieu de cet ordre, 
» avec sa folie; bien plus, il s’y complaira. .......... 

Il faut savoir distinguer les cas ou l’on doit employer la seve- 
rit6 et n’en pas faire une regie generate de conduite. Langer- 
mann connaissait bien les natures essentiellement m<5chanles et 
celles qui ont besoin d’encouragement et de consolations, etc. . 

.« Dece que j’ai dit, continue M. Ideler, que le 

» point culminant etait l’eveil de la conscience, je ne serais pas 
» etonnS que quelques horames, dans leur exagdratiou, ne me 
» fissent dire que je veux convertir une maison d'alienes en un 
» grand confessionnal; mais je sais fort bien que ce n’est pas 
» avec l’habit du prelre et la Bible que Ton gufirit la folie; on 
» ne fait qu’exagerer le mal, et Ton risque de se rendre ridicule 
» aux yeux des malades. Je repete que le traitement psychique 
» doit avoir un caracterefoncierement esthetique. » 

Le traitement physique est le cote qui a donne le plus de prise 
aux critiques. L’appareil des douches, des inoxas, des cauteri¬ 
sations, etc., a paru quelque chose d’effrayant, surlout aux 
mfidecins qui ne s’occupaient pas d’alienation mentale. Hatons- 
nous de dire avec 1’auteur que tous ces moyens doivent etre 
employes au point de vue du traitement et non de l’intimida- 
tion , et aussi rarement que possible comme moyen de repres¬ 
sion ; qu’il faut soigneusement etudier l’etat physiologique, 
pour ne pas precipiter les malades dans la demence par un trai - 
tementou trop actif, ou par trop anti-rationnel. 

Dans la these inaugurale de l’auteur: De moxce efficacia in 
animi morborum medela, il vante beaucoup l’emploi du moxa 
sur les cotes de la colonne vertebrale dans les cas de melancolie 
profonde; ce moyen, independammcnt de son action physiolo¬ 
gique , peut agir comme moyen psychique dans des cas de manic 






218 PATH0L0G1E MENTALS 

furieuse. Scepe ignis applicatio furentes domuit, qui, earn in 
alio instituendam intuentes, certiores facti sunt se eamdem 
castigationem subituros esse, nisi apravis moribUs recederent. 
Ne autem nimice severitatis speciem prw me ferreni, moxibus- 
tione turn donum usus sum. postquam cetera auxilia nullum 
mihi prcestiterunt usum. L auteur cite plusieurs observations 
teds intdressantes de cas dans Iesquels il a employd avec succes 
le moxa; jeremarque, parini les malades traites, des rdcidives, 
ce qui diminuait encore la chance du succes. Je ne citerai le 
resume que d’un seul cas, celui qui fait le sujet de I’observation 
sixidme. Une femme de U5 ans, en proie a toutes sortes de 
chagrins domestiques, fut confide aux soins de M. Ideler, en 
juillet 1830 ; elle se trouvait dans un elat deplorable: Melan¬ 
cholics , quam attonitam dicunt, speciem prce se ferebat. Nam 
immobilis fere eamdem corporis positionem servabat, inlet ro- 
ganti mihi nihil respondens, nisi miserrimam et ad ceternas 
pcenas damnatam se esse. Vultus mcestissimus , oculi cavi, 
color faciei pallidus , cultus corporis plane neglectus summum 
animi dejectionem satis indicabant. M. Ideler passe sous silence 
tous les moyens qu’il employa et qui furent sans rdsultat; Im¬ 
plication repetde des moxas etait meme restee sans effet; la 
malade dtait devenue gateuse, et on la regardait comme incu¬ 
rable. Cependant un dernier effort fut encore tentd; les moxas 
furent renouveles et eurent pour effet de reveiller un peu sa 
sensibility; on put la rappeler a des sentiments de decence et 
de proprete. Ce premier pas fut un acheminement vers un mieux 
toujours plus sensible qui se consolida d’une maniere definitive 
et depassa toute prevision. Les frictions avec la pommade stibide, 
au sommet de la tete, sont d’un usage frdquent a l’hospice de la 
Charitd; on a parld d’accidents tres graves arrivdspar ce moyen; 
on a exagdrd la chose. La ndcrose, il est vrai, peut etre le rd- 
sultatde l’emploi iinmoddre de ce remede; mais il est k remar- 
quer que dans un cas ou deux ou elle est arrivde par suite de 
son usage, ^les accidents ont ete sans suites facheuses sur la 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE. 219 
sante du malade. J’ai etudifi aussi avec une attention scrupu- 
leuse 1’effet des douches; rarement le raedecin les donne sur 
la tete; mais il les emploie activement le long de la colonne 
vertSbrale. J’ai recueilli de la bouche meme des malades de 
nombreux tfimoignages du bien-etre qu’ils en eprouvaient. Ge 
moyen est stimulant, energique dans la forme melancolique si 
frequente dans le Nord. Le jet d’eau est dirigd avec plus ou 
moins de force; la quantity d’eau, sa temperature, sonl gra- 
duees selon l’etat du malade; rarement, du reste, ce moyen 
est employe comme punition, et j’ai vu la plupart des malades 
venir d’eux-memes se mettre sous la douche. 

Je vous cite, monsieur, les moyens employes, sans m’en faire 
l’apologisteexclusif. Je ne conseillerais pas, par exemple, chez 
nous, l’infibulation du prepuce dans les cas de masturbation in- 
veteree; je me contente de vous rappeler brievemeht ce que je 
vous ai dit au commencement de cette lettre a propos de la dif¬ 
ference des constitutions maladives. La meiancolie, quoique la 
meme dans ses manifestations psychiques chez tous les peuples, 
semble cependant atteindre plus profondement la sensibility des 
habitants du Nord. L’amour, la religion, sont des sentiments 
traites plus serieusement que chez nous, et leur influence sur 
l’esprit en est bien plus grande. L’abus des boissons alcooliques, 
l’habitude funeste de la masturbation, ne laissent souvent aux 
medecins que le choix des remedes les plus energiques pour 
combattre le deplorable etat de depression dans lequel sont 
plongGs les malades (1). 

Je ne m’arreterai qu’un moment en passant a Halle; j’y vis 
le c61ebrc professeur Damerow. Le jour de ma visile, on instal- 
lait les malades dans le bel etablissement qui leur est destine, et 


(1) M. Zeller, dans sa statistique sur les causes eloign^es el prochaines 
de la folie, cite comme les plus nombreuses : pertes de semence soit par 
pollution, onanisme ou rapports sexuels, homines 143, femme 10; 
onanisme existant independamment de toute autre cause, 26. 



220 PATHOLOG1E WENT ALE 

qui a beaucoup d’analogie avec celui qui est dirige par M. Rol¬ 
ler; il peut contenir 150 malades en traltement et 250 incu¬ 
rables. J’aurai occasion d’en parler plus tard, et de faire con- 
naitre en meme temps les ouvrages de ce medecin distingud. 

La saison, deja bien avancde, me fit regretter de nepouvoir 
pousser mon voyage jusqu’a Sachsenberg (Mecklenbourg- 
Schwerin), chez M. Flemming, auquel M. Damerow m’avait 
recommande. Le froid plus prdcoce, cette annde, sevissait avec 
rigueur dans le mois de novembre, et j’avais a gagner l’ltalie en 
traversant toute l’AHemagne du nord au sud. Je ne pus faire 
autrement, pourtant, que de m’arrdtera Sonneustein, presde 
Dresde. Sonnenstein est celebre entre les elablissements d’Alle- 
magne pour avoir dte, au commencement de ce siecle, le point 
de depart des ameliorations qui ont etd opdrdes dans le traite- 
ment des maladies mentales. La position de cet hospice, domi¬ 
nant tout le cours de l’Elbe, est vraiment ravissante. Les divi¬ 
sions interieures sont aussi bien dtablies qu’il est. possible de le 
faire dans un dtablissement qui, dans l’origine, avait une autre 
destination. II n’v a dans l’asile que les malades en trartement; 
quatre loges de maniaques suffisent pour un nombre de 250 a 
300 malades; ces loges ne ressemblent pas a celles d’lllenau , 
Winnenthal et Halle, qui sont dclairdes par le haut et n’ont point 
de vue. Ici les loges sont peintes, carrelees avec des briques 
vernissfies, ce qui permet de les laver; elles ne conservent pas de 
mauvaises odeurs comme les chambres d’alienes ou il y a un 
parquet. Elles ont vue, comme tous les dortoirs de la maison, 
sur un paysage charmant; mais on peut 'a volonte diminuer I’in- 
tensite du jour, et en faire meme, selon les indications, une 
veritable chambre obscure. Je n’y ai pas trouve, par exemple, 
l’avantage, que je vous ai ddja signal^, de pouvoir observer les 
malades sans qu’ils s’en apercoivent; ce moyen est prdcieux 
lorsqu’il s’agit d’etudier 1’etat mental d’individus qui sont sous 
la prevention de quelque crime, et sur lesquels 1’autorite de- 
mande un rapport medical. 



EN BEIGIQUE, EN hollande et en alLemagne. 221 
L’hospice des alienes a Prague, dirige par M. Riedel, est un 
monument magnifique qui atteste la sollicitude du gouvernement 
autrichien. Je n’en puis dire autant du fameux etablissement de 
Vienne, connu sous la denomination de la Tour des fous (Nar- 
renthurm). Figurez-vous une immense rotonde & cinq etages , 
percee de lucarues etroites et grilles; l’int4rieur de chaque 
etage est distribue en Jogesde 11 pieds de haut sur 10 de large; 
ces loges, outre une porte en bois, ont encore une porte en fer : 
voila ce que c’estque la Tour des fous. L’autorite avait eu 1’idee 
d’en faire une prison ; mais on a trouve qu’unc prison de ce 
genre ne serait plus en rapport avcc l’etat de nos mceurs et de 
notre civilisation. Chaque Stage a 28 chambres; en lout 141. Le 
rez-de-chaussee, le premier et le cinquieme, sont destines aux 
hommes; le deuxieme et le troisieme aux femmes. A quelque 
distance de la Tour est le Lazarelh, qui sert pour les convales¬ 
cents et le traitement; il peut contcnir 120 mala.lcs. Les diffi- 
cultes du traitement dans un pareil local n’ont pas dficourage 
notre honorable confrere, M. le docteur Kcestel. Je ne puis 
assez signaler ici le zeie et le courage qui l’animent; tout ce qu’il 
est humainement possible de faire, M. Kcestel le fait, et ses 
efforts sont souvent couronnes de succes. 

Lorsque je me trouvais a Vienne, MM. les docteurs Kcestel, 
Eissenstem, et le celebre Ennemose, de Munich, s’occupaient, 
a un point de vue elev6 et scientifique, de i’application du ma- 
gnetisme a la guerison de diverses maladies nerveuses; l’epilep- 
sie dtait surtout l’objet de leurs etudes. J’aurai l’honneur, h 
mon retour, monsieur, de vous faire savoir quelques unes des 
curieuses experiences de ces savants, ainsi que les communica¬ 
tions que depuis mon depart ils ont bieu voulu me faire. 

Je terminerai cette longue letlre par un vceu que j’ai deji 
emis & Paris, et qui, communique aux divers medecius elran- 
gers que j’ai connus dans mon voyage, a generalement excite 
leurs sympathies : c’est de voir se fonder chez nous une Societe 
medicale, dontle but serait l’etude de tout ce qui peut interes- 
assal. med.-psvch. t. vi. Septcmbre 1845. 5. IS 



122 PATHOLOGIE MENTALE EN BELGIQUE, ETC. 
ser la pathologie et la physiologic da systfeme nerveux, ainsi que 
l’amdlioPaiion des maisoils d’alienes. La Societe se proposerait 
ehcoi'e un autre objet> G’est de se tenir au courant de tout ce 
qui se fait et se publie h l’dtranger dans le cercle de la specialite 
ou elle se renferme. II serait facile, par des echanges ou par 
tout autre moyen, de jeter ainsi les fondements d’une biblio- 
theque spdciale, a la fois etrangfire et nationale. Le medecin 
qui a des recherches a faire y trouverait des ouvrages qu’il est 
difficile d’avoir a la Bibliothfeque royale, et de toute impossibi¬ 
lity de se procurer a celle de 1’Ecole de medecine. Je laisse a de 
plus instruits le Soin de fixer les bases d’organisation; je me 
contente de vous emetlre modestement mon idee. Ce que j’y 
verrais surtout de profitable , ce serait de nous tenir moins en 
dehors du mouvement scientifique qui se fait autour de nous, 
et d’imprimer a nos propres travaux une impulsion plus gend- 
rale, et par consequent plus profitable. Car pourquoi vous ca- 
Cherais-je ici, monsieur, la sympathie qu’excitent toujours a 
1’dtranger nos travaux et nos idees, et I’influence heureuse que 
nouspouvons exercer sur les progresde 1’humanite? J’ai pum’en 
convaincre encore dernierement dans une occasion sotennelle. 
Le Saint-Pere, dans une audience publique, a bien voulu m’a- 
dresser de nombreuses questions sur les maisons d’ali(5n6s que 
j’ai visit£es. 11 a (5coute avec la plus grande attention la critique 
que jelui ai faite de l’hospice de Rome, ainsi que l’expose des 
ameliorations obtenues dans ces derniers temps cn France et en 
Allemagne. Pour me conformer aux dfisirs de Sa Saintetd, je 
serai heureux, a mon retour a Rome, de lui remettre un expose 
detailld de ce qui a ete fait en France depuis Pinel et Esquirol. 
Je ne ferai que rendre hommage i la v6rit6 en faisant voir que 
ces grands hommes out, dans notre pays, de dignescontinua- 
teurs de leur science et de leur zele. 

Rome, le 10 avril 1845. 


MOREL. 



REMARQUES SUR LE D&LIRE CONSECUTIF 


AIX FIEVRES TYPHOIDES. 


OBSERVATION PREMIERE. 

D&nence aigue consecutive 4 une rechute de fievre typhoide. 

Marguerite, ag6e de douze ans, appartient a une pauvre fa- 
mille des environs de Bar; elle s’est toujours distingube des 
enfants de sou age par la superiority de son intelligence, la sa- 
gesse de sa conduite, aussi bien que par ses affections et ses 
pensbes plus blevbes qu’elles ne le sont communement it cet 
age. Son pbre nous raconte qu’une premiere fois deja elle a ete 
alteinte d’une fibvre typhoide qui a dure vingt jours sans que le 
delire se manifesto; bieutot la convalescence s’etablit et suivit 
une tnarche reguliere, iorsque tout d’un coup, et sans cause 
appreciable, une rechute arriva, etles uiemessymptomes se ma- 
nifestbrent, mais cette fois avec plus de gravity. G’est alors que 
le delire eclate, et huit jours apres, on I’amene a 1’asile de 
Fains; pas d’autres causes appreciables. — Dans les deux eas, 
le traitement antiphlogistique a etc employe el les evacuations 
sanguines ont consiste seulement dans implication de six 
sangsues. 

A son entree, le 12 septembre, la jeune Marguerite se pre¬ 
sente dans l’etat suivant: amaigrissement considerable; la souf- 
france et la stupeur sont empreintes sur Ja figure; la tete est 
penchee en arriere et les muscles du cou fortement tendus font 
saillie a travel's la peau. — Abolition des facultes intellectuelles; 
absence de la memoire etdes perceptions; confusion des ofojets 
et des personnes; quelques indices des facultes affectives; la 
malade prend diaque personne pour son pere ou sa mbre, et les 
appelle a grands cris. — Elle est tranquille pendant le jour, tnais 



2 24 REMARQUES SUR LE DEL IRE CONSECUTIF 

lesoir la fievre arrive, etunpeu d’agilalionse manifeste. M. Re- 
naudin, mfidecin en chef, n’hdsite point a employer les toni- 
ques, et surtoutle sulfate de quinine en potion pour prevcnir 
les acces du soir. L’alimentation prescrite est en rapport avec 
l'etat de la malade. —Vers le 21, un peu d’amelioration se fait 
senlir, la fievre et avec elle l’agitation ont disparu. — L’alimen¬ 
tation devient plus nutritive, et les facultes intellectuelles repa- 
raissent a mesure que la malade recouvre ses forces. Enlin, 
vers le commencement d’octobre, le moral et le physique sent- 
blent entierement rentres dans leur etat normal. Nous conser- 
vons toutefois encore la jeune malade jusqu’au 20 du meme 
mois, afin de ne plus avoir la moindre crainte snr une rcchule 
que nous redouterions si l’enfant etait trop tot exposee a la 
liourriture el aux travaux que des parents pauvres ne peuvent 
s’empecher d’imposer a leurs enfants. 

OBSERVATION DEUX1EME. 

Monomanie des grandeurs consecutive a une lievre lypboi'de. 

Anna, fille de pauvres vignerons, se fit remarquer des son 
enfance par un desir des richesses peu ordinaire parmi les filles 
de sa condition. Revenue plus grande, elle ecoutait avec plaisir 
les avanlages attaches a la condition de domeslique, que plu- 
sieurs de ses amies lui disaient avoir rencontres a Paris. Un jour 
elle se rend dans cette ville afin de parvenir plus vite a la 
richesse. Mais la les desillusions arrivent, les besoins se font 
senlir, et Anna tombe malade d’une fifevre typho'ide. — On la 
transporte ii la Pitie. — Vers le dedin de la maladie, le delire 
se manifeste, et Anna est envoy6e a la Salp8triere, le 25 mai 
l8Uk. Nous ne savons dans quel service elle fut placee, mais 
elle y resla jusqu’au commencement de septembre, epoque a 
laquelle l’ordre de sa translation dans son departement la fit 
emineuer dans l’asile de Fains, ou elle arriva le 4 septembre. 
— Void quel est son etat lorsde son entree : demarche Cere et 
arrogante, expression indicible de mepris repandue sur sa phy- 
sionomie. Si die parle, c’est, coinme on dit vulgairement, du 



AUX FlfcYRES TYPHOi'DES. 


225 


bout ties levees. Sa saute physique est bonne, et si Ton n’&ait 
prevenu par les apparences que nous venous de signaler, on la 
croirait raisonnable en tous points; mais qu’on lui parle de sa 
position, de sa naissance, aussitot elle dit que ses parents sont 
fort riches,- qu’elle a de puissantes protections ti la cour. Aussi 
nous prend-elle, M. Renaudin et moi, pour des princes russes 
ou tout au moins pour des medecins envoyfis tout expres par Ie 
roi pour venir la soigner. — Du reste, Anna est inteliigente el 
laborieuse. 

M. Renaudin, medecin-directeur de l’asile, previt d£s le 
debut que tous nos moyens Schoueraient contre cette maladie. II 
vit, avec la perspicacity mfidicale qui lui est propre, que si Ton 
pouvait obtenir quelque amelioration, c’etait par le traitement 
moral. — Mais il n’a fait que maintenir au dedans les id£es de 
grandeur, et nous ne sommes pas sur pour cela qu’elles n’exis- 
tent plus. Un moment nous l’avions espere,. lorsque l’arrivee 
de son p£re et de sa mfcre, qu’elle n’avait pas vus depuis long- 
temps, vint nous detroinper. En effet, en arrivant aupres 
d’eux, les sentiments alfectifs, eteints jusqu’alors, parurent se 
ranimer, et elle se pr£cipita dans leurs bras en versant des 
larmes. Mais ce moment fut de bien courte dur£e, car peu aprfes, 
elle se mit a reprocher a son pere de la laisser dans un hospice, 
lui qui ytait si riche. En un mot, ses idees furent de nouveau 
exprim6es, et cette fois avec tant de hauteur et de mepris pour 
ses parents, qu’il fallut la faire rentrer dans son quartier. 

Si aujourd’hui Anna ne parle plus de ses richesses, ni de 
ses hautes protections, c’est la crainte, nous le rep6tons, qui 
en est cause, et pour nous, malgre les apparences, la malade 
n’est rien moins que guerie. 

Ces deux observations peuvent fournir matiere aux remar¬ 
ques suivantes qui se rapportent: 1° au d61ire des ali6n6s con- 
s£cutif a la fievre typhoide; 2” au mode d’action de la fievre 
typholde comine cause de la Me; deux points ygalement im- 
portants dans l’etude de l’ali6nation mentale. 



226 REMARQUES SUR LE DfiLlRE CQNSfiCUTIF 

On admet gdndralement aujourd’hui que certaines maladies, 
et celles surlout qui, par leur nature, ont puissamment dbranle 
les centres nerveux, ou, par leur duree, ont appauvri considera- 
blement les forces de l’economie, peuvent causer l’alienation 
mentale. Nous n’ignorons pas que plusieurs auteurs ne pensent 
point de ineine, et qu’Esquirol dit formellement que «les 
fievres de mauvaise nature laissentaprbs elles un ddlire chronique 
qu’il ne faut point confondre avec l’alifmation mentale. » Mais 
cette opinion n’est plus admise de nos jours, et chacun sait que 
bien des acces de folie ne reconnaissent pas d’autre cause que 
des maladies anterieures. Tous les jours on en voit des exemples, 
et pendant le printemps dernier, nous avous vu a 1’hospice de 
Bicetre, dans le service de MM. Yoisin et Moreau, plusieurs 
cas d’alienation mentale survenus a la suite des fievres lypho'ides 
qui, a cette epoque, ont epidemiquemcnt regnfi a Paris. D’ail- 
Ieurs Esquirol lui-meme n’a-t-il pas eu soin de nous decrire, 
dans son savant ouvrage, bien des acces de delire survenus pen¬ 
dant ou apres une fievre, et qu’il consiilerait coinme apparte- 
nanta la folie? 11 ne ledit point formellement, il est vrai, mais 
cela ressort de la coordination des fails; et comment sans cela 
concevoir les observations si judicieuses et si remarquables pour 
la mddecine Ifigale des alienes qu’il fait en parlant du delire des 
femmes en couches, lorsqu’il dit : « La fausse honte, 1’em- 
barras, la crainte, la misere, ne dirigent pas toujours les 
infanticides; le ddlire, en troublant la raison des jeunes accou- 
chees, conduit aussi quelquefois leurs mains sacrildges (p. 
231) »? Atissi pensons-nous que c’est dans 1’ensemble de 1’ou- 
vrage d’Esquirol, plutot que dans un passage pris sdpardment, 
qu’il faut rechercher les opinions de cet auteur sur les dilfe- 
rentes formes de la folie consecutive a des fievres de mauvais 
caractere. Et puis quelle difference notable pourrail-on dtablir 
entre un delire survenu pendant ou apres un acces de fifevre ou 
un ddlire auquel on reconnaltrait toute autre cause? L’un et 
l’autre ne conslituent-ils pas un desordre dans les facultes intel- 
lectuelles, et ne tomberait-on pas dans le vague si 1’on s’effor- 



AUX FIEVRES TYPHOIDES. 227 

cail de les differencier autrement que par la gravity qui est 
propre & chacun d’eux? 

Le delire survenu pendant une maladie n’est que passager, 
nous dira-t-on; mais n’avez-vous pas aussi des accfes de mania 
tellement passagers qu’ils ne durent que quelques instants, et 
direz-vous qu’un homme, dont les acces de colere seraient fu- 
rieux au point de le rendre dangereux, ne serait pas fou parce 
que sa folie ne serait que passagere? Ne le considfireriez-vous pas 
bien au contraire comme un aliene d’autant plus & craindre que 
sa folie serait a tout moment imminente puisqu’elle recon- 
naitrait pour cause une susceptibilite exag6ree du caractere? 
D’ailleurs que l’onlise attentivement lesdiverses definitions que 
l’on a donn6es du delire, et dans toutes 1’on reconnaitra 1’alie- 
nation mentale sous quelqu’une de ses formes. Ne croit-on pas, 
en effet, lire le portrait d’un veritable maniaque dans la bril- 
lante description du delire nerveux que Dupuytren nous a laissee 
dans sa Clinique chirurgicale? 

Ce serait done une erreur, a notre avis, que de vouloir ne 
point rattacher a des varietes de l’alienation mentale |es delires 
dont il est ici question, et de les differencier entre eux autre¬ 
ment que par la gravite qui leur est propre, seul point qu’il est 
important d’etablir. Et puis encore, dans l’histoire de l’bomme 
malade, aussi bien que dans l’etat sain, y a-t-il quelque chose 
d’absolu et peut-on toujours dire, par exemple, d’une maniere 
certaine : ici s’arrete la raison, la commence le domaine de la 
folie? 

Maintenant examinons en peu de mots comment la fievre 
typhoi'de, cause de la folie, a du agir dans les deux cas qui nous 
occupent. Nous avons dit, et il est bon de le rappeler, qu’il r£- 
sulte de renseignements certains, pnisqu’ils nous onl 6t£ don- 
nes d’une part par les parents de nos deux malades et d’autre 
part corrobores par des personnes de leurs connaissances quisont 
venues les visiter, qu’il n’y a pas ici la moindre trace d’b6r6dit6 
et qu’il n’existe pas d’autre cause que la maladie antfirieure. 



228 REMARQIES Sf’R IE DfiLIRE CONSKCUTIF 
f.onformemenl a cc que les auteurs out remnrque, la folie 
s’est dfeclarfee pendant la convalescence d’une fievre typhoide 
pour notre seconde malade; mais la premiere est devenue 
alienfee pendant une rechute de cette rneme affection. Les cas 
de ce genre sont plus rares. Pour cette malade, le mode d’action 
de la fifevre est en quelque sorte double; en effet, le traitement 
et surtout la difete prolongec qu’avait nfecessitec la maladie 
avaient jetfe la pauvre enfant dans un etat d’amaigrissement com- 
plet, et la convalescence s’etablissait lentemenl et diflicilement: 
pendant longtemps les organes, non seulement n’avaient plus 
fonctionnfe comme dans 1’etat normal, mais presque tous avaient 
ete le siege de lesions plus ou moius graves, de telle sorte que le 
sang, considferablement appauvri, nepouvaitdonner au systfeme 
musculairc la nutrition dont il avait besoin. II resultait de cet 
ensemble de faiblesse generale que la debilitfe de chaquc systfeme 
et de chaque organe entretenait celle des autres et opposait 
ainsi un obstacle au prompt rfetablissernent de l’fetat normal. Mais 
cette convalescence, dfeja si difficile dans des fifevres de longue 
duree, l’etait encore davantage dans le cas qui nousoccupe, 
puisqu’il y avait eu rechute, et par consequent prolongemeut 
de la souffrance et gravite plus considerable des lesions, dont 
les organes etaient le siege. Et tout le monde sait combien, dans 
un tel etat, le systfeme nerveux est facilement impressionnable. 
Aussi peut-on considerer cet fetat comme une predisposition de 
plus a la folie , et pouvons-nous appliquer au cas actuel ce que 
M. Baillarger disait des fievres intermitlenles, <• qu’elles pre- 
disposent a la folie de deux manieres, d’abord en agissant 
comme loutes les affections nerveuses, mais bien plus encore 
peut-etre en produisant 1’anemie et la predominance du systfeme 
nerveux sur le systfeme circulatoire (1). » A plus forte raison 
le dirons-nous de la fifevre typhoide dans laquelle les lesions du 


(1) Note sur la folie consecutive aux fievres InlcriniUenles, /limales 
mitlico-iisijcliologiques , t. If, p. 377. 




AUX FlfcVRES TYPHO'iOES. 


229 

systfeme nerveux sont plus frequentes et bien autrement graves. 
La forme de demence que la folie a revetue vient encore corro- 
borer notre assertion , et en elfet n’est-ce pas sous cetle forme 
d’affaiblissemenl de toutes les facultes iutellectuelles qu’il etait, 
je dirai presque naturel, de voir eclater une folie causae par un 
si grand affaiblisseinent de toutes les faculty physiques, nou- 
velle preuve, s’il en etait besoin, de l’influence du physique 
sur le moral ? La folie a persist^ tout le temps qu’a dur6 l’an6- 
mie generale, et, s’amendanta mesure qu’une alimentation re- 
paratrice faisait nnaitre les forces, elle a fini par disparaitre 
des que celles-ci eurent repris leur equilibrc normal. 

La gudrison de la jeune malade est-elle bien assuree pour 
l’avenir, et peut-on esperer que la malheureuse ne deviendra 
plus folie ? Nous n’hesiterions pas a l’assurer s’il s’agissait d’un 
enfant ordinaire dont l’intelligence ne fut pas ddveloppee au- 
delSt de ce qu’elle est ordinairement a cet age. Mais malheureu- 
sement pour elle, il se trouve comme une sorte de predisposition 
fatale a la folie dans ces memes qualites qui 1’elevent au-dessus 
des aulres enfants et qui font le bouheur de ses parents, et puis 
par la nature de son sexe, elle a par-devant elle tant d’epoques 
difficiles it traverser, qu’il paralt presque impossible que dans 
une circonstance ou dans une autre un nouvel acces ne vienne 
pas a eclater, alors surtout que si jeune elle a deja debute dans 
la voie de la folie , ce qui etablit de plus pour elle une facheuse 
predisposition. 

Pour notre seconde malade , nous pouvons lui appliquer de 
ce qui precede les conditions physiques par lesquelles la folie a 
du op6rer son mode d’action. Mais quant ii la forme qu’elle a 
revetue, c’est dans les conditions morales qui precederent l’in- 
vasion de la maladie qu’il en faut rechercher les causes. Nous 
avons vu, en effet, que des sa jeunesse elle se faisait remarquer 
par le desir des richesses, tandis que rien autour d’elle ne pou- 
vait lui suggfirer de telles idees, puisqu’elle vivait retiree dans 
sa pauvre fatnille; mais enfin elle ddsirait vivement ces richesses, 



230 REMARQUES SDR LE DfXIRR CONSECUTIF, ETC. 
elle y songeait bien plus qu’une bile de sa condition et de son 
age n’y songent habituellement, et c’est deja la non pas un com¬ 
mencement de folie, mais une tension de l’esprit trop fixe, trop 
concentre sur un but. Plus tard, quelques unes de sescom- 
pagnes, qui s’etaient bien trouvees de leurs services a Paris, 
1’engagfcrent a aller dans cette ville ; elles lui repr6senlaient les 
nombreux avantages attaches a cette condition , et l’esprit de 
noire malade recueillait avec avidite ce qu’on lui disait; elle ne 
selassait pas d’entendre repeter cequi se conciliait si bien avec 
ses desirs, de telle sorte que ceux-ci, au lieu d’etre reprints 
par la raison, n’en etaient que plus ardents a se reproduire. 
Cette predisposition ou, pourmieux dire, cette tension de 1’esprit 
vers un but fixe, si remarquable dans son enfance, est done de- 
venue plus grande et s’est accrue avec 1’age. Dans un tel etat, 
la moindre secousse capable d’ebranler le systeme uerveux 
devait presque a coup sur amener la folie, et cette folie devait 
reproduire les idees qui louie sa vie avaient fixe son attention. 
Avec Pexag&’ation qui lui est propre, la folie a reproduit ce 
desir des richesses qui est ainsi devenu une monomauie ambi.- 
tieuse. 

Que si, dans ce cas, la folie n'a point disparu h mesure que 
les forces physiques se sont retablies, ainsi que cela est arriv6 
chez la malade precedente, cela tient a la forme que la folie a 
revetue, car il est dans la nature des idees fixes de grandeur et 
d’ambition d’etre lenaces et d’autant plus difliciles a etre ex- 
pulsees qu’elles datent de plus loin. Aussi sommes-nous peu 
convaincus de la guerison actuelle de la malade, et peu rassures 
sur son avenir, bien que jusqu’a ce jour aucune complication 
facheuse ne soit venue aggraver son etat. 

SAUVET, 



Medecine legale. 


KLEPTOMANIE. 

ACCUSATION DE VOL, CONDAMNATION PAR DEFAUT, 
APPEL DU JUGEMENT, 

RAPPORT JlflDICO-LEGAL POUR CONSTATER L*ALIENATION 
MENTALE, ACQUITTEMENT. 

Madame M...,nfieLallemant, veuve de M. M..., vfirificateur 
des domaines, residant A Avallon depuis dix ans, a, le 21 no- 
vembre 1844 , soustrait chez un marchand d’Avallou une piece 
d’6toffe ditealpaga estimate 43 fr. ; elie a 4tc, pour ce larcin et 
deux autres commis antfirieurement, poursuivie par Ie minis- 
tere public et condamnee par defaut devant le tribunal correc- 
tionnel d’Avallon, le 24 decembre 1844, 4 treize mois de 
prison et 25 fr. d’amende. 

Interrogde sur ce mefait, madame M... allSgue pour cause, 
qu’elle etait malade, qu’elle y a 4te poussee irresistiblement et 
par consequent que sa volonte y est etrangbe. 

On demande s’il est possible d’admettre une semblable excuse. 

Je n’ignore pas combien il faut apporter de reserve lorsqu’on 
traite une question qui interesse a un degre si Eminent la mo¬ 
rale publique et la surety des proprietes. Aussi, egalement 
41oigne de ne voir dans les criminels que des monomaniaques, 
ou de nier d’une mauiere absolue cette maladie mentale incon- 
testablement admise dans la science, je m'efforcerai d’apprecier 
avec rigueur et impartiality les circonstances au milieu des- 
quelles l’acte iacrimine a 4(6 commis, sans torturer les faits, 
sans leur donner une interpretation qu’ils repoussent (1). 

(1) Je declare iei que j’ai dA consid6rer comme authentiques tous les 
documents qui m’ont 6t6 fournis par madame M..., et qui serveiit de 
base a mon appreciation. 



232 KLEPTOMANIE. 

Examinons si, avant et aprds la perpetration de l’acle incri- 
mine, madame M... a offert des signes d'alidnation mentale , si 
la bizarrerie de Faction qu’on lui impute et les circonstances 
qui Font accompagnde sont en opposition avec sa conduite et sa 
situation d’esprit normales. Car si tous ces faits sont bien dtablis, 
il restera evident que madame M... a agi sous l’empire d‘im¬ 
pulsions maladives qui Vont privee de sa liberie morale, et que 
partant elle nest point coupable. 

Madame M..., d’un temperament nerveux-sanguin, est agee 
de trente-deux ans; son pere est goutteux depuis l’age de quinze 
ans; il est de notoriele publique a la Charite-sur-Loire (Nievre), 
que sa mere est afTectee d’une propension bizarre, irresistible 
pour les boissons alcooliques; il lui arrive habituellement de 
perdre la raison a la suite de ces exces, dont rien n’a pu la d6- 
tourner, ni les conseils de ses amis, ni les preceptes de la 
morale et de la religion. Sa tante , du cote maternel, atteinte 
d’alienation mentale depuis vingt ans, est actuellement en trai- 
tement dans une maison de santd; un de ses oncles, dgalement 
du cote maternel, est mort aliene : il s’est suicide; il en est de 
mfime de son fils, auteur et acteur dramatique, qui s’est brule 
la cervelle a la suite d’une. querelle futile avec le costumier de 
son theatre. 

Pendant sa premiere enfance, a l’dpoque de la dentition, 
madame M... a dprouve des convulsions avec ddlire, qui ont 
laissd a leur suite une impressionnabilitd excessive; It la moindre 
dmotion elle pMissait, etait agitee d’un petit tremblement peni- 
ble, et ne pouvait supporter aucune contrariete : les nuits 
dtaient troublees par des reves, des cauchemars. Cet etat s’est 
ameliord jusqu’k l’dpoque de la menstruation , annoncee par des 
maux de tete , des brisements et des douleurs dans les mem- 
bres, des bizarreries dans le caractere, dans les gouts. Le 
premier ecoulement menstruel s’accompagna d’attaques de 
nerfs avec perte de connaissance; les hdraorrhagies dtaientdiffi- 
ciles, peu abondantes. 



KLEPTOMANIA. 


233 

De seize a dix-sept ans, les regie's s’etablirent assez bien; a 
cetle epoque, menant une vie douce, calrae , rSguliere, son 
caractfere prit une plus grande consistance, et son jugement se 
raffermit. Les personnes qui l’ont connue, qui ont vecu avcc 
elle avant son mariage, disent: « qu elles n’ont jamais vu un 
caractere plus aimable , plus gai, plus uni forme que le sien »; 
elles ajoutent « que ce caractere la faisait beaucoup aimer et 
apprecier; elle avait de Vordre , une moralite d toute epreuve 
et des sentiments genereux. » 

Marieea dix-huitans, a la suite d’une suppression menstruelle 
survenue sans cause appreciable, madame M... dprouva des 
spasmes convulsifs analogues aux premiers; on observa des lors 
quelques desordres physiques et moraux, propres a l’hystdrie; 
mais une perte abondante caluia tous ces accidents. 

A dix-neuf ans, madame M... futatteinte par le cholera pen¬ 
dant une grossesse, ce qui augments fortement son irritabilile. 
Depuis cette epoque jusqu’au commencement de 18A3, les 
irrSguIarites de la menstruation , les nombreux devoirs de sa 
position d’dpouse, de mere defamille, et cinq grossesses accru- 
rent considerablement son etat nerveux, cequi parfois donnait 
de vives inquietudes sur I’integritS de sa raison (1). A certaines 

ft) Les desordres passagers de l’intelligence et dc la sensibility sont 
tres bien decrits dans deux certificals dclivres par les docteurs Finotet 
Gagnard, d’Availon, qui donnaicnt des soins a madame M... « L’agila- 
» lion, 1’insomnie, la reaction des doulcurs sur l’organisme, dit le pre- 
» mier, 1’epuisement produit par des pertes de sang, laissaient a leur 
» suite du trouble dans les facult6s mentales. Comme ces facultes dtaient 
» a la fois affaiblics d’un cdte el surexcitAes de 1’autre, il n’cxistait plus 
» cntre elles cet equilibre normal d’ou proccde un jugement sain , une 
» claire et libre deduction des idAes ; les pleurs et les ris, le chagrin cl 
» la joie se succAdaient tour a lour; de la une foule dc determinations 
» bizarres, contradictoircs, qu’une sorte de vertige, une impulsion 
» inscilite, irrAsistible faisait AclQre sponlanAmeut; il y avait aussi dans 
» les fonctions des sens une alteration remarquablc, et j’ai vu quelquc- 
» fois chez cette dame dc vAritables hallucinations. » — « Les sympldmcs 
» varies et extraordinaircs que j’observai chez madame M..., dit le 



234 KLEPTOMANIE. 

epoques, particulierement a celles coi'ncidant avec ses gros- 
sesses, ou avec les derangements de la menstruation, on obser- 
vait chez madame M... une grande mobilite dans les idees, 
dans la sensibilite; elle contractail des dettes chez les marchands, 
achetait des (Holies dont elle ne faisait aucun usage el qu’elle 
cachait; prenait en haine sans motif appreciable son mari, ses 
enfants, ses amis, et en degout sa position, ses occupations de 
menage; elle negligeait sa toilette et se plaignait de violenls 
maux de tete, de chaleurs d’entrailles, de soif, d’inappetence, 
d’agitalion, d’hallucinations, decauchcmars; on parvenait avec 
beaucoup de peine a fixer momentanement son attention, et sa 
raison se mon trait rebelle aux conseils les plus affectueux; quel- 
que temps apres, madame M... redevenait calme, raisonnable, 
econome, appreciait ses torts et s’efforpait de les r4parer. 

Insensiblement cet etat fit des progres; les intervalles de luci- 
dite, de calme devinrent plus rares ; la menstruation plus diffi¬ 
cile, plus irreguliere, et les d4sordres qui l’accompagnaient 
acquirent un degr4 d’intensite alarmant. Ce fut dans une sem- 
blable periode, qu’au mois de fevrier 1843, tourmenlee par 
d’affreux maux de tete, elle deroba chez un marchand d’Avallon, 
un coupon de dentelle de la valeur de 21 fr., une paire de 
gants de 2 fr. 50 c., et une piece de rubans de 3 fr., qui avait 
4t4 achetee par une demoiselle d’Avallon. Le lendemain elle se 
para de tous ces objets dans un bal public , ou ils furent imme- 
diatement reconnus. 

Au retour du bal, les regies parurent, et avec elles se dis- 
sipa encore le trouble physique et moral que leur absence 
avait occasionnA Cet 6tat satisfaisanl dura jusqu’au mois d’aout 
1843;4cette epoque, madame M..., sous l’influence des memes 

ii second, me feront souvent redouter your terminaison un dfirange- 
» men! dans les facultes intcllectuelles; » et plus loin, « des que j’eus 
» connaissance de la premiere soustraction de cetle dame, dans sa posi- 
» lion de fortune et de famille, ma conviction fut dtablie: je ne doutai 
» plus d’un derangement du cerveau. » 





K.LEPTOMANIE. 


235 


dfisordres, prend cinq mktres de dentelle de 20 fr., un metre 
et derai de napolitaine de 3 fr. 50 c., une paire de brodequins 
de 5 fr., un porte-cartes de 3 fr. 50 c., une brocheen chrysocale 
de 5 fr., plusieurs paquets d’epingles de20 c. chaque. 

En novembre 1843, elle fait un voyage a Paris (elle 6tait 
enceinte); lapersonne chez laquelle elle habile remarque «des 
» actes d’une nature extravagante, des discours plus incohe- 
» rentsIes uns que les autres; elle prfiche une economic severe, 
» puis fait des dispenses sans utility, sans n4cessit6 ; de la joie 
» et d’une hilarile folle, elle torabe dans une tristesse profonde; 
» son laugage, ses habitudes, sa mise, ses paroles, ses gestes , 
»tout enfin chez elle annonce un derangement notable dans les 
»id£es.» 

A son retour de Paris, endecembre 1843, madameM... derobe 
un cachet en verre bleu de 5 fr.; depuis cette dipoque jusqu’au 
8 avril, jour de son accouchement, elle est retenue chez elle par 
une iudisposition ; die se trouve des lors dans 1’impossibilitede 
donner cours k son penchant deprave; mais elle est agitee, 
privee de sommeil, accuse une soif vive, de 1’inappetence, des 
chaleurs intestinales, une constipation opiniatre; temoigne de 
la froideur k son mari et aux personnes qu’elle alfectionne le 
plus dans son 6tat normal, mange avec aviditfi des soupes 
grasses, des fruits acides, mets pour lesquels auparavant elle 
avait une repugnance invincible ; est dominde par I’idee qu’eUe 
mourra pendant ses couches, et cependant a ce sentiment me- 
lancolique succkde une joie immoderee, ses idfies se heurtent, 
se contrarient et sont en contradiction sensible. 

Elle accouche, commenous l’avons dit, au mois d’avril 1844, 
sans accident, part pour la campagne au mois de mai, y reste 
jnsqu’k la fin de juin : cependant la menstruation n’avait pas 
reparu, et Ton observait alors un retour a 1’etat d’excitalion 
pr6c6demment decrit. Ge fut a cette epoque, qu’ayant recu la 
visite de l’abbe Nicole, cet ecclfisiastique, qui la connaissait de¬ 
puis peu de temps, et qui avait d6jk observe chez elle une 



236 IcleptoManie. 

grande exaltation, constata quelque chose de desordonne dans 

ses paroles et dans ses manieres. 

En oclobre 1844, madame M..., naturellement ires peu- 
reuse, peu religieuse, part sans reflexion 4 1’approche de la nuit, 
accompagnee de sa petite fille, agee de onze ans, pour Island, 
•village 4 deux lieues d’Avallon, par de mauvais chemins, et ne 
revient qu’4 dix heures. Elle va voir 1’abbd Nicole, lui parle de 
ses projets de reforme, de ses enfants, de son mari, en des 
termes si expressifs, que ce venerable pretre est frappe de son 
imagination exaltee, du (lux de paroles exagerdes qu’il aurait 
etc impossible de regler, de moderer. 

« Elle 6tait, ajoute-t-il, tellement absorbee par ses projels 
religieux, qu’olle aurait, sans s’en douter, passe la nuit 4 en 
parler s’il eut voulu l’gcouter. » 

Le8novembrel844, madame M... ecril4son mari, en verifi¬ 
cation 4 Vermenton « qu’elle se trouve dans une situation d’es- 
prit, une tranquillite de conscience lelles, qu’elle se croit digne 
de comraunier, et qu’aussitot son arrivee, elle fera venir 4 cet 
effet l’abbe Nicole. » 

Et c’est le 21 novembre que madame M..., qui n’a pas vu 
ses regies depuis deux mois, a pres une nuit passee dans l’in- 
somnie, l’agitation, se plaignant de maux de tSte, de soif, de 
chaleurs intestinales, de constipation, d’inquietude dans tous 
les membres, obsedfe du desir de soustraire quelque chose, se 
leve 4 sept heures du matin, entre dans un magasin oil elle a 
l’habilude de se servir, apercoit sur le comptoir, au milieu de 
pieces d’etofles 6talees, un tissu de laine dit alpaga, de la valeur 
de 43 fr. Elle veut d’abord resister au desir de s’en emparer, 
appreciant l’odieux de cette action; mais cette idee de posses¬ 
sion la domine au point de subjuguer sa volonte , sa raison ; elle 
est pale, tremblante, eprouve une violente cephalalgie, et cede 
4 son d&ir, en ayant soin de cacher son larcin sous son man- 
teau. Elle sort precipitamment; 4 peine a-t elle fait quelques 
pas dans la rue qu’elle est poursuivie par la pens6e de restituer 



KXEPTOMAmE. 


237 


ce qu’elle vient de prendre; elle revient jusqu’a la porte du 
magasin, hdsite , tremble encore, et se decide a retourner chez 
elle, ou se trouvaient deuxlingeres qu’elle invite a confectionner 
la robe avec elle. Ces deux ouvridres, qui voient souvent la 
marchande du magasin ou elle a enlevd ce tissu, remarquent 
sur ses traits une profonde alteration. 

A l’epoque ou le vol a ete commis, madarne M... avait dans 
sa caisse 255 fr. que son mari lui avait laisses pour satisfaire & 
ses besoins : ce dernier l’affectionnait tendremcnt, ne lui refu- 
sait rien. A cette epoque, madame M... avait cinq ou six robes 
pour la saison. Madame M... avait une fortune personnelle de 
24,000 fr.; son niari jouit a Avallon de l’eslime et de la consi¬ 
deration publiques, il possede 44,000 fr. de biens fonds, ses 
fonctions honorablcs sont retribuees 4,000 fr., il a toujours 
mend une vie simple, modesle, et madame M.„, dans ses mo¬ 
ments lucides, s’est constamment fait remarquer, particuliere- 
ment avant 1843, par une moralite et une probite sdveres, 
souvent meme par des actes de charite, de gdnerosite. 

Apres la souslraction de la robe, le commis se rend aupres de 
madame M..., portant une leltre de la marchande, qui la lui 
reclame : elle nie d’abord, demande la (ille de boutique, lui 
rend 1’objet void, eu obtenanl la promesse du silence. Le len- 
demain, madame M... se transporte chez la marchande, lui 
adresse des excuses, lui demande encore le secret; revient pleine 
de confiance dans la promesse qui lui a die donnee; deux jours 
apres, elle parcourt I’espace de huit lieues a pied et a jeun a 
traversles bois, pour voir un enfant en nourrice, ce qui cou- 
traste avec ses habitudes sddentaires; le mdme jour elle fait 
appeler a 1’dglise 1’abbe Nicole, qui est cette fois encore lelle- 
ment frappd de l’incoherence de ses iddes et de ses sentiments 
qu’il n’hesite pas a la croire atteinte de folie. Ecoutons ce qu’il 
dcrit avec taut de jugemeut a cet egard : 

« La dernidre fois qu’elle vint ici, c’etait le lendemain ou le 
»surlendemain de sa malheureuse action; elle ne vint pasjusqu’it 
askal. MKD.-PSYcn. t. vi. Septembre 1845.6. 1C 




KXEPTOMANIE. 


238 

»la maison, elle me fit appeler a I’Eglise; en y entrant, j’entendis 
» dans le confessionnal des sanglots extraordinaires. II y avait 
» quelques personnes du village dans l’Eglise. J’eus beaucoup 
» de peine a calmer cette dame affligee. Lorsque je sortis du 
» confessionnal, elle me suivit vers la sacristie, les yeux baignes 
» de larmes, le visage tout decompose Yoici ses paroles: 
« Moi, monsieur, me consoler! il n’y a plus de consolation pour 
» moi, je suis une malheureuse , je n’ai plus ma tEte, je suis 
» perdue. » 

« Je crus qu’elle craignait de tomber entre les mains de la 
o justice, et je la rassurai dans ce sens. « Monsieur, me dit-elle 
» (remarquez bien ces mots), je ne crains pas cela; la personne 
» m’a dit et m’a me me jure qu’elle n’en parlerait h personne; 
» elle m’a assure qu’elle me pardonnait, et m’a engagEe h aller 
»la voir comme par le passE : ce qui me dechire le coeur, 
» monsieur, c’est mon pEchE. On m’a dit hier soir que ma pe- 
»tile fille , qui est en nourrice a Cure, etait malade; ce matin 
a je suis partie d’Avallon sans rien prendre; heureusement ma 
» bonne petite fille se porte bien ; j’arrive de Cure sans avoir 
» rien mangE; ce soir, en arrivant chez moi, je preudrai un bain 
» de pieds et j’irai me coucher. » Je la forcai alors a entrer it la 
» maison pour prendre un verre d’eau rougie avec un biscuit; 
»je cherchai dans ce court intervalle a la distraire de ses an- 
» goisses et de ses tortures interieures; je lui parlai de ses peliles 
» demoiselles: aussitot cette mere infortunEe changea de visage 
» et passa tout-a-coup de la tristesse la plus profonde a une joie 
»immodEree; je la reconduisis encore jusqu’h Pont-Aubert. Pen- 
» dant ce trajet assez long, elle ne me parla que de ses enfants, 
» que de leur etablissement (remarquez bien cette expression), 
» de leur Etablissement, trois petites Giles dont 1’ainEe a onze 
» ans ; elle ne m’entretint que de leur bonheur futur, en me 
» racontant tous les avancements auxquels elle me disait que 
»vous aviez droit. Elle me dit que vous en attendiez un pre- 
» mier, et que vous pensiez quitter Avallon trfes prochainement. 

» Pour cette fois, je fus si frappE des incohErences que je remar- 



KXEPTOMANIE. 239 

» quai dans ses idees, dans ses sentiments, dans ses paroles, 
» dans ses projels, que je me proposals d’aller voils trOUver: 
» mon intention 6tait de vous faire part de la maladie mentale 
» que j’avaiscru remarquer dans votre malheureuse Spouse. » 

Le lendemain elle se rend <1 l’eglise, oil elle s’imagine etre 
l’objet de tous les regards; le soir du meme jour elle apprend 
qu’on la poursuit, veut.se remettre entre les mains du procu- 
reur du roi; un des amis de son mari s’y oppose r alors elle court 
vers son puits pour s’y precipiter, ce qui serait arrivS si on ne 
l’en eut pas empechee. On la force a partir pour Paris, ou elle 
' s’isole pendant un mois chez une de ses amies, it qui elle de- 
mande souvent s’il est bien vrai qu’elle pense; elle accuse de 
violents maux de tete. Depuis cette Spoque jusqu’it ce joiir, 
madame M... est restee constamment enfermee, et je n’ai pu 
me procurer aucun autre renseignement. 

L’influence hSreditaire, sous laquelle madame M... se trouve, 
les convulsions avec dSlire qu’elle a eues pendant son enfance, 
le cholera, dont elle a etc atteinte, 1’hystSrie, cette cousine 
germaine de la folie, qui l’engendre si souvent et se confond 
parfois avec elle, les violents maux de tSte qu’elle eprouve, 
l’incoherence, la mobility qu’on observe & certaines dpoques 
dans la sensibility et dans les idees, la soif, l’inapp6tence, les 
chaleurs intestinales, la constipation, demontrent jusqu’k l’6vi- 
dence que madame M... a et6 atteinte, a des dpoques irregu- 
liferement intermittentes, d’acc&s d’alidnation mentale : les fails 
qui precedent leddnotent si clairement qu’il y aurait, itmon avis, 
superfluity de chercher a le prouver davantage, attendu qu’ils 
frappent les yeux des personnes ytrang^res a la science. 

La morality dont madame M... a toujoursfait preuve dans ses 
intervalles lucides, la bonty, la genyrosite de son caractdre, sa 
position de fortune, de considyration, le peu de valeur et quei- 
quefois meme la bizarrerie des objets soustraitsviennent encore 
confirmer le trouble du jugemeht et prouvent que la raison, la 
ryflexion proprement dites, ne se lient point aux fails qui luj 
sont imputys. Le simple bon sens ne se refuse-t-ii pas it croire 



240 KLEPTOMANIA, 

qu'une personne raisonnable auraitpu exposer sa consideration, 
son avenir, ceux de son mari et de ses enfants pour des epin- 
gles, un cachet en v„rre, une broche en chrysocale, unepaire de 
brodequins, des dentelies, une robe meme, surtout lorsqu’elle 
peut si facilement salisfaire de semblables caprices? Cejuge- 
ment n’est-il pas encore plus fonde lorsque Ton examine l'usage 
que madame M... fait de plusieurs de ces objets? elle les porte 
dans un bal public, dans la rue. 

Mais, m’objectera-t-on , nous voyons dans la conduite de 
madame M... de la premeditation;’elle a conscience de sou 
action, est susceptible de remords? Si Ton entend par preme¬ 
ditation la combinaison de moyens propres a satisfaire un desir, 
je ne nie point que cette premeditation ait existe cbez ma¬ 
dame M... (on 1’observe en eflet chez la plupart des alienes); 
ne voit-on pas tous les jours les monomaniaques et meme des 
maniaques exdcuter leurs desseins avec une ruse , une dissimu¬ 
lation qui trompent l’ceil le mieux exerce? l’un epie et saisit le 
moment ou il peut se souslraire a la surveillance d’un gardien 
pour rdaliser des projets de vql; un autre, ceux de suicide, si 
frequents dans l’histoire de l’alienalion mentale. 

M. Brierre de Boismont raconte qu’une personne de distinc¬ 
tion est amende dans une des maisons de sante la plus justement 
recommandable par sa bonne tenue; on avertit le inddecin que 
le malade a dejk fait plusieurs tentalives de suicide, on le prie 
de le soumctlre a une observation vigilante; il demande a se 
coucher; trois surveillants assis a ses colds ne le perdent pas de 
vue; il les supplie de s’ecarter sous pretexte que leurs yeux 
fixes sur lui l’incommodent, le genent, l’empdchent de reposer, 
et profite de ce moment pour dechirer une chemise en toile fine 
avec laquelle il s’dtrangle. Ici, comme dans 1’espece, on ne peut 
nier qu’il n’y ait eu combinaison de moyens; mais est-ce bien 
lk de la premdditation, de la reflexion ? Je ne le pensc pas; le 
malade fait un mauvais usage de son jugement, qui est faussd, 
vicid, en un mot, aliene. N’est-il pas evident que la moindre 
reflexion judicieuse eut porte madame M..., dans le cas ou elle 



KLEPTOHANIE. 


241 


eut voula opdrer quelques soustractionsdans un but de cupidity, 
& s’adresser a dcs objets dc toute aulre valeur, et de les sous- 
traire aux regards de ceux memeschez qui elle lesddrobail?On 
ne peut done pas dire qu’il.y ait eu premeditation , reflexion. 
Le second motif qu’on pourrait invoquer pour appuyer la cul- 
pabilite, que madame M... avait conscience de son action et 
qu’elle en a eprouve du regret, n’est pas mieux fonde. Tousles 
jours ne voyons-nous pas des alienes qui onfconscience de leurs 
actes pervers el qui cependant ne peuvent les reprimer ? Parmi 
les nombreux exemples de ce genre que fournit l’histoire de la 
folie , je me bornerai a mentionner les faits suivants, parce que 
j’ai pu en faire constater l’exactitude par plusieurs magistrats 
d’Auxerre. 

Une femme, nominee Niquet, comprenait les questions qu’on 
lui adressait et y repondait avec justesse; cette malheureuse 
avait la manie d’affiloquer ses vetemenls. Les conseils .les plus 
affectueux, la promesse de la rendre a la liherte qu’elle recla- 
mait avec instance, la menace de la douleur, la douche meme 
ne pouvaient rien contre son irresistible penchant, et cependant 
elle avait conscience de sa mauvaise action. 

« Je sais bien que je fais mal, disait-elle, mais e’est plus 
»fort que moi, je ne puis m’en empecher. » 

Une aulre femme, nommee Jeanneton, actuellement en de- 
mence, affects du meme genre de d61ire, reprimands, sur cet 
acte pervers, me rdpondait avec naivetfi: 

a Je sais bien que je fais mal; mais quand cela me dit de de- 
» chirer, il faut que je dSchire. Que voulez-vous! je suis une 
» honnetefemme, bien malheureuse; vous placeriez devant moi 
» des sacs pleins d’argent, je n’y toucherais pas, parce que ca 
» ne me dit pas d’y toucher. » Tous les moyens ont echoue de¬ 
vant cette triste maladie. 

Mais l’idde du remords , me dira-t-on, cette vengeance du 
ciel qui poursuit le coupable, est incompatible avec la folie. Si 
par remords on entend ce sentiment pfinible et raisonn6 en rap¬ 
port avec l’importance de la faute que' Thomme porte conti- 



242 IU.EPTOMANIE. 

nuellement dans son cceur, et qui agit d’autant plus vivement 
sur lui qu’il sent qu’il aurait pu r&ister 4 l’irapulsiou du crime, 
nous ne le trouvons pas chez madame M...; elle a d’abord des 
regrets, rnais elle les oublie aussitot, puis succede un desespoir 
qui denote parfaitement le trouble de [’intelligence et de la sen- 
sibilite. Elle ignore qu’une plainte a ete portee chez le procureur 
du roi, elle court cependant a Island, 6ploree , gemissant sur 
son affreuse situation; elle se croit perdue, et 4 peine son con- 
fesseur a-t-il fait diversion 4 son idee dominante, qu’elle sourit, 
pense 4I’etablissement de ses lilies, dont la plus agee a onze ans, 
4 1’avancement de son mari, 4 son avenir brillant; puis, 41’in- 
stant qu’elle apprend que sa faute est connue, elle veut se pr6- 
cipiter dans un puits; n’est-ce pas 14 un des caracteres qui 
d6montrent d’une maniere frappante le trouble de la sensibility 
et du jugement? II n’y a done paseuremords, mais apprecia¬ 
tion fausse, viciee, alienee, de 1’acte qu’elle vient de commettre. 

De lous ces fails je conclus que madame M... etait incontes- 
tablement atteinte d’alienation mentale , avant et apres la per- 
p6tration de 1’acte incrimine; que cette alienation mentale, 
irr6gulierement intermittente, est le resultat del’heredite (1), 
des affections convulsives ou hysteriques auxquelles elle etait en 
proie, ce qui se voit journellement; 

Que tout prouve, 4 n’en pas douter, que les differents larcins 
qu’elle a commis 1’ont ete sans la participation d’une volonte 
libre, reflechie; larcins dont elle ne peut supporter la respon- 
sabilite. 

En consequence, dans l’interet de l’ordre public et de la su- 
rete des personnes, je pense qu’il est necessaire de la faire 


(I) <i t’influence dela disposition h^rdditaire ou de famille est si 6ner- 
gique, si constanle, si commune,» disent F.squirol et Marc dans un 
savant rapport surun cas dcce genre,«que pour peuqu’un petitnorabre 
de donnies, dans un cas contesie de Tolie, soient de nature a faire pen- 
cher l’avis du medecin en faveur de la rgalite du ddsordre iniellcciuel. 
elle ajoute 4 ce faisceau de donn£es un faisceau de force qui doit 
exclure le doule.» 



ADMINISTRATION DES ASHES D’AEIEnEs. 243 

transferer dans une maison de sante pour y recevoir les soins 
que rficlame son etat. H. GIRARD. 

20 mars 1845. 

Le tribunal d’Auxerre, apres avoir entendu I’avis et les con¬ 
clusions conformes de M. Ferrus, consult£ dans cette affaire, a 
decharge madame M... de la plainte, le 5 mai 1845, et reform6 
le jugement rendu h Avallon. 


Etablissements d’alienes. 

ADMINISTRATION 

DES ASILES DALIEMS^ 

L.-F.-E.^ RENAUDIN,^ 

( A' ARTICLE. ) 


CHAPITRE V. 

CONSIDERATIONS GENERATES SDR EE BUDGET. 

Lorsque nous avons indique succinctement, dans le cha- 
pitre IV., les principes gEneraux qui regissent la comptabilite 
des asiles, nous avons fait pressentir toute l’importance que 
nous attachons a la redaction du budget, que nous croyons pou- 
voir considered avec raison, comme le resume le plus complet 
de la science administrative et hospitaliere. Si dans les hospices 
ordinaires les plus graves inconveniens peuvent resulter, et re¬ 
sulted en effet, des lacunes qu’on laisse subsister dans la re¬ 
daction de ces actes, dans les asiles d’alienes, le service devien- 
drait souvent impossible, si Ton negligeait d’observer les regies 
que la legislation a prescrites et qui sauvegardent seules les 
interets de ces etablissements importants. L’etude a laquelle 
nous allons nous livrer fera d’ailleurs ressortir d’une maniere 
evidente la vErite de cette assertion. Aucune depense ne pou- 
vant etre faite en dehors du budget, il importe que toutes celles 



244 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlENfiS. 

qui y sont comprises soient suffisamment juslifi^es et etablies 
sur des bases assez fixes pour que la discussion & laquelle elles 
peuvent donner lieu n’ail d’auire but que de decouvrir la 
correlation qui existe entre elles. Rien ne saurait y etre facul- 
talif, et le traitement de malades, but principal de l’institu- 
tion, cr6e des obligations dont les principes sont inatiaquables, 
et dont les deductions seules peuvent faire l’objet d’un controle. 

La forme a donner au budget est determinee par 1’instruc- 
tion ministerielle du 25 septembre 1841. L’administratiou pre¬ 
pare ce document dans le cours du mois de mai, des qu’ellc a 
clos l’exercice precedent, et prepare les chapitres additionnels 
de 1’exercic.e courant. La commission de surveillance est appeiee 
a donner son avis sur le budget, qui est ensuite transmis au 
prefet, qui le rfegle lui-meme ou le soumel h l’approbation du 
ministre, suivant que les recettes sont ou non inferieures 4 
cent mille francs. 

La population que contient l’asile etant la base essenlielle de 
[’evaluation des recettes et des depenses, le projet de budget 
doit en contenir le tableau , et c’est en nous conformant ici 4 
cette regie que nous pourrons donner a notre travail une pre¬ 
cision que n’auraitpas eue une exposition sommaire, indepen- 
dante de l’application pratique des principes. Les chiffres seuls 
seront 4 changer, suivant les conditions locales; mais le cadre 
ne subira aucune modification. Pour que les considerations que 
nous allons soumettre ici 4 1’appreciation de nos confreres 
s’appliquent au plus grand nombre des asiles, nous prendrons 
pour type une population de trois cents alien£s, que nous re- 
partirons ainsi qu’il suit: 

Dans la pens4e du Wgislateur, les asiles publics d’alienfe ne 
doivent pas etre seulement des depots d’indigents parcimonieu- 
semenl organises , et destines plutot a la parodie qu’4 l’execu- 
tion de la loide 1838. Ces etablissements doivent etre ouverls 4 
tous les rangs et a toutes les fortunes, et les asiles des departe- 
ments entrent presque tous dans cette voie vraiment philan- 
thropique. Aujourd’hui, les families peu aisees ne sont plus 



ADMINISTRATION DBS AS1LES D’ALIENES. 245 
obligees d’aller chCrcher au loin des secours dispendieux que, 
par ce motif, on r£clamait presque toujours tardivement. Dans 
peu , nos etablissements, profitant des ameliorations qu’on in- 
troduit partout dans le regime des aiifinfe, reuniront tous les 
avantages matdriels des maisons de sante aux garanties legates 
d’une administration publique , et puiseront, dans la confiance 
des families, les elements d’une prosperity qui ne pourra tour- 
ner qu’au profit de I’humanite. LeS previsions denotre budget 
seront etablies sur l’existence de plusieurs classes de pension- 
naires, dont la premiere comprend les alienfis indigents entre- 
tenus par les departements , les communes et les families peu 
ais6es. Nous admettons ensuite trois autres classes dont les 
conditions seront proportionnees aux exigences des families, et 
dont le taux sera fix6 plus tard, conformement aux rSgles que 
nous avons Etablies dans le chapitre IV. Nous supposons, en 
outre, que l’asile, dont nous prSparons le budget, est destiny 
aux deux sexes, qui s’y trouvent dans une proportion a peu prfes 
ygale, et nous admettons que le tableau de la population nous 
offre les sommes numyriques que nous allons indiquer. 

( Au compte du dypartement et des h. f. t. 

j communes.. . 90 90 180 

1" classe. ^ Au compte d’autres dypartements 

I qui ont iraity avec l’asile. . . 30 30 60 

l Au compte des families.12 12 2 U 

2 e classe. Au compte des families.12 12 2d 

3' classe. id. .5 5 10 

U' classe. id. .1 ± 2 

150~ 150 300 

Si nous observons, en outre, que ces chiffres constituent 
plutot une moyenne journaliere qu’un effectif determiny a un 
jour donny, nous concevons que c’est sur le nombre total des 
journyes de l’annye que doivent etre etablies les previsions ,de 
recettes et de depenses. Ce nombre de journyes sera done evaluy 
ainsi qu’il suit: 

1** classe. 96,360 journyes. 

2 e classe..8.760 

3* classe.3,650 

4* classe. 730 


109,500“ 









246 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlfiNfiS. 

Nous verrons, plus tard, quel est le nombre des fonction- 
naires, employes, preposes et servants qui resulte des rapports 
dtablis entre ces denudes liumeriques et les prescriptions 1(5- 
gales rdglementaires ou scientifiques. Mais, avant de pousser 
plus loin nos investigations, il importe que nous disions quel- 
ques mots des mouvements de la population. 

Quelque imprdvues que soient les diverses circonstances sus- 
ceptibles de modifier le mouvement et l’effectif de la population, 
nous n’avons pas de peine a remarquer qu’il en est d’un asile 
comme de toute autre agglomeration, dont le mouvement ge¬ 
neral semble soumis a des lois incertaines quant aux individus, 
mais prdcises quant 4 la masse. La moyenne que nous venons 
d’indiquer pour base de nos calculs ne saurait done qu’etre 
iddale, parce qu’avec les prescriptions de la loi du 30 juin 1838, 
elle ne peut pas rester stationnaire. Tout alidnd doit etre se- 
couru, et son admission ne peut etre subordonnee a la fixation 
arbitraire d’un nombre determine de places. G’est done en vain 
que Ton voudrait, dans l’6tat actuel des choses, imposer 4 la 
population d’un asile des limites que nous ne craignons pas 
de regarder comme paradoxales. Nous sommesloin, d’un autre 
cot<5, de pretendre i> un agrandissement indefini. Examinons 
done, en peu de mots, quelle est la marche des faits sous ce 
rapport. 

En ce qui concerne les admissions, la population du depar- 
tement dans lequel est situd l’asile est la premiere indication 
dont nous avons h tenir compte. Quoique le rapport du nombre 
des alidnds au chiffre de la population ne soit pas encore exacte- 
mentconnu, et quoique la jurisprudence nesoitpas encore suffi- 
samment 6tablie en ce qui concerne les imbeciles et les idiots , 
nous pensons qu’il est peu de departements dans lesquels la 
proportion que nous avons indiqude puisse etre atteinte. Nous 
pensons, en outre, que dans ceux oil elle a dtd atteinte, il n’est 
pas possible qu’elle reste stationnaire. Lorsque les conditions 
locales procurent une population interieure a celle que nous 



ADMINISTRATION DES ASILES D’ALI]Sn£S. 2Z|7 

avons pi'Svue, les administrations hospitalises competent cette 
lacune en ouvrant 1’asile aux malades des departements qui ne 
possedent pas un etablissement public. L’article l er de la loidu 
30 juin 1838 oblige les dfipartements qui n’ont pas d’asile de 
trailer avec l’asile d’un autre departement, mais elle n’a au- 
cune sanction pour contraindre l’asile a recevoir les nouveaux 
hotes qui lui sont offerts. Cependant l’exdcution de la loi ne 
rencontre, sous ce rapport, aucun obstacle , parce que si elle 
cree pour les departements une obligation k laquelle ils ne 
peuvent se soustraire, elle procure aux asiles de grands avan- 
tages sous le rapport de la repartition des frais genfiraux : aussi, 
sous l’influence de ces conditions, l’epoque n’est pas 61oign6e 
ou les asiles publics des departements rivaliseront avantageuse- 
ment avec les maisons de sante les mieux tenues. Si done quel- 
ques limites peuvent etre imposees k la progression de la popu¬ 
lation d’un asile, ce n’est que dans les conventions passdes avec 
les autres departements, conventions que 1’on peut modifier ou 
restreindre suivant les cas. Mais la moyenne que nous avons 
prise pour base, une fois admise, examinons pourquoi elle ne 
saurait rester stationnaire. Ou l’effectif au l er janvier est dgal 
k trois cents, et il subira necessairement une augmentation dans 
le cours de l’annee; ou il est inferieur k trois cents, et la moyenne 
prdvue sera atteinte ,• l’effectif au 31 decembre suivant pr6sen- 
tant aussi un accroissement qui rejaillira sur l’annee suivante. 
Mais comme les bases de 1’organisation ne changent pas un peu 
au-dessous comme un peu au-dessus de cette moyenne, nous 
pouvons, sans inconvenient, la supposer fixe, sauf k faire 
connaitre a l’occasion les modifications que devront subir quel- 
ques credits. Ce qui contribue surtout a augmenter aujourd’hui 
la population des asiles publics, ce sont les cas anciens qui 
viennent plutot y chercher un soulagement qu’une gu6rison; 
et cet 6tat de choses durera tant que certains prejuges subsis- 
teront. Ces prejuges disparaitront peu a peu , chaque jour ils 
perdent de leur influence * et nous voyons maintenant beaucoup 



2Z|8 ADMINISTRATION DES ASIEES D’ALIf;Nf:S. 

plus de families comprenant tous Ies avantages que prSsente un 
prompt isoleraent. Les alienes eux-memes, auxquels le sejour 
de 1’asile inspirait jadis une sorte d’effroi, y entrent sans re¬ 
pugnance. Ce concours de circonstances ne peut manquer de 
produire, tot oiMard, un effeclif normal en multipliant les gue- 
risons. II n’y aura done plus qu’une seule cause de diminution 
variable de sa nature : nous voulons parler de la mortality. 
D’une part, plus nous compterons de chances de gu6rison, 
plus nous verrons diminuer celles des deeds; mais aussi, comme 
chaque annde legue aux suivantes un depot d’incurables dont 
la vie est necessairemenl limitee par les accidents inhdrenls au 
genre de l’affection, il devra en r&ulter, comme nous avons 
deja eu l’occasion de l'observer, une recrudescence intermit- 
tente de mortalite , dont nous devons egalement tenir compte 
dans nos previsions d’accroissement. Mais comme cette recru¬ 
descence est amplement compensee par les accroissements d’ef- 
fectif des annees anterieures, il en rdsulte toujours, non une 
diminution rdelle, mais un arret momentane de la progression. 
Enfin, cette progression ne deviendra trfes lente que lorsque 
les admissions seront 1’expression de la frequence annuelle de la 
maladie dans le pays aux alienes duquel l’asile est destine. Ces 
principes, dont l’experience demontre partout l’exactitude, 
nous indiquent evidemment quelles sont les conditions de vita- 
lkedes asiles. Ces institutions sont irresistiblement soumises a la 
loi du progres , et n’ont pas d’autre alternative que de s’ame- 
liorer oudeperil - . Mais, comaie nous avons d5ja fait sentirles 
inconvenienls que pourrait presenter un effeclif qui depasserait 
certaines proportions, nous reconnaissons que la creation de 
nouveaux asiles deviendra une necessite dans les departements 
qui n’en possedent pas, et cette creation, qui serait encore 
inopportune aujourd’hui, sera alors d’autant moins onereuse 
qu’ils pourront recevoir, des le debut, une organisation plus 
complete. En attendant ce resultat, qui n’est pas encore tres 
prochain, etudions les faits actuels tels qu’ils se presentent h 



ADiMIiNISTRATlOJi Dh'S ASILliS o'AUENliS. 249 

uotre observation. Parmi ies diverses previsions du budget, il en 
est qui ne s’etablissent pas uniquement sur la moyenne que 
nous avons indiquee, et pour lesquelles il est indispensable de 
tenir compte du nombre total des alien6s qui out sejourue dans 
l’asile pendant l’annee. Ce nombre est forme des admissions et 
del’effectif au 1" janvier. Il a concouru a former la moyenne, et 
se trouve avec elle dans un rapport qui depend de la proportion 
des sorties et des deces. Dans les previsions relatives a la popu¬ 
lation , on ne peut pas omettre de tenir compte des diverses 
formes du d61ire et de la proportion numerique de chacun des 
types. Il en est de cette distinction comme de celle qui est 
etablie dans les hospices ordinaires pour les diverses categories 
de malades. Si elle est sans influence sur les resultats, elle 
motive certaines dispenses qui sont toutes speciales, sojt sous le 
rapport de la classification, soit sous celui des soins et de la 
surveillance qu’exige tel ou tel genre d’affection : aussi nous 
proposons-nous d’en parler dans le budget des depenses. En un 
mot, pour le medecin administrateur, une population d’alienGs 
ne saurait etre un simple total d’unites individuelles fortuite- 
ment agglomerees ; e’est pourquoi nous crayons devoir entrer 
dans des details plus minulieux. Pour nous, tout travail sur le 
budget est ramene a la solution des questions suivantes: Quel 
est le nombre des alienes ? quelle est leur classification ? a quel 
regime doivent-ils etre soumis ? quels sont les soins qu’on doit 
leur donner ? Telles sont les seules indications qui serviront de 
base a revaluation des depenses. 

Le budget se divise en deux titres : Recettes, Depenses. 

Le titre des recettes se divise en deux chapitres : Recettes 
ordinaires , Recettes extraordinaires. Le chapitre des recettes 
ordinaires se divise en deux sections: Recettes en argent. Re¬ 
cettes en nature. Ces dernieres sont evaluees en argent d’apres 
le prix moyen des mercuriales. Le premier chapitre se divise en 
un certain nombre d’articles correspondants aux divers genres 
de recettes. Les rentes sur l’Gtat ou sur particulars, les fer- 



250 ADMINISTRATION DliS ASJLES D’ALlfiNES. 
mages des biens ruraux , si 1’asile en possede, doivent figurer 
en premiere ligne. Mais d’apres la legislation qui rdgit cette 
matiere les prix de journee foment la partie la plus impor- 
tante du revenu des asiles. Conformement a des instructions 
rOcentes de M. le ministre.de 1’intOrieur, il doit Stre formO au- 
taut d’articles qu’il y a de categories de pensionnaires. Ainsi, 
nous placerons en premiere ligne les aliOnds places au compte 
du departement et des communes, puis viennent les aliOnes au 
compte des dOpartements etrangers, puis enfin ceux qui sont 
places au compte des families, en ayant soin de distinguer cha- 
que classe de pension. C’est egalement dans le chapitre premier 
que doivent Otre compris les intOrets des fonds places h la caisse 
du trOsor, le produit de la vente d’objets non consommes et 
certaines recettes accidentelles. Le deuxieme chapitre des re¬ 
cedes extraordinaires comprend les diverses recettes qui, ne se 
presentant qu’eventuellement, ne constituent pas un revenu 
annuel et permanent. Quant au chapitre troisieme, qui ne se pre¬ 
pare que quand l’exercice est deja en cours d’execulion et qui 
relie cet exercice au precedent, il se divise aussi en deux sec¬ 
tions ; la premiere comprend le report et l’excedant de Lexer - 
cice clos , si le compte a eu pour rfisultat un excedant de re- 
celtes, et enfin les restes a recouvrer de l’exercice precedent. 
Dans la deuxieme section seronl comprises les recettes supple- 
mentaires proprement dites qui n’avaient pu etre prevues lors 
de la redaction du budget primitif. Si nous rapprochons icideux 
operations qui se font a un intervalle assez ^loigne, c’est pour 
presenter un ensemble complet de toutes les provisions de 
l’exercice, et mieux faire ressortir les liens qui ratlachent en- 
tre elles toutes les parties du systeme administratif. A la suite de 
la designation des articles se trouvent plusieurs colonnes : la 
premiere comprend les resultats du compte prOcOdent. Le di- 
recteur inscrit dans la seconde les propositions, qu’il appuie 
d’uu cahier d’observations. La troisieme colonne recoit les pro ■ 
positions du prefet. Quant h la quatrieme colonne , elle est rO- 



ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlMS. 251 
servee pour la decision du ministre de l’interieur. Chaque cha- 
pitre se totalise & part, et les divers totaux sont rfiunis dans une 
recapitulation qui fait connaitre I’ensemble des ressources dont 
^administration peut disposer. Pour un asile d’alifines, les pro¬ 
visions de recettes ont surtout pour base le chiffre de la popula¬ 
tion combine avec les conditions prescrites pour les pensions; 
mais comme la fixation de celles-ci dOpend surtout de la quotitO 
des dOpenses que nOcessite l’organisation du service, c’est par 
le budget des depenses que nous commencerons notre Otude. 

Comme le titre des recettes, celui des depenses se divise en 
deux chapitres : Depenses ordinaires , depenses extraordi- 
naires. Le l cr chapitre comprend deux sections : Les depenses 
en argent, les depenses en nature. Quant aux details, nous 
allons les Otudier dans le chapitre suivanL 

CHAPITRE VI. 

BUDGET DES DEPENSES. — DfiPENSES ORDINAIRES. 

Nous avons expose, dans le chapitre II de ce memoire, les 
principes qui servent de base a l’organisation medico-adminis¬ 
trative d’un asile d’alienes; nous faisions alors de la theorie; 
maintenant nous allons en deduire les consequences pratiques 
et les presenter sous une forme financiere, en y joignant quel- 
ques observations qui n’ont pu trouver place dans le deuxieme 
chapitre. 

Les six premiers articles se rapportent aux depenses du per¬ 
sonnel , en ce qui concerne les traitements, gages et salaires; 
mais comme les allocations en nature sont rattachees a d’autres 
credits, les articles dont nous parlons ne representent pas la 
totality des frais generaux, dont nous completerons plus tard 
l’indication. 

Article l cr . Traitement du directeur-medecin. L’articlelA 
de 1’ordonnance du 18 dficembre 1839 dit que le traitement du 
directeur et du mMecin est determine par un arrSte du ministre 



252 ADMINISTRATION des asil.es d’alienes. 
de Tinterieur. Cette prescription tulelaire met ces fonctionnaires 
dans une position plus independante et leur permet de cohsa- 
crer lout leur temps a la mission qui leur est confine. Le trai- 
tement du medecin-directeur est fixe a un taux qui yarie suivant 
l’imporlancede l’asile; mais aucune classification n’a pu encore 
6tre etablie entre les divers (Stablissemenls qui tendent a s’ac- 
croitre avec le nombre des infortunfe qui leur sont confies. La 
jurisprudence de M. le ministre de l’inierieur a attach^ aux 
conditions dans lesquelles nous supposons l’asile , un fraile- 
ment annuel de 4,000 francs. Le directeur - miidecin jouit en 
outre du logement, du chauffage et de l’eclairage, ainsi que 
nous 1’indiquerons plus bas. Cette depense serait doublee si les 
fonctions de directeur et de mddecin etaient separees. 

Art. 2. Traiterment du receveur-ecrjnome. De meine que 
la reunion des fonctions medicales et administratives pre¬ 
sent e de nombreux avanlages, de meme aussi la recette et 
l’6conomat peuvent 6tre rdunis dans les memes mains, dans 
I’int6r5t, bien entendu, du service et de la inaison. Le traite- 
ment de ce fonctionnaire est soumis k des regies toutes speciales, 
resultant de l’application de l’ordounance royale du 17 avril 
1839. Si done, dans les conditions d’organisation que nous sup¬ 
posons a notre asile, le mouvement des recettes et des depenses 
est evalufi a 120,000 francs pour chacune, les remises du rece- 
veur seront calculAes d’apres les bases indiquees, et pourronl 
s’elever a la somme de 2132 francs. Mais comme les rbgle- 
ments n’allouent, en dehors des remises, ni frais de bureau , 
ni logement, ni chaulfage et dclairage, et que la situation des 
asiles, souvent 61oignes des villes, rend necessaire la residence 
de ce fonctionnaire, nous pensons qu’on peut evaluer ces avan- 
tages materiels au cinquiOme du chiffre que nous avons indiqufi. 
plus haut et qui se reduit alors a 1,710 francs. Si nous evaluons 
le traitement de 1’econome a la inoitie de celui du receveur non 
reduit, nous restons fideles aux regies sur le cumul et nous 
obtenons le chiffre de 1,066 francs. Nous pensons done que le 



administration des asiles d’aliknes. 253 
trailement de ce fonctionnaire sera dquitablement regie a la 
somme de 2,800 francs, plus le logement, le chauffage ct l’e- 
clairage, ainsi qu’il sera determine plus loin. 

Art. 3. Traitement des employes de Tadministration. Si 
les administrations doivent, autanl que possible, se premunir 
contre le luxe des employes, ilest, d’un autre cote, essentiel 
d’organiser convenablement cette partie du service plutot sous 
le rapport du choix que sous celui du nombre. Un bon commis 
aux Ventures rend plus de service que deux mediocres, et peut 
facilement suilire au travail administratif. Un trailement de 
1,200 francs doit etre alloue a cet employe. Un interne, nomme 
conformement a l’arlicle 3 de 1’ordonnance du 18 decembre 
1839, seconde le directeur dans le service medical. Comme 
e’est un emploi lemporaire de sa nature , il est gendralement 
d’usage d’allouer un traitement de 600 francs ii cet employe , 
dont la residence est obligatoire, et qui est, en outre, nourri 
aux frais de la maison. Quant au commis aux ecritures, la re¬ 
sidence peut etre quelquefois necessaire, et les circonstances 
- locales peuvent seules motiver une decision a cet egard. Le 
credit porte a cet article montera done ainsi ct la somme de 
1,800 francs. 

Art. h. Traitement de Taum&nier. L’ordonnance royale 
du 18 ddeembre 1839 n’avait 5 reglerqueles conditions d’exis- 
tence des asiles et les principes d’organisalion en rapport avec 
les prescriptions de la loi c-t la speciality de la maladie: aussi 
a-t-elle garde le silence sur les aumoniers, pour la nomination 
desquels elle s’en rapporte a la legislation hospitalifere en general. 
Ce que nous avons dit dans le chapitre II, sur l’exercice du 
culte, a suffisamment indique comment nous comprenons l’in- 
tervention de ce fonctionnaire, qui, occupant une place h part 
dans la bierarchie administrative, doit etre necessairement 
sounds a des regies toutes speciales. Pour nous, la necessite de 
l’emploi ne saurait faire l’objet d’un doute; mais nous nous 
sommes demande si la residence, qui ne doit etre accordde ou 
amnal. med.-psych, t. vi. Septembre 1845. 7. 17 



254 ADMINISTRATION DES ASILES D’An£NES. 
imposfie que dans l’intdret du service, devait etre nficessaire- 
ment inherente k ces fonctions. A moins que l’asile ne soit Soi¬ 
gne de plus de deux kilometres d’une commune, pourvue d’un 
desservant, nous pensons que c’est imposer a la maison une 
charge inulilement ondreuse que d’allouer a l’aumonier le loge- 
ment, le chauffage et l’eclairage. Son action, dans le service, 
est nulle, et n’a par consequent aucun caraclere de permanence. 
II n’a pas k s’immiscer dans le traitement des malades qui n’ont 
de rapport avec lui que d’apres l’autorisation du mddecin ou 
par suite de son invitation. Les heures et les jours consacr6s 
aux ceremonies religieuses sont prevus k l’avani e et conformfi- 
ment aux regies canoniques; nos alienes ne sauraient etre com¬ 
pares k des paroissiens ordinaires. Que des couvents , que des 
6coles soient pourvus d’un aumonier residant, c’est logique; 
tandis que la residence de ce fonctionnaire, dans un asile, nous 
parait une auomalie qui n’est pas toujours sans inconvenient et 
qui est souvent la source de facheux conflits. La residence d’un 
aumonier dans l’asile est d’autant moins indiquee, si le service 
interieur est con fie k des soeurs de charite : ou la position de ce 
fonctionnaire devient difficile, s’il veut imprimer a la comrnu- 
naute une direction dictee par sa conscience, ou bien il est 
place entre ses devoirs et ses int6r€ts, s’il ne veut pas se heurter 
contre des intrigues ;ou bien, egare par une fausse appreciation 
de sa position, il cherche a se creer une influence personnelle 
en introduisant des pratiques trop multiplies; dans tous les 
cas, il lui est presque impossible de tout concilier, parce que sans 
position hierarcbique determine, il ne peut, quel que soit le 
tact dont il est doue , garder une neutralite aussi nuisible k sa 
consideration qu’une maladroite intervention. Quelque soin que 
l’administration apporte k donner de l’homog6neit6 a son per¬ 
sonnel , nous ne devons pas nous dissimuler qu’il se forme 
parmi ses £16ments de petites coteries dont l’aumonier r6sidant 
ne peut pas toujours resler independant, tandis qu’au-dehors 
de 1’asile il est k l’abri de leur influence. Sauf quelques cas tres 



ADMINISTRATION DBS ASILES D’ALl6NES. 255 

rares, l’asile ne peut etre 6rige en paroisse, etil ue peut echap- 
per a la juridiction spirituelle du cur6 de la commune j avec 
un aumonier residant, on arrive tot ou tard a des querelles de 
clocher , ci des froissements d’amour-propre qui dficonsidferent 
la religion. Aussi, dans plusieurs asiles, a-t-on rattache 1’au- 
monerie 'a la paroisse * en la conliant a un vicaire loge au pres- 
bytere. On donfte ainsi son Veritable caractfere a l’asile qui n’est 
pas et ne peut pas etre un couvent. II existe, sans doUte, quel- 
ques positions qu’on peut considerer comme droits acquis quant 
aux titulaires, mais nous les regardons comme des exceptions 
qui ne fontque confirmer Futility de la regie generate que nous 
avons exposee. Cette organisation n’enleve pas a l’administra- 
tion la part qui lui est altribuee dans la nomination du titulaire 
de l’emploi. Le traitement de l’aumonier est gfineralement fixe 
ci la somme de 1,200 fr. sans aucune allocation en nature. 

Art. 5. Indemnite aux sceurs. Le traits que l’administration 
souscrit avec une congregation bospitaliere stipule, outre les 
conditions que nous avons enumer^es plus haut, la quotile de 
l'indemnitg allouee, non a chaque sceur, mais pour chaque 
soeur. Cette indemnity est aussi designee, dans quelques hos¬ 
pices , sous le nom de vestiaire, et varie, non seulement d’utie 
congregation It Une autre, mais dans la rneme congregation. 
Elle est plus elevee dans les asiles d’ali6nds; elle varie de 150 
a 250 francs, suivant les conditions matSielles attaches a la 
position des hospitalises ; elles sont logees , cbauffees, blan- 
Chies et eclairSs aux frais de I’&ablissement, et pourvues en 
outre de mobiliers et du gros linge. Une indemnite annuelle 
de 150 francs paraft etre le taux le plus generalement adopts. 
En examinant ce chiffre, dont l’exiguite apparente peut sembler 
bien au-dessous de la retribution que l’Oil alloue generalement 
aux laiques, bien des personnes pourraient croire que des motifs 
d’economie determinent la preference qu’oii a pour les soeurs 
hospitalises; c’est une erreur qu’il impOi te de refuter , afin de 
rSablir les faitsdans toute leur verity et de reduire a leur juste 



256 ADMINISTRATION DBS A SILKS D’ALJliNliS. 
valeur les paradoxes qui sont trop repandus dans le monde. 
Nous avons expos6, dans le dcuxieme chapitre, tous les avan- 
tages qui resullent de l’introduction des soeurs dans le service, 
mais Ieur intervention est loin d’etre plus economique. En effet, 
tandis que des employes laiques seraient repartis dans l’inte- 
rieur du service, les soeurs occupent un logement a part, vivent 
en communaute, et n’ont pas avec les malades des rapports 
aussi multiplies. D’un autre cote, il faut presque loujours 
suppleer par le nombre auxlacunes que laisse dans le service la 
multiplicity des pratiques religieuses. Enfin , s’il en est qui de- 
ploient un zele au-dessus de tout £loge, nous en rencontrons 
aussi qui, par leur existence contemplative , transforment leur 
office en une espece de sinecure. Si done l’indemnile estindivi- 
duellement peu elevee, elje se mulliplie davantage ; rapproche¬ 
ment bien propre a faire voir les fails dans leur reality. Nous ue 
devons pas omellre de mentionner en outre que quoique les 
soeurs soient nombreuses, le nombre des filles de service ne 
subit et ne peut subir aucune reduction. Aussi, tout le monde 
comprendra-t-il facileuient que, quoique 1’indemnite paraisse 
peu elevee, la depense totale est la meme que si on avait des 
laiques consacrant tout leur temps a l’emploi qui leur est conlid. 
C’est done sur d’autres motifs que repose la preference qu’ou a 
pour les soeurs; nous les avons indiques ailleurs, et nous n’a- 
vons pas a y revenir ici. 

II nous reste maintenanl it determiner le nombre des soeurs, 
en tenant compte lant des considerations qui precedent que des 
necessiles du service cr66es par la population que nous avons 
admise. Les services generaux qui sont sous la direction d’une 
surveillante speciale sont: la cuisine, la lingerie, labuanderie, 
le vestiairc des hommes, celui des femmes, qui reclament cha- 
cun une soeur. Quant au service de surveillance, nous le coucc- 
vons ainsi qu’il suit: Une surveillante en chef, ayant sous ses 
ordres trois soeurs surveillantes, est chargee de la discipline et 
de I’execution des prescriptions dans le quarlier des femmes. 



ADMINISTRATION DF.S ASILES D’ALlltNES. 257 
Si, aux soeurs chargees dc ces services, nous en joignons une 
qui ait le soin de la phnrmacie et de l’infirmerie des hommes, 
nous trouvons que le nombre de ces dames peul etre fix6 a dix. 
Le credit a porter au budget sera done evalue it la somme de 
1,500 francs. Dans le cas ou la maison mere serait trop eloi- 
gnee de 1’asile , on pourrait peut-etre admettre une onzieme 
sceur des tin ee 5 suppleer celle de ses compagnes qu’une ma- 
ladie cloignerait momentaneraent de son office. Les traitfis sti- 
pulent aussi 1’admission de reposautes que leurs infirmitds em- 
pecheut de continuer leur service. On ne peut asseoir aucune 
provision sur cette eventualite que nous devons nous borner a 
constater. 

Art. 6. Gages et salaires des preposes et servants. Quoi- 
qu’il soit presque impossible d’indiquer ici une regie generale 
it tout asile, parce qu’il est des besoins inh6rents it chaque lo- 
calite, chacun comprendra facilement les modifications que 
pourront stibir au besoin les donnfies que nous allons exposer. 

Nous pouvons distingner ces employes en deux categories, 
ceux qui sont occupes aux services generaux et ceux qui sont 
charges de la surveillance immediate des abends. Nous allons 
d’abord nous occuper des premiers. 

Le portier est chargg de la garde de la porte prineipale de l’asile. 
Admis, s’il y a lieu, it avoir sa famille avec ltii, il touche un trai- 
leraent annuel de. 600 fr. 

On reconnait aujourd’hui qtt’tin asile d’ali£n£s serait 
nn etablissement incomplet, s’il n’dtait enlour£ de vastes 
terrains, dont la culture procure aux malades des occupa¬ 
tions utiles et une nourriture plus saine. Mais les alidn&t 
ne peuvent Sire utilises qu’aulant qu’on les dirige; aussi 
placons-nous it la tfite dc ce service un jardinier en chef 


qui reqoit par an.600 

et un aide-jardinier qui en reQoit.200 

Un commissionnaire, charge en outre dela distribution 
des combustibles, seconde l’dconotne dans la lenue des 
magasins et la reception des denies.250 

A reporter.1,650 







i}58 ADMINISTRATION nES ASILEij p’ALIENAS. 

llepim, , , . , 1,650 

Qua l'asile soil ou non rapproche d’une ville, il y a 
tpujonys pYsnlage 5 Ini attacher desouyrtersqui, luicpn- 
sacrant tout leur temps, s’occupent copslamment des re¬ 
parations les pins urgentes, soit au-mobilier, soil aux 
batiments. La creation de ces ateliers permanents presente 
de grands avantages pour utiliser qnelques alienes; un 
serrurier et un menuisier nous paraissent d’une indispen¬ 
sable necessite. La retribution de chacun ne peut etre in- 

ferieure a 300 fr. ci.600 

Les biles de service, chargees de seconder les sceurs 
dans les offices dependant de l’economat, sont au nombre 
de huit; deux pour la cuisine, deux pour la buanderie, 
trois pour la lingerie, et une pour le vestiaire des femmes. 

Les gages de cliacune d’eljes ne sauraient etre inferieurs 


5 130 fr. ci.1040 

Un ouvrier taiileur et un cordonnier, recevant chacun 
450 fr,, viendront completer cette organisation des ser¬ 
vices geperaux. ............. 300 


1,’organisation du personnel de surveillance depend 
necessairemept de la distribution generale de l’asile et 
du nombre des quarliers entre lesquels les alienes sont 
repartis. Outre quatre quarliers destines aux alienes va- 
lides, existe une infirmerie oft sont negus les malades qui 
reclament des soins particuliers. Cette division est la 
mOme pour les deux sexes, dont la surveillance sera as- 
suree ainsi qu'il suit : 

Up surveillant en chef est place 5 la tete du quartier des 
hommes. II est responsable du service des infirmiers, 
qu’il dirige dans l’accomplissement de leurs devoirs. II 
surveille , en outre, tous les travaux auxquels les alienes 
sont utilises, Son traiteinent ne saurait etre fixe it moins 

de...600 

Neuf infirmiers sont places sous ses ordres, et nous y 
ajoutons un baigneur. Les gages fixes 4 200 fr. par indi- 

vidu forment un total de.. 2,000 

Comme nous avons des pensionnaires qui sont 1’objet 
de stipulations particulteres avec les families, il est neces- 
saire d’attacher a leur service special un infirmier de plus. 200 


A reporter. 









ADMINISTRATION DES ASILES DALIENES, 259 

Deport. , . , 6,390 

Dans ]e qqartier des femmes nous admeltons le mfime 
nombre d’infirmidres, dont les gages, fixds comrae d’autre 
part a 130 fr., donnent une somme totale de.1,430 


Enfin comme aucune fldpense ne peut dtre faite en de¬ 
hors du budget, et que certaines families, plaqant leurs 
malades dans des conditions exceptionnelles, attachent 
un domestique a leur service special, nous admettons ici 
cette Eventuality que compensera une recette cerrespon- 
dante. Un inlirmier et une infirmifere exigeront une 
somme de.330 

La dispense tolale de cot article s’dlfevera done a la 
somme de.8,150 fr. 

Tous ces prdposds, a l’exception du portier, sont nourris 
dans 1’asile comme les sceurs hospitalieres. Nous avons ainsi 
1,825 journdes d’emplovds non nourris, et 18,980 journdes 
d’employes nourris. Le personnel est done represeutepar 20,805 
journees, ou, en moyenne, cinquante-sept individusj ce qui 
fait que les employes sont aux malades dans le rapport de 1 a 5, 
Le service est egalement assure iors meme que le chiffre des 
malades viendrait a augmenter jusqu’a ce qu’il soit a celui des 
employds comme 6 est a 1. 

En rdcapitulant les six articles , nous trouvons que la de- 
pense du personnel s’dleve a la somme de 19,450 francs. 

Nous avons pris, pour point de depart des previsions, tous 
les besoins, toutes les dvenlualilds. D’beureuses circonslances 
permettent quelquefois de ne point atteindre cette Ijmite ex¬ 
treme ; mais ces avantages sont loin d’avoir un caractdre de 
permanence, et si l’on en tire partie 4 I’occasion t on ne. peut 
en tenir compte quand il s’agit de previsions normales. La 
somme qui est a repartir sur toutes les journees de malades in- 
distinctement est d’environ 18,000, et la part de cesfrais ge- 
neraux, dans le prix de journee , sera de 0 fr. 184, 

On se plaint generalement des difficultds que presente le 
chpix des preposds et servants,. et e’est a cette difficult^ appa- 





260 ADMINISTRATION DUS ashes d’ai.tenes. 
rente que nous devons attribuer Pengoument exagere pour les 
conununaules religieuses. Nous nous sommes convaincus que 
des prdposds laiques , bien relribues, mais en petit nornbre, as- 
surent un bon service, et nous n’eprouvons aucun embarras pour 
l’exdcution de l’article 3/i de l'ordonnance royaledu 18 decem- 
bre 4 839, qui iuterdit l’intervention des femmes dans le service 
personnel des hommes abends. Une juste ponddration doit etre 
diablie entre l’eldment la'ique et l’element religieux ; car, autant 
celui-ci est utile dans de ceriaines limites, autant il deviendrait 
une source d’abus s’il arrivait a exercer une autorite exclusive. 

Art. 7. Reparations et entretien des batiments de I’asile. La 
quotitd de ce credit ne peut pas Ctre calculee surges bases aussi 
precises que cedes des autres ddpenses. L’organisalion mate- 
rielle des asiles de province est encore laborieuse, et nous avons 
non seulement a pourvoir a 1’entretien ordinaire des batiments, 
mais nous sommes aussi principalement occupes a faire dispa- 
rallre des vices nombreux inhdrents aux prejuges qui ont pen¬ 
dant longtemps dornine le regime des abends. Toutefois, en di- 
rigeant ces travaux avec mdthode, en procddant avec mesure a 
ces amdliorations, on rdpartit sur plusieurs annees ces diverses 
ddpenses qui ne sauraient etre rangees dans les travaux extraor- 
dinaires dout il sera question plus loin. Ou regarde generalement 
comme travaux d’enlretien ceux qui ne touchent pas aux con¬ 
structions solides. Un renouvellement de plancher, le deplace- 
raent de cloisons, le blanchiment des murs, les ouvrages de ser- 
rurerie et de menuiserie, 1’ouverture de fcnetres, le remanie- 
mentdes toitures, etc., sont autant de ddpenses d’enlretien dont 
nous devons tenir coinpte dans 1’evaluation de ce credit qui est 
sujet a varier suivant les usages du pays, la nature des maid- 
riaux que l’on emploie, et la distribution do l’etablissement. La 
situation des lieux doit dire prise aussi en sdrieuse considdration, 
car Taction destructive de Pair est loin d’etre partout la meme. 
Neanmoins, quelque exactitude qu’on mctte dans les previsions, 
elle ne peut pas etre entidrement conformed la rdalitd; aussi 



ADMINISTRATION DES ASILES D’AUf;NES. 261 

notre Evaluation de 1 pour cent ne doit-elle etre qu’approxima- 
tive. Sans revenir ici sur ce que nous avons dit dans le chapitre 
2al’occasion de Habitation, nous portons le credit prEsutnEuE- 
cessaire a la sorame de 4,000 francs. 

Art. 8 et 9. Contributions. Assurance contre Vincendie. 
Ces deux credits sonten rapport avec les conditions locales. Les 
contributions ne pEsent que sur les proprietes. Aussi n’est-ce 
qu’eventuellement que nous pouvons les prEvoir ici. Nous les 
Evaluons pourordrea la somme de cinquante francs. On a voulu 
prEtendre que ces deux depenses devaient figurer au budget du 
dEpartement fondateur. Ce que nous avons dit dans le chapitre 
premier sutfit pour dEmontrer que cette pretention est sans 
fondement. L’assurance contre l’incendie est une precaution 
utile malgrE toutes les garanties de sEcuritE que prEsentent et 
la solidite des constructions, et la surveillance qui s’exerce dans 
un Etablissement public. Nous la croyons indispensable dans une 
maison d’aliEnEs. Aussi 1’autoritE supErieure n’hesite-t-elle pas 
a autoriser les administrations hospitaliEres a se prEmuriir, par 
l’assurance, contre les chances d’une reconstruction onEreuse 
qui, mEme dansquelques cas, pourrait Etre impossible. Une 
circulaire ministerielle se prononce contre les assurances mu- 
tuelles, et fait conuaitre que le ministre n’aulorisera que les 
assurances a primes. Une autre circulaire du 10 aout 1836 , 
quoique moins absolue, indique toutefois comme prEferables les 
traitEs passEs avec les compagnies a primes. Le traitE n’est va- 
lable qu’apres I’approbation du ministre. II est consenti par le 
directeur sur 1’avis de la commission de surveillance. Quant a 
la quolitE de la prime, il n’existe pas de regie biendEterminEe it 
cet Egard. Une sorte de concurrence peut Etre Etablie entre les 
diverses compagnies qui, en raison de la spEcialitE, olfrent sou- 
vent des conditions assez avantageuses. Si nous Evaluons a 
450,000 francs la valeur des batiments, et a 90,000 francs celle 
du mobilier, il en rEsulte qu’en admettant une prime de 40 cen- 




262 administration des asides d’aliEnEs. 

times pour ies premiers, et de 80 centimes pour les seconds, on 

doit porter le credit a la somme de 252 francs. 

Art, 10. Fntretien, et reparation des propriety , et frais 
de culture. Nous avons admis que l’asile doit etre entoure de 
vastes terrains que nous livrons a la culture, et dont nous de- 
vous faire en mfirae temps des lieux de promenade. De la deux 
natures de depenses ; les unes productives constituent un re- 
yenu pour la maison, ce sont les frais. de culture qui consistent 
en achat d’engrais, desemences, d’arbres fruitiers, mobilier 
d’exploitatiou, etc.; les autres se rapportent aux embellisso- 
ments qui doivenl concourir it rendre le sejour de l’asile plus 
agrfiable. Elies font en quelque sorte partie du traitement moral 
et out a nos yeux une tres grande importance. La quotit6 de ce 
credit depend nGcessairemenl de 1’etendue des terrains. Nous 
consideronsque, pour cinq hectares, ces depenses reuniespeu-, 
vent etre evaluees a 2,000 fr. Pour une propriete plus impor- 
tante, on calculeraitles frais generaux etl’on en deduirait ensuite 
quelle est la part proportionnelle dont le credit doit etre aug¬ 
ments par chaque hectare. 

Art, 11. Frais de bureau, d'administration et d'impres-. 
sion. Quand nous avons parle de la fixation du traitement du 
receveur-Sc.onome, nous avons indique qu’il y aurait plus de 
regularite a concentrer toutesces depenses de bureau en un seul 
article dont les details seraient soumis aux memes justifications 
que toutes les autres depenses. Nous nous elevens centre tout 
Ce qui a la forme d’une entreprise, et nous pensons qu’it est bien 
preferable de degager les traitements de tout ce qui paurrait 
induire en erreur sur leur quotite reelle. Les instructions sur 
la comptabilile etles prescriptions de Ialoi du 30 juin 1838 de¬ 
termined en quelque sorte le cadre de cette depense que nous 
evaluons a 750 francs. Persuades que l’impression du rapport 
administrate et medical de chaque asile pourrait, par un echange 
mutuel, produire les plus heureux resultats, nous regardons 




ADMINISTRATION DES ASHER d’awjMs. 263 
une sonime de 350 francs conarae indispensable pour cet objet, 
Ce credit pent done etre evalue a 1,100 francs. 

Art. 12. Gratifications aux tramilleurs. L'utjlite du travail 
a 6te tellement reconnue pour leg asijes d’afienfia, que i’ordou- 
nance royaledu 18 decembre 1839 en parledans sou article 15 
ep laissant au reglement inlprieur le soin d’en r^gulariser 1’em- 
ploi et le produit. Nous nous somuaes d6jk explique sur l’idee 
que nous attachons au travail des alienes, et sur les motifs de 
la remuneration qu’on leur accorde quelquefais. Nous pensons 
que ce serait inutilement compliquer la comptabilite que de 
cbercher a donner au travail fait au profit de la maison une eva¬ 
luation toujours arbitraire, Qn donnerait ainsi au malade une re¬ 
muneration fictive sur laquelle on ferait des retenues, Ces re- 
tenues arbitraires en raison de la diversite, soit dans la force, 
soit dans 1’aclivite des ouvriers, donneraient lieu a beaucoup 
de difficultes que Ton 6vite par le mode que nous avons adopts, 
Nous nous attachons a faire comprendre et a faire sentir a nos 
malades la n6cessite du travail C’est daus leur propre interSt 
que nous, les occupons, et ils ne tardent pas 5 reconnailre com- 
bien leur position s’aiueliore sous, l’influence de ces conditions, 
C’esi au medecin qu’il appartient alors de rftcompenser ce zfele 
par les moyens qui, eu egard a la situation du malade, sem- 
bient pouvoir le mieux atteindre ce but; un regime exception- 
nel a 1’un, uu pen plus de liberte 5 un autre, enfin & un trow 
sibme une gratification qui esl plutot un temoignage de satisfaction 
qu’une retrihution- La quotite de cette gratification ne saurail 
done etre soumise it des regies fixes, C’est egalement’sur ce ere- 
dit que doivent etre preleves les secours que l’asile donnerait a 
des ali<5n&> gueris dont l’indigence les priverait de tonte res- 
source au moment de leur sqrtie. Le credit porte dans cet article 
ne saurait done etre fixe a moins de 1,200 francs, La depense 
en est faite au vu dAtats dresses et approuves par ie directeur 
medecin. 

Art. 13. Depenses imprevu&s. Ce credit est, pour ainsi dire, 



264 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlfcNfiS. 
une reserve dont l’emploi, subordonne 4 l’autorisation du prefet, 
pourvoit a des dispenses fortuites non prevues au budget. II est 
d’autant moins important que Ies divers credits ont ete calcules 
avec une exactitude plus scrupuleuse. Nous l’evaluons 4 
1,000 francs. 

Art. 14. Entretien dumobilier et ustemiles. 11 en est de 
ce credit comme de celui qui est inscrit 4 l’art. 7. Si Ies details 
ne peuvent en Otre prevus a 1’avance, la somme des depenses 
annuelles est presque toujours la meme, et nous pouvons faire 
4 cette occasion une reflexion que motivent les objections que 
Ton a faites contre le mode actuel d’administration des asiles. 
Nagueres encore, plusieurs de ces dtablissements elaient Iivres 
au rdgime d’entreprise sous la direction de communautes reli- 
gieuses qui caplivaient la confiancc publique par un vernis de 
charitd a bon niarche. La foule insouciante s’inqnielait pcu du 
sort des malades, on payait peu en apparence , c’etait tout ce 
qu’elle voulait, mais ellc ne s’apercevait pas des bendfices rda- 
lisds par l’entrepreneur. Quand les nouveaux administrateurs 
ont voulu traiter les malades avec plus d’humanite, de nouvelles 
ddpenses ont du 6tre faites, de la vaisselie en etain a du rem- 
placer des vases en bois degoutants par leur malproprete. Des 
refectoires ont du etre organises et pourvus de tables; on a 
donnd des cuillersaux alidnds quimangeaient avec leurs doigts; 
chacun devait avoir son verre qui jusqu’alors avait servi pour dix. 
L’dnumdration en serait longue, si nous voulions indiquer ici 
tout ce qui manquait alors. Ce n’est pas sans frais qu’on a rein- 
place par de bons lits Ies caisses remplies de paille que conte- 
naient des cachots infects. Qu’on s’etonne, aprds cela, que nous 
ne pouvons atteindre au bon marche d’une epoque qui serait 
digne du xiu' siecle. Avec le mobilier ont du ndcessairement 
augmenter les frais d’entrelien, consequences de la vie com¬ 
mune etdu regime auquel Ies malades sont actuellement sounds. 
Dans ces conditions, la quotite de ce credit ne peut pas etre 
evalnee a moins de 2,600 francs. 



ADMINISTRATION DES ASil.ES It’AUENES. 265 

Art. 15. Deperises du coucher. C’etait autrefois la partie 
du service des alines qu’on n6gligcait le plus, soit par suite 
d’uue coupable insouciance , soit par suite d’opinions erronees 
que creaient de stupides prejuges que chacuu adoptaitsans con- 
trole, et qui devenaient, par celte seule raison, des axiomes 
inaltaquables. Combien de fois n’avons-nous pas enlendu dire 
que les alienes sont insensibles a l’action du froid,. et aujour- 
d’hui encore, nous soranies souvent oblige de combattre des 
paradoxes de ce genre! Que de difficultes ne recon trons-nous 
pas pour faire un peu de bien! Que de gens, merne parani ceux 
quijouissent d’unc reputation de charity , qui trouveut que 
Ton fait Hop pour les alienes ! Plaignons uu aveuglement aussi 
misanthropique, et, forts du lemoignage de notre conscience , 
continuons a marcher dans la voie que nous a tracde le legisla- 
leur. Nous avons indique dans le chapitre 2 la composition des 
lits, taut pour les alienes propres que pour ceux qui ont des ha¬ 
bitudes de malproprele. Exantiuons mainlenant quel est le ma¬ 
teriel dontl’asile doitpouvoir disposer sous ce rapport, eu egard 
a la population que nous lui avons attribute. Nous ne pouvous 
compter moius de370 lits, personnel compris. Sur ce nombre, 
nous en attribuons 70 pour les gateux qui out des malelas de criu 
vegetal. 

370 paillasses, formdes chacune de , r r 

5 metres de toile. . . . .1,850a l,151emet. 2,127,50 

870 malelas formds de 5 mSlrcs de 

coutil.1,850 a 1,25 2,312,50 

300 id. formes de 12 kilog. decrin 3,600 k a Zi,i0 15,840 » 
740 couvertures en laine. ; . . .740 5 23 17,020 » 

370 duvets. 370 4 20 7,400 » 

Total. . . . 34,700 » 

Pour maintenir ce mobilier au complet et dans un etat satisfai- 
sant d’entretien, nous ne pouvons pas calculer a moius de 3,000 f. 
le credit a porter dans cet article eu y comprenant la paillc des- 







266 ADMINISTRATION DES ASIf.ES O’ALIENfiS. 
tinee aux paillasses des lits de gSteux. Notre credit se compo- 
sera done ainsi qu’ii suit: 

Toile & paillasse. 200mfet 

CouvertUres en laine. ... 60 

Coutil pour matelas. ... 200 

Crin vdgdtal pour les gatcux. 1,000 kil. 

Paille. 

Menues ddpenses. 

3,000 fr. 

Si les couvertures en laine et la toile it matelas n’exigent pas 
chaque annde un entrelietl aussi complet, le crin leur est sub- 
stitue, et c’est en alternant ainsi les depenses que le materiel 
du coucher se maintient au niveau des besoins du service. 

Art. 16. Pain. Lerdgimealimmtairedont nous allons main- 
tenant examiner les details, a du el re aussi 1’objet de reformes 
nombreuses dans les etablissements gerds par entreprise, et ces 
ameliorations ont aussi beaucoup contribud a augmenter le prix 
de journde. En ce qui concerne le pain, nous en admettons deux 
qualites, le pain blanc pour la soupe, et le pain de deuxieme 
quality pour I’usage ordinaire; la portion pour la journde est 
dvaluee, en pain blanc, a 18 decagrammes, et en pain indie, a 
50 decagrammes, moyenne qui correspond en quelque sorte a 
ce que Ton pourrail nommerle pain a discretion. Si nous appli- 
quons ces donnees aux 128,580 journees de nourrilure que 
fournissent les malades et le personnel, nous obtenons lesresul- 
lats suivants : 

Pain blanc. . . 23,126,50 k 26 c. . . 6,012,86 

Pain mele. . . 65,250 » k 25 c. . . 15,517,60 

21,530,56 

Quoique cette limite puisse au premier abord paraitre assez 
dlevde, nous ne pensons pas que dans les previsions on puisse la 
reduire, parce que deux circonstances influent puissamment sur 
cette Consommation et solit susceptibles de la faife varier. Nous 


. 236 fr. 

1,380 
260 
500 
600 
150 





ADMINISTRATION DES A S I L K S D’ALIENES. 267 

voulons parler de l’etat sanitaire de I’asile et des travaux aux- 
quels les malades sont occupes. Quant a la fluctuation du prix 
des denrees, nous aurons plus tard occasion de nous expliquer 
h ce sujet. Si l’asile ne recevait que des homines, cette moyenne 
serait insuffisante. Elle serait trop elevee pour des femmes. Eu- 
fin, en la calculant d’apres line experience de plusieurs annees, 
nous avons tenu compte des malades places a l’infirmerie et 
soumis a un regime exceptionnel. Dans un asile d’alienes moins 
que partout ailleurs, la ration individuelle ne saurait etre main- 
tenue en ce qui concerne le pain. On perdrait d’un c6te l’insuf- 
fisanre qui se manifeslerait d’un autre; tandis qu’en donnant ii 
chacun ce qui est necessaire on se mainlient dans une moyenne 
moins 6Ieveie. Nous croyons done pouvoirconsid6rer comme une 
economie la distribution discretionnaire du pain pendant le re- 
pas , mais a ce moment seulement. II y aurait abus s’il en etait 
autrement. Nous n’admettons de limile que celle qui est indi- 
quee par l’etat du malade; nous voulons satisfaire un besoin 
reel, mais non une voracite factice que 1’oii observe chez quel- 
ques dements. L’6tat des ali&ies est done le seul r^gulateur de 
cette consommation. 

Observations generates sur le regime alimeniaire. Nous avons 
deja dit plus haul sous quel point devue nous envisageons cette 
partie du service ; nous n’avons plus qu’a representer par deS 
quantites precises la composition du regime alimentaire. Nous 
livrons ces fails aux reflexions des partisans aveugles de la r6^ 
duction indefinie du prix de la journee. 

l r ' classe. Dejeuner , uneheure apres le lever: soupe maigre 
nontenant six decagrammes de pain; douze decagrammes de 
pain en sus pour les travailleurs. — Diner a onze heures du 
matin les jours gras, e’est-k-dire, cinq fois par semaine; ce 
repas se compose d’une soupe grasse ( d’une portion cle viande 
provenant de 20 decagrammes de viande crue, et de 25 deca¬ 
grammes de pain. Le vendredi et le samedi, une soupe maigre 
remplace la soupe grasse, et Ton donne des legumes au lieu de 
viande; une portion de vin de 25 centilitres est distribuee en 



- 268 ADMINISTRATION DES A SIDES D’ALIENES. 
outre quand le repas est maigre. — Souper a cinq heart's du 
soir. Ce repas se compose d’une soupe grasseou maigre, suivant 
les jours , de legumes, de 20 centilitres de vin, et de 20 deca- 
graramesde pain. Les malades occupes aux travauxde la culture 
repoivent en outre, a gouter , 15 centilitres de vin et 15 deca¬ 
grammes de pain. Les legumes varient suivant la saison et sont 
quelquefois remplaccspar des fruits, du fromage ou de la sa- 
lade. — Quant aux malades places a 1'infirmerie ou doues d’une 
constitution delicate, ils sont l’objet d’une prescription specialc 
approprice , quant au choix et a la quantite des aliments, aux 
indicationsmedicatesquei’on doit remplir. —Mousconsiderons 
conime une bonne mesurc celle qui consiste a romprela mono- 
tonic du regime, a certaines epoques de l’annee, par une dis¬ 
tribution extraordinaire qui nerentre pas dans les prescriptions 
habituelles; tin roti au lieu des legumes du soir est pour les ma¬ 
lades de cettc classe un extra qui fait piaisir en general. Lejour 
de la ffite du roi, lesquatre gran des fetes et la fete patronale de 
la maison sont des Epoques auxquelles nos malades attachent une 
certaine importance, et dont le regime aliinentaire doit un peu 
se ressentir. 

2 C classe. Dejeuner : lait ou cafe au lait. —Diner : soupe 
grasse ou maigre, bceuf, legumes, un plat dedessert, une por¬ 
tion de vin. — Souper : soupe, roti, salade ou legumes, une 
portion de vin. Les jours maigres on remplace la viande par des 
ceufs, des pruneaux, de la patisserie ou du poisson. 

3 C classe. Dejeuner: cafeau lait ou chocolat. —Diner : soupe 
grasse ou maigre, boeuf, roti, legumes, deux plats de dessert, 
une portion de vin. — Souper : potage , roti, salade, un entre¬ 
mets, deux plats de dessert, une portion de vin. Les jours maigres, 
la viande est remplacee par du poisson, des entremets. Une fois 
par semaine, et suivant la saison, on remplace le roti par de la 
volaille, du gibier ou de la charcutcrie. 

U°classe. Le regime de cette classe se compose de ccluidela pre- 
cedente, auquel on ajoutedes mets sucres, de la patisserie, dela 
volaille deux fois par semaine, et un dessert choisi a chaque repas. 



ADMINISTRATION DES ASILE3 D’ALltiNES. 269 

Telles sont les donnees qui servent de base a revaluation de 
nos previsions. Elies sont de nature a se modifier suivanl les 
usages de cbaque pays: aussi ne les soumettons-nous a nos col¬ 
logues que comme un cadre general que Ton approprie & toutes 
les circonstances. 11 nous reste maintenant a indiquer la quo- 
tite moyenne des portions. 


Riz.6 decagr. Fromage. . . . 5 decagr. 

Gruau.7 id. Morue.13 id. 

Orge perie. . . 7 id. Pruneaux. ... 15 id. 

Pommes de terre. 70 centil. Bouillie au lait, 

Pois,haricots. . . 16 id. cafe, chocolat, 

Lentilles.... 18 id. lait au sucre. . 40 centil. 


Lereste s’indiquepar piece et portion. Tels sont les fruits, la 
confiture, les ceufs, les harengs, la salade, le poisson, la 
volaille. Les sceurs et les preposes ont, sauf la quantite du vin, 
le me me regime que la seconde classe. 

La nomenclature que nous avons indiquee pourrait peut-etre 
paraitretrop restrictive; mais nous devons faire observer que ce 
mode de preparation est seul propre a introduire de la variete; 
c’estle faitde la.personne qui est chargee de diriger ce service. 

Cela pose, nous.allons.calculer les .previsions des quatre ar¬ 
ticles suivants: viande, vin, comestibles, menus objets de con¬ 
summation. 

Art. 17. Viande. En evaluant a 20 decagrammes la portion 
de viande de boeuf distribuee cinq fois par semaine indistincte- 
ment h toutes les classes, il en resulte que la quotite moyenne 
par journee est de 1 42 grammes, qui, par suite des cas de ma- 
ladie, les prescriptions exceptionnelles, et l’augmentation des 
jours maigres du personnel pendant le careme, se reduit facile- 
ment a 120 grammes. 

Ce nombre, appliqufi aux 128,480 journ6es, donne pour l’annde 
une quantity de 15 ) 417 kil -,60 J6c -, qui, au prix de 90 c. le kil., oc- 
annal. med.—psvch. t. vi. Seplembre 1845. 8. 18 







270 


administration des asiles d’aliBnLs. 


casionnent une dbpense de. 13,875 fr. 8Zic. 

En calcillant & 15 dbcagr. la portion riioyenhe 
de veau bii de moutoii poiir la 2' classe, et 
5 18 dbcagr; celle des 3 C et 4 C classes, nous 
trouvons que ces 32*120 journbes rbclament 
4,949 kil ,40' ,dr de viande, qui, au prix indiqud 
piiis liaiit, ilHnnbnt lieu 5 urie dbpense de. . . 4,454 46 

Enfin, si a ces quantitbs nous ajoutons tfellfe de 
1,600 kilog. de viande de pore destinbe a faire de 
la cliarcuterie on 5 servir de cbndimeht aux lb- 


gnmes, nous trouvons qu’4 raison de 98 c. il en 

rbsulte une dbpense de. . S. 1,568 » 

Le credit a porter dans cet article devra done, 
sous ces conditions, s’dlever a.. . 19,808 fr. 30 c. 


Art. 18. Vin, vinaigre. D’apres les indications que nous 
avons donnees plus haut sur la composition du rbgime de chaque 
classe, nous trouvons que la portion moyenne et journaliere du 


vin pour la premiere classe peut 6tre evaluee a 
25 centil., qui, pour 96,360 journbesdecetle classe, 
donnent une consommation annuelle de. . . . 24,090 litres 

La quantitb de vin a distribiier aiti aiibbbs tjiii 
travaillent dans les jardins est bvalnbe a. . ; * 1*600 

Pour les pensionnaires des autres classes, nous 
comptons une moyenne de 40 centil. par jour, ce 
qui pour 13,140 journbes porte la cdnsommalioh 
annbelle a. . 5;250 

Quant a ce qui concerne le personnel nourri dans 
I’asile, la portion moyenne de vin est bvalube a 
80 centil., ce qui, pour 18,980 journbes, donne 

uhb cbhsomiiiatioii aiinueilb de. ..15,184 

Ld C'ohsbmmdtion totale s’41fetera done 4 iihfe 
qiiatilitb de . 46*08(1 lilies 

Si nous supposons que le prix du vin est de 30 C. 
le litre, nous trouvons que la dbpense est de. . , 13,809 fr. 

Pour vin de Bourgogne, destinb soit a l’usage de 
la pharmacie, soit pour certaines prescriptions ex- 

ceptionnelles, 700 litres a 70 c. le litre. 4b0 

500 litres de vinaigre de Bourgogne a 30 c. . . 150 

Le erbdit a porter daiib cet ahicie s’blfeVe dbhc 4 
la somitie de. 14,449 fr. 










ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlfiNES. 271 

Get article peut, suivant ies pays, subir de nombreuses varia¬ 
tions. Dans quelques endroits d’autres boissons sont substitutes 
au vin; Iors meme que ceiui-ci est en usage, od est dansl’obli- 
gation de faire des melanges a l’tgard desquels aucune regie ge¬ 
nerate ne saurait etre elablie. Toutefois on ne doit pas oublier 
que quelle que soit ia mesure que Ton adopte, eile doit toujours 
etre prise aprts avoir consults l’interet ides inaiacles. 

Art. 19. Comestibles. Pour la rtgularite.de la complabilitS- 
matieres, nous rSpartissons ce qui a rapport aux comestibles 
en deux articles, suivant que les objets qui y sont compris soiit 
ou non acquis par la Vbie de l’adjudication. On ne peut Stablir 
ici des previsions aussi prScises quedaiis les articles prScSdents; 
mais si les dStails sontsiisceptiblesde varier dans quelques lines 
de leurs parties, 1’ensemble peut s’Stablir sur des donnSes 
presque certaines. Ces donnSes sont la consequence du tableau 
du rSgime qui se modiGe suivant ies saisons, suivant I’etat sani- 
taire cte l’asile, et aiissi suivant la constitution medicate domi- 
nante : aussi les indications suiVarites doivent etre plutot prises 
dans leur ensemble. Nous les dSduisons, du reste, de 1’expSriehce 
de plusieurs annSes. Nous avons en outre une distinction a faire 
entre les aliments proprement dits et les condiments ou acces- 
soires. C’est dans cet ordre que nous allons les classer. 


Haricots, pois, lentilles. 

5,500 lit. a 

0,16 880 » 

Gruau ou semoule. . . 

350 kii. a 

0,55 192,50 

Orge perld. .... 

350 id. a 

0,65 227,59 

Riz .. 

700 id. 5 

0,65 A55 »» 

Pommes de terre. . . 

26,000 lit. a 

0,03 780 » 

Farine. 

600 kii. a 

0,35 lib » 

Fromage dit d’Arigeiot. 

900 id. a 

0,95 855 » 

id. de Gruyeres, . 

100 id. a 

2 » 200 ).| 

Harengs. . . . . . 

A ton. a 

75 » 300 »l 

Morue. 

300 kii. a 

0,65 195 « 

Pruneaux. 

500 id. a 

0,80 A00 » 

bate. 

350 id. a 

2,60 910 >i 1 


A reporter. . . . 








272 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlfiNfiS. 

Report. 5,605 fr. 

Le complement du regime doit se trouver dans les 
produits de 1’asile tel que nous l’avons suppose consti- 
tue. Nous verrons plus tard par quelle quotile de cre¬ 
dit il faudrait suppler a l’absence de toute culture. 

Passons maintenant a l’indication des autres parties de 
cet article. 

Beurre.2,400 kil. 5 1,50 3,600 »\ 

Huile d’ceillette. . . 500 5 1,25 625 » ] 

Huile d'olive . . . 100 a 2,60 260 »( ,. .. 

Sucre. 1,000 5 1,75 1,750 »( ’ U ' 

Mfilasse. 400 i 0,50 200 »] 

Sel. 2,400 a 0,38 912 »/ 

Le credit 5 inscrire dans cet article sMlfeve done 4 la 
somme de. 12,952 fr. 

sauf la reserve que nous venons d’indiquer, et qui rend suffi- 
samment raison de la disproportion qui existe entre les aliments 
et les condiments. 

Art. 20. Menus objets de consommation. C’est dans cet ar¬ 
ticle que nous comprenons les achats faits au marche, les epi- 
ceries, le gibier, le poisson, le beurre frais, la creme, le lait, 
le frontage blanc, etc.; denies qui ne peuvent pas etre fournies 
par la voiede l’adjudication. Il ne saurait etre lvalue au-dessous 
de 5,000 francs. 

Art. 21. Blanchissage. Dans quelques maisons on est dans 
l’habitude de faire a chaque pensionnaire un comple 4 part de 
son blanchissage, et de ne calculer cette depense au budget que 
pour les alienes indigents. Cette maniere de proceder nous parait 
etre irrfiguliere. Nous pensons que la pension doit etre calculee 
dans la provision de toutes les ddpenses ordinaires, etquele 
budget doit les comprendre toutes. C’est sur ces bases que sont 
calculees les dventualites de ce credit, qui se composera ainsi 
qu’il suit : 










ADMINISTRATION DES AS1LES D’ALIENES. 273 


Savon. 800 kil. a 1 fr. 05 c.. 8A0 fr. 

Sonde.. 500 5 0 fr. 65 c. 325 

Mennes ddpenses.100 

Jourmies de repassage.250 

Journ£es de laveuse.700 


Le montant dti credit s’dlive a la somme de. . . 2,215 fr. 

Ici encore Ies usages locaux modifient souvent les elements de 
la depense et sa quotite. Le blanchissage est la partie du service 
sur laquelle l’administration doit exercer le plus sa surveillance; 
des soins qui sont donnas au linge depend sa conservation , etla 
routine est ici plus pr6judiciable qu’ailleurs. On doit surtout 6vi- 
ter, tant pour la sante des malades que pour manager le linge , 
de mettreun troplongintervalleentre le moment oil l’onessange 
le linge et celui de la lessive. 

Art. 22. Eclairage. Les circonstances qui influent princi- 
palement sur la quotitS de ce credit sont les allocations en na¬ 
ture faites aux employes, l’heure du coucher des malades , les 
mesures de surete adoptees pendant la nuit, et le nombre des 
quartierset ouvroirs qui constituent la classification de la popu¬ 
lation. En nous reportant a ce que nous avons deja diFsur ces 
divers sujets, nous evaluons la depense ainsi qu’ilsuit : 


Chandelles. 200 kil. 5 1 fr. AO c. 280 fr. 

Huile 5 quiuquet. . 900 kil. h 1 fr. 15 c. 1,035 
1,315 

Menues dPpenses.. 35 


1,350 fr. 

Dans ce credit, la depense du personnel est comprise pour une 
somme de 170 francs dontnous tiendrons comptcdans le calcul 
des frais generaux applicables aux prix de journee. 

Art. 23. Chauffage. Pour bicn apprecier la quotite de ce 
credit, il importe d’en apprecier les elements. La construction 
gen6ralement adoptee pour les foyers de cuisine permet, dans 
les conditions de regime que nous avons indiquAes, de fixer la 
consommation du bois a : 







274 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALILNES. 

150 stdres, qui, au prix de 10 fr. chaque, donnent une 

somme de. 1,500 fr. 

La buanderie et les bains exigent une consommation 

de 70 stdres. 700 

II est'allondpour lepersonnel et les bureaux83 stdres. 830 
Quant au chauffage des sailes, rdfectoires, ouvroirs, 
infirmeries, nous devons compter sur une consomma¬ 
tion moyenne de 225 stdres.2,250 

Si k cette quantity de bois nous joignons 250 hecto¬ 
litres de charbon pour le repassage, la forge, la menue 

cuisine, il en rdsulte une ddpense de. 525 

Le montant du credit est de. 5,805 fr. 


Art. 24. Depenses de lapharmacie. Les depenses a imputer 
sur ce credit sont peu susceptibles d’analyse, et nous ne pouvons 
pas en prdciser exactement les details. Elies comprennent, outre 
les drogues simples ou composees, le sucre, les sirops et autres 
accessoires. On s’est demande si le soin de la petite pharraacie 
peut etre confie 5 une sceur, ou si ce service doit etre ndcessai- 
rement confie a un pharmacien special. Nous ne pensons pas que 
l’asile tel que nous 1’avons supposd constitue soit assez important 
pour exiger un employd de plus. L’action constante du direc- 
teur el de l’interne donne assez de garanties pour que la distri¬ 
bution et la preparation des prescriptions puisse etre confide h la 
sceur chargde de surveiller l’infirmerie des hommes. Nous eva- 
luons ces ddpenses k la somme de 1,800 francs. 

Art. 25. Freds de lingerie et deveture. Nous avons ddjk fail 
connaitre dans le chapitre II toute l’importance qu’au point de 
vue mddical nous attachons a cette partie du service; il nous 
reste maintenant a concilier ces indications avec les exigences 
adminislralives, et 4 traduire en chiffres les besoins de nos ma- 
lades. Si nous nous reportons au tableau de la population con- 
tenu dans le chapitre Y, nous voyons que l’asile doit fournir le 
linge et le vetement a 240 individus, et comme les bases de 
l’entretien sont necessairement proportionnelles a l’approvision- 
nement complet, nous croyons devoir indiquer ici quelle est la 
composition du trousseau de chaque malade. 








ADMINISTRATION DES ASILES D’ALIENES. 


275 




















276 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALIENES. 

II resulte des donnees contenues dans ce tableau que le trous¬ 
seau moyen d’un ali&ie peut etre fivaluA a la somme de 167 fr. 
69 c., et que l’entretien annuel est, dans les conditions indi- 
quees, de 50 fr. 18 c., ou 0 fr. 13 c. par journSe. 

Outre cette dfipense toule personnels des alienes, il en estune 
qui se rapporte aux frais generaux et qui depend du nombre 
des employes Iog6s et couches aux frais de l’asile. Nous avons 
suppose 52 employes auxquels des fournitures de ce genre doi- 
vent etre allouAes. Le tableau suivant nous fait connailre: 


Pair, de draps. 

A 

108 

Toile 

1188 

1,30; 

1,5AA A0 297 

386 10 

Taies d’oreill.. 

8 

Zil6 

id. 

832 

1,10 

915 20 208 

228 80 

—■ traversins. 

6 

312 

id. 

62 A 

1,10 

686 A0 10AI 

11A A0 

Tabl.de cuisine; 

20 

IOZiO 

id. 

10A0 

1,30| 

1,352 » 208| 

270 AO 

Torchons . . . 


lOZiO 

id. 

62A 

80 

A99 20 208 

166 AO 

Nappes . . . . 


30 

id. 

180 

2 

360 »j 18 

36 » 

Serviettes. . . 

1 

288 

id. 

288 

1,60 

A60 80| 36 

57 60 







5,818 00J 

1,259 70 


Enfin, nous devons compter, pour computer 1’organisation de 
ce service, sur la premiere mise et l’entrelien d’une mise uni¬ 
forme pour les proposes et servants. Cette mesure s’applique a 15 
hommcs et 20 femmes. Enfin, nous ne devons pas oinettre les 
menues depenses acccssoires, telles que cuirs, fil, doublures, etc. 
Ces donnees etablies, void comment se composers ce credit : 








ADMINISTRATION DES ASHES D’ALIENES. 


277 


DESIGNATION DES OBJETS. 

QOANTITES. 

PH,, 

MONTANT. 

Toile pour draps de lit.. 

2937 m. a 0,90 de large. 

130 

3,803 10 

Id. pour chemises. . . 

2100 m. a 0,80 id. 

1 20 

2,520 » 

Id. oreillers et travers. 

312 m. i 0,75 id. 

1 10 

343 20 

Tabliers de cuisine. . . 

208 m. a 0.90 id. 

1 30 

270 40 

Torchons. 

208 m. a 0,75 id. 

0 80 

166 40 

Toile pour camisoles. . 

100 m. 

1 80 

180 » 

Id. pour nappes. . . . 

18 m. a 1,10 id. 

2 » 

36 » 

Id. pour serviettes . . 

33 m. a 1 id. 

1 60 

57 60 

Droguet laine et fd. . . 

560 m. a 0,90 id. 

4 50 

2,520 » 

Toile rayEe. 

500 m. a 1,05 id. 

1 85 

925 » 

Colon chalne ettrame.. 



1,058 80 

Coton pour has et bonn. 

142 k. 

3,20 

2,75 

454 40 

Flanelle pour jupons. . 

80 m. 

220 

Laine pour has. 

96 k. 

5,50 

528 .. 

Treillis. 

240 

1,75 

420 » 

Souliers. 

120 p. 

6 » 

720 >. 

Chanvre. 

60 k. 

2,60 

156 » 

Cuirs. 


240 50 

Menues dEpenses. . . . 



900 » 

15,519 40 


Si nous comparons le chiffre de ce credit avec la depense person- 
nelle des alienes, nous remarquons que les frais gfineraux sont 
charges d’une somme de 3,474 fr. 20 c. qui, rEpartie sur l’en- 
semble des journees, donne une moyenne de 0 f. 03 c. La depense 
totale est done comprise pour Of. 16 c. dans le prix de revient. 

Art. 26. Tabac. Le tabac est pour un grand nombre d’alieues 
un objet de premiere necessite dont la consommation varie ne- 
cessairement suivant les usages locaux. Nous evaluons cette con¬ 
sommation a un centime et demi par journEe, ce qui porte la 
quotitE du credit 4 la somme de 1,300 francs. 

Art. 27. Frais de culte. D’accord ici avec ce que nous 
avons dit dans le chapitre II et dans l’article 4 , nous avons a 
constituer l’exercice du cuke tel que le comporte une chapelle 
destinee exclusivement a la population de l’asile. Tout en 6vi- 












278 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALIENfiS. 

tant de dlployer un luxe auquel les communautes religieuses 
s’abandonncnt trop volontiers aux depens des aulres services, 
nous sommes loin de voulqir tomber dans une parcimonie con- 
traire aux convenances. Nous pensons done que ce service sera 
cqnvpiiablement assure au moycn des allocations suivantes : 


Cierges et bougies.85 fr. 

Retribution au chantre.100 

Entretien des orgues. 30 

DOpenses diverses. ........ 5Q 


Entretien et renouvellement des ornements. 165 

430 fy. 

ART. 28. Frais de sepulture. Nous ne pouvons trop nqus 
eiever contre ce qui se pratique dans beaucoup d’bOpitaux oq, 
so.us pit prOtexte d’economie, on ne donne pas a la sepultqre 
des morts les soins que prescrivent les convenances. Nous pen- 
sons que l’adinjnistration doit faire pour tous les malades indis- 
tinctemept ce que les families feraient elles-memes, si les 
aliOnes decOdaient chez elles. Chaque dOcOdO aura done son 
cercueil, auquel nous assignons une valeur de 5 fr.; nous 
6vaIuons a 3 fr. les autres frais accessoires, ce qui, pour une 
moyenne de vingt-cinq deefes, exige une provision de 200 fr. 

Art. 29. Fourrage et litiere. S’il est des fitablissements ou 
l’utilitd de cette depense pourrait etre contestee , ce n’est cer- 
tainement pas dans un asile qu’il serait opportun de la rejeter, 
surtout quand les travaux de culture ont recu un certain ddve- 
loppement. On peut moins la considerer comme la source d’un 
revenu que comme la representation sous une autre forme de d6 - 
penses auxquelles il faudrait toujours pourvoir. Dans tous les cas, 
elle n’est pas onereuse et presente des avantages de convenance 
locale qu'il ne faul pas n^gliger. C’est sur un nombre de deux 
chevaux et de huit vaches que nous allons baser nos provisions, 
en faisant observer cependant que c’est un des credits qui sont 
les plus sujets 5 des fluctuations annuelles: aussi le fixons-nous 







ADMINISTRATION DES ASILES D’ALIENfiS. 279' 

au maximum a la somme de 1,800 fr., en raison des produits 
rdcolt^s dans l’asile qui viennent attenucr la depense. 

Art. 30.11 y a des cas ou [’administration de l’asile est tenue 
derembourser, soit auxfamilles, soitau departement, dessommes 
qui ont 4t6 versees a sa caisse, et qui excedent le prix reel de 
la pension, tant par suite d’une inexacte repartition que par 
des dispositions precises du reglement intSrieur. Mais, comme 
ces remboursements constituent une depense reelle, il faut 
qu’ils soient prevus au budget pour l’ordre de la comptabilite. 
Nous evaluons ce credit a la somme de 900 fr. 

Les depenses de l’asile forment done, d’apres les evaluations 
qui ont servi de base a noscalculs, un total de 139,701 fr. 16 c., 
et si nous y joignons la somme des produits en nature qui peu- 
vent s’eiever & environ 4,000 fr., nous voyons que l’ensemble 
des depenses est represente par la somme de 143,701 fr. 16 c. 

En resumant tous les details dans lesquels nous sommes 
entres, nous formons le tableau suivant, qui presente 1’en- 
semble des depenses ordinaires. 


Art. 1. Traitement du directeur-medecin . . . 4,000 » 

Art. 2. Traitement du receveur-econome. . . . 2,800 » 

Art. 3. Traitement des employes del'administration. 1,800 i> 

Art. 4. Traitement de l’aumftnier. ..... 1,200 » 

Art. 5. Indemnite aux soeurs. 1,500 « 

Art. 6. Gages des preposes et servants. 8,150 » 

Art. 7. Reparation et entretien des bStiments de 

i’asiie. . . . 4,000 » 

Art, 8. Conlributions. 50 » 

Art. 9. Assurance contre I’incendie. 252 » 

Art. 10. Entretien et reparation des proprietes; frais 

de culture. 2,000 » 

Apt. 11. Frais de bureau, d’administration et d’im- 

pressiop. .......... 1,100 » 

Art. 12. Gratifications aux travailleurs .... 1,200 » 

Art. 13. Depenses imprevues. 1,000 » 

Art. 14. Entretien du mobilier et ustensiles. . . 2,60Q » 


31,652 » 


A reporter. 












280 ADMINISTRATION DES ASILES D’aUENES. 


Report.31,652 » 

Art. 15. Dispenses (hi coucher. 3,000 » 

Art. 16. Pain.21,430 46 

Art. 17. Viande. 19,898 30 

Art. 18. Vin, vinaigre. 14,449 » 

Art. 19. Comestibles.. 12,952 » 

Art. 20. Menus objets de consommation. 5,000 » 

Art. 21. Blanchissage. 2,215 » 

Art. 22. ficlairage. 1,35C » 

Art. 23. Chauffage. 5,805 » 

Art. 24. Ddpenses de la pharmacie. 1,800 » 

Art 25. Frais de lingerie et de vfiture.15,519 40 

Art. 26. Tabac. 1,300 .. 

Art. 27. Frais du culle. 430 » 

Art. 28. Frais de sepulture. 200 » 

Art. 29. Fourrage et litifcrcs. 1,800 » 

Art. 30. Remboursement de pensions indument 

percues. 900 » 


Total des depenses en argent. . . . 139,701 16 


D’apres les explications que nous avons donnees, tant sur 
l’ensemble du budget que sur les details qui le constituent, 
nous pouvons deja dire par anticipation que dans ces conditions 
le prix de la journee ne saurait etre fixe a moins de 1 fr. 15 c. 
par jour. C’est le prix reel de revient, et pour pourvoir a ses 
depenses extraordinaires, l’asile ne peut compter que sur les 
excedants de recedes constates apres la cloture de chaque exer- 
cice. Ces excedants, 6ventualites r&tlisables mais non toujours 
certaines, dependent de deux causes principales: la diminution 
du prix des denrees et la reduction dans la consommation. D’un 
autre cot6, les bases que nous avons adoptees pour l’eutretien 
soit du mobilier, soit du linge, sont assez larges pour que Ton 
ne soit pas oblig6 de les maintenir chaque annee, et les r6duc- 
tions que 1’on peut periodiquement effectuer sur ces articles 
permettent, a des intervalles plus ou moins rapprochfis, soit de 
combler des lacunes, soit de pourvoir a de nouvelles ameliora¬ 
tions, soit de se premunir contre les eventualiles de l’avenir. 

















ADMINISTRATION DES ASIDES D’AUENfiS. 281 

Nous avons du presenter un budget moyen : aussi croyons- nous 
devoir indiquer ici les modifications dont il est susceptible 
accidentellement dans quelques unes de ses parties. 

1° Le credit pour gages des picposes et servants a ete calculi sur 
les bases les plus larges, etles circonstances permettent quelquefpis 
d’opdrer une reduction qui porterait sur les ouvriers, surtout s’il 
se trouve parmi les infirmiers ou les malades des individus sus- 
ceptibles d’etre utilises. Si nous joignons A ces eventualites celles 
qui resultent des vacances momentanees d’emploi, nous obtenons 


une diminution qui peut etre dvalude 4 la somme de. 1,500 » 
2° II est des anndes ou le credit pour l'entretien 

des bAiiments subira une reduction de. 1,000 » 

3° On pourra aussi retrancher 4 i’art. 14 une 
somme de. 600 » 


4° Le couchage, une fois bien constitud, n’exigera 
pas toujours le credit propose, dds que l'entretien 
sera parvenu 4 crder, en dehors des besoins ordi- 
naires, une reserve dont on pourra tenir comptepour 
attdnuer momentanementla depense annuel le. De 14 
une reduction qui pourra s’dlever jusqu’4. . . . 900 

5° En calculant la depense du pain, nous avons 
suppose lout le monde 4 la portion entidre; mais 
l’expdrience nous ddmontre chaque annee que la por¬ 


tion moyenne n’atteint pas celle que nous avons prd- 
vue, et que celte provision peut etre rdduite de 4 de¬ 
cagram., ce qui diminue la depense d’une somme de 1,051 20 
Admeltons encore une diminution de 1 centime 
dans le prix, et notre credit subira une nouvelle re¬ 
duction de. 873 66 

6“ Que la viande, au lieu de couter 90 cent., ne 
nous revienne qu’4 84 cent , cette diminution de 
6 cent, permettra d’economiser sur le credit une 
somme de. 4,222 02 


Si nous reduisons 4 quatre, au lieu de cinq par 
semaine, le nombre des distributions de viande 4 la 
premidre classe, nous obtenons encore sur le credit 
une reduction de 808 fr. 92 c., qui, combinee avec 
la reduction du personnel mentionnee plus haut, 
produit encore une diminution qui peut dire evaluee 
4 la somme de. 1,000 » 




8,146 88 








282 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlfiNfiS. 


Report. 8,146 88 

7° Une reduction de 3 cent, par litre sur le prix du 

vin diminue le credit d’une somme de. 1,380 90 

Si, aulieu de neuf distributions par seiriaine, nous 
n’en faisons que sept, notre credit peut encore subir 
une reduction de. .......... . 1,300 86 

8° Nous avons calculi la consommation du com¬ 
bustible en adinetlant un hiver rigoureux ou trfes 


prolong^, llais sous I’inlluence de circonstances plus 
i'avorables, la ddpense peut facilement subir une re¬ 


duction de. . . .. 800 .i 

9° Le credit pour frais de lingerie et de vfilure a 
ete principalement calcuie pour former dans les ma- 
gasins de l’asiie une reserve attenuant A intervalles 
presque rdguliers la depense ordinaire, delaquelle on 

peut alors retrancher une somme de. 2,800 » 

Au moyen de ces retranchements qui he nuisent 
pas au service quand ils sont faits avec opportunity, 
les previsions du budget des depenses subissent tine 
reduction de.1A,A28 64 


Le total du budget se l-edui’t aiors A la somine de 125,272 52 
Nous venons d’itidiquer les limites extremes entre lesquelles 
oscillent les depenses d’un asile ; nous avons fait connaitre la 
masse des besoins auxquels l’administration doit pourvoir; ii 
nous reste mainteuant a examiner les regies generales qui pre¬ 
sident a la direction financiere du service et a nous oceuper 
des moyens de conslituer le revenu des asiles sur des bases 
solides : e’est ce qui fera 1’objet du chapitre suivant ou nous 
nous livrerons a quelques considerations generates sur les de¬ 
penses extraordiiiaifes. 


( La suite a un prochain numiro.) 








NOTE RELATIVE 

A LA QUANTITE d’eAU NECESSAIBE 

A UN ASILE D’ALIENES 

CONTENANT 350 MALADES. 


Tous les auteurs qui ont trait6 des maladies mentales el des 
constructions qui leur conviennent ont parle de la necessite de 
1’abondance des eaux dans uu asile d’ali^hfo; inais peu ou point, 
que je sache , ont indique la quantity d’eau indispensable au 
service de ce genre d’etablissements. Comment, du reste, s’en 
etomier? Les asiles d’alienes datent, ponr ainsi dire , d’une ere 
toute nouvelle, de la loi du 30 juin 1838 et l’ordonnance du 18 
decembre 1839; je crois done qu’il ne sera pas sans intfiret 
(i’exposer les dounees qui ont servi de base 5 uotre appreciation 
pour obtenir ia quantite d’eau necessaire a l’asile d’Auxerre, 
en ajoutant que cette eau, qui, apres maintesrecherches, a ete 
le resultat de tranchees faites par les abends sur les flancs d’un 
coteau sablonneux et argileux situe dans le voisinage de 1’eta- 
biissement, iui fitait disputee par la ville, presque complete- 
ment dfipourvue de cette condition essentielle h la salubrite. 

Nous evaluons 5 356 le chiffre des malades et a 25 celui du 
personnel habitant ia maison , conformfimenl aux idees qui ont 
preside ati trace des plans. 

1° Cuisine. Nous portons 5 2 litres par personne ia con- 
sommation d’eau pour les repas; a 2 litres pour la toilette; 
a h, celle employee au bouillon, aux legumes, a la proprete de 
la vaisselie, = 8 litres X 375 = 30 hectolitres. 

2° ii est inutile d’insister sur i’urgence des sailes de bains 
dans un asile d’alieues. Faisons observer cependant que malgr6 
toutes les raisons alieguees par une 6conomie severe, celles-ci 
doivent etre au nombre de trois dans chaque grande division 



284 NOTE SUR LA QUANTITY D’EAU NECESSAIRE 
des hommes et des femmes; une pour Ies quartiers : 1° de l’in- 
firmerie; 2° des ali6nes paisibles et demi-paisibles ; une secoude 
pour les abends agites et une troisifeme pour les epileptiques. Le 
nombre des baignoires doit etre de 9 pour les hommes et 9 pour 
les femmes; et celui des bains peut experimentalemenl s’elever 
a 36 , dans la provision de 350 malades. La hauteur d’une bai¬ 
gnoire est de 60 centimetres , la longueur de 1 metre 45 cen¬ 
timetres, la largeur de 60 centimetres, ce qui fait environ 5 
hectolitres par bain, et pour la totality 180 hectolitres, y compris 
I’eau exig£e pour nettoyer la baignoire. 

3» Les infirmeries doivent etre tenues avec une extreme pro- 
prete, de maniere a preserver les malades de toute emanation 
deietere. C’est dans ce but que sous chaque lit nous conseillons 
d’encastrer dans des dalles en pierre , legerement creusees, des 
bassins mobiles en cuivre etarne, conlenant un peu d’eau chlo- 
ruree qu’on renouvelle frequemment et destines 4 recueillir les 
urines qui s’ecoulent des iits des g5teux. Nous estimons a 15 
litres pour chaque lit la consummation d’eau ; 15 X 48 = 7 
hectolitres 20 litres. 

4° La construction d’un lavoir dans un asile d’alienes est 
urgente, comme un puissant rnoyen d’exercice musculaire et 
de distraction, puis comme ressource 6conomique; car, n’ou- 
blions pas que dans une maison de ce genre on doit s’efforcer 
de regler le travail pour le faire tourner doubleraent au profit 
des malades: premierement comme moyen hygienique et me¬ 
dical; puis comme multiplicateur des ressources , et par conse¬ 
quent comme augmentant les conditions mises 4 la disposition 
du medecin-direcleur par une administration fmanciere toujours 
restrainte dans son bon vouloir par les nombreux besoins aux- 
quels elle est obligee de pourvoir; sous ces deux rapports, un 
lavoir est tres utile. 

L’experience nous permet de porter a douze personnes le 
nombre des laveuses alienees designees pour entreteuir la pro- 
prete du linge et des vetements de 230 malades. Operant, 



A BN AS1LE D’AI,1I5NES. 


285 


d’apr&s ce chiffre, dans une provision de 350 alieneset un 
personnel suflisant, et en estimant 5 1 mfctre 10 centimetres 
l’intervalle que doit occuper chaque laveuse, avec les aises de 
rigueur pour deposer son linge, ses ustensiies, et ne pas mouiller 
ou incommoder Jes personnes qui sont 5 ses cotes, de plus 
l’espace occupy par les colonnettes pour soutenirla toiture, le 
periin&tre du lavoir devrait etre de 21 metres pour dix-huit 
laveuses. II existerait enquire 2 metres 50 cenlimfetres de pro- 
menoir autour du bassin. En calculant la profondeur d’eau a 
0 inbtre 65 centimetres, celle du bassin a 0 metre 80 centimetres, 
sa longueur a 7 metres 50 centimetres, sa largeur 5 3 metres, 
on aura pour cube 146 hectolitres 25 litres, et en comptant 
sur un renouvellement journalier, une consommation quoti- 
dieune de 292 hectolitres 50 litres. 

On comprend facilement l’heureux usage qu’on peut faire de 
fontaines jaillissantes pendant les fortes chaleurs de l’6t6 pour 
rafratchir l’atmosphere et calmer, par l’aspect d’une douce ver¬ 
dure , la seusibilite surexcitee des abends. Chaque preau doit 
avoir sa fontaine qu’on ferme pendant les jours humidcs ou 
pluvieux. Celles-ci, au nombre de quinze, consommeraient 
chacune 10 hectolitres : ce qui Gtablirait un total de 150 hec¬ 
tolitres. 

En rdcapitulant les quantity d’eau mentionnees ci-dessus, 
on a done : 


Cuisine. 30 heetol. 

Bains. ..180 

Infirmeries.. 7 20 lit. 

Lavoir. 292 50 

Fontaines jaillissantes. . . . 150 » 


Total. 659 h. 70 lit. 


Maintenant, on ne contestera pas que l’horticulture doive 
constituer une des bases de la therapeutique des maladies ner- 
veuses, d’autanl plus qu’elie offre le precieux avantage d’exereer 
ANNiVL. mkd.-psvch. t. vi. Septembre 1845. 9. 19 










286 NOTE SUR LA QUANT. D’EAU NftC. A UN ASILE D’ALlfiNES. 
Ie corps et 1’intelligence des abends en restreignant l’espace 
occupd par eux, en les rapprochant les uns des autres, en faci- 
litant ieur surveillance, et en procurant k I’adminislration la 
possibilile de fournir aux insenses des legumes frais qui leur 
sont salutaires, a certaines dpoques de l’annde ou ieur chertd 
les rend inaccessibles. Sous ces differents rapports, nous avons 
indiqud le chiffre de 4 hectares de terrain , comme indispen¬ 
sable a un asile. Or, en consultant 1’interessante notice publide 
dans Ie journal de i’Yonne, a la date du 13 fdvrier 1845, par 
M. Mondot de la Gonce, ingdnieur en chef des ponts et chau- 
sees, on voit que dans les environs de Paris, un hectare de 
jardin potager consomme de 4 h 6 modules; en prenant pour 
terme moyen de noire consommation Ie minimum de modules, 
et en supposant qu’un architecte habile puisse manager, par 
un systbmedecoujemeut heureusement combine, toutesleseaux 
qui out servi aux usages domestiques de l’asile precedemment 
signales, il faudrail'done 1,600 hectolitres d’eau pour 4 hec¬ 
tares de terrain, 4 raison de 10,000 litres par module. Mais 
comme on pourrait reduire les jardins potagers ii 2 hectares, 
cequi suffirait aux besoins de la maison , on culliverail dans les 
deux autres du chanvre, du liu et divers produits propres k 
aliinenter les ateliers et a creer aux malades de nouveaux moyens 
de travail qu’on ne saurait trop varier. 

Nous n’avons point mentionn<5 dans nos calculs de quantite 
d’eau pour lotion des salles on des dortoirs, altendu que leur 
sol rougi est frolle et cire chaque jour. On dvite ainsi l’humi- 
dild et l’on entrelient une extreme proprele qui doitetre le luxe 
d’un dtablissement sanitaire. 


H. GIRARD. 



REVUE FRANCAISE ET ETRANGERE. 


JOURNAUX FRANCIS K 


REVCE DES JOURNAUX DE MEDECINE. 

TRAITEMENT IXDIEN DU TfiTANOS, par ie D r SAULNIER 
DE PlERRELEVEE. 

Les Indiens recohnaissent deux espEces de tEtanos qui corres¬ 
pondent assez bien avec celles que nous nommons titanOs spon- 
tani et tetanos traumalique. Les medicaments qu'ils emploient 
contre cette maladie sonl la verge de crocodile, sEchEe et rEduite 
en poudre, substance qui comient une grande quantity de muse, et 
la palgla, espece do jalap qui croit dans les foists de ces contrEes. 

Quand un Indien est attaquE de lEtEnos sponlanE, on Intend sur 
des peaux et on lui essuie le corps; on fustige alors le malade avec 
des orties ou toute autre plante pouvant produirc une vive irrita-r 
lion sur la peau. Puis on le friclionne avec un liniment composE 
d'huile demotacu, obtenue par expression de l’qmtjnde du pal¬ 
mier de ce nom . et de poudre de verge de crocodile, dans les pro¬ 
portions de U grammes de poudre sur 32 gr. d’huile environ. On 
recouvre le malade de peaux et on clierche & le faire suer; on lui 
donne it prendre , mEIEs ensemble dans un peu d'eau , 2 gr. de 
patata en poudre et h gr. de poudre de verge de crocodile. On 
renouvelle cette dose toutes les heures environ. Quand des sueurs 
considerables se joignent it de nombreuses Evacuations alvines, 
on supprime le jalap et on continue la poudre de verge de croco¬ 
dile. IJ est rarp, ajoute M. Saulnier, que le malade ne soil pas 
guEri dans les d8 heures. 

Dans le tetanos traumatique, les Indiens suiyent la mEmemE. 
thode, si ce n’esl qu’ils la font prEcEder par la caulErisation de la 
plaie avec up caillou incandescent. 11s recouyrpnt l’escarre avec un 
cataplasme fait a vecle baume de copahu et la poudre de verge de 
crocodile; puis pansent la plaie avec du coton brut cliargE de baume 
de copahu. Si la maladie est trailEe au debut, la guErison se fait ra- 
pidement, quoique moins facilement que pour le tElanos sponlanE. 


(1) M. Moreau n'ayant pu nous donner it temps son analyse des jour- 
naux judiciaires, nous 1’avons renvoyee au prochain numEro. 





288 REVUE FRANgAISE ET ETRANGfeRE 

On comprend de qnelle importance serait cette communication 
de M. Saulnier, si les rdsullals qu’il annonce dtaient confirmds. Le 
tetanos est une maladie assez frdquente et elle est trop souvent mor- 
telle dans nos conirees pour qu’on ne saisisse pas toutes les occa¬ 
sions d'obtenir, sinon des succfes constants , au moinsdc plus frd- 
quentes gudrisons. (Gazette des hopilaux , 22 mai 1845.) 

leqons sur les maladies de l'enci'phale faites par 

M. BODILLAUD A L’HdPITAL DE LA CHARITE. 

M. Bouillaud, devant faire rentrer ses dludes sur les maladies de 
l’encdphale dans son grand ouvrage de pathologie medicale qui pa- 
raitra prochainement, nous croyons devoir nous dispenser de pre¬ 
senter de ces leqons une analyse qui ne pourrait donner aux lec¬ 
terns qu’une idde imparfaite des travaux de ce professeur sur cette 
partie importanle de la mddecine. 

liniment antinevralgiqde , du professeur Jdng , de Bale. 

M. Jung emploie avec un grand succds, dans les cas de ndvralgie 


et d’irritation spinale, le liniment suivant: 

Pr. Extrait de belladonc. 4 gr. 

Acdtate de morphine. 30 cent. 

Liniment savonneux camphrd. . . . 60 gr. 


M. et F. S. A. Une mixture parfaitement homogfene. 

On s’en sert en frictions sur la partie malade plusieurs fois par 
jour. (Gazette des hopilaux, 17 juin 1845. 

NOUVEAUX MODES DE TRAITEMENT DE L’dPILEPSIE, 

par M. Anglade , de Rodez. 

Les cas de gudrison d’dpilepsie bien caractdrisde son 1 trop rares 
et les moyens employes par M. Anglade trop exceplionnels, pour 
que nous ne reproduisions pas en ddtails les trois observations qu’il 
rapporte, tout en regrettant que ce praticien ne se soit pas plus 
explicitement explique sur les circonstances qui lui paraissent indi- 
quer l’emploi des moyens curatifs qui lui onl si bien rdussi. 

I. La filleD..., d’un tempdrament bilioso-sanguin, Agee de 22 
aiis, dtait atteinte d’dpilepsie avec accds rapprochds depuis plus de 
six ans, contre laquelle plusieurs mddecins avaient dirigd tous les 
traiteinents employes en pareil cas; M. Anglade, appeld a voir la 
iille D..., crut, aprds un interrogatoire prolongd , devoir rapporler 
la maladie aux douleurs aigues que lui faisaient dprouver ses dents 





JOIRlNAUX FRAlNCAIS. 


289 


carides, au nombre de huit, d’auiaiit plus qu’une faible percussion 
sm- une de ces dents determina instanlandment un accfes. II pro- 
ceda a leur dvulsion, et depuis le rnois ddcembre 1837 la maladie 
n’a plus reparu. 

II. La fille Nadal, Sgde de 18 ans, d’un temperament sanguin- 
nerveux, en proie a des accfes d’dpilepsie depuis plus de dix ans, 
rdclaraa les soins de M. Anglade, en 1838, aprfes avoir exdculd les 
prescriptions de dix A douze mddecins. Sur 1’aveu de la malade, de 
l’endurcissement violent du cuir chevelu aprfes les accfes, ce pra- 
licien fit aussitot sur cet organe deux incisions profondes, qni don- 
nferent deux litres de sang. Les incisions fnrcnt pansees pendant 
quinze jours avec des mfeches enduites d’un digestif, et depuis le 
jour de l’opdration . 4 mars 1838, la malade n’a pas cessd de se 
bien porter. 

III. Fabrc , mardchal-ferrant, 3gd de trente-six k quarante ans, 
d’un temperament bilioso-sanguin, atleint d’dpilepsie depuis trois 
ans, aprfes bien des trailemcnts inutiles, vint consulter M. An- 
glade , en ddcembre 1838. Ge pralicien propysa le mfeme traite- 
inent que dans le cas precedent; ce qui fut accepte. II pratiqua 
uue large et profonde incision qui fut suivie d’une hemorrhagie 
trfes abondante. La plaie fut pansee avec des mfeches induites d’un 
digestif simple , et depuis cette fepoque , les accfes n’ont pas re¬ 
paru. 

M. Angladedit avoir obtenu egalement des gudrisons nombreuses 
au moyen de l’application du causiique de Vienne sur la tfete. 

Certes, on sait depuis longteraps que des revulsions fortes et 
instanlanfees ont parfois guferi quelques epileptiques; mais il fau- 
drail des succfes bien averds et nombrenx pour Idgitimer des moyens 
aussi violents que ceux que propose le mddecin de Ilodez. 

(Gazette medicate de Montpellier, fdvrier 1845.) 

APOPLEXIE NERVEDSE. 

Les auteurs sold divisds sur la question de savoir s’il existe ou 
non une affection que l’ou puisse appeler apoplexie nerocuse. 
D’abord, esl-il un exemple bien avdre de malade qui ait prdsentd 
pendant la vie tous les symptOmes d'une veritable apoplexie, et 
chez Iequel on n’ait rencontrd dans l’encdpliale aucune idsion 
apprdciable. II faut avoucr que si ces fails existent, ils sont rares, 
et celui qne rapporte M. Gintrac(de Bordeaux), etdont nousallons 
donner une analyse succinete, sera toujours citd commc un des 
plus remarquables. 



290 REVUE FKANQAISE ET £TRANGfeRE. 

M. B..., architecte, iigd dequararste-six ans, petit, robuste, trds 
actif, intelligent, dtait nd d’un pdre n'tteint d’alienalion mentale. 
Depuis deux ans , il dtait sujet a des maux de Idle qui se dissipaient 
en plein air, mais augmentaient dans un lieu fermd et ciiaud. Puis il 
devint trisle, silencieuxj's’exprima plus diflkilement; en parlant 
ou en dcrivant, il omeitait des syllabes, des mots, et mdme des 
membresde phrase : il devint inquiet, parcimonieux, irascible. Tel 
dtait 1’dlat de M. B... au commencement de 1833. Un traitement 
rdvulsif actif fut employd, mais sans succds. En ddcembre de la 
mdme annde, le malade fut pris de mouvements spasmodiques et 
de perte subite de connaissance. Une forte saignde, des vdsicatoires, 
des sinapismes, furent employds , mais toujours sans produire 
d’amdlioration ; les p'aupidres dtaient fermdes , il y avait une Idgdre 
ddviation dans la commissure des ldvres, insensibilitd absoiue 
perte complete de la parole, immobilitd des membres qui ofTraient 
un pen de raideur, les pupilles dtaient resserrdes, il avait en des 
dvacutions involontaires. 

Le lendemain , le malade ouvrit un peu les yeux, mais ne dit 
rien. Le troisidme jour, il y eut quelques mouvements automati- 
ques des membres superieurs ; les jonrs suivants , les symptflmes 
s’aggravferenl graduellement et le malade mourut le sixidme jour. 

1/autopsie fut faite avec le phis grand soin , et ndanmoins on ne 
ddcouvritdans l’encdpbale, non plus que dans les autres organes , 
que quelques ldsions sans importance aucune , et auxquelles il ctait 
impossible d’atlribuer les symplbmes observds pendant la vie et la 
terminaison funeste de la maladic. 

Tci les symptftmes n’ont laissd aucun doute dans l’esprit du md- 
decin ; il pensail trouver h I’autopsie un dpancliement sanguin dans 
le cerveau. Aussi, a-t-il cru devoir donner d cctte maladie le nom 
d 'apoplexie nerveuse. 

(Journal de medecine de Bordeaux.) 

TCBERCULE DfiVELOPPd DANS LA PROTUBERANCE ANNULAIRE. 

(Observation publide par M. D r Mahot.) 

Bien diffdrente de l’observation de M. Frestel, que nous avons 
rapportde dans le dernier numdro des Annales, et dans laquelle les 
symptbmes notds pendant la vie ne- parent mettre sur la voie des 
desordres constatds sur le cadavre, celle dont nous donnons ici 
l’analyse a prdsentd des phdnorafenes morbides qui concorddrent 
parfaitement avec les ldsions trouvdes a l’autopsie. 

Durand, Sgd de vingt-deux ans, d’une constitution ddlicate, 
est prjs, dans la nuit du 8 au 9 janvier 1844, de contracture du 



IOURNAUX FRANQAISi 291 

bras et de la jambe gaucbes, avec perte de connaissance, ecume h 
la bonche et bruit de riilement. Revenu i Iui, il eprouve-au boiit 
de quelques heures le retour des mfiraes accidents avec Emission 
involontaire d’urine. Les jours suivants, faiblesse extreme dansle 
bras et la jambe gauches ; du 20 janvier a la fin de Kvrier, douleur 
forte et sans remission dans le pied et le bras gauches, ainsi que 
dans la region temporale droite. (Bains et quelques dCrivatifs.) 

Le 6 mars, cCpbalalgie assez intense, qui n’est point calmCe par 
une saisnCe dont le sang est riche et un peu couenneux. 

Du 13 au 20, eruption de rougeole; le malade reste dans le 
mfime etat avec lCgfcre paralysie de la face du cdte gauche, du 
bras et de la jambe, mais sans alteration de la sensibilite ni des 
facultes intellectuelles; pouls de 50 b 55 ; dix sangsues derri£re les 
oreilles. 

Le 23, strabisme; sCton k la nuque, 

Le 2 U,h minuit, perte complete de connaissance, respiration 
stertoreuse, puis mouvements convulsifs pendant un quart d’heure. 

Le 26, le malade ne peut tourner l’ceil droit en dehors. 

Vers le 1" avril* leghre amelioration dans les symptOmes, qui, 
au bout de bnit jours, reprennent leur premiere intensite. cephal- 
algie plus forte, affaissement, immobilite, yue trouble, diplopie, 
facultes intellectuelles intactes. (Nouveau vesicatoire.) 

Le 19 , convulsions pendant quelques minutes, puis malgre line 
saignCe et des applications de sangsues, calme profond qui se ter- 
mine apr£s quinze heures par la mort. 

Les lesions trouvees A l’autopsie sont les suivantes : glandes de 
Pacchioni fort nombreuses et assez developpees; ventricules latd- 
rauxpleinsdeserositeun peu trouble etpresentant leur face interne 
ramollie, maceree. Dans le venlricule droit, petit kyste gros comme 
un noyau de cerise, renfermant une mature comme tuberculeuse, 
et au centre une petite concretion cretacee. Vollte k trois piliers 
ramollie; protuberance prCsentant une forme un peu irregulifere , 
due k une saillie trfes sensible sur la moitie droite de sa face infC- 
rieure; sur ce point, coloration plus grise et sensation au toucher 
d’un noyau dur que l’incision montre constitue par un tubercule 
du volume d’une grosse noisette, a tissu dense et d’on gris cendre , 
bien circonscrit et sans aucune trace de ramollissement; tubercnles 
dans les poumons. Comme on le voit, les lesions trouvees sur le ca- 
davre , expliquent parfaitettient lous les symptOmes accuses pen¬ 
dant la vie , ei S ce point de vue , cette observation offre un grand 
interet. (Journal de midecine de la Loire-Inferieure .) 



292 


REVUE FRANC,AISE EX ETRANGfcRE. 


OBSERVATION DE MAMIE FURIEOSE, GUfiRIE PAR L’EXPULSION DE 

trois vers lombrics, par M. Rolland, medecin au Bas-Gre- 

nier (Tarn-et-Garonne.) 

Le nomme Dussaud, brassier, de trente-huit ans, d’un tem¬ 
perament trfes impressionnable, jouissant habituellement d’une 
bonne sante , n’ayant jamais feprouve le plus Ifeger trouble dansles 
idfees, ful oblige de faire pour son maitre plusieurs courses it pied. 
Le 25 janvier 1830 , en rentrant chez lui trfes fatigue , il eprouva 
un sentiment d’inquietude et d’agitation qui ne lui etait point ordi¬ 
naire , et 5 laquelle succfedferent bientdt le malaise et la confusion 
dans les idees. Dussaud parlait, ecrivait beaucoup, mais la plus 
grande incoherence s’observait dans ses propos. 

M. Rolland, appeie pour visiter le malade, fut tout d’abord frappe 
de la profonde alteration de sa physionomie. Dussaud, qui habi¬ 
tuellement est trfes pSle, etait dans ce moment forlement colore et 
avait les yeux trfes iujectes; il se jeta sur le medecin, quand il 
s’approclia de lui, le prit au collet et ne le lfecha que quand il lui 
eutpromis de faire ce qu’il demandait, 5 savoir d’aller chercher le 
medecin (le malade ne le connaissait pas). Peu de temps aprfes, il 
rentra dans la chambre et fut accueilli plus favorablement. Comme 
le malade faisait toujours des menaces, on le fit attacher sans le 
violenter. Une large saignee du bras ne diminua nullement la 
surexcitation cerebrale; immediatement aprfes la saignee, Dussaud 
fut mis dans un bain tempere, pendant lequel il eut sur le front 
des compresses' trempees dans l'eau trfes froide. 

Ces nioyens reslferent encore sans rfesultat; l’accfes durait depuis 
prfes de quatre heures avec la mfeme violence. Une potion anlispas- 
modique avec Tether sulfurique it assez haute dose amena dfes la 
premiferc cuilleree quelques efforts de vomissements, h la suite des- 
quels le malade rejeta des mucosites avec un lombric trfes long et 
vivant. Dussaud parut alors trfes tranquille; uneseconde cuilleree 
de la potion determina presque immediatement la sortie d'un second 
lombric. Le calme fut it peu prfes complet; la potion continuee pro- 
cura Texpulsion d’un troisifeme vers et la cessation de tous les 
sympt&mes, qui n’ont point reparu depuis cette fepoque. Le malade 
conserve encore le souvenir de cette journfee, mais il a oublie le 
mauvais accueil qu’il fit au medecin. 

Nous dirons avec M. Gaussail, rfedacteur du journal, oft cette 
observation a ete publifee, que M. Rolland semble avoir raison 
d’attribuer cette manie furieuse a la presence des vers dans l’esto- 



SOCIETES SAVANTES. 


293 


mac, mais qu’il a tort de regarder comnie trfes fares les cas de cette 
nature qui sont en certain nombre dans Esqnirol et d’autres au¬ 
teurs. (Journal de medicine de Toulouse, mai 1845.). 

L. Lunier. 


SOCIETES SAVANTES. 


Academie des Sciences de Paris. 

Stance du 16 juin 1845. 

INFLUENCE NEGATIVE DU FLDIDE CEPHALO-RACHIDIEN 
SDR LA LOCOMOTION. 

M. Longet adresse sur ce sujet 4 l’Acaddmie une note que 
nous reproduisons au commencement de ce numdro. 

Academie royale de ITIedecine. 

Stance du 24 juin 1845. 

fiCLAMPSIE PUERP^RALE. 

M. Hullin, medecin 5 Mortagne, lit une observation d’dciampsie 
puerpdrale gudrie en trois jours par des bains rdildrds etdes affu¬ 
sions froides sur la tdte et dmet quelques considerations sur l’in- 
dication de terminer 1’accouchement dans cette circonstance. Dans 
le cas qu’il rapporte, 1’accouchement ne mit pas un terme a 
l’eclampsie, mais il en moddra cOnsiddrablement les symptdmes. 

Ce travail est renvoyd 4 l’examen d’une commission. 

Societe medico-pratique de Paris. 

Sdance du 25 mars 1845. 

ECLAMPSIE PUERPDRALE. 

M. Guide communique 4 la Socidtd l’observation d’une jeune 
dame qui, pendant sa premidre couclie, ful prise d'accidents 
d’dclampsie trds redoutablcs. Ces accidents ont forlement compromis 
ses jours, et ont amend la mort de son enfant. Les convulsions 
furent telles, qu’ellene s’aperqut pas de son accouchement, et ce 



294 REVUE frANqaise ET RTRANGRRE. 

n’est que quatre jours plus tard, que passant sa main sur l’abdo- 
mdn, elle vlt qti’il dtait affaissd. Elle se rdtabiit. Au bout de cinq 
mois, elle devintde nouveaU enceinte, mats elle avorta. Une troi- 
sitme grosSesse arfiva , qui parcourut heureusement ses pdriodes. 
Ndanmoins, craignant le retour de la maladie convulsive, M. Gaide, 
dans l’inlention d’en diminuer les causes auiant que possible, pra- 
tiqua deux saignees preventives , l’une it cinq mois, l’aulre a sept. 
Mais dans Ie couraiit du htiititmd mois, cette femme resscmit quel- 
ques symptOmcs qn’elle avait prdsentes la premiere fofs : douleurs 
cdphalalgiques, dyspndes, gonflement des poignets, des arlicula- 
tions des jambes , raideur dans les mouvemenls, gonflement oedd- 
mateuxde la face. tluit jours avantl’accouchement, la rdphalalgie 
redoubla, et la malade dprouva quelques hausdes; le lendemain 
matin, les accidents persistant avec opiniatretd, deux nouvelles 
saigndes fiirent pratiqudes, mais sans produire aucUn soUlagement. 
Malgrd toules ces precautions, l’dclampsie h’en survint pas moins. 
Les purgalifs furent alors adrainjstrds ; trois attaqnes arrivferent 
successivementj suivies de quelques heures de reposj Alors une 
nouvelle attaque survenaut, et les enveloppes fceiales olfrant une 
assez large surface, on perqa la poche des eaux. L’utdrus ne se 
conlractant plus avec autant d’energie, la convulsion cessa ; mais 
comme le travail marchait leutemeiit. on appliqua le forceps, qui 
amena un enfant mort.Vingt minutesaprds, laddlivraneeplacentaire 
donna lieu a une autrd Convulsion. Eillill, dp its quarante-quatre 
heures de repo8, il survint une nouvelle erise, qui fut dpouvan- 
table, el fut suivie de deux autres moins intenses. II faut noler que 
pendant la durde de l’accouchement, la peau avait acquis une sensi- 
bilitd excessive qui s’exaspdrait au moindre contact. Quoique cette 
damen’eflt pas de convulsion, ni perte de connaissance au moment 
de la ddlivrance , elle ne s’aperqut pas qn’on se servait du forceps 
pour l’accoucher. 


Stance du 28 avril 1845. 

DD SUICIDE. 

Dans la stance prdeedente, M. Bourdin avait lu sur ce sujet un 
travail dans lequel il dtablissait que ie suicide diant toujours le fait 
d’une alidnation mentale, n’est point un acte libre ni coupable; 

Cette doctrine, ddfendue par M. Belhdmme, a dtd fortement 
combaltue par M. Cerise , qui la regarde comme contraire 4 l’ob- 
strvation Clinique, & la psychologic , A la morale et au sens com- 
muh gdndral. Il admet parfaitement avecM. Bourdin qu’il existe 




295 


SOCIETIES SAVANTE9. 
des fails de suicide hdreditaire, des cas de suicide chez les aiidnes, 
mais il ne croit point qti’ii fdiile eh coriciiife que le suicide est tou- 
jours un acte de folie. II n’est point rare de rencontrer des fails 
dans lesquels c’est un acte parfaitemcnt libre, et pour trouver que 
ces cas sont les consequences d’une alienation, il faudrait regarder 
comrne symptdmes precurseurs les troubles qui agissent le fiitur 
suicide et cOmme paroxysme 1’acte lui-meme, 

Societe uirdicale (l'vnmlation. 

DOUCHOIK. 

M. Blalin fait connaitre a la Society un appareil lrds simple qu’il 
nomme douchoir, et qui permeltrait de faire tomber une douche 
sur la tdte sans mouiller le malade , en lui permellant de garder la 
position iiorizontale. Get appareil consiste en un reservoir donf le 
diamfetre pent varier A l’infini, et dont le fond est forme par un 
diapliragrae de taffetas cird on en baudruche: sur les cOtes et 5 la 
partie inferieure du reservoir, sont pratiqiides deux ouvertures 
d’ecoulement, auxquelles s’ajustent des tuyaux ilexibles. 

La colonne d’eau en frappant sur le fond mince et impermeable, 
produit Ic inemc dbranlement et les mfimcs modifications de tem¬ 
perature que si cede etoffe qui repose sur la idie he lui etait point 
interposee, et le liquidedontlerejaillissementest empeche par l’eid- 
vation des bords du reservoir, est immediatement rejetd au dehors 
par les tuyaux de ddebarge. La douche ou I’alTusion peuvent ainsi 
se prolonger inddfiniment au moyen il’nn siphon qui piohge dans 
un vase i la hauteur qu’on desire et a l’aide du doueboirqui fonc- 
tionne sans exiger la moindre surveillance. 

Comme il est facile de le voir, cet appareil, qne M. Blatin cOii- 
seille pour doucher une partie queiconque du corps, a rinconvd- 
nient de ne point permettre le contact immddiat du liquide aver, 
cede partie, et ne peut d’aillcurs dtre employe que pour les dou¬ 
ches en masse et nullement pour les douches en arrOsOir. 



BIBLIOGMPHIE, 


TRAITE 

PRATIQUE, DOGMATIQUE ET CRITIQUE 

DE L’HYPOCHONDRIE, 

par 1c 9' IIIIHKA. 


Qu’est-ce que c’est que l’hypochondrle? Ordinairemenl, dans 
une science bicn faite, les noms des choses portent avec eux la si¬ 
gnification de la chose elle-mdme. 11 n’en cst pas gdndralement 
ainsi pour la mddecine; et le nom d'hypochondrie qu’on a donnd a 
la maladie qui va nous occuper, est une preuve bien complete du 
ddsaccord qui existe entre la definition que doit contenir un nom , 
et la chose que ce nom est destinde a faire connaitre. De IS vient 
peut-dire l’erreur dans laquelle on a persistd si longtemps relali- 
vement a I’liypochondrie. Auxyeux des mddecins, c'dtaittoujours un 
dtat intestinal qui, par une sorte de relation avec les facultds inlel- 
leeluelles conduisait a la tristesse, 4 la morositd et au ddsespoir. 
Si, 4 l’dpoque ou les recherches tendaient 4 donner 4 1’hypochondrie 
une cause toute diffdrente, un homme se fill avisd de changer 1c 
mot, i! est probable qu’on fQl arrive plus vile 4 la verild. Dans 
loutes les questions de progres, il est rare que ce qui arrdte l’esprit 
humain dans sa marche soil un de ces grands obsiacles qui cddent 
settlement 4 la laborieuse activitd de plusieurs gdndrations. II suffil 
le plus seuvcnt d'un mot que l’habitude s’obstine 4 conserver , 
pour reculer inddfiniinent le jour ou doit luire la lumierc. Cepcn- 
dant quelquefois, le contraire a lieu. L’idde vraie est trouvde, 
adoptde, malgrd la persistance du mot destind a consacrer l’idde 
faussc. C’est ainsi qu’on nomine loujours hypochondrie, une ma¬ 
ladie qu’on sail avoir son sidge ou pour mieux dire son point de 
ddpart dans le cerveau. L’dpoque n’est pas dloignee sans doule, ou 
on se ddterminera 4 mettre plus d’harmonie entre I’affection et le 
nom qui sert4 la ddsigner dans noire laugage scientifique. 

Quoi qu’il en soit, il n’dtait pas trfes facile de parvenir 4 cctte vd- 
ritd, a savoir: que I’liypochondrie a son point de ddpart dans Ie 
cerveau. Cette maladie serl si souvent d’escorte a taut d’autres. 




BIBLIOGRAPHIC. 


297 


parait 6ire, dans tant de circonstances, la consequence d’all'eciions 
de caractfere lrfes different, que beaucoup de medecins out dfi la 
prendre pendant longtemps plntdt pour une complication que pour 
une maladie exislant par elle-mfeme. II a fallu du temps pour par- 
venir k isolerl’liypochondrie proprement dite, des troubles fonction- 
nels des voies digestives, des affections des organcs de la respiration 
ou de la circulation , de l’anemie qui resulte d’un vice dans la san¬ 
guification , ou d’un vice particular des fonctions nerveuses , et 
enfin de cet <5tat de prostration qui est la triste consequence de ces 
pertes seminales dont on n’a gufere apprecie les effets desaslreux 
sur l’economie que depuis quelques annees. La plupart des ecri- 
vains qui se sont occupes de fixer les caractferes de l’hypoehon- 
drie, ont reussi plus ou moins a isoler cette maladie des affections 
qu’elle determine ou qu’elle complique. Nous sommes heureux de 
pouvoir dire que, sous ce rapport, M. Michea peut compter au 
nombre de ceux qui ont rempli cette tacbe difficile avec le plus 
de succes. C’etait lk certainement qu’il fallait tendre; c’etait le but 
esseutiel qu’il convenait de se proposer dans un travail dogmatique, 
c’est-a-dire dans une etude ou la iogique est invoquee d’un bout a 
l’autre, et ou, tout endecrivant et en racontant, on ne neglige pas 
aussi de discuter et de raisonner. M. Michea a suivi, ce nous senible 
avec ordre et neltete le chemin qu’il s'dtalt trace d’avance, el il est 
parvenu, afnotre avis du moins, k faire parler un langage significalif 
k ces 81 histoires d’bypochondrie dont il deroule les accidents va¬ 
ries dans la premifere partie de son livre. Il nous a paru, en effel, 
qu’il avail isoie avec assez de neltete les caractferes permanents de 
l’hypochondrie de ceux qui ne la constituent pas essentiellemenl; 
il a surtout, et ccci est trfes important, fait la difference entre Phy- 
pochondrie idiopathique et la sympathique , ou en d’autres termes 
entre celle qui ticnl k 1'etat des fonctions cerebrates et celle qui est 
une des suites ordinaires des lesions plus ou moins profondes des 
principaux organes de Iteconomie. C’etait trfes utile au point de vue 
de la science comme sous celui de Ja pratique. Si la premifere ne 
s’alimente que de distinctions, la seconde y trouve aussi le secret 
de tous ses succes. 

Voici d’ailieurs, d’aprfes M. Michea, quia compose son tableau 
avec les elements qui lui ont etc founds par ses devanciers, quels 
sont les caractferes essentiels de cette nfevrose de 1’intelligence qui 
se nomme l’hypochondrie. C est une predisposition particulifere qui 
ramfene constamment les individus k s’occuper de leur sante, k 
chercher a lire au fond d’eux-mfemes ce qui s’y passe pendant les 
operations de la vie materielle. 11 est rare qu’en s’occupant de soi 




298 BIBLIOGRAPHIC. 

de manidre & »e s’en ddpartir sous l’influence d'aucune idde , on ne 
parvienneiisecrder des hypotheses,4 se donner des sensations qu’on 
n’dprouve pas, et a se croire rdellement ce qu’on redoule d’etre. 
Alors, delate cette crainte de la mort qui est toujours prdsente & 
I’esprit et ne laisse au corps ni repos ni trfeve. A cette pdriode. la ma- 
ladie revdl des caraclferes d’une grande gravitd. Ce n’est pas seule- 
rnent le systdme nerveux qui est malade; des alterations s’dlablis- 
sent et s’aggravent dejour en jour dans ies organes jusqu’a ce que 
la inort s ensuive, si aucune diversion n’arrache le malheureux 
hypochoudriaque au sort qui l’attend. Ainsi done cette affection est, 
suivant les expressions de l’auleur lui-mdine, « une des nombreuses 
espfeces de la monomanie irisle on de la lypdmanie, qui consiste dans 
une mdditation exagdrde sur son moi physique, sur l’dtal de son 
corps, sur sa propre santd, en d’autres termes dans la terreur 
extrdme d’dtre affecld de maladies qu’on juge dangereuses, incura¬ 
bles, susceptibles de conduire au tombeau. » Sans doute, tout 
Geia rend assez bien l’opinlon de M. Michda et celle qu'on doit 
avoir sur i’hypochondrie proprement dite; mais it ce sujet nous 
nous permettrons une observation. Ilien de mieux que de se servir 
du langage phiiosophique pour exprimer le rdle de la pensde, la 
direction de I’esprit pendant la sante comme pendant la maladie. 
C’est meme un exemple que les medecins devraient imiter, en 
commenqant d’abord par accepter la philosophic qu’un trop grand 
uombre s’efforce encore de separer, d’eloigner meme tie la mtfde- 
cine. Toulefois, il ne faut pas oublier une chose trfes importante, 
celle qui consiste a se servir de ce langage avec juslesse , e’est-d- 
dire & ne pas en fau^ser l’application pour exprimer d’une cerlaine 
manidre ce qu’on vent faire com prendre. Qu’est-ceen effetque le moi 
physique? Nous n’avons jamais vu ni lu nulle part que rhopime 
eftt deux moi; l’uu, lemoi physique, qui dludiit a volonte le moi 
moral ;l’autre,le moi moral qui se iivraiason lour a des investigations 
sur lemoi physique. II n’y a qu’un moi dans 1’homme, car l’homme 
est une unild; et s’il y a deux dldinents dans le corps, l’dldment 
spirituel ou actif, et l’eldment organique, celui-ci est subordound 
ii celui-la comme un infdrieur est sous l’aclion du superieur qui 
rtgne et commahde. M. Michda n’ignorait pas certainement le fait 
qui a motivd noire courte observation. Ce n’est, il est vrai, qu’nne 
ldgere macule sur laquelle le lecteur passe facilement; mais l’au- 
teur a dcrit son livre avec trop de soin pour qu’il ne songe pas 
ii effacer cette tache, s’il publie une autre ddilion. 

Une chose que nous avons.vue avec piaisir et qui nous a surtout 
prouvd que M. Michda n’dtait pas dtranger aux prdeeptes de la 



BIBLIOGRAPHIC. 299 

bonne philosophic, c’est qu’il n’a pas imitd ces mddecins qui ne 
voientei n’admeitent rien sans la condition esseniielle d’une lesion 
appreciable. Ceux-14, par exemple , se garderaient bien d’admeltre 
le mot moral; ils ne veulent qn’un moi, s’ils se permettent d’en 
vouloir un, c’esl le moi physique. 11s ne veulent voir qu’un in¬ 
strument dans le corps humain, et un instrument si bien organise 
qu’il fonctionne de lui-mdrne, sans une qctiyitd superieure qui 
agisse sur lui. M. Michda n’a pas suiyi aveugldipent le sep|ier proT- 
fond ou sont engages les partisans quand mime de la lesion ma- 
tdrielle. 11 a prefere reconnaitre, un peu trop timidement peut- 
fitre, qu’il y a des effets sans cause visible dans la texture des 
orgqnes, et qu’il y a des causes qui ne tiennent pas assez dtroife- 
ment a.la maliere organique pour que celle-ci porte des le com¬ 
mencement !a trace de leur action. 

Bien que 1’education nr’dicale fasse des progrfcs, les bons exem¬ 
pts sont si fares que la critique doit tenjr complo a M, Michda de 
celui qu’il a su donner. La partie qui est consacree 4 la thdrapeu- 
lique devait laisser beaucottp 4 ddsipef; car que|que bien qu’on 
traite un sujet pathologique sous le point de Vue dogmalique, i’ex- 
pd.ience a pu ne pas fournir les elements ndcessaircs pour ce qui 
copcerne t’ensemble et }es derails du traitemenl, II n'y a d’ailleurs 
qu’une indication generate pdur la thdrapeutique de l’hypochon- 
drie. celle qui consiste 4 deplacer l’idde absorbante, 4 la ddraeiner 
de l’inlelligence, a la dissoudre par une autre ou par d’autres qu’on 
fait naitre au moyen des distractiohs, des voyages , en creant un 
intdret, et mdme en developpant une passion. II y a sans doute des 
medicaments 4 donner pour empecher des complications cdrdbrales 
ou pour mettre un lerme aux ddsordres organiqucs qui se produisent 
sous l’impulsion de 1’hypochondrie. Mat's c’est a peu prfes a 1’aciion 
morale que la therapeutique se rednit. Donnons cepandant toute sa 
valeur 4 l’dnergie de ce mode d’influence. Avec un Ievier cornme 
celui-I4on peut parvenir a des resullals prodigieux; on peul sauver 
un ipalade qui a ddja un pied dans la tombe. Tout depend de i’ha- 
biletd du mddecin. Ici, entendons-nous; il ne s’agit pas de eg talent 
qui consiste 4 grouper magistralement les elements si nombreitx 
ue la thdrapeutique maldrielle, 4 bien faire joueri’aptijlerie grande 
et petite de cet arsenal: il est question de cette science si difficile gt 
si rare qui tient auzdle, au tact, 4 la superiority d’esprjt, et au 
savoir nourri et valid de l’horame dont ip mission est un peu moins 
circonscrite qu'on ae le croit yulgairement. La thdrapeutique de 
i’hypochondrie n'oilre done pour ainsi dire qu’un seui prdcepte 
fondamenta), Ea sacliant 1’interprdter avgc justesse, et j’appliquer 



300 


B1BLIOGRAPHIE. 


avec habiletd, on peut se promettre d’obtenir les rdsultats les plus 
compleis. 

L’ouvrage de M. Michda est dcrit avec soin, ce qui est une qua¬ 
lity assez rare parrni les ouvrages de mddecine. On croit encore que 
le fond supplde 4 la forme, et que la forme n’est faile quo pour ceux 
qui sont obliges de cacher l’insullisance du fond. C’est une erreur 
assez sihgulidre, On n’exprime heureusement que ce qu’on sail 
bieu. L’homme qui possfede une idde non seulement dans sa signi¬ 
fication propre, mais encore dans ses tenants et aboutissants pour 
nous serv'ir d’une tournure vulgaire , celui-14 en connait loute la 
portae ; et on peut le croire, car l’expdrience prouve tous les jours, 
qu’il aura seul le talent de l’expression et les qualitds de l’dcri- 
vain , c’est-a-dire le mot propre, ia phrase nette , 1’allure vive et 
la deduction logique. D r Ed. CARRiftRE. 


DES HALLUCINATIONS, 

HISTOIRE RAISONNfiE DES APPARITIONS, DES VISIONS, 
DES SONGES, DE L’EXTASE , 

DU HAGNETISME EX DU SOHNAMBULISME , 


Brierre de Boisinont. 

I vol. in-8 de 623 pag. 

Germer Bailliere dditeur. — Paris, 1845. 


Voici un livre qui a recu de grands eioges et auquel les critiques 
les plus vives n’ont pas did dpargndes. Si Pauteur s’dtait contentd 
de trailer la vaste question des hallucinations, comme les mddecins 
traitent en gendra! une question de pathologie, sa monographic si 
dtendue, si riche de faits, n’aurait probablement pas souleve de 
ddbats contradictoires; Ia press;: medicale 1’aurait annoncde, selon 
son habitude, avec de paisibles louanges et de trds inoffensives 
critiques; une portion limitde et seule compdtente du public md- 
dical l’aurait accueillie avec de sincdres mais peu bruyants applau- 
dissements. La science mddicalc compterait un bon livre, de plus et 





BIBLIOGRAPHIE. 301 

tout serait dit. Mais il n’en a point ete ainsi. M. Brierre de Bois- 
mont, en donnant a son livre une allure moins scolastique et en 
y soulevant des questions de psychologie historique, est parvenu & 
faire sortir la presse et le public de leurs habitudes de bienveillante 
torpeur; il Jes a galvanises pour un instant. De 14 ces eioges cha- 
leureux qui se sont fait jour dans d’estimables journaux, en dehors 
mfime de la sphfere medicate ; de la ces critiques poliment acerbes 
qui ont trouve un impartial accueil dans ces Annales (1). C’est 
deje ; 4 mon avis, un beau succ4s que. celui-la. 11 n'est pas aise de 
faire vibrer ainsi les cordes, d’ordinaire si relichees, de la critique 
contemporaine. Le succfcs est plus beau encore si un pareil re'sultat 
a ete obtenu en defendant la cause du sens common et de la verite. 

De quoi s’agit-il en effet? Abordons directement et en peu de 
mots le problfime discute avec une predilection loute particulifire 
par M. Brierre de Boismont. Nous rendrons ensuite compte de l’ou- 
vrage. En d’autres termes, hatons-nous de degager de notre analyse 
la question philosophique, afin de pouvoir exposer eh toute liberte 
les don nees medicales dont l’ouvrage abonde. 

Pavmi les homines ceiSbres que l'histoire nous fait connaitre 
et dont les conceptions ou les actes ont exerce une grande influence 
sur les destinees de l’liumanite, il en est qui ont eu des hallucina¬ 
tions. Telle est la grande decouverte qui parait avoir ete faite de 
notre temps. J’admire la decouverte, je m’incline devant elle; je 
fais plus : je dis que le fait est vrai, que le fait est connu de tout le 
monde, que personne ne Fa jamais mis en doute. On ne pouvait 
ddcouvrir une verite mieux etablie, moins contestde. 

Mais si tout le monde s’accorde a reconnaitre d’une mani&re g«5- 
nSrale que, parmi les personnagcs historiques, il en est auxquels 
les hallucinations n’ont pas manque, il ne s’ensuit point que le 
mOme accord existe quand il s'agit de nommer les personnages qui 
les ont hprouvdes. Tant qu’on rest® dans les termes gdn^raux, per¬ 
sonne ne reclame; mais dfes que l’on veut determiner les circon- 
slances dans lesquelles 1’hallucination s’est produite, la querelle 
s’allume et le combat s’engage avec une incroyable vivacite. Lors- 
que l’on vient 4 citer un nom propre, tout management est impos¬ 
sible , car un nom propre a presque toujours le malheur de repre¬ 
senter un parti, une secte, un systeme, une doctrine. Tel medecin 
qui croit, dans son &me et conscience, traiter de trfes bonne foi une 
question pathologique, ne fait souvent que reveiller sous une forme 


(1) Tome V, pag. 317 et suiv., numero de mai 1845. 

ANNA!.* med.-psych. t. vi. Septembrc 1845. 10. 20 



302 BIBLIOGRAPHIE. 

nouvelle d’anciennes disputes, la plupart epuisdes ou dteintes, Ci- 
tons un exemple. L’Eglise catholique affirme que de saints person- 
nages, des prophfttes el des apotres ont requ des communications 
divines, des messages celestes, des avertisseraenls surnaturels. 
Impostures 1 s’dcriaient les ennemis de PEglise. C’dtait jadis le mot 
favori. Hallucinations! s’dcrient les esprits forts de noire temps. II 
en est qui on.t dit: magndtisme 1 somnambulisme! Pourquoi cela, 
s’il vous plait? si le fait n’est pas vrai, a quoi bon Implication ? C’est 
qu’il fallait unearme nouvelledansun sidcle ou les'accusations d’im- 
posture out moins de crddit qu’aulrefois. Honneur aux mddecins 
qui ont found cette arme prdcieuse! la bonne fortune pour les 
adeples du ndovoltairianisme admis ainsi a donner de par la science 
un brevet de folie aux saints personnages dont la mdmoire est ho- 
norde des fiddles. II y aurait bien une petite remarque d faire, d 
savoir, que 1’ballucination n’implique point ndcessairement la folie; 
mais cede restriction ne serait pas habile ; par elle on pourrail bien 
troubler reflet que l’on veut produire sur la foule. Tant mieux si, 
aux yeux du vulgaire, dire hallucind, c’est dtre fou, car alors il n‘y a 
plus pour Jes saintes croyances que pitid et compassion en dchange 
de la ltaine et do l’injure 1 

Le monde est ainsi fait. On a beau dire qu’une idde scientilique 
ne doit point dtre considdrde en dehors d’elle-meine; dds qu'elle 
est dmise, les passions s’en emparent pour l’ajustera leur armure. 
Aussi ne cessons-nous de rdpdter que les savants , les mddecins 
surtoul, ont tort quand ils prdtendent n’avoir point, dans leurs 
investigations physiologiques, d demdler avec la religion et la mo¬ 
rale. 11 semble que ces messieurs ont peur de se montrer trap habiles 
logiciens ou trop profonds philosoplies. Modestie honorable, assu- 
‘ rdment, mais qui ressemble trop d de I’dtroitesse d’esprit. G’est 
ainsi que des homines labprieux, a force d’isoler leur recberches, 
finissent par arriver d des consdquences qui choquent le sens com- 
mun etqui altirent sur leurs auteurs, trds estimables d’ailleurs, le 
plus terrible des cbdtiments, je veux dire le ridicule. 

Ces reflexions s’appliquent d la question des hallucinations, 
considdrdes dans leurs rapports’' avec rihstoire et ayec la psyebo- 
Jogie. Kous n’avons citd qu’un exemple du triste rdle auquel des 
mddecins d'un grand mdrite semblent avoir consenli a se resigner. 
Mais cet exemple ne sufflt pas , car il n’offre qu’un aspect de 1’pr- 
reur, et il en est malheureusement bien d’autres qui se rattachent a 
la question , et que nous ne pouvons rappeler ici. 

Kous avons parld de la modestie des mddecins qui se refusent de 
soumellre d la sanction des principes gdndraux las (tldments de 



BIBLIOGRAPHIC. 


303 


leurs recherches. Je me demande pourquoi, si leur modestie est 
sincere, jl en est qui se prdsentent stir le terrain de l’histoire et de 
la psychology; et pourquoi sur ce terrain , oil ies principes gdnd- 
raux onl une si grande importance, ils ont la prdtcntion de lever 
bannifere et de faire dcole. De ce qu’un accfes de spleen ou une 
opini&tre constipation a pu influencer ies determinations d’up 
grand personnage, s’ensuil-il que le spleen et la constipation doi- 
vent intervenir, eomme elements superieurs, dans la philosophie 
de l’histoire? P’est pourtant ce qui rdsulterait de quelques ligoes 
dcrites dans ces Annales par on spirituel disciple de celte singii- 
lifere dcole (1). Je con.cevrais que Ton prit soin de signaler l’in- 
fluence du caractfere, ou, si Ton veut, du temperament de cer¬ 
tains liommes sur l’ensemble de leurs actes; mais cela a ete fail 
par la plupart des hisloriens et des biographes, et je ne pense pas 
qu’il y ait la moindre revolution scientifique a faire a cet egard au 
profit de la philosophie de l’histoire. C’est a la science des rapports 
du physique et du moral a fournir les elements d’une appreciation 
plus approfondie, et c’est cette science qu’on devrait agrandir et 
perfectionner, Vouloir entrer dans les details des inlirmitds de 
cliacun pour edairer le cours des choses humaines, la grandeur 
et la decadence, des nations, et saluer dans cette pretention 1 'ave- 
nement de la physiologie (dites de la pathologic) dans Vhistoire, 
c’est tout simplement exposer la medecine et les medecins it la 
raillerie des historiens et des philosophes. 

Mais, dira-t-on, les hallucinations jouent dans la vie d’un 
homme un r61e autrcment important qu’un acces de spleen ou une 
opiniittre constipation, puisqu’elles agisseut directement sur les 
conceptions, sur les sentiments et sur la volonte des iudividus. Je 
l-epondrai d’abord que le rdle des iufirmites que je viens de nommer 
entre mille est peut-etre plus grand qu'on ne le pense: seulement, 
les biographies et les ldgendes ne les ont pas enregistrees eomme 
ellesl’ont fait pour les hallucinations. Je repondrai ensuite que les 
hallucinations dont on parle, celles de quelques grands liommes, 
ne sont en definitive que des sensations correspondant a des idees 
repandues et acceptdes; elles jouent, par consequent, dans la vie 
de ces grands liommes, plutdt le rdle d’effets que celui de causes. 
C’est ce que ML Brierre de Boismont a du reste admirablemcnt dS- 
montrd dans une discussion pleine de bon sens et de haute raison. 
En admettant les hallucinations de certains personnages cdlebres 


(l) i rt et 2' pages de I’article citd plus haul. 



304 


BIBLIOGRAPHIE. 


comme dtant vraies, s'ensuit-il qu’elles soient une preuve de folie ? 
Pour rdpondre 4 cette question, il faut se placer sur le theatre de la 
raison humaine, et prendre son point de depart dans Ies traditions 
historiques. C’est ce que ne font pas les medecins qui se placent sur 
Je theatre de I’alidnation mentale, et qui, comme le leur reproche 
Muller, relativement aux hallucinations, prennent pour point de 
depart le ddlire de leurs malades. Leur position spdciale exerce sur 
eux une irresistible influence qui les tyrannise et subjugue leur 
jugement. G’est lit un problfime de physiologie psychologique que 
je soumets 4 leurs meditations. 

Singuli&re tendance que celle de certains esprits qui honorent 
d’ailleurs la mdddcine contemporaine! Parce qu’ils traitent des 
fotis, ils veulent voir des fous partout: la folie, dans ce monde, 
est la rftgle ; la raison est l’exception. Un mddecin distingud a lu 
recemment devant une socidtd mddicale de Paris un mdmoire fort 
dtendu pour ddmontrer que tous les suicides sont des alidnds et 
que )e suicide est toujours et partout un acte d’alidnation. L’assas- 
sinat et le vol auront leur tour, et la mdme argumentation pourra 
dtre produite. II suflira de dire que ces actes insenses sont le rdsultat 
des passions en ddlire, etque Phomme qui les commet s’expose 
follement a n’avoir plus ni repos ni sdcuritd dans le monde, car 
'il sail bien qu’en pared cas, on dchappe rarement au bagne ou 4 
I’dchafaud. La pensde d’attribuer a l’alidnation de quelques individus 
les plus grands dvdnements historiques appartient 4 la mdme ori- 
gine. C’est l’alidnation mentale prdtendant 4 la direction de toutes 
choses, intervenant dans la jurisprudence pour ddsarmerla justice 
de son glaive protecteur, et dans l’histoire pour ddpouiller la gloire 
de ses palmes immortelles. 

Centre de pareilles prdtentions, 4 quoi bon discuter ? A mon 
avis, elles ne sont point aussi dangereuses qu’on pourrait le croire. 
Le passd l’a prouvd : une doclrine aspirant 4 bouleverser les notions 
qui constituent le sens commun est impuissante 4 jamais; elle 
peut dgarer quelques esprits, mais passagferement; le mal qu’elle 
produit n’atteint que des homines isoles et malades; justice est 
bient&t faite, et plus cette doctrine est immorale, plus elle appelle 
de rdactions, 4 ce point qu’aprds un certain nombre d’anndes, le 
flot qui Vapporta recule ipouvante. 

Si, 4 notre avis, la discussion est inutile, M. Brierre de Boismont 
ne l’a pas jugd ainsi, et nous lui en savons grd, moins pour 
avoir combattu la mauvaise doctrine que pour avoir maintenu la 
bonne. Les maximes vraies ne sont jamais assez rdpandues. C’est 
par ses affirmations et non par ses ndga lions que la poldmique est 



BIBLIOGRAPHIE. 305 

mdritoire. Celle de M. Brierre en contient plnsieurs et qui nous 
paraissent irrdcusables. Nous rappellerons les principles : 

« Dans un grand nombre de cas, l’hallucination n’a rien d’ex- 
traordinaire; c’est un fait presque normal, compatible avec la 
raison , et qui permet de concevoir comment lant d’hommes cdld- 
bres ont pu presenter ce symptdme sans fitre alidnds. 

» Lorsqu’on examine les actes d’un personnage illustre, il ne 
faut jamais perdre de vue le temps ou il a vdcu. 

» Les hallucinations de beaucoup d’hommes cdldbres appartien- 
nent & leur sidcle et non a l’individu; ce qui le prouve , c’est que 
leurs actes sont marques au coin de la plus haute sagesse, que 
leurs entreprises rdvdlent des faculles supdrieures, un jugement 
admirable, un esprit infini et l’amour de leurs semblables. 

»Les hallucinations de ces personnages ne peuvent etre compa- 
rdes avec celles des fous; ils dtaient les reprdsentants d’une dpoque, 
d’un besoin , d’une idee ; il fallait qu’ils Assent ce qu’ils ont fait; 
leur mission dtaitprovidentielle. 

» Les hallucinations actuelles ne sont jamais sans un mdlange 
de folie. Les exemples d’hallucinds qui peuvent, avec une idde 
fausse, remplir des fonctions importanles, sont trds rares et se 
rapportent & des individus qui ont conscience de leur dtat, et 
exercent sur eux-mdmes une entidre surveillance. 

» Aucun de ces hallucinds ne s’est trouvd dans les mdmes cir- 
constances que ceux dont nous parlons; aucun n’a dtd l’expression 
d’une idde utile. On ne peut dlablir de paralldle entre les organisa¬ 
tions puissantes, crdatrices el pleines de vie des premiers, et les 
natures debiles , plagiaires et sans force des seconds. Tous les deux 
ont eu des hallucinations; mais chez les uns, elles ont dtd les con¬ 
sequences du temps, n’ont point exercd d’influence sur la raison ; 
tandis que chez les autres, elles ont toujours dtd plus ou moins 
compliqudes de folie. 

» Chaque dpoque historique, ayant d’ailleurs sa manidre d’fitre 
cn elle-mdme, en actions, en pcnsdes , se rdsume en un homme 
qui en est l’expression naturelle. 

M Une ligne de demarcation trds tranchde doit dtre dlablie entre 
les apparitions de l’Ecriture sainte elles hallucinations de l’histoire 
profane, et mdme de beaucoup de personnageschrdtiens. Les pre¬ 
mieres, dans notre conviction, ne s’expliquent que parl’inlerven- 
tion divine, tandis qu’un grand nombre des secondes doivent dtre 
rapportdes aux croyances du temps, a l’dtat malade du cerveau. » 

Cette dernidre affirmation a dtd pour le critique auquel nous 
avons ddja fait allusion le prdtexte d’une trds paternelle homdlie 



BIBLI0GRAPH1E. 


a 1’effel de ddinontrer a M. Brierre qu’il avait une orthodoxie fort 
commode, dont l’Eglise ne lui saurait aucun grd. Mais l’Eglise, 
heurebsement, n’est point aussi sdv&fe que le voudrait le critique. 
Elle n’a point, que je suche, transform!? en dogmes les rdcits des 
biograplies , et elle n’a point fait de la foi en ces rdcits une ques¬ 
tion de salut ou dc damnation. Malgrd sa liturgie relative a 
l’exorcisme, ses ininislres ne refusent point l’absolution aux md- 
decins qui nient la possession parle diable d’une ame rachetde par 
le sang de Jdsus-Clirist. Que M. Alfred Maury ne fasse pas l’hor- 
thodoxie plus mdchante qu’elle n’est, pour avoir le malin plaisir 
de la montrer tout a la fois hostile a la science, a la raison, au libre 
examen; qu’il laisse ce procddd peu loyal anx neo-voltairiens, qui, 
n’ayant point a s’en plaindre, voudi aient pourtant la rendre odieuse 
aux generations nouvelles. M. Brierre de Boismont ne pouvait pas 
avoir la pretention d’etre plus orthodoxe que les Pferes de l’Eglise 
et les savants thdologiens qui ont dtd rationalisles comme lui a 
l'endroit des hallucinations de plusieurs saints personnages. S’il a 
eu, a vos yeux, la faiblesse de s’incliner avec trop de respect devant 
les rdcits canoniques, il fallait le lui dire franchement; vous deviez 
sincerement lui reprocber d’etre trop orthodoxe, et non de ne 
l’dtre pas assez. 

Abandonnons cette discussion, qu’il n’dlait point dans notre pen- 
sde de renouveler ici, et pour rendre justice a lout le monde , di- 
sons que, s’il est utile, au point de vtte <le la science, de rappeler 
que Socrate, Luther, Pascal, Ignace de Loyola, Jeanne d’Arc, etc., 
ont eu des hallucinations et des affections nerveuses, il l’est beau- 
coup moins de ddbiter qu’ils ont dtd fous. Sur ce dernier point, 
d’ailletirs, tout le monde reste incrddule. Vraiment, nous ne 
voyons pas comment des esprils sdrieux et dlevds, dont la science 
et la socidtd ont tant a exiger et a espdrer, consacrent a de si 
stdriles recherches, a de si futiles demonstrations, des jours qui 
passent si vile el qui, hdlas! ne reviennent plus! 

Abordons maintenant l’ouvrage de M. Btierre. 11 est divisd en 
vingt-quatre chapitres que prdcddent une prdface et une intro¬ 
duction. 

Preface. — Dans la Prdface , 1’auteur rdvfele la pensde qui do- 
mine tout son livre; il s’y monlre prdoccupd surtout de la solution 
qu’il apporte au probleme psycho-historique que nous venOns 
d’indiqtier; il termine en disant qu’il a eu deux buts : l’un , de 
donner une histoire mddicale des hallucinations , l’antre de pro¬ 
tester contre une doctrine qu’il croit contraire a la vdritd. 
Introduction. — L’auteur y prdsente , sous forine de considdra- 




BIBLIOGRAPHIE. 307 

tions gdndrales, le issuing complet des dotmdes exposdes et dd- 
veloppdes dans le Cours de Fouvrage. 

Chapitre premier. — Ge chapitre est consacrd & la ddfittition 
et a la classification des hallucinations. M. Brierre y rdimit cclles 
des auteurs qtii Font prdcddd et celles qu’il devra faird prdvaloir. 
G’est certainement la tSche la plus difficile. Ddfinir et classer les 
hallucinations, c’est rdsoudre le probldme tout entier. II appelle 
l’halluciation la perception des signes sensibles de l’idde, et l’illu- 
sion, l’apprdciation fausse des sensations rdelles. Paterson divise 
les hallucinations en sept groupes. Le septidme seul a rapport a 
l'alidnation mentale. C’est le groupe le plus vaste. M. Brierre les 
divise eh dix classes ou sections. 1» Hallucinations compatibles avec 
la raison rectifide ou non rectifide par l’entendement. 2° Halluci¬ 
nations simples, folles par elles-memes, mais sans complication de 
monomanie , de manie, de ddmence, etc. 3° Hallucinations dans 
leurs rapports avec les illusions U° Hallucinations composdes. folles 
par elles-mdmes, existant avec la monomanie, la stupiditd, la 
manie, la ddmence et Fimbdcillitd. 5° Hallucinations avec le ddli- 
rium tremens, l’ivresse, les substances narcotiques ou vdndneuses. 
6° Hallucinations avec les maladies nerveuses les plus frdquentes, 
mais sans complication de monomanie , de manie, de ddmence , 
c’est-S-dire, avec la catalepsie, Fdpilepsie, l’hystdrie, l’hypo- 
chondrie et la rage. 7° Hallucinations avec lecauchemar et les rdves. 
8° Hallucinations avec Fextase. 9° Hallucinations avec les maladies 
fdbriles, les inflammations aigues, ehrouiques , etc. 10° Hallucina¬ 
tions dpiddmiques. 

Chap. II. — Ce chapitre comprend les hallucinations compatibles 
avec la raison , dont on y lit plusieurs observations. C’est dans ce 
chapitre que se trouvent les premiers dldments de la doctrine de 
l’auteur relativement aux hallucinations des personnages cdldbres, 
doctrine sur laquelle il reviendra trds souvent dans le cours de 
l’ouvrage, et qu’il discutera dans un chapitre spdcial. 

Chapitre III. — 11 est question dans ce chapitre des « hallucina¬ 
tions simples et folles par elles-mdmes, mais sans complication de 
monomanie, de manie, de ddmence. » Nous ne comprenions pas 
bien en quoi consiste cettc claSse ainsi dnoncde , toutes les obser¬ 
vations rdunies dans ce chapitre dtant fournies par des alidnds. En 
lisant altentivement ces observations , nous avons reconnu qu’il y 
dtait question de ces hallucinations qui paraissent plutftt dtre la 
cause et le point de ddpart des conceptions ddliranles, que Feffet ou 
la consdquence de l’alidnation. Cette classe, comroe onle voit, est 
irds fmportante. M. Brierre passe successivement en revue, en dta- 



BUSLiOGRAPHIE. 


blissant leur rapport de frequence, les hallucinations de tous les 
sens et les hallucinations generates elles-m6mes qui sont rares et 
d’autant plus curieuses a connaltre. 

Chap. IV. — II s’agit des hallucinations compliqudes d’illusions, 
de la frequence de ces derniferes, de leur rdle chez les liypoclion- 
driaques, de leur influence sur les actions, des divers sens qui 
peuvent en fitre affectfes. Ce chapitre renferme un grand nombre 
d’observations curieuses qui doivent fitre mfiditees par les psycho- 
logues. 

Chap. V. — Consacre aux hallucinations dans la mononianie, dont 
elles compliquent souvent les principales variates (la lypemanie 
surtout). Dans ce cas, les hallucinations sont, en gfinfiral, un reste 
des habitudes del’alifine, un echo de ses preoccupations. C’est 
dans ce chapitre qu’il est fait mention des hallucinations sexuelles, 
et de celles qui accompagnent la nostalgie. De trfes remarquables 
observations viennent appuyer chacune des propositions de l’auteur. 

. Chap. VI. -• Les hallucinations y sont considerfees dans leurs rap¬ 
ports avec la stupiditd. Cette forme de l’alidnation mentale, rat- 
tachee h la ddmence par Esquirol, est regardfee par M. Baillarger 
comme le plus hautdegrfe d’une varietfi de la meiancolie. M. Brierre 
constate que les hallucinations de la vue et de 1’oui'e sont frfiquentes 
dans cette maladie , et que c’est & elles qu’il faut attribuer les actes 
et les bizarreries des alifenfes stupides. 

Chap. VII. Les hallucinations y sont dtudiees dans leurs rapports 
avec la manie. Elles sont trfes frfiquentes. M. Brierre en indique 
la marche et les rfisultats, non seulement dans la manie en gfinfiral, 
mais encore dans la manie puerperale. Ce chapitre important oifre 
un grand nombre d’observations intfiressantes. 

Chap. VIII. —La dfimence a aussi ses hallucinations, et d’aprfes 
M. Brierre, elles sont plus frfiquentes qu’on ne le croit gfinfirale- 
ment. II distingue la dfimence en monomaniaque, maniaque, com- 
plfete et sfenile. Celle avec paralysie gfinfirale produit figalement 
des hallucinations; il en est de mfeme de l’imbficillitfi. L’idiotisme 
et le crfitinisme en sont exempts. 

Chap. IX. — L’alifination ebrieuse est sujette aux hallucinations. 
Statistique approximative. Les hallucinations, dans cette maladie, 
peuvent avoir des rfisultats trfes graves. Ce chapitre renferme des 
observations curieuses et des considerations cliniques trfes impor- 
tantes sur le delirium tremens, sur l’ivresse et sur les rapports 
de l’ivresse avec les alienatious ebrieuses. 

Chap. X. — Ce chapitre rfisout un problfeme peu agite , celui des 
hallucinations dans les diverses affections nerveuses, qu’il importe 



BIBL10GRAPH1E. 309 

sous ce rapport de distinguer de I’alidnation mentale, aveclaquelle 
on pouvait les confondre quelquefois. 

Chap. XI. — Les hallucinations dans le cauchemar et les rdves 
soiddvent une question que Fauteur ne pouvait ndgliger. Ce sujet est 
traits avec beaucoup de soin. Les pressentiments y sont examines. 
L’importance des rdves chez les alidnds y est signals. Remarques 
sur les hallucinations pdriodiques. 

Chap. XII. — C’est de l’extase, du magndtisme et dd somnambu- 
lisme qu’il s’agit ici. Les hallucinations sont nombreuses dans l’ex- 
tase, dont l’auteur distingue les dilKrentes formes. Le somnambu- 
lisme est analogue aux rdves. Exemples curieux de seconde vue. 

Chap. XIII.— Les maladies febriles, inflammatoires, etc., sont 
quelquefois accompagndes d’hallucinations et surtout d’illusions. Un 
tel sujet devait dtre examine sous loutes ses faces. Ce chapitre con- 
stitue en quelque sorte une monographic. 

Chap. XIV.—Ce long cbapitre est consacrd & l’expose des causes 
des hallucinations et des illusions. Les causes morales et les causes 
physiques y sont l’objet d’une savante discussion. L’apprdciation 
des idees dominantes y occupe une grande place. C’est en quelque 
sorte l’introduction au chapitre suivant. 

Chap. XV. — C’est dans ce chapitre que l’auteur soumet ft un dd- 
bat dtendula question des hallucinations, considdrde au point dc 
vue de la psychology et de l’histoire. C’est un chapitre de contro- 
verse qui a l’avantage de contenir des affirmations conformes a la 
raison et au sens commun. Les principaux personnages dont on 
a rapportd les hallucinations y sont sounds ft un cxamen sage et 
impartial. II y dtablit cette donnde que dans chaquehomme, il y a 
un cfltd spirituel, celui qui subit l’atmosphfere sociale et intellec- 
tuelle, la tradition et l’enseignement; et un c&td mortel, celui qui 
subit l’empire des influences physiques ou organiques. 

Chap. XVI. — La symptomatologie des hallucinations et des 
illusions s’y trouve exposde avec soin. L’auteur y passe en revue 
les symptomes communs ft toutes les hallucinations et les sympto¬ 
mes propres ft chaeune d’elles. 

Chap. XVII. — L’anatomie pathologique apprend-elle quelque 
chose sur la cause prochaine des hallucinations ? Cette question est 
rdsolue ndgativement. 

Chap. XVIII. —L’auteur poursuit son exposd clinique, en signa- 
lant la marche, la durde. le diagnostic et le pronostic des diverses 
hallucinations. Sur ce point, 1’examen d’un grand nombre de ma- 
lades dtait indispensable, et les nombreuses remarques dont ce 
chapitre est enrichi prouvent que les observations ne lui ont pas 
fait ddfaut. 



810 BIBLIOGR APHIE. 

Chap. XIX.Bien que les hallucinations ne constituent pres¬ 
que jamais des maladies isoldes, et qu’elles compliquent presque 
toujours d’autres affections, les affections mentales ou nerveUses 
surtout, il etait difficile d’en exposer le traitement sans parler en 
meme temps du traitement de ces demises affections. Mais il est 
des moyens qui peuvent, dans certains cas, s’adresser avec avan- 
tage & Phallucination elle-meme, a Pidfee fausse du malade. Ces 
moyens ont did longtemps negliges en France. Cette parlie de la 
tlidrapeutique est aujourd’hui l’objet de tentatives louables et quel- 
quefois lieureuses, ainsi que le demontrent les exemples de gufe- 
risons rapportds par 1’auteur. 

Chap. XX. Une grave question restait a resoudre, celle des hal¬ 
lucinations sous le rapport medico-legal. On sait que des hallucinds 
ont etd confondns avec des filous, des vagabonds, des meurtriers. 
La faculte de tester leur.est-elle accordde? Desactes, en appa- 
rence Volontaires et libres, sont-ils quelquefois le rdsultat de fausses 
sensations, de celles mcime qu’on dprouve dans le sommeil ? Il 
existc, dit-on, des hallucinations sotidaines, et qui en imposent 
plus que toutes les autres pour des determinations responsables. Il 
suffit d’indiquer ces questions pour faire sentir toute l’importance 
de ce dernier chapitre, oil elles sont traitees avec soin. 

Nous aurions voulu faire mieux connattre l’ouvrage important 
de M. Brierre de Boismont; nous aurions vouln surtout indiquer 
les solutions nouvelles qn’il a apportees 5 divers problfetnes qite 
soulfevecevaste sujet; maisl’espace consacre aune simple analyse ne 
nous Pa pas permis. Nous avions prepare une note sur la theorie 
pathogenique de Phallucination donnee par notre auteur: mais cette 
note , qui devait tenir sa place dans cette analyse, s’est allongde si 
demesurement que. nous avons dil la supprimer. D’autres livres 
doivent bientfit parattre sur les hallucinations et renfermeront pro- 
bablement une theorie differenle. Nous les attendons , afm de faire 
s ur ce sujet interessant un travail plus complet et plus special. 

Dans la redaction de son ouvrage, M. Brierre de Boismont devait 
rencontrer un ecueil, celui des repetitions. Malheureusement elles 
etaient inevitables. Aprfts avoir traite des hallucinations dans leurs 
rapports avec les diverses formes de la folie, avec les maladies di- 
verses, le moyen de ne pas retrouver sous sa plume, quand il 
s'agira d’en etudier les causes, les memos iddes et presque les 
memesparoles? Aprfes avoir traite dela symptomatology, le moyen 
dene pas se repeter quand on ouvrira un chapitre sur la marche. la 
durde et le diagnostic? Aprfes avoir parie des hallucinations dans 
leurs rapports avec la raison, aprfes avoir longuement expose les 
causes morales de Phallucination, le moyen de ne plus retrouver le 



BIBLIOGRAPHIE. 311 

mSme sujet en traitant des rapports de l’hallucination avec les iddes 
d’une dpoque, avec la psychologie et l’histdire ? Nous n’en faisons 
point un reproche a M. Brierre de Boismont, car, a ce prix , sans 
doute, son ouvrage a pu dtre complet. C’est un vaste repertoire 
d’observations bien redigees, habilenaent classees, et ce repertoire 
est vivifid par un esprit de critique plein de sagesse et de reserve. 
Ce qui assure a ce livre un succfes durable, c’est surioul, a mon 
avis, la tendance tr6s marquee de l’auteur a envisager l’hallucina- 
tion dans ses deux elements, l’eiement psychique ou social et l’dld- 
ment organique ou individuel. Cette largeur de vues est trfes rare 
parmi les mddecins. Nous avons eie d’autant plus heureux de la 
rencontrer dans le remarquable ouvrage de M. Brierre de Bois¬ 
mont. L. Cerise. 


Comme il nous est impossible de rendre compte au fur et a me- 
sure que nous les recevons des ouvrages, memoires et rapports 
qui nous sont adresses, nous reproduirons desormais dans chaque 
cahier la liste complete de tous ceux dont nous devrons donner 
l’analyse dans un des numeros suivants. 


Ouvrages et Memoires A analyser. 

1° These sur la paralysie gdnerale des alidnds, par M. Lasalle. 

2“ Rapports sur l’asile des alidnds de Fains, pour les anndes 1843 
et 1844, par M. Renaudin. 

3° Statistique administrative et medicale de l’asile des abends de 
Dijon , par M. Dugast, exercice 1843. 

4" Thfese sur le Delirium tremens, par M. Dupeyrd. 

5“ Nouveau projet de loi sur le regime des alidnds en Belgique. 

6° Notice sur l’asile ddpartemental de St-Dizier, par M. Belloc. 

7" Rapport sur les hospices d’alidnds de TAngleterre, de la 
France et de l’Atlemagne, par M. Crommelink. 

8“ State of the New-York hospital, and Bloomingdale asylum for 
the year 1843. 

9° Reports of the Pennsylvania hospital for the Insane, for the 
years 1841, 1842 el 1843. 

10° Twenty-seventh annual report for the state of the asylum for 
the relief of persons deprived of the use of their reason , near 
Frankford. 

11" Blik op de Dierlijke vermogens en derzelver Betrekking tot 
de ziel, par J.-N. Ramaer. iy 

12° Rapport sur l’asile des alidnds de Rouen, par M. Parchappe. 

13° Rdflexions sur l’emploi des dvacuations sanguines dans le 
traitement des maladies mentales, par M. Sauvet. 

14° Ddontologie raddicale, par M. Max. Simon. 

15. Voyage mddical dans l’Afrique septentrionale,parM.Furnari. 

16. Du hachisch et de l’alidnation mentale, par M. Moreau. 

17. Analysis of the urine of insane patients , par Alex. Suther¬ 
land and Edw. Rigby. 

18. Twenty-fifth annual report of the directors of the Duiidee 
Royal asylum for Lunatics. 



Repertoire ^observations inedites. 


ARPARENCE DE DEMENCE ET DE PARA¬ 
LYSE GENERALE.— GUER1SON INES- 


Je fus appeld le 30 mars dernier 
pour voir une dame a iaquelle un 
mddecin depuis longtemps cn posses¬ 
sion de la confiance de la famille don- 
nait les soins les plus ddvouds. Je 
repus de lui les renseigncmeuls sui- 

II n’y a pas eu d’alidnds chez les 
parents; la mere est seulement fort 
impressionnable ct quelquefois bi¬ 
zarre ; mais la malade a loujours un 
caractere dgal, plein de douceur et 
de bonte, un esprit aimable, des ha¬ 
bitudes calmes et raisonnables, un 
grand amour de la famille ct de ses 
devoirs. Son mari, qui l’aime beau- 
coup, faillit se noyer, il y a quelques 
anndes.en se baignant dans la riviere; 
on eut grand’peine a le rappeler a la 
vie, et a la suite de la vive impres¬ 
sion qu’il ressentit, des sympld- 
mes inquidtanls eveillerent chez lui 
un profond chagrin, Lui qui avait 
toujours mend une vie si sage depuis 
son mariage, lui qui n’avait rien de 
plus cher que la santd des siens, il 
vil paraitre sur sa personne les signes 
certains d’une affection syphililique, 
et ne put conserver a cel egard le 
moindre doute quand il eut pris I'avis 
d’un mddecin spdcialement occupd 
du traitement de ces sortes de mala¬ 
dies. Il se rappela alors avoir eu dans 
sa jeunesse (douzeans auparavant) 
quelques chancres au gland, qui 
avaient did traitds dans leur temps 
localement et gendralemenl, et dont 
il avait cru devoir etre ddbarrasse 
pour toujours, ainsi que de toute 
consdquence. Jusqu’a quel point le 
bain froid, la violenle impression 
physique et le sentiment de terreur 
qui l’accompagndrent exercerent-ils 


leur influence sur cette rdcidive? G’est 
chose fort mystdrieuse et sur Iaquelle 
on doit se garder de toute affirmation. 
Je raconte des fails et ne fais memo 
qu’dcrire ce qui m’a dtd dit. — Tou¬ 
jours cst-il que M. Y... fut soumis 
a un traitement anti - syphililique 
rdgulier. Sa femme avait depuis long- 
temps une leucorrhde assez abondante 
a 1’approche des regies et apr'es leur 
dcoulemenl. Cet accident fixa davan- 
tage l’attention. On crut remarquer 
un peu de rougeur, quelques drosions 
meme a la membrane nniqueuse va- 
ginale , et elle subit le meme traite¬ 
ment que son mari. On lui fit pren¬ 
dre quelque temps une prdparalion 
de proto-iodure ct ensuite une autre 
de deulo-chlorure de mcrcure. Kile 
usait encore de ce mddicament lors- 
qu’on remarqua chez die, dds le com¬ 
mencement de l’hiver dernier, en 
meme temps qu’un amaigrissement 
considdrable, de l’affaissement intel¬ 
lectual. 1211c s'occupait moins de sa 
maison, de sa ddpense, de tous les 
ddtails de son mdnage, de ses enfants, 
de sa toilette, de ses soins de pro- 
pretd, de son piano. La mdmoire s’al- 
tdrait sensiblement; il lui arrivait de 
se tromper frdquemment sur la date 
des circonstances de chaque jour, 
d’attribuer au jour meme ce qui avait 
appartenu a la veille ou a l’avant- 
veille. Dans le mois de mars ellc 
s’affaiblit notamment et tomba a plu- 
sieurs reprises dans un dtalde pres- 
que cb'mplete insensibilitd. Le corps 
dtait refroidi, le pouls lent, la malade 
immobile. Si on lui parlait, ellene 
repondait pas ; on parvenait pourtant 
alors quelquefois, en dlevant la voix, 
a obtenir d’clle a voix Ires basse une 
ou deux paroles. Il fallait la pincer 
assez forlement pour qu’elle fit quel¬ 
que mouvement. Cet dtat d’accable- 
ment et d’insensibilitd revenait frd- 



REPERTOIRE. 


313 


quemment et se prolongcait plusicurs 
heures et meme plusieurs jours, ainsi 
que me le dit son mddecin M. le doc- 
leur Renaud, quand je fus appeiy le 
30 mars dernier, pour le seconder 
dans les secours qu’il donnait a raa- 

On venait de supprimer, d’apres 
ses sages conseils, tout traitement 
anli-syphilitique. On avail eu, selon 
moi, grandement raison. Le mari 
n’avait cu que des symptOrncs con- 
secutifs dont la transraissibilitc etait 
fort douteuse, et on etait loin de pou- 
voir affirmer que la malade efit 
vraiment subi l’infection vinfirienne. 
Pourtant la preoccupation que causait 
cette maladie dans la maison etait 
telle que l’enfant se plaignant d’une 
petite douleur a la jarabe et de quel- 
que difficulty dans le mouvcment ile 
ce membre, on me demanda a mon 
arriv6e s’il ne serait pas possible que 
cette petite fillc y eiit une exostose. 
Nous parvinmes, M. Renaud et moi, 
par nos questions, a dtouvrir qu’elie 
etait tombfie sur le boulevard et que 
c'dtait depuis ce moment qu’elie sen- 
tait de la douleur. 

Madame Y..., quand je la yis pour 
la premiere fois, 6tail couchee dans 
un etatde demi-somnolence, repon- 
dant quand on clevait la voix, sou- 
riant meme quand elle voyait sourire, 
mais bien plus par imitation de [’ex¬ 
pression des autres visages que par 
intelligence de ce qu’on lui disait. Je 
crus remarquer des lors un peu de 
begaiement. Je la priai de me serrer 
les mains alternativernent avec l’une 
ct avec l’autre des siennes. La con¬ 
striction etait faible des deux cotds. 
La langue toil droite, les traits du 
visage et leur contractility symtoi- 
ques , les pupillcs egales. 

Les regies toient supprimees de¬ 
puis plus de deux mois. Le sage me- 
decin qui voyait la malade avait dirigy 
sa mydication de ce cto et cherchy 
inutilement a les rappelcr par les py- 
diluves, les applications chaudcs et 


irritantes aux cuisscs ct meme par 
quelques sangsues a la vulve. On se 
borna a tenir les extrymitys chaudes, 
a favoriser les selles par des lave¬ 
ments, a baigner madame Y... On 
recommanda de la faire lever, de 
l’alimenter, de lui donner un peu de 
vin de Bordeaux pur. Elle parut 
mieux les jours suivants, se tint lc- 
vye le jour, dormit la nuit, mangea 
et digyra, ryporidit aissez bien aux 
questions; pourtant on pouvait tou- 
jours remarquer de l’incertitude et 
un peu de begaiement dans l’arlicu- 
lation de la voix. — Par ce grave 
motif, et comrrie il y avait dyja eu plu¬ 
sieurs alternatives de bien et de mal, 
il convenait d'e se tenir sur la reserve. 
Elle habitait une rue frequentye dont 
le bruit l’incommodait. Les premiers 
jours d’avril, elle fut assez bien pour 
etre transportye a la campagne, et les 
effets immydiats de ce changement 
parurent satisfaisants; mais apres 
quelque apparence de printemps, la 
temperature devint promptement si 
froide qu’il fut impossible de la laisser 
dans ce nouveau sdjour. Elle fut ra- 
menec a Paris, ou elle rctomba rapi- 
dement dans l’e.tat le plus alarmant. 
Le 12 avril, elle est dans une sorte de 
coma qui dure quatorze ou quinze 
heures sans interruption. Les sens 
ne percoivent rien, la peau est insen¬ 
sible, sa temperature abaissee; les 
yeux sont fermys; si on souleve les 
paupieres, la pupille dilatee se con- 
tracle a peine a l’approche d’une lu- 
miere; la malade urine et laisse aller 
sous elle les matieres fycales. — Dans 
les explorations quenycessite sa situa¬ 
tion , Ton acquiert la preuve d’un 
amaigrissement considerable. —Bois- 
sons toniques, limonade'vineuse, 
alimentation fortifiante. On profile de 
tous les moments de relJche pour 
faire boire et manger madame Y... ; 
mais l’etat comateux, A peine inter- 
rompu, rycidive, et se prolonge de 
plus en plus; le pronostic devient 
plusfacheux. — Nous convenons d’ap- 




314 REPERTOIRE. 


pliquer un sdton a la nuque. La fa¬ 
mine se tourmente; M. Rostan est 
appeld le 15 et partage nos craintes en 
merne temps quc notrc maniere de 

Diminution successive et gradude 
de la sensibility, de la caloricity, de 
l’innervation; chute de 1’intelligence 
cl de ses altributs; perle de la md- 
moire. i,a malade, qui 6tait lettrde, 
fait depuis longlemps dcs faules d’or- 
thographe; on a pu eonstatcr qu'elle 
oubliait frequemment des lettres, des 
syllabes, dcs mots, lorsqu’elle dcri- 
vait encore. 

L’abaissement intellectuel qui se 
fait remarquer chez elle accompagne 
celui des mouvements. Cette double 
destruction parait se poursuivrc gra- 
duellement depuis plusieurs mois et 
donne lieu aux conclusions suivantes: 



Un large et profond sdton est pra- 
liqud immddiatement. Le vesicatoire 
a la rdgion occipitale ne prend pas. 
On tente sans plus de succes une nou- 
velle application. L’usage de la can- 
tbaridine meme cchoue. 11 a dtc im¬ 
possible d’obtenir une vesication sur 
cette region. 

Au bout de peu de jours 1c seton 
est en pleine suppuration. La malade 
sort de temps en temps de son etat 
comateux, repond un peu aux ques¬ 
tions qu’on lui fait, reconnait sur- 
tout la voix de son mari, et fait quel- 
ques mouvements pour l’einbrasser. 
Elle boit, mange dans les boos mo¬ 
ments. On en profile aussi pour lui 
administrer de l’eau magnesienne, 
de l’eau de Sedlilz , et obtenir quel- 
ques evacuations alvines. 


Pendant toute la duree des acci¬ 
dents survenus, le pouls etait reste A 
70 ou 75 baltemenls, mais toujours 
petit. II se reieve successivement et 
se developpc. La sensibility renait A 
la surface du corps; madame Y... 
cesse d'aller sous elle et repond de 
mieux en mieux aux questions. Elle 
parle de ses enfants. Son visage est 
encore peu expressif, son rire niais, 
mais elle se soutient deboul, marche, 
prend un sidge. Sa parole a plus 
d’assurancc, sa main serre mieux; sa 
peau est moins froide et se colore. 

Le20 avril.je lui demande cequ’elle 
a pour son diner. Elle me rdpond:« Le 
pot au feu, une volaille rdtie et des 
legumes.» C’dlail vrai. Elle s’occupe 
done de sa maison. Sa memoire se 
rytablit. Depuis ce moment les pro- 
gres de la convalescence ont H6 ra- 
pides. Aussildt que ses forces l’ont 
permis, die a did transportde k la 
campagne, ou elle a promptement et 
sfiremenl reconquis sa sante physique 
et moral?. Je l’ai revue au commen¬ 
cement de j uillet dernier parfaitement 
portantc, parlant bien, mangeant 
bien, digdrant, marcliant et dormant 
comme dans la santd la plus prospere. 

Jusqu’a quel point le seton a-l-il 
contribud a ce retablissemenl? C’est 
ce qu’il est impossible de dire. II ne 
faut pas perdre de vue qu’il y a eu 
plusieurs alternatives dans la marche 
de cette affection. Mais une prdsomp- 
lion, permise sans trap d’imprudence, 
c’est que les accidents dprouvds par 
madame Y... pourraient etre irapulds 
al’usage des preparations mercurielles 
dont elle a fait usage. Ces accidents 
en ont simuld d’aulres qui ne par- 
donnent pas. Elle y eht succombd 
s’ils n’eussent euune cause particu- 
liere, momentande , et dont l’effet a 
cessd quand elle a dtd complelement 
eleinte. Trklat. 



VARIETES, 


M. le Ridacteur, 

Dans Ie dernier numcro de votre estimable journal, M. Mich6a per- 
siste a m’uccuser )° de contradiction j d’une distinction subtile entre 
la souffrance et la douleur. II me repugne d’etre oblige de r£pondre de 
nouveau a une semblable inculpation, et cependant je le dois. Les pre- 
tendues contradictions que mon savant confrere trouve dans la phrase 
qu’il cite de mon Traite de 1’hypochondrie, viennent de ce qu’il a cru 
voir dans cette phrase 1'expression de mes opinions, tandis qu’elje 
ne contient que l’exposition do fails differents. Or, les faits, quelque 
differents qu'ils soient, quelque contradictoires qu’ils paraissent, he sont 
jamais en contradiction. Ils ne sont tels a nos yeux que lorsque nous 
les jugcons avee des iddes pr6congues. 

Je ne cornprends pas que mon si savant antagoniste persiste a con- 
fondre la douleur ct la souffrance. C’est la son opinion, je la respecle, 
personne ne la lui disputera. 

Si ce n’eOt 6te pour rSpondre a un homme que j’estime autant, je 
regretterais le temps que j’ai employe a tracer ce petit nombre de lignes; 
mais ce seront les demieres sur un aussi miserable sujet. Je m’esti- 
merais bien heureux si mon livre ne mfiritait pas des reproches plus 
sfirieux. J’ai 1’honneur d’etre, etc. Bbachet. 

— Dans la stance du 1" jujjlet dernier, la Society mSdico-chirurgicale 
de Montpellier a mis au concours la question suivante: 

Recherches xur la nature et le trailemem de la choree. 

!,e prix sera une medaille d’or de la valeur de 200 fr. 

Les m6moires devront etre adresses, avant le 15 juin 1S46, a M. le 
docteur Hubert Rodrigue, rue Aiguillerie, n° 20, a Marseille. 

— On sait que le erfetinisme est endemique dans la plupart des 
grandes values des Alpes, en Suisse , en Savoie eten Pidmont. Le roi 
de Sardaigne , a la suite d’un voyage, fait rScemment dans quelqucs 
unes de ces values, a institue une commission compnsec en grande 
partie de medecins, a 1’effet de recueillir tous les documents relatifs a 
cette hideuse maladie ; M. le docteur Cerise est noinmC membre corres- 
pondant de cette commission, qui siege a Turin. 

Nous applaudissons sincerement a cette pensde, qui, nous l’cspdrons , 
portera d’heureux fruits. Nous croyons que le crtlinisme peut etre 
victorieusement combattu, et que les generations suivantes pourront en 
etre tout-a-fait exemptes. Mais les soins que reclame une si grande 
entreprise ne sauraient etre le resultat des efforts individuels. L’inler- 
vention des gouvernements est necessaire, car il s’agit de pratiquer sur 




316 vari£tes. 

une grande 6ehelle un sysleme complet d’hygiene publique; si la com¬ 
mission sarde cst assez heureuse pour atteindre le but qui lui est im¬ 
post, elle aura rendu 4 I’humanitfi un service signal6, et l’bonneur en 
reviendra au gouvernement qui l’aura secondde de lout son pouvoir; 
car l'ceuvre est difficile, elle demande du temps, de la perseverance, 
une ferme volont6. II ne s’agit pas de manifester un humble d6sir, une 
sincere intention, il faut agir, toujours agir. Or, les commissions les 
mieux institutes, quand elles sont abamlonnees a elles-memes, pro- 
duisent rarement les fruits qu’on en a esptrts. C’est le devoir des gouver- 
nements non seulementde les seconder libtralement, mais sans cesse 
de les stimuler. Ce devoir, le gouvernement sarde saura sans doutc le 
remplir jusqu’a la fin. 

— II y a quelques semaines, un interne des hOpitaux de Paris, M. G..., 
a failli etre victime d’un accident, qu’une surveillance plus active et 
plus s6v6re eiit peut-etre pu prtvenir. II partit de Paris, il y a deux 
mois environ, pour faire un voyage en ltalie avec un jeune homme 
d’une vingtaine d’anntes, atteint d’alitnation mentale, et le frere de ce 
dernier, qui les quitta quelques jours avant l’accident. A pres un voyage 
d’un mois environ, M. G... se disposait a ramener son malade en 
France; il logeait avec lui dans un des principaux hotels de Milan. Le 
jour convenu pour le depart, M. G... prtparait ses malles, quand 
tout-a-coup le jeune malade, peut-etre sous l’influence d’unc halluci¬ 
nation , s’emparant de pistolets charges qui se trouvaient sous sa main, 
nous ne savons trop comment, en dechargea un premier dans la che- 
minte, et avant que M. G... efit eu le temps dc se retourner, il lui lira 
ie second a bout portant et en arriere dans la region lombaire. Puis il se 
prtcipita sur lui arme d’un couteau-poignard, et lui fit plusieurs bles- 
sures graves, et entre autres une ou deux pl.aies penetrantes de poi- 
trine. Ntanmoins M. G... ne perdit point connaissance , et il put lui— 
meme declarer que son jeune compagnon etait alidnt. On le fit immt- 
dialement conduire a 1’hOpilal des fous, et depuis; sur la demande de 
son pere, qui est parti immOdiatement pour l'llalie, il a die transfer^ 
dans une maison de sanle. Quant a M. G..., malgre la gravity de- ses 
blessures, nous avons 616 heureux d’apprendre qu’il est aujourd’hui 
complement hors de danger. 

Peu de temps avant ce triste ev6nement, il ecrivait lui-meme que 
depuis quelques jours son malade devenait plus triste, plus irascible, 
qu’il cherchait querelle a tout le monde, elle matin meme, quel¬ 
ques heures avant l’accident, et sans cause aucune, il s’6tait jet6 pr6- 
cipitamment sur lui, l’avait saisi a la gorge , el M. G... ne s’6tait que 
difficilement arrache de ses mains. 


Paris.— Imprimerie de Bounoc 


Mabtiket, 


Jacob, 3o. 




DES HALLUCINATIONS. 


333 


§ I. Hallucinations de la vue. 

Quel horrible dfimon que le demon de la jalousie 1 Il'prSte 
au soupcon les apparences de la rfialile , a l’ombre les qualites 
d’un corps. Un regard, un geste, un sourire de l’objet aim§ 
plonge le jaloux dans des angoisses indefinissables; son cceur 
est toujours navrfi de douleur et de chagrins; son ceil est de¬ 
fiant; sur sa physionomie regne une sombre tristesse. 

Elisabeth M... porta celte passion a un degr6 extreme: aussi 
fut-elle malheureuse. Elle est belle ct bien faite; sa physio¬ 
nomie est douce et agitable. Elle est agee de trente-deux ans; 
son temperament est bilieux, et son caractfcre enclin a la m6- 
lancolie. 

Pendant les six premiers mois qui ont pr6c6d<§ sa folie, elle 
fut affligee de maux de tete continuels; puis elle fit une longue 
maladie, pendant laquelle sa raison s’egara. D6s lors un grand 
changement s’opera dans son caractSre; elle voua une haine 
implacable a son mari, objet jadis de sa tendresse, et porta 
toule son affection sur ses enfants. En m6me temps, sa fureur 
jalouse grandit et se dfivcloppa d’une maniere extraordinaire. 
Dans cbaque femme, elle voyait une rivale et lui cherchait que- 
relle; sa mere meme n’etait pas ti l’abri de ses soupcons jaloux. 

Souvent, couchfie pres de son mari, elle s’ccriait tout-ii-coup: 
« Voici tes maitresses qui arrivent; » et il lui paraissait, en 
effet, de voir reellcment entrer des femmes dans sa chambre, 
faire des gestes et prendre des poses lascives et obscenes pour 
exciter la voluple et les desirs de son epoux. Alors elle entrait 
dans de violents acces de colere, brisait, dichirait tout ce qui 
tombait sous sa main, et d’une voix terrible menafait d’en tirer 
une vengeance memorable. Et pourtant son mari ne lui a ja¬ 
mais donnS aucun sujet d’etre jalouse; au contraire, il est si 
laid, si difforme, si mal touring, qu’en verity.. .. Mais ce 
n’est pas une raison, le gout des femmes est si bizarre!.... 

Marguerite C... est ag6e de vingt-sept ans; elle est d’un 
a\nal. med.-psych. t. vi. Novcmbre 1845. 2. 22 





33A DES HALLUCINATIONS, 

temperament bilieux et d’une constitution vigoureuse; les 
traits de sa figure sont reguliers et sa peau est trfes brune. 
Marguerite est simple, laborieuse et devote. Etant chez ses 
parents, elle allait tous les matins vendre du lait a la ville voi- 
sine. Un jour, en revenanl du marchfi, elle s’arrSta dans le 
champ de son p6re, comme cela avait ete convenu la veille, et 
pour la premiere fois de sa vie la pauvre Marguerite oubiia de 
travailler. Lorsque sa sceur vint lui apporter & dejeuner, elle la 
trouva it genoux, les bras en croix et le regard tourne vers 
le ciel. A la voix de sa sceur, Marguerite suspend sa prifere et 
s’ecrie : « Je me suis approchee du tribunal de la penitence j 
mon cceur est pur et mon ame tranquille; mes vceux ont enfin 
6t6 exauc6s, car je viens de voir le ciel entr’ouvert, ou Dieu, 
assis sur un trone lumineux, etait entoure de saints, d’anges 
et de cherubins, »—Mais, helas! plus tard elle paya bien cher 
celte vue; l’instant de bonheur qu’elle eprouva lui valut la 
damnation eternelle. 

Cette infortunfie est maintenant plongfie dans un profond 
engourdisseinent. On dirait qu’elle est completement tangere 
aux impressions du monde exterieur. La sensibilite parait 
abolie, ou du moins elle est considerablement emouss^e, car 
une epingle enfoncee profondement dans les chairs ne lui 
arrache aucun signe de douleur. Rien au monde ne peut la 
tirer de cet etat de torpeur. 

§ II. Hallucinations de route. 

Alexandre est age de vingt-huit ans; son front est trfcs deve- 
Jopp6, son temperament nerveux, sa constitution faible et de¬ 
licate. Alexandre a recu une instruction assez etendue, et a 
montre beaucoup d’intelligence et d’aplitude dans l’exercice de 
ses deux fonctions de tailleur et de cordonnier. 

De tout temps il a toujours 6te peu communicalif et peu 
sociable; la solitude a toujours eu beaucoup d’attrait pour son 



DES HALLCCINA.TIONS. 


35>5 

esprit ; et Iqrsqu’il paraissait dans la socitSte, il 6lait, a cause de 
son humeur bizarre et siuguliere, le plastron de mauvais 
plaisants. 

A... a et4 en butte a beaucoup de chagrins domestiques; il 
a 6te vivement contrarie dans ses amours; il a ete h plusieurs 
reprises dans le denument et dans la misere. 

Si 1’on doit se rapporter aux dires d’Alexandre lui-meme, son 
trouble intellectuel aurait eclate it la suite d’une vive frayeur 
qu’il eut, etant a Paris, pendant la revolution de 1830 ; les 
soldats de la garde l’auraient menace de lirer sur lui. Depuis 
lors, il a perdu le gout du travail, et fantaisie lui prit de faire 
en vrai nomade le tour de France, reclaraant sans cesse de 
l’argent a sa famille, et ne cherchant des ressources dans le 
travail que lorsque la necessiie l’y forcait absolument. 

Des hallucinations de l’ouie ne tarderent pas a i’alleindre; il 
entendit des voix qui lui faisaient des reproches amers sur son 
inconduite, et le jetbrent dans un engourdissement physique 
et moral extreme. Ces voix le poursuivent encore aujourd’hui; 
mais, chose remarquable! il a fini par s’y habituer, et elles 
n’exercent plus aucune influence sur ses determinations ni sur 
ses actes, car il les .regarde main tenant comrne le resultat anor- 
mal de la lesion de son intelligence. 

Ainsi, Alexandre est gueri de son delire; les hallucinations 
de l’ou'ie seules lui ont survecu, et avec elles persiste son etat 
d’inerlie et d’engourdissement physique. 

C’etait ici le cas, ou jamais, de les attaquer par le datura 
d’apres la methode de M. Moreau. C’est ce que nous avons fait. 
Pendant les quatre premiers jours, Alexandre prit 20 centigr. 
d’extrait de datura; les trois jours suivants, 30 centigr.; les 
deux jours apres, 40 centigr.; enfin, les trois derniers jours, 
50 centigr. Mais les hallucinations ont persist^: seulement, les 
voix qu’il entendait pendant la medication elaient plus claires 
qu’auparavant, et la terre lui paraissait elastique sous les pieds. 

Je n’entends pas par la infirmer la doctrine de M. Moreau 



336 DUS HALLUCINATIONS. 

nous avons trop peu experiments ce remSde pour pouvoir en 

tirer des conclusions. M. Moreau, d’ailleurs, est un observa- 

teur trop consciencieux, trop grave, pour que quelques faits 

negatifs puissenl nous permetlre de douter des rdsultats qu’il a 

obtenus. 

B... est un petit homme sec et maigre, au regard oblique el 
soupconneux , a la demarche tantot rapide, tantot lente, a ia 
physionomie spirituelle. Ses petits yeux gris pStillent de malice 
et de fourberie; son caractere est bizarre; sa moralitd a tou- 
jours etd ties equivoque, au point que lous les inoyens lui 
semblaient bons pour augmenter son pecule. 

B... s’adonnait volontiers 5 la lecture, et recherchait surtout 
avec avidite les livres de sorcellerie, de magic, de necromancie, 
ce qui exalta tellement son imagination crddule que sa raison 
fit naufrage. 

Unenuit, c’dtait en 1816, il entendit des cris rauques et 
effrayants qui paraissaient venir de la cheminee de sa chambre : 
e’etait le diable et ses satellites. Je vous laisse a deviner quel fut 
son trouble et sa frayeur! surtout avec une conscience aussi 
peu tranquille que la sienne.—D’autres fois le demon, tout en 
poussant des cris sauvages, s’empare de toutes ses facultds, lui 
donne des alfaques de nerfs, et lui inspire de mauvaises pen- 
sees et l’excite a la vengeance contre ses parents. — C’est done 
sous cette influence diabolique qu’un jour il lanca de toute sa 
force une espSce d’arme qu’il avail lui-meme confeclionnee, 
contre son neveu. Heureusement le coup porta it faux. L’arme 
passa cnlre les jambes de la victime, et alia se fixer solidement 
dans le mur. 

B... a pris en haine tous ses parents et une famille voisine. 
Et comment en serait-il autremenl? On dirait, en verite, qu’ils 
ont dlabii une espdee de rivalite enlre eux pour le tourmenter 
et le persdeuter. On lui ravit ses biens, qui sont immenses (il 
est pauvre comme Job); on detruit ses recoltes par des eneban- 
tements, car la famille Baric a l’enfer k ses ordres. Aussi ne 



DES HALLUCINATIONS. 


337 

nourrit-il d’autres sentiments que celui de la vengeance, qu’il 
poussera , si on le laisse faire, jusqu’a l’homicide. JVlais heu- 
reusement, pour parer a ces iuconvenients, l’autorite l’a se¬ 
questra dans l’asile de Maryville , ou il finira ses jours. 

B... , malgre ses grossieres superstitions, sa croyance au 
diable, est materialiste ; il ne croit pas a I’iinmortalite de son 
ame, parce qu’il est garcon. Or, d’apres son idee, les per- 
sonnes qui n’ont pas d’enfants n’ont point d’ame; car notre 
esprit passe dans celui de nos enfants, et Dieu est le soleil. 
Telle est I’histoire de B... le demonomaniaque. 

§ III. Hallucinations de la vue et de Vouie. 

Mademoiselle B... est agde de trente-six ans. Elle est blonde, 
grande, lymphatique; sa figure est distinguee, sa demarche 
lente et grave; ses manures sont honnetcs et polies quand elle 
le veut, mais elle ne le veut pas souvent. — Son caractfere fut 
gai et insouciant jusqu’a l’age de quinze ans; & cette epoque 
elle devint envicuse et laborieuse. A dix-huit ans, on a voulu 
la marier; mais elle s’y est refusee, car elle a le mariage en 
aversion. —Mademoiselle B... est genereuse et 6prouve une 
grande satisfaction a rendre service, et donne avec joie. 
Bonne et honnete, l’injustice lui fait horreur, 1’ingratitude 
l’afilige profondement, et jamais le moindre mensonge ne souilla 
ses lfevres. —Pauvre infortunee! dans la societe ou nous avons 
le malheur de vivre, voit-on autre chose qu’ingratitude, men¬ 
songe , injustice ? On y rencontre la fraude sous le manteau de 
la loyautd; la vertu y est dupee, la generosite raillee, la haine 
furieuse, et tiede l'amitie.... Les vices et les horreurs d’une 
pareille societe, son exquise sensibilite, ont conduit cette mal- 
heureuse b la folie. 

A 1’age de vingt-six ans, elle perdit uue soeur cherie, et en 
fut profondement afiligee ; une transpiration qu’elle avait aux 
pieds se supprima, et elle tomba dans une sombre tristesse. Mais, 
gr3ce aux soins maternels, au bout de deux ans et demi, elle 



DES HALLUCINATIONS. 


338 

reprit son caractere gai et enjoue. — Mais, helas! un accident 
cruel vint, quelques annfies plus lard, faire de nouveau nau- 
frager sa raison. Elle fut blessfie dans la parlie la plus sensible 
de son ame, dans l’honneur : on l’accusa d’entretenir des in¬ 
trigues avec un officier. Cette lache calomnie la frappa si vive- 
ment que ses regies se supprimferent tout-a-coup; elle fut prise 
d’attaques de nerfs, et devint completement folle. 

Dbs-lors elle voit toujours ses accusateurs qui l’insultent et 
l’outragent; ils la lourmentent au moyen de la magie et de la 
physique. L’eau qu’elle boit, l’air qu’clle respire, les aliments 
qu’elle mange, sont empoisonnes par des operations caba- 
listiques. Ses vetements, si elle vient a les quitter, sont imme- 
diatement ensorceles : aussi se refuse-t-elle a changer de linge. 
— Depuis dix-huit mois, elle ne couche pas dans son lit; elle 
passe les nuits sur une chaise, a lire ou a travailler.—Elle voit 
dans chaque etre un conspiraleur, un ennemi jaloux de son 
repos. Le genre humain tout entier s’est ligu§ contre elle, che- 
tive crdature; et, qui le croirait ? son pere est son ennemi le 
plus acharne : aussi l’a-t-elle en horreur. Si elle n’a pas suc- 
combe sous leurs embuches, c’est que de bons esprils, de bons 
genies viennent la consoler et lui tendre une main charitable 
au milieu de ses prieres et de ses malheurs; ils lui conseillent 
de manger, car en mangeant, ses ennemisn’ont aucun pouvoir 
sur elle, et elle de manger nuit et jour. 

Chose etrange! mademoiselle B... a une horreur indicible 
de l’incendie, et pour dissiper sou delire et la rappeler a la 
raison , sa mere n’a qu’k jeter devant elle un papier alluine, et 
aussitot son delire cesse et se tait pendant plusieurs heures. — 
Et dans ses plus grands acces de fureur, ce qui lui arrive sou- 
vent, surtout lorsqu’on la contrarie, si unepersonne etrangere 
entre dans sa maison, sa fureur tombe tout-i-coup, et les traits 
de sa figure se composent au calme et & la serfinile. 

Un pafsan prussien voit et emend un ange qui lui ordonne 
au nom de Dieu d’immoler son fils sur un bucher, et aussitot, 



DES HALLUCINATIONS. 339 

ob&ssant a la voix du ciel, il donne ordre & ce fils de porter du 
bois dans un endroil qu’il designe. Celui-ci obeit, et le nouvel 
Abraham Intend sur le bucher et l’immole : c’Ctait son fils 
unique (1). 

Brutus 6tant & Sardes, 6c haiiffe par les veilles et le travail, 
voit pendant la nuit un spectre d’une taille efTrayante qui vint 
se placer vis-h-vis de lui, et auquel il dit froidement: « Es-tu 
un dieu ou un homme ? — A quoi le spectre rfipondit: Je suis 
un esprit, je suis ton mauvais g6nie. Tu me reverras dans les 
champs de Philippes.'—Soit, repliqua Brutus, nous nous rever- 
rons.» Le lendemain, Brutus parla de cette apparition a son 
collegue CassiuS, qui, 6tant Cpicurien, ne croyait pas qti’il 
existat autre chose que la mati&rc; il traita cette apparition 
pr6tendue et ce colloque d’illusion nocturne. Brutus en eut la 
meme idee, et finit par en rire (2). 

Encore une observation remarquable que j’emprunte a 
M. Leuret (3) : 

<< Aim6e avail trente-deux ans; sa constitution <Stait robuste; 
sa figure exprimait un 6tat de souflrance habituelle; elle pleu- 
rait souvent. Elle Ctait agee de onze ans quand elle a perdu sa 
mere; son pere s’est remarie. Un soir, sa belle-m&re, au mo¬ 
ment de souper, l’a mise h la porte avec un frere et une sceur. 
Tous trois ont 6tC recueillis par des voisins, et ont trouvC a se 
placer comme domestiques. Sa sceur a fait ses soumissions res- 
pectueuses et s’est marine ; son frere en a fait aulant. Elle a 
aussi demand^ le consentement de son pere ; mais son pere le 
lui ayant refuse, elle n’a pas voulu se marier malgre lui. « Je 
respecterai, a-t-elle dit, la volonte de mon pCre; je resterai 
sa fille. » 

» Pendant qu’elle 6tait en service, un homme, qui depuis 


(1) Journal d’Hufeland. 

(2) Rollin , Hist. rom. 

(3) I.eiirci, Frag psych, sur la folie. 



DUS HALLUCINATIONS. 


340 

quelque temps la recherchait, lui frappa sur l’Spaule , lui prit 
la main et lui demanda : « Combien gagnez-vous? Si vous 
voulez vivre avec moi, vous ne manquerez de rien. — Non, 
a-t-elle rSpondu , j’aime 1’honnStetS et la vertu; quand vous 
seriez las de moi, vous me renverriez ; je ne veux pas vivre 
dans le concubinage. » Trois jours apres, se trouvant chez un 
Spicier, cet homme y est venu, l’a saisie avec force, et lui a 
jetS dans la bouche le reste d’un verre d’eau-de-vie dont il 
avait bu la moitiS. L’horreur et le dSgout qu’elle en a ressentis 
lui firent une telle impression, qu’en moins de buit jours elle 
Stait Spileptique. 

» Plusieurs medecins ont StS consultSs pour la dSlivrer de 
ses attaques; ils u’y ont rien fait. Apres sont venus les charla¬ 
tans, qui n’ont pas mieux reussi. Un paysan lui a dit qu’elle 
Stait ensorcelSe; elle a eu recours aux priferes et aux peleri- 
uages. Sa maitresse lui conseillait d’avoir un enfant, lui fai- 
sant espSrer que peut-etre ca la guerirait—« Je ferai un petit 
malheureux qui 11 ’a qu’a tomber du haut-mal comme moi; 
non, dit-elle, je veux Stre sage. » 

» Ses attaques sont devenues de plus en plus frequentes, et 
n’ont pas tarde a s’accompagner d’agitation et de dSlire. Elle ne 
pouvait plus demeurer cbez ses maitres; on l’a placSe a la Sal- 
petriere, dans la division des epileptiques. Elle est reslSe plus 
de cinq ans dans cette division. Quand l’Stat de sa santS 11 ’Stait 
pas trop mauvais, elle travaillait; son gain Stait employs a quel- 
ques dSpenses d’babillement ou de nourrilure. Mais pendant un 
acces de dSliVe, qui suivit une altaque d’epilepsie, elle s’est 
jetSe par la fenStre, sachant bien qu’elle ne se feroit pas de 
mal, et parce que Dieu lui avait dit : « Va a la fenetre, et tu 
voleras comme un oiseau.» On fut des lors obligS de la mettre 
avec les alienSes. La, enfermSe dans une loge Stroite et humide, 
ne voyant le jour que par une fenetre d’un pied carrS et garnie 
de deux barreaux on fer, sans vStements, ne pouvant se reposer 
sur un lit, chaque nuit et sou veil tesfois pendant le jour, elle 



DES HALLUCINATIONS. 


341 

6tait couchfie sur la pierre. Quand elle se levait, elle se cou- 
vrait les epaules et la poitrine d’un debris de jupon, puis venait 
4 la fenetre appuyer son front conlre les barreaux. On l’enten- 
dait rdciter avec 1’acceut d’une foi vive quelque prifere chr£- 
tienne, converser avec Dieu , ou interpeller quelques unes des 
personnes qu’elle voyait passer, el dans lesquelles elle recon- 
naissait ou un parent ou un ami. II arrivait qu’apres ses at- 
taques elle etait cornme imbecile et meme furieuse; son etat 
ordinaire etait calme, triste. Des la premiere fois qu’elle me 
vit, elle me prit en affection, et m’appela son oncle. « Je suis 
bien malheureuse, me dit-elle. Quand est-ce done que j’irai 
travailler, que je gaguerai ma vie? Je tremble de froid. (C’etait 
au mois de juillet 1832. Elle ne voulait supporter aucun vete- 
ment ni coucher sur uu lit. Tout ce qui la touchait la genait 
ou la brulait. Des qu’on lui donnait une couverture, elle la 
mettait en pieces.) Je ne me plains pas a faux; j’ai couche 
deux nuits sur la paille; il y a de bonnes couvertures, et on ne 
rn’en offre pas. J’ai un bon paquet, mon oncle; je ne le don- 
nerais pas pour 100 francs. Qu’on me mette dehors de la Sal- 
petriere; je n’ai jamais ete malheureuse cornme a present. Je 
tremble et je brule. 

» Y a-t-il longtemps que vous etesici? —II y a sept ans Ie 
15 decembre; j’ai ete cinq ans et demi fipileptique. — Quel age 
avez-vous ? — Trente-deux ans depuis le 25 fevrier, je vais 
it 26. — Yos attaques viennent-elles souvent? — Oui, mon 
oncle, bien souvent, mais surtoutsije perdsdusang. Quand je 
serai morte, je serai bien heureuse; j’ai souvent l’envie de ne 
pas boire ni manger pour etre plus tot morte. Prie M. B .. de 
me renvoyer, on ne peut retenir personne de force dans un ho- 
pital, j’ai toute ma raison. — Il me semble que vous souffrez, 
vous avez froid? — Je tremble et j’ai chaud. Qa me cuit la tete 
cornme du feu; je souffre de mes dents, de mes oreilies, de tout; 
je le peux bien dire, je ne ments ma foi Dieu pas. — fites-vous 
bien sure que je suis votre oncle? — Oh! oui, j’en suis bien 



DES HALIUCINATIONS. 


342 

sure, vous etes Jean. — Vos parents viennent-ils vous voir ? — 
Non, il y a plus de deux ans que je n’ai vu personne. — Mais 
je suis venu, moi; est-ce que vous ne dites plus que je suis votre 
oncle ? — Oui, vous etes mon oncle, le bon Dieu me l’a bien 
dit et la bonne Vierge. Nous avons cause ensemble, nous avons 
fait une conversation qui 6 tait superbe. Le bon Dieu m’a dit: 
Ton oncle Jean est l’homme le plus franc; il m’a dit que vous se- 
rez heureux. Il m’a dit aussi: Prends courage, j’avais la pensfie 
de dechirer, do cogner. G’est le bon Dieu qui donne les pen- 
sSes. Tenez, mon oncle, voila le bon Dieu qui me parle. 
« Tu ne Vas pas manquer de te bien porter, tu souffres, il y 
a des jours oil tu ne veux pas boire ni manger, tu voudrais 
mourir de faim. — Oui, mon pfere. — Tu ne mourrais pas de 
faim, tu souffrirais davantage; dans le jour de la bonte, tu 
dois t’enaller. — Oui, mon pere (et s’adressant a moi): Je pense 
que c’est pour le jour de la Toussaint. — Ne crois pas cela, tu 
seras surprise, on ne te dira pas le jour; dis 4 la sceur Marie 
qtt’une procession viendra te chercher. —Votre sainte volontii 
SOit faite, mon pere. —Ne tefais pas deprisonner, j’enverrai des 
personnes qui me donneraient les idees de sauter par dessus les gril¬ 
les. Ecoute, mon enfant: J.-G. est pres dete traiter comme tu le 
merites. Tu vois quelquefois ta tante bien habillde. Cette nuit 
je t’ai donne la pensfie de chanter une complainte (elle a en effet 
chante toute la nuit). Jetedonneraiune couverture, tu la pren- 
dras. — Oui, mon pfere. Je ne demande rien que la vie, si 
vous voulez me la donner, et la sagesse, si vous voulez me la 
conserver. — Tu n’aurais pas dix ans. — Votre sainte volonte 
soit faite, mon pere. — Tu seras bien logee, dans un beau ba- 
liment; veux-tu savoir qui l’a fait batir ? c’est ton oncle que 
voilli. — Mon pbre, tout comme vous voudrez; si c’est votre 
volonte, j'irai au cimetiOre. — Mon enfant, en voilh suffisam- 
ment; fais le signe de la croix. » Elle se signe et prie. 

» En faisant parler Dieu, elle avait l’air inspire, son regard 
6 tait t 0 urn 6 vers le del, elle etait immobile, la bouche seule ex- 



DES HALLUCINATIONS. 343 

primait Iespensfies, sa parole avait le ton de la bienveillance; en 
repondant a Dieu, elle dlait soumise et resignde. 

» A la commiseration pour ses maux se joignit, dans mon 
cceur, un profond sentiment de respect pour tant de vertu. 
Pauvre fille! elle n’a connu que jusqu’ii l’Sge de onze ans le 
bonheur d’avoir une mdre; depuis, elle a dtd chassee par une 
marltre: son pfere l’avait abandonnde; elle pouvait, en se mariant, 
trouver l’appui dont elle avait besoin; elle ne s’est pas mariee, 
parce que c’eut etdagir contre la voloute de son pere. Au plaisir 
qu’elle n’auraitpu gouter sans deshouneur, elle prdfdra un tra¬ 
vail pdnible ; une insulte la fait tomber dans la plus aflreuse des 
maladies, et pour en sortir elle ne voudrait pas commettre une 
faute; reduite a la condition la plus malheureuse, j’aurais dit la 
plus abjecte, s’il pouvait y avoir de l’abjection pour la vertu, elle 
garde sa purete, elle ne profdre aucune plainte contre ceux qui 
Font insultee, chassee ou delaissee. 

» Quelques jours apres que j’eus entendu la conversation dont 
je viensde rendre compte, je vis Aimee : elle dtait au bain; une 
attaque 1’avait prise; sa figure avait la paleur et l’immobilite dii 
corps que la vie abandonne; elle dtait sans connaissance. Une 
affusion froidelui rendit le sentiment; elle murmura, en revenant 
a elle: Dieu merci, je vais rnourir. 

» Quelques mois encore et elle ne souffrait plus. 

» Et nous sommes impuissants pour prdvenir ou soulager une 
pareille infortune! Rien qui atteigne une maratre chassant Ies 
fils de la maison paternelle ; rien contre le criminel qui outrage 
une femme vertueuse! 

» Puis quand le mal est fait, rien qui le guerisse! 

. » Legislation, morale, mddecine, que promettez-vous done? 
Paix et justice, qu’etes-vous sur la terre ?... 

» Oh! que dans un monde meilleur le juste soit recompense! 
Quel’espoir de celui qui souffre ne soit point une chimere! Que 
Thomme reste pur k l’epreuve du malheur soit refu dans le sein 
de la divinity! 



DES HALLUCINATIONS. 


SUU 

» Et moi dans mes paroles et dans mes ecrits, puisse-je ne 
donner jamais lieu a aucune interpretation contrairea la croyance 
de Dieu, croyance si vraie pour tous les horames et si neces- 
saire aux malheureux!» 

§ 1Y. Hallucinations du toucher.’ 

Les hallucinations du toucher isolees de tout autre sym- 
plome de folie sont trds rares. M. Leuret en cite un exemple: 
c’estcelui d’un ouvrier qui se sentit saisir par le bras dans l’e- 
glise Saint-Sulpice, & Paris, ou il fitait en priere, et fut conduit 
jusqu’ii la butte Montmartre par une main invisible. Il passa la 
nuit en plein air et sans bouger de place. Le leudemain en ren- 
trant chez lui, «Il se passe des choses extraordinaires, s’dcria- 
t-il, et bienlot des choses obscures seront expliquees. » Sa 
raison dtait parfaite sur tout le reste, au point queses parents le 
crurent inspire. 

Quant a moi je n’ai recueilli qu’une seule observation de ce 
genre: c’est celle d’une femme agfie de quarante-sepl ans qui 
croit que les personnes qui lui parlentlui lancent des traits a, la 
tete. Cette femme est souvent taciturne, rnais parfois elle parle 
avec une volubility extraordinaire. Ellese dit issue d’une grande 
famille. Elle passe souventesfois subitement de la col&re a la 
joie, et vice versa. Elle a jure une haine implacable a ses parents 
et aux personnes qui l’avoisinent, parce qu’clles lui lancent des 
traits et veulent l’cmpoisonner. 

§ V. Hallucinations du gout. 

Les hallucinations qui se rapportent a ce sens sont encore 
plus rares que celles du toucher: je n’en ai pas encore rencontre, 
et je suis meme persuade qu’il n’en existe pas isolees de toute 
autre hallucination. En effet, comment peut-on concevoir la le¬ 
sion de ce sens sans qu’il y ait en mdme temps Idsion de la vue, 
du toucher ou au moins de l’odorat ? Car pour qu’il y ait hallu¬ 
cination du gout, il faut que le malade croie manger, etparlant il 



DES HALLUCINATIONS. 345 

faut qu’il voie, qu’il touche, qu’il sente la nourriture qu’il pre¬ 
tend savourer. C’est impossible aulrement. 

Les illusions occasionnees par le sens du gout sont au con- 
traire tres fr^quelites. Beaucoup d’insenses trouvent aux ali¬ 
ments et auxboissons une saveur toutedifferente de celle qui leur 
est propre. Ce n’est pas tout. Sans etre alifinees, beaucoup de 
personnes, dans certaines circonstances, en cas d’embarras gas- 
trique par exemple, trouvent aux mets les plus exquis et les plus 
d61icats une saveur desagreable et nauseabonde Tout le monde 
est a meme de faire cette remarque. 

§ VI. Hallucinations de 1‘odor at. 

Les hallucinations de 1’odorat sont aussi assez rares, mais pas 
autant que les auteurs le disent. L’odorat, en efTet, est indfipen- 
dant des autres sens, etpartant, on peut parfaitementconcevoir 
sa lesion isolee. J’ai recueilli trois observations remarquables 
d’hallucination del’odorat; je vaisles rapporter ici. 

M. A... est un ancien capitaine age de quarante-cinq ans ; & 
la suite d’une apoplexie pulmonaire il eprouva du trouble dans 
les idees. 

line peut respirer, dit-il, it va eloufTer dans la nuit: c’est son 
dragon qui lui ote l’air necessaire a la respiration; demain matin 
on le trouvera mort dans son lit. Tout autour de lui, dans sa 
chambre, en plein air, au milieu du parterre le plus odorant, 
s’exhale une odeur horriblement infecte qui le poursuit comme 
un cauchemar. Qui peut le poursuivre ainsi? c’est son dragon. 

Madame H... est ageede trente-sept ans; elle eutdeux enfants, 
ettous les deux moururent rachitiques. Son mari, redoutant le 
meme sort pour ses enfants a venir, resolut de ne plus en avoir. 
Madame H... en concut des scrupules que les conseils impru- 
dents d’unconfesseurne firent qu’aggraver: son esprit, d’abord 
effraye, finit neanmoins pat' se calmer; elle vdcuten paix pendant 
plusieurs annees. Mais une ftlle devote ebraula de nouveau son 



346 DBS HALLUCINATIONS, 

moral mal affermi; elle se livre avec elle, en cachette de son 
mari, a des lectures et a des pratiques ascetiques; son imagina¬ 
tion s’exalte, sa tete se trouble et les menaces d’autrefois se re- 
presentent a sa memoire. Elle se croit daumee, elle sent une 
odeur infecte, c’est l’odeur du diable. 

Madame H... est sombre et taciturne, et si parfois elle rompt 
lesilence, c’est pour parlerde damnation. Enfm, cet 6tat empirant 
tous les jours, madame H... est amene a Maryville, Ie2mail842. 
Le surlendemain elle etait gu6rie et sans traitement aucun, tant 
fut grande chez cette femme 1’influence de l’isolement. 

Une autre femme agee de trente-six ans, et atleinte depuis 
longtemps d’acces de manie, m’affirmait sentir la sueur de son 
mari absent ainsi que la mienne, et. qu’elle les distinguait par- 
failement l’une de l’autre. C’esl dans ses moments calmes et lu- 
cides qu’elle eprouvait cette hallucination. 

§ VII. Hallucinations des cinq sens. 

Ges hallucinations sont assez communes; elles indiquent une 
profonde lesion de l’intelligence. 

Charles S... est un petit hornrne rnaigre, sec et voute. Onlui 
donnerait, a levoir, quatre-vingtsans, etcependant iln’enaque 
cinquanle-huit; il est de la religion lulherienne, et commis- 
marchand de profession. 

Charles a recu une brillante Education: c’est un vrai poly- 
glotle; il parle tant bien que mal le grec, le latin, l’italien, l’es- 
paguol, le francais, l’anglais et 1’allemand. 11 joue en outre du 
violon et se livre parfois au dessin. Charles compte dans sa fa- 
mille un aliene et deux epileptiques, et quant a lui, il roule les 
Fetites-Maisons depuis vingt ou vingt-cinq ans; car depuis vingt 
ou vingt-cinq ans il voit des legions de diables dont les uns sont 
noirs et a cornes et les autres sans cornes. Ces diables vieuuent 
souvent se placer a cote de lui dans son lit, le harcelent conti- 
nuellement, ils ont toujours la menace et l’injure 4 la bouche; 



DES HALLUCINATIONS. 


3A7 

parfois ils loi parlent un Iangage iuconnu, ils pen&trent dans son 
corps et le brfilent. D’autres fois ils cherchent a saisir le fil qui 
le rattache a la vie, savoir, le lien qui l’unit a Dieu et aux car-> 
rieres honnetes, mais ils ne sont jamais parvenus a le trancher. 
Ces demons repandent une odeur infecte et desagreable et lui 
envoient souvent dans la bouche un gout acide, et cela parce que 
son fr6re s’appelle Sigismond, qui en allemand signifie bouche 
de vinaigre. 

Un jour, un de ces malins esprits, noir comme un charbon, 
appel6 Amps, lui a .mordu trois doigts; il en porte encore lea 
marques. 

Charles souffre horriblement. Si du moins il etait la seule vic- 
time de l’enfer! mais, h61as! il a vu les bumains au-dessous de 
ses piedssc donner au demon, tomber dans les pieges sataniques. 
Malheur, malheur a l’humanitfi!!! 

Si pour Charles tout n’est pas roses dans la vie, parfois il 
fiprouve des joies ineffables; il voit souvent, bien souvent Dieu 
environn6 de toute sa gloire. Il voit les saints et les anges du 
paradis ou les anges males courtisent et font l’amour aux anges 
femelles tout comme ici-bas, et c’est en cela que consiste leur 
bonheur. 

Il n’a jamais vu la vierge Marie, car les lutheriens ne l’invo- 
quent pas. 

Cof... est l’etre le plus bizarre et le plus extraordinaire que 
j’aie jamais vu de ma vie. Il est age de quarante-trois ans. C’est 
un grand maigre, & la taille flutee, au sourire sur les lfevres. Il 
est pieux, honnete, poli et tres serviable; il a recu une belle 
education, et nous l’occupons souvent a ecrire, car il a une Ven¬ 
ture superbe. 

Il est impossible de trouver une personne plus attentive que 
lui & ce qu’il fait, et, chose 6tonnante 1 il n’est pas de fibre dans 
son cerveau qui ne soit lesde. Il est a Maryville depuis 1830. 

Il entend des voix dans le lointain qui le menacentel le,pro- 
voquent. Cause-t-il avec quelqu’un, la voix de son p6re r6p6te 



DES HALLUCINATIONS. 


ses mots, et parfois merne elle prononce avant lui. Sa mfere, 
mortc depuis longtemps, lui dit souvent avec une voix aigre et 
criarde : Hosanna, hosanna let l’appelle rodomont, ce qui l’in- 
quiete beaucoup. 11 voil souvent sa mere comme a travers une 
gaze. Un jour il la vit, a cent pas de lui, percde d’un coup de 
sabre par un cuirassier dont l’armure etait couverte par une 
chemise empreinte d'une arme etrang'ere : c’etait au moment 
que la terre s’entr’ouvrait et les morts ressusciiaient; il a voulu 
courir a son secoursj; mais, 6 prodige! il a dte arrete par un souf¬ 
fle brulant qui le rendit immobile comme une statue. 

Souvent une langue de feu, repandant tantot une odeur sul- 
fureuse, tantot une odeur suave, vient friser autour de son lit 
pour l’inviter au repos. D’autres fois le tonnerre, pour l’dprou- 
ver, eclate sur sa tfiie sans 1’atteindre; dans la courde l’hospice 
on voit encore l’endroit ou le tonnerre a souleve la terre el les 
dalles et vint passer entre ses jambes; c’est un trou d’ou il est 
sorti et puis rentre en jetant des flammes et en eclatant dans les 
airs. 

Cof... enlreprend quelquefois des voyages aliens; il s’eldve 
comme un oiseau a des hauteurs prodigieuses d’ou il apercoit la 
terre tourner et par instant s’arreter; de son interieur elle laisse 
exhaler des vapeurs d’une odeur et d’un gout infects qui ten- 
dent a l’asphyxier; ces vapeurs pdndtrent dans les appartements 
en tournoyant comme si elles dtaient inues par un cylindre, et 
font du bruit comme si des ressorts sc detachaient. 

Souvent aussi des cadavres aux longs pieds l’entourent, et alors 
une main celeste vient a son aide et le defend. 

Etant dans son pays natal, un jour il fut attire a l’eglise par 
une force invisible, et lh son cerveau s'est evapore sous forme 
de fumde; depuis lors il est sans cervelie. 

Dans sa jeunesse on lui a fait manger de la chair de cheval 
(ce qui est defendu par la religion), laquelle lui a laissd dans le 
corps les traces du pdchd veniel et du peche mortel. Tout le 
monde le sait, le cheval est compose de feu etde plusieurs au- 



DES HALLUCINATIONS. 


tres Elements, et est le produit d’une mdiamorphose. Ce noble 
animal renfernie daus son corps, tantot des secrets, tantot des 
personues, selon que le cheval a dte cree par l’homme ou 
1’homme par le cheval. Ainsi done des qu’il eut mange de la 
viande cavaline, dontle gout etait comme mdtallique, son abdo¬ 
men s’est ouvert des deux c6tes et il en est sorti deux grains, 
dontl’un veniel et l’autre morlel. Cof... recueillit ces grains, les 
enduisit d’onguent et de salive et les jeta au feu pour les purifier. 

Toutes ces merveilles ne sont rien aupres de la puissance ex¬ 
traordinaire dont Cof... est investi. Depuis bien longtemps Dieu 
vient a de longs intervalles se placer invisiblement a cole de lui, 
et lui communique la faculte de erder avee des coquillages, de 
la terre, des onguents et de la chaux, etc. 

Cen’est pas tout: unjour en taillant une plume il se fit une 
blessure au doigt medium, et, chose etrange! de cette blessure, 
qui le croirait ? il soflit un jeune homme trds bien fait. Au bras 
gauche il porte une cicatrice, laquelle, s’etant ouverte, laissa sor- 
tir un joligarcon, une jeune fille belle comme un amour, et un 
chien qui, ayant ete tud quelque temps apres, ressuscita. On 
mit h ce chien un collier, et l_ui Cof... sentait cecollier comme 
s’il 1’avait portd lui-meme, ce qui l’empdchait d’ecrire avec or- 
thographe. 

Enfin, nouveau Briarde, Cof... fut vu quelquefois avec plu- 
sieurs bras et plusieurs mains. Ce phdnomene provenait de la 
manipulation des vivres. 

A-t-on jamais vu insense pareil a celui-ci ? Eh bien ! malgre 
tant d’ballucinations, malgrd tant de conceptions delirantes, il 
n’y apersonne au monde qui soit doue d’une plus grande apti¬ 
tude pour le travail, surtout pour la comptabilite et les ecritures 
que lui. 11 n’est pas dejournde qu’il ne passe sept ouhuitheures 
it dcrire. 

(La suite au prochain numiro .) 


ANNAL. MEP.-r 


i. t. vi. Noycmbre 1845. 3. 



350 


PATHOLOGIE MENTALE 


PATHOLOGIE MENTALE 


2' Siettre (1). 


DES JOURNAUX OE PSYCHIATRIE EN ALLEMAGNE. 

Avant de quitter l’Allemagne, permettez-moi dejeter encore 
un coup d’ceil sur cct interessant pays. La crainte d’etre trop 
long et trop court dans 1’appreciation de certains details me 
domine 6galement; tout en desirant garder un juste milieu rai- 
sonnable, je ne puis m’empecher de revenir sur le simple voeu 
que j’&nettais de voir se former chez nous une soci<5te mCdi- 
cale dont les interets scientifiques seraient fondes sur une base 
plus large et plus philosophique. L’Allemagne cst, sous le rap¬ 
port des id<5es, notre alliee naturelle; madarne deStael, dans 
son celebre ouvrage, a peut-etre trop fait ressorlir les contrastes 
qui impriment au caractere et a la manure de sentir de ces deux 
peuples un cachet en appareuce si different; jecrois, pour ma 
part, que la fusion scienlifique serait plus facile ii operer qu’on 
ne le pense. Hardis en theorie, timides dans l’application, les 
Allemands out souvent fait au bon sens pratique et a la luciditfi 
de la raison franfaise d’utiles emprunts. D’uu autre cote, les 
idees de ce peuple, eminemment penseur et meditatff, out eu 
pour nous un avantage que les esprits impartiaux se plairont & 
reconnaitre. Je veux encore bien passer a quelques personnes 
le plaisir de se moquer de la philosophic nebuleuse des Alle- 


(l) Yoy. IcNumerode scptembre 1845. 




EN BELGIQUE, EN HOLLANDS ET EN ALI.EMAGNE. 351 
mantis; je ne crois pas necessaire tie del'endre des homntes lels 
que Fichte et Schlegel; mais je demanderai si la physiologie, 
l’anatomie, les sciences naturelles, la chimie, la chirurgie, la 
medecine, enfin , ne sont pas dignement repffisentees par des 
hommes tels que Muller, Valentin, Burdach, Ocken, Liebig, 

Humboldt, Gall, Schonlein, Dieffenbach, etc., etc. Mais 

comme je m’adresse par votre organe a un journal psybhiatri- 
que , je veux me renfermer dans le cadre de sa spScialite, et ne 
Crois pas m’en ecarter en vous faisant un re sum 6 du journalisme 
allemand pour ce qui regarde l’etude des maladies mentales. 

Je vous ai dejh parle, dans ma dcrniere Hettre, des celebres 
medecins-alienistes que j’ai eu le bonheur de voir; yous avez 
pu juger vous-meme, monsieur, dans votre dernier voyage, de 
la valeur d’hommes tels que Roller, Jacobi, Schrader Yander 
Kolk; je ne veux ici que constater un fait chronolOgique, 
celui de l’iiiitiative que prit l’Allemagne en produisant les pre¬ 
miers organes periodiques en psychiatric. II devait en el re ainsi 
avec la nature de cet esprit allemand qui fit toujotirs marcher 
de pair la philosophie et la m6decine. Le pays qui vit naitre des 
organes pour les theories de la force vitale* de 1’excitation , du 
mesmerisme, du magnetisme , ne pouvait pas resler en retard 
pour exploiter le champ des maladies mentales. Si nous remon¬ 
tons a l’anuee 1783 , nous voyons deja apparailre un edit pe- 
riodique que nous ne ferons que mentionner ; il a pour litre: 
Recueil pour l’etude du traitement des maladies mentales, 
par Moritz (1). 

Des histoires, quelques cas curieux, sans pretention a aucune 
espece de theorie ou de doctrine, signalerent ce recueil, qui 
peut pourtant etre consuke avec interet. 

- Reil, qui se fit un nom si honorable par ses travaux sur la 
structure des fierfs et surtoul par ses memoires sur l’emploi de 


(t) Je dois ccs details sur le journalisme a l’obligeance de M. DaitieroyV. 



PATHOLOGIE MENTALE 


352 

la mfithode psychique pour la guerison des maladies meniales, 
peut etre considere comme Ie premier fondateur d’un journal 
special pour ces affections. Le premier numero du Magasin pour 
l’dtude du traitement psychique, par Reil et Kayssler, parut en 
1805, a Halle, en Prusse. 1° Reil veut une psychologie medi- 
cale, et ne concoit deja plus Ie traitement des maladies mentales 
fait par des philosophes non mddecins; 2° le caractere de son 
journal tend a briser les entraves de la gfineralite pour aborder 
les details, a abandonner 1 'ideal pour le reel, el ne plus se con- 
tenter des reflexions, mais altaquer franchement la pratique en 
s’appuyant sur l’observation et I’experience. En effet, qu’avait- 
on fail avant Iui ? assister ciu drame de la folie, dit M. Damerow, 
ce qui dtait chose plus facile que d’agir d’apres les donnecs, 
toujours plus lentes, plus minutieusesetplusfatigantes, del’ob- 
servation. Pour achever de caracteriser Reil, disons qu’il vou- 
lait que dans un ecrit p&iodique predominat une thdorie. 

De 1783 jusqu’a l’epoque de Reil, nous avons franchi un 
espace immense, non pas tant pour les resultats obtenus que 
pour la direction nouvelle donnce aux etudes medico-psychi- 
ques. Les dcrits de cette dpoque, ayec les litres pompeux de con- 
missance de Uhomme , de philosophie anthropologique, etaient 
rddigds par des hommes qui n’etaient rien moins que medecins. 
Moritz, Maimor, Pockels, Mauchard, Wagner, Schmid, etaient 
des philosophes, des anthropologues, qui yivaient sur quelques 
principes mis en avant par Herz, Metzger et Wedekend dans les 
Magasins deja cites; qui, d’uu autre cote, profitaient des idees 
d’Erard, dans son Essai sur la folie et ses commencements 
(Versuch uberdie narrheit und ihre erste Anfdnge), puisaient 
sans scrupule dans son autre ouvrage sur la melancolie ainsi que 
dans l’ouvragc de Wagner. En un mot, les ecrivains de ces 
feuilles pdriodiques metlaient tout a contribution, et Ton ne 
peut demander plus a des gens qui appartenaieut a toutes les 
branches de la hierarchic sociale, qui les avaient cultivees toutes 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDE ET EN ALLEMAGNE. 353 
avec plus ou raoins de succes, except^ la principale. II y avait, 
dans cette singuliere reunion d’ecrivains, des professeurs, des 
secretaires d’fitat, des pasteurs, des commissaires de police, 
voire memo des comtidiens. 

Revenons a Reil. Tout en lui rendant l’honneur qu’il mdrite, 
il est juste de mentionner celui qui 6tait, pour ainsi dire, de 
son recueil Fame vivante; je veux parler du philosophe Kayssler. 
D’apres Damerow, les trois premiers num<5ros du Magasin de 
Reil sont tout entiers de Kayssler; on ne doit au premier que 
l’article intitulfi Medecine et pedagogique. Reil n’etait pas fachfi 
d’appliquer a la medecine psvchique les idees de son savant col- 
laborateur: aussi la tendance philosophique domine-t-elle dans 
cet ouvrage, qui, selon l’expression de Damerow, n’etait encore 
que l’introduction de tout ce qui devait paraitre dans la suite. 
Si Ton trouve encore dans le journal de Reil les traces de va- 
gues abstractions d’une philosophic nebuleuse, on y remarque 
avec plaisir les tendances bien aulrement utiles d’une etude plus 
approfondie des principes qui doivent diriger en psychialrie; 
nous en avons parle dans uu autre endroit a ptopos des principes 
de Reil. Contentons-nous de signaler ici que' l’esprit du journal 
de ce savant a et6 le point de depart des doctrines qui regnbrent 
dans les journaux de psychiatrie qui suivirent cette epoque. 
Quant a la pathologie spficiale et a la tlnirapeutique, il ne.faut 
pas trop demander, sous ce rapport, a Kayssler et a Reil; l’e- 
poque, du reste, n’dtail pas assez avancee pour traiter avec fruit 
ces sujets dilEciles; d’un autre cote, Kayssler abandonna Halle 
et mourut peu apres; le journal lui-meme cessa de paraitre 
en 1806. 

Mais l’infatigable Reil n’en continua pas moins ses recherches ; 
enl808, il se joint au professeur Hoffbauer, a Halle, pour pu 
blier un 6crit periodique avec le titre : Recherches d’une me- 
thode de guerison pour les maladies mentales. 

Encore une fois, nous voyons ici l’union d’un m&Iecin avec 
un philosophe; mais ce n’est plus un idealiste transcendant, 



PATHOLOGIE MENTALE 


354 

c’est un kantiste pur, qui, deja en 1802 et en 1803, avantl’ap- 
parition des Rhapsodies , avait publie des recherches sur les ma¬ 
ladies de 1’ame; qui, en 1807 et en 1808, outre son travail sur 
le ddlire, ses differentes formes, publiait une psychologie me- 
dico-legale. Reil ne pouvait faire un meilleur choix: Hoffbauer 
n'6tait pas seulement un philosophe speculatif, mais un mfidecin 
qui, deja, avait produit des choses utiles et devance ses con¬ 
freres dans le champ de l’observation. Les deux mMecins de- 
sirerent alors le concours d’autres collaborateurs; ils firent un 
appel aux praticiens etaux psychologues, et les invitent a Ieur 
envover des observations ou ils rfeumeront, non seulement 
l’histoire des maladies de l’ame, provenant de causes psychiques, 
mais ils appellent leur attention sur des maladies somaliques, 
resullat d’6(ats psychiques maladifs. Plus loin, ils demandent des 
travaux qui auraient pour but d’etudier les rapports mutuels du 
corps et de l’ame; ils desirent des materiaux pour une thera- 
peutique psychique, et enfin ils veulent connaitre, outre les 
travaux que Ton fait chez eux, tout ce qui se produit a l’etranger. 
Reil, comme medecin, dirigea tous ses efforts dans le sens de 
ces difKrents desiderata. L’idee qu'il caresse le plus est celle de 
l’union de la chirurgie, de la medecine et de la psychiatric; il 
voit dans ces trois branches de Part de guerir trois choses qui 
ne peuveut se separer, et qui, par la nature de leurs 61ements, 
doivent elre r6unies pour former un tout, une science medicale, 
qui, consideree a ce point de vue, puisse rdpondre veritable- 
ment aux besoins de la nature huraaine. Les travaux de Iloff- 
bauer ont une tendance plus pratique peut-etre; nous y voyons 
des considerations et des jugements sur des cas de maladies, des 
recherches sur la folie en general et sur ses formes en parti- 
culier. 

Quoique le journal en question cut la pretention d’embrasser 
toute la psychiatrie theorique et pratique, il ne representait 
pourtant en somme et au point de vue theorique que celui du 
dualisme, e’est-a-dire la medecine psychologique qui considere 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDS ET EN ALLEMAGNE. 355 
l’influence reciproque du corps sur Fame. Les donnees prati¬ 
ques laissaient a desirer; la medecine psycho-iegale manquait; 
les critiques 6taient restreintes dans un petit cercle d'apercus; 
la partie de l’etude des elablissements publics etait negligee j 
enfin, les collaborateurs manquaient, et Finteret pour cette 
science etait si faible dans le monde medical, qu’il etait impos¬ 
sible que le journal eut, avec toutes ces causes reunies, des 
elements de duree. II cessa done bientot; les derniers articles 
etaieut de deux eleves et amis de Reil. Hasse donne des obser¬ 
vations sur le somnambulisme consider^ au point de vue psy- 
chique. Steffens aborde les problSmes les plus difficiles de la 
psychologie; il etudie Fame dans son developpement, son 
obscurcissement et la methode curative qu’on peut employer 
dans cet ctat extraordinaire. Avec les efforts de Steffens pour 
jeter quelque jour dans ces mysterieux problemes, finit le 
journal. 

Un nouveau journal ne pouvait paraitre tant que Fint6r6t ge¬ 
neral ne serait pas plus stimuli it Fendroit de cette deplorable 
infortune. Dix ans se passerent sans la publication d’aucun ecrit 
periodique: mais l’eian avait ete donne, les efforts individuels 
des medecins imprimaient une noble emulation aux gouverne- 
ments, qui ameliorerent beaucoup le sort des alien6s. Langcr- 
mann vint, de Bayreuth it Berlin, pour organiser les maisons 
d’alienes; Sonnenstein fut ouvert; Finfluence des saines doc¬ 
trines et de la bonne direction de cet hospice est inappre¬ 
ciable pour l’Allemagne. Ruer se rend celebre it Marsberg. 
Horn , avec sa methode indirecte psychique, se fait connaitre 
it la Gharit6 de Berlin comme medecin educateur. Haindorf 
donna, en 1811, son essai d’une pathologie et d’une thera- 
peutique des maladies mentales. Vering, longtemps medecin 
d’un etablissement particulier it Liesborn (Westphalie), livre 
au public un ouvrage ties estim6 en Allemagne et fait sur les 
idees du journal de Reil. Nous avons assez parte du celebre 
Heinrolh pour nele citerici qu’en passant; parmi les medecins 




356 PATHOLOGiE MENTALE 

qui Brent une veritable revolution a cette epoque, il peut reven- 
diquer sa part. En 1807, avant la theorie si connue dont nous 
avons rendu compte dans les Annates, paraissait son ouvrage: 
Principes de l'etude de I’organisme humain, ouvrage devenu 
classique en Al.'emagne. En 1818, une nouvelle ardeur sem- 
blait s’etre emparee des esprits; dans le meme moment parurent, 
et le livre d’Heinroth ( Etude des troubles de lame), ct le 
journal de Nasse ( Journal des medecins psychiques, avec des 
considerations speciales sur le magnetisme). 

Les oppositions en theorie et en pratique se dessinaient plus 
franchement; la theorie de Reil ( Influence reciproque du corps 
sur I'dtne , avec predominance de la partie organique dans le 
developpement des maladies mentales ) etait la plus puissante et 
la plus ancienne. Cependant la theorie psvchique pure livrait 
a l’autre de rudes assauts et avait des represenlants d’un im¬ 
mense talent. Pendant ces lultes acharnees parfois, un homme 
que l’Allemagne scientifique revere , le venerable Jacobi, orga- 
nisait Siegbourg, et faisait gouter a son pays les fruits de l’es- 
prit si lucide et si pratique de notre illustre Pinel. Mais ses 
Eludes I’avaient entrain 6 en Augleterre, et il eut lieu d’y admirer 
l’dtablissement fonde en 1792 par le venerable quaker Tuke. 
De toules parts on se met a l’ceuvre avec ardeur, et les liommes 
en apparence les plus divises d’opinions concourent sincere- 
ment au meme but, savoir, le traitement plus rationnel et sur- 
tout plus humain des alienes dans des maisons specialement or¬ 
ganises h cet elfet. 

Le journal de Nasse etait evidemment dans les idfies deReil; 
mais, vu l’Stat des esprits, il voulut prendre une couleur con- 
ciliante et faire une fusion de toutes les opinions; il se distingue 
des aulres journaux en ce qu’il etait redige par une sociele de 
medecins et de psychologues distingues; sa tendance 6tait phy- 
sico-psvchologique. Ce journal rendit, pendant son existence 
de huit anndes, les plus grands services a la science; il rdpandit 
surtout le gout de l’etude des maladies mentales et fit entrer avec 



EN BELGIQUE, EN HOLLANDS ET EN ALLEMAGNE. 357 
zele les gouvernants dans la voie des ameliorations. Lcs meilleurs 
articles sont ceux qui sont sortis de la plume du fondateur; les 
fonctions des divers organes et leur influence psychologique sont 
traitees a un point de vue eleve. Les rapports du corps et de l’ame 
en sante et en maladie offrent des considerations d’un ordre toul- 
h-fait philosophique et pratique. En 1823, le journal, dont les 
tendances commencent deji it prendre une nouvelle direction , 
prit le titre de journal anthropologique. 

Mais, comme le remarque M. Damerow, Iorsque les id4cs 
et les considerations qui alimentent un journal fonde sur une 
theorie viennent a s’epuiser, le journal doit cesser de parailre. 
Les consequences que l’on pouvait tirer des doctrines citees 
furent poussees a l’extreme ; deux nouvelles directions furent 
donuees aux opinions et aux recherches scientifiques; la pre¬ 
miere avait pour representant Jacobi; la seconde Friedreich. 
Pour le premier, les maladies mentales n’existent pas comme 
tclles; les ph6nomene psychiques ne sont que les symptomes 
des maladies somaliques , et la maladie psychique n’a d’autre 
signification que celle qui lui est donnee par l’influence de l’or- 
gauisme malade. Pour le second, la veritable cause des maladies 
mentales est dans le cerveau, organe de l’ame. On peut desi¬ 
gner ces deux directions sous le nom de theorie organique et de 
th6oric cdrebrale. Ces deux theories voulaient etre representees 
comme leurs ainees; l’union de Jacobi, Zeller et Flemming, 
dans ce but, fit concevoir dejustes et grandes esperances; mais, 
pour des causes qui me sont inconnues, un seul volume parut 
en 1838, et, depuis, plusrien. Friedreich, deson cote, entrait 
dans la carriere avec une ardeur inou'ie; en 1829 parut son 
Magasin pour l’elude philosophique et medico-legale de l’aliena- 
tion. Je ne vous fatiguerai pas avec 1’existence souvent suspen- 
due et renouvelee de ce recueil. Les travaux de Friedreich sont 
ceux d’un erudit : de vastes compilations, des critiques, des 
appreciations des doctrines et theories forment le cote saillant 
de loutes ses productions; ses jugements, lorsqu’ils alteignent 



358 PATHOLOGIE MENTAEE EN BELGIQUE, ETC. 
des theories opposees aux siennes, sont souvent empreints d’ai- 
greur ; la doctrine diabolique d’Heinroth, comme il l’appelle, 
est le sujet de ses atlaques de predilection. Friedreich a depense 
beaucoup de temps a s’attaquer it des fantomes. Les theories, 
memo ies plus absurdes, ont leur bon cote, en ce qu’elles sti- 
muient l’esprit de recherche et d’observation. 

11 vient une epoque ou Ies esprits fatigues ne cherchent plus 
que l’ulile : cetle epoque est la notre. C’est ce qu’ont senti 
MM. Damerow, Flemming et Roller, dans la fondation d’un nou¬ 
veau journal en 18/iA; le titre sent, Journal general pour la 
psychiatrie et la medecine psycho-legale , publie par des me- 
decins-alienistes en rapport avec desmedecins-iegistes etcrimi- 
nalistes, indiquela tendance de celte nouvelle publication. C’est 
un appel general a toutes les opinions representees par des 
hommes tels que Pienitz, Bergmann, Roller, Zeller, Damerow, 
Flemming, Ideler, Lindpailner, lessen, Riedel, Amelung , 
Jacobi, Nasse, Heinroth, Ruer, Stark, Schlegel, Friedreich, 
Blumroder, etc., etc., etc. Je ne puis niieux, je crois, compa¬ 
rer ce journal, quant a l’esprit qui le dirige, qu’aux Annales 
medico-psychologiqaes. Sousle rapport des doctrines etde l’u- 
tilitd pratique, ces deuxjournauxrepresented, je pense, tant 
en France qu’en Allemagne, les veritables besoins scientiliques 
de l’epoque. 


Milan, juillet 18A5. 


MOREL. 



ledecine legale. 


RAPPORTS JUDICIAIRES 

ET CONSIDERATIONS 1EDIC0-LEGALES 

SUR QDELQUES CAS DE FOLIE HOMICIDE, 


M. LE D' ACBANEL, 



L’existence des folies homicides n’est plus de nos jours un 
objet de contestation. La medecine est parvenue a fairc con- 
naitre, par des faits aussi multiplies que concluants, que cer- 
taines lesions intellectuelles pouvaient porter l’homme it verser 
Ie sang de ses semblables. Les tribunaux savent gfineralement 
apprecier ces sortes de dfilire; et nous n’avons presque plus au- 
jourd’hui a dfiplorer de ces erreurs judiciaires qui vouaient jadis 
a 1’infamie et a l’echafaud de malheureux individus que larna- 
ladieseule avait rendus assassins, et dignes, en consdqueuce, 
d’iudulgence et de compassion. Ces erreurs, en effet, devien- 
nent tous les jours plus rares; nous voyons arriver roaintenant 
dans les asiles publics les fous homicides qui auraient encouru 
autrefois, & l’egal des plus grands criminels, toute la sfiverite 
des lois. 

Cependant, il fautle dire, tout le raonde n’est pas encore 
converti k la doctrine des folies homicides. La monomanie rai- 
sonnante est encore l’objetde beaucoup de doutes, et il existe 
quelques esprits qui ne veulent point regarder cornme fous les 
individus qui sont atteints de cette variete d’alifination mentale. 
Les annales crimiuelles nous relatent de temps a autre quelques 
faits ou le trouble intellectuel passe inapercu, dans la re¬ 
cherche et l’apprcciation des causes qui avaient pu presider a 
la production de 1’acte inculpe. Il est merne des medecins 
qui, partageant encore cette maniere de voir, serendent com- 





360 CONSIDERATIONS MEDICO-LEGALES 

plices de telles erreurs; mais ces medecins sontrares heureuse- 
ment, et ceux qui se trouvent dans ce cas sonl des hommes 
qui, manquant d’instruction pratique et n’ayant jamais vu 
d’alienes, n’ont pas ete habitues de bonne heure a l’observa- 
tion directe de nos aberrations menlales, lesquelles exigent quel- 
quefois pour etre reconnues une grande habilete et une expe¬ 
rience consommfie. 

Les magistrats nous reprochent generalement de n’ecouter 
dans les questions de ce genre que la voixde l’humanite. 11s nous 
accusent de mSconnaitre, dans un esprit de philanthropic exa- 
g6rde, les droits de la societe, reclam ant a juste raison la pu- 
nitiou de ceux qui out enfreint les lois. La monomanie, on 
l’entendencore repeter de nos jours, est une ressource modeme 
inventee par les medecins pour airacher les criminels d la jus¬ 
tice des hommes . 11 enestde roeme des magistrals, tres recom- 
mandables d’ailleurs, qui, nous accusant de ne voir partout que 
folie, croient devoir se dispenser d’avoir rccours'a noslumieres, 
tant ils sont persuades d’avance, disent-ils, du resultat confir- 
matif de nos investigations. 

Ces reproches ne sont nullement merilfis; ceux qui les arti- 
culent obeissent encore a d’anciennes idees, et ne tiennent 
aucun compte, dans la prevention qui les aveugle, des progres 
que la science des maladies mentales a realises sous ce point de 
vue. Les sorciers ctaient autrefois punis a l’cgal des criminels : 
oserait-on aujourd’hui relever les buchers, et traduire devanl 
la justice ces pretendus possedes du demon ? Les monomanes 
homicides ne sont pas plus criminels que les sorciers d’autre- 
fois; ils sont comme eux dignes de pitie, et toute la severite des 
tribunaux doit se borner a leur egard, comme envers les autres, 
a une sequestration dans une maison d’alienes. 

Cependant ces reproches qu’on nous adresse, quelque in- 
justes qu’ils soient en general, reposaient, il faut le recon- 
nailre, sur quelques fondements. Ils trouvent, en effet, leur 
explication dans les exageralions auxquelles certains medecins 




SUR QDELQUES CAS DE FOLIE HOMICIDE. 361 

se sont laiss<5 entrainer, par suite d’un zele tres louable, mais 
deplorable et funeste a 1’ordre social. II en est, nous ne preten¬ 
dons point le dissimuler, qui, n’ayant ecoute que la voix du 
coeur et une philanthropic excessive, ont evidemmentoulrepasse 
les doctrines emises par nos grands maitres sur la monomanie 
homicide, en cherchant, dans leur devoucment immodere, h 
couvrir de l’imputation de Me de miserables criminels sur 
lesquels aurait du s’appesantir toute la rigueur de la justice. 
Tout systeme a ses enlhousiastes, toute bonne cause a des de- 
fenseurs maladroits. Ces exagerations, quelque louables, du 
reste, que soient les sentiments qui les ont inspires, ont pro- 
duit bcaucoup de mal; elles ont nui a la consideration du corps 
medical, et partant aux droits de l’humanite, qu’il estappeie 
It faire trionipher, en edairant les tribunaux sur la nature de 
ces aberrations de l’esprit. 

Mais, hatons-nous de ledire, ce ne sont pas les medecins 
qui se rendent le plus souvent coupables de pareilles exagera¬ 
tions; ce sont les avocats surtout, les defenseurs de causes per- 
dues, qui, ne sachant sur quoi baser leurs moyensde defense, 
s’emparent, sans les coniprendre, des idees emises sur ce sujet 
dans nos livres, else laissent aller, dans leur ignorance des ca- 
racleres propres a la folie , a une fausse application des saines 
doctrines que nous professons. Les cours d’assises ne nous of- 
frent que trop souvent des exemples de cetle nature; ce sont 
ces defenses absurdes et maladroites qui ont principalement 
contribue a jeter dans le public une cerlaine defaveur sur la 
realite des folies homicides. 

Nous ne partageons point ces opinions absolues, et nous d£- 
plorons profondement ces 6carts, de quelque part qu’ils vien- 
nent. 11 faut se garder en cela de toute exageration; ne pas croire 
que tous les criminels sont fous, comme quelques personnes 
seraient tentees de l’admeltre; ne pas repousser toute imputa¬ 
tion de folie, comme le font certains magistrals, dans le cas oil 
le delire est si isole, que la raison semble en apparence avoir 



362 CONSIDERATIONS MEDICO-LflGALES 

conserve son integrity Le medecin-Iegiste, appel6 a clonner son 
avis sur l’etat mental d’nn honiine inculpe d’assassinat, ue doit 
jamais perdre de vue les deux grands interets qu’il a a sauve- 
garder: celui de la society, qui reclame avec raison la juste pu- 
nition des veritables crimincls; celui de l’humanite, qui appelle 
le pardon et la commiseration sur les mallieureux que la folic 
seule a armds du fer de l’assassin. Penetre de ces idees et fidele 
a son devoir, il doit proceder avec conscience a l’examen qui 
lui est ordonne; et, apres s’etre livre aux recherches scrupu- 
leuses que la science lui commande , il faut que sans hesiter il 
fasse connaitre la conviction qu’il a acquise, qu’elle soit, a re¬ 
gard de l’accuse, favorable ou accablante. 

Requis & deux reprises, depuis un an, par MM. les juges 
d’instruction du tribunal de Marseille h l’elTet de constater la 
situation mentale d’individus accuses d’assassinat, nous avous 
pris ces principes pour guide; degage de toute prevention, nous 
avons cherche d resoudre les questions qui nous Etaient sou- 
mises avec toute l’attention et la maturite dont nous etions ca¬ 
pable. La raison du crime qu’on imputait h ces accuses nous 
ayant paru se rattacher uniquement a un trouble cerebral bien 
manifeste , nous avons conclu dans les deux cas a l’existence 
d’une folie homicide, et partant a 1’exclusion de toute impula- 
bilitd. Notre systeme a prevalu : ces deux accuses out ete absous, 
l’un par arret du 8 mars VAUh de la cour d’assiscs des Bouches- 
du-Rhone; 1’autre, que nous avions etudie concurremment 
avec M. le docteur Rousset, par un arret de non-lieu de la 
chambre de mise en accusation du tribunal de Marseille. 

Le jury et les magistrate' qui out prononce ces arrets ont bien 
juge, a notre avis; nous sommes d’autant plus heureux de le 
proclauier qu’il arrive encore de nos jours, comme nous 
l’avons dit, que des fails de ce genre ne trouvent pas toujours 
grace aupres des tribunaux. Tel est, par exemple , ce cas de 
mouomanie homicide qui s’est monlre l’annee derniere a la cour 
d’assises d’Orleans, et dont le docteur Pereira de cctte ville, 



SUR QUELQUES CAS DE FOLIE HOMICIDE. 363 

mon ancien collogue et ami, a fait l’objet, apres condamna- 
tion, d’un excellent memoire justificatif, insei'6 recemment 
dans ce recueil (1). Nous avons eu pareillement Occasion dans 
notre pays de voir condamner a la prison de malheureux ali6- 
n§s qui, dominos par de mauvais penchants, dependant de 
leur maladie, s’etaient rendus coupables de violences, de vol, ou 
d’autres mefaits que la loi punit; nous ferons connaitre dans le 
cours de ce travail les cas de ce genre que nous avons rencontres, 
non pas dansl’intention de jeterle moindre blamesurles magistrate 
qui ont prononcE ces arrets, mais seulement pour faire voir que 
l’erreur est possible quand la science n’est point consullee, et 
qu’il est de ces questions qui, par leur nature, ne peuvent etre 
decidees que par les hommes speciaux, voues depuis Iongtemps 
& leur etude. 

Les deux faits qui ont 6te 1’objet de nos expertises mddico- 
legales meritent d’etre signals; l’un d’eux surtout est remar- 
quable par l’isolement du delire et la persistance de l’accusfi a 
repousser devant les assises 1’imputation de folie que nous cher- 
chions a developper en sa faveur. Nous allons exposer les rap¬ 
ports judiciaires que nous avons rediges a ce sujet. Nous ferons 
suivre cbacun d’eux de quelques considerations sur les prinei- 
paux phEnomenes psychologiques que nous avons constatfo, et 
nous les comparerons, s’il y a lieu, 5 d’autres faits analogues 
que nous avons recueillis dans l’bospice que nous dirigeons. 

1° RAPPORT MEDICO-LEGAL SUR LA SITUATION MENTALE DU 
NOMME BISCARRAT , INCULPE D’ASSASSINAT. 

Je soussigne, HonorE Aubanel, docteur en medecine de la 
Faculte de Paris, medccin en chef de l’asile des alienes de 
Marseille, cornmis par M. Lafond, juge d’instruction pres le 
tribunal de cette ville, me suis rendu, le 13 dficembre 1843, au 
cabinet de ce magistrat, ou, serment prealablement prete, j’ai 
recu mission de me transporter it la maisou d’arret, a I’eHet de 

(l) .Voy. Annates midico-psychologumes, t. V, p. 41; 



364 CONSIDERATIONS medico-lEgales 

constater l’Etat mental du nomme Biscarrat (Francois-Denis), 
inculpe d’avoir assassine Georges Faudrin dans la journEe du27 
novembre 1843. 

Plusieurs visites m'ayant paru indispensables pour juger de la 
situation menlale de cet horame, j’ai oblenu I’autorisation de Ie 
voir aussi souvent qu’il me paraitrait necessaire et a differentes 
heures du jour. De toutes les explorations auxquelles je l’ai 
soumis dans mes cinq ou six visites, faites dans l’espace d’un 
mois, dans la maison d’arret ou dans la maison de depot, il est 
rEsulte pour moi les circonstances et les faits qui suivent: 

Biscarrat est un homme de trente-neuf ans environ; il est ou- 
vrier boulangeretd’un temperament nerveux tres prononce; ses 
yeux sont un peu enfoncEs dans leurs orbites, ses joues sont 
creuses , son teint est jaunatre, toute sa figure exprime un etat 
maladif. II n’y a pas dans son regard cet egarement particulier 
4 la folie maniaque, mais sa physionomie a quelque chose de 
triste et de rude 4 la fois, et ses yeux, empreints d’une certaine 
mEfiance, semblent souvent iuterroger vos gestes et denoter une 
preoccupation maladive. Cette mEfiance 4 mon egard estdevenue 
excessive toutes les fois que les interrogatoires ont ete pousses 
un peu loin; et, doue naturellement d’une susceptibilite Ires 
vive, il a repondu quelquefois avec irritation 4 mes demandes, 
quelque menagees qu’elles fussent. Il savait que j’etais mEde- 
cin; mais il a toujours ignore la nature de la mission dont j’Etais 
chargE. 

Les gardiens de la prison, interrogEs plusieurs fois 4 l’effet de 
connaitre les habitudes del’inculpE, m’ont appris qu’il Etait 
tranquille et raisonncible, qu’il dormait assez bien et qu’il man- 
geait de meme, mais qu’il parlait peu et paraissait avoir un r.a- 
ractere sombre et peu communicatif. Une fois, il a refusE de 
manger, se plaignant d’etre malade et demandant d’allera 1’ho- 
pital; le mEdecin qui l’examina ne lui trouva aucune maladie 
caractErisEe. 

Dans mes interroga'.oires, toutes les fois qu’il n’a Ete ques- 



SCR QUEI.QUES CAS HE FOLIE HOMICIDE. 365 

lion que de choses generates, etrangeres a l’epoque dc sa vie 
dont nous allous bientot faire mention , sa conversation a etc 
celle d’un homme sain d’esprit; ses paroles, prononcees avec 
assez de facilite, ne m’ont paru empreintes ni d’exaltation 
ni d’incohereuce, d’aucun signe, en un mot, de derangement 
intellecluel. Mais, interroge sur ses antecedents et sur les mo¬ 
tifs qui ont pu le porter a commettre cet assassinat, il n’a pas 
tarde de prononcer les mots d 'ennemis , de persecutmn. Ce 
premier aveu oblenu, je lui ai demande les plus grandes expli¬ 
cations a ce sujet; et, dans les divers entrctiens qui ont suivi, 
j’ai acquis bientot la conviction qu’il rattachait l’origine de tous 
ses malheurs a l’existence d’une association d’ennemis dont la 
victime auraitete du nombre. Voici, telle qu’il'nous l’a racon- 
tee, l’histoire sommaire des pretendues persecutions auxquelles 
ilaurait ete en butte : 

Ilyadix-huitmoisenviron,Biscarratserendi Alger, dansl’es- 
poir d’y exercer plus fructueusement qu’en France son metier dc 
boulanger. Les premiers mois de son sejour sont assez heureux; 
il gagne de l’argent, il est content de son sort et n’a aucun re¬ 
gret dc se trouver dans ce pays. Mais ses malheurs ne tardent 
pas a arriver : il contracte les (lev res, et c’est peu de temps 
apres qu’il se plaint d’eprouver du malaise et une faiblesse ge¬ 
nerate. Plustard, lui qui n’etait jamais malade, il est pris h 
differentes reprises de degout, d’inappetence et d’une sorte de 
souffrance generate qu’il n’a jamais pu definir et pour laquelle 
il avait consulte eu principc quelques mddecins. « Je n’avais 
» plus les forcesd’autrefois, dit-il, j’avais des douleurs dans les 
» membres, ma tote etait lourde, mes pommeltes paraissaient 
» enflees et mes doigts etaieut souvent tumefies, j’avais toute 
» sorte de maux, sans trop savoir de quelle maladie j’dtais at- 
» teint. » Souvent ses souffrances augmentent aprfes avoir bu ou 
mangfi dans les auberges, ct quelquefois les aliments qu’il prend 
lui donnent la diarrhee et des vomissements. 

En infime temps la position sociale de cet homme devient tres 
asnal. med.—psych, t. vi. Novembre 1845. 4. 24 



366 CONSIDERATIONS MEDICO-LEG ALES 

malheureuse : son 6tat maladif l’empeche souvent de travailler; 
quand il est bien, il ne trouve pas de l’ouvrage; on le renvoie de 
toutes les boutiques, et* reduit A la plus affreuse misere, il se 
voit force de vendre les objets qu’il poss&le pour subvenir h ses 
premiers besoins. « Moi ; bon ouvrier, je ne pouvais m’expli- 
» quer, dit-il, que Ton me prfifdrat des apprenlis, des homines 
» qui connaissaient a peiue le metier. » Plusieurs mois s’eCoti- 
lent dans cet Ctat; enfin, se voyant toujours miserable, mala¬ 
dif et sans espoir d’uu meilleur avenir, il forme le projet de se 
donner la mort; il achete A cet effetun pistolet. « AssurCment, 
« dit-il, je me serais debarrasse d’une existence qui m’etait a 
» charge, s’il ne m’etait survenu a cette epoque une circonstance 
i) qui me fitouvrir les yeux et me mit sur la voie de mes mal - 
« heurs. » Ge fut une contestation survenue entre lui et un ou¬ 
vrier a qui il avait vendu une moutre en or. Biscarrat, qui avait 
depensC l’argent re?u, ne voulut jamais revenir sur le marche, 
il eut recours au juge de paix; inais, tout en obtenant justice j 
il fut Ctonne de voir la persistance que mettait cet oUvfier a 
faire rompre le marchd, quoiqu la vente eut <5tC faite A un prix 
infdrieur a la valeiif rCelle. 

DCs lors ses idCes de tristesse prennent un caractCre plus pro¬ 
nonce ; il croit que cet homme a agi ainsi a son egard a l’insti- 
gation de quelques ennemis; et, ne tardant pas a genCraliser la 
mCfiance dout son esprit vient d’etre frappe, il pense que l’on 
a jure sa perte; il n’hesite pas & rapporter toutes ses souffrances 
il des tentatives d’empoisonnement. Les douleurs et les trem- 
blements nerveux qu’ii eprouve ne reconnaissent plus, suivant 
lui, d’autre cause que celle de l’ingestion d’aliments empoi- 
sonnCs; il se rappelle avoir eprouve autrefois un evanouissement 
aprCs avoir bu un verre de liqueur olfert par des camarades : 
c’est que des drogues avaieut ete raises, suivant lui, dans cette 
liqueur. Ce sont ces memes ennemis qui l’empechent de tra¬ 
vailler et qui 1’ont rCduit h une profonde misere. 11 ne pense plus 
alors a se tuer, il cherche au contraire a devoiler toutes ces 



SDR QUELQDES CAS DE FOLIE HOMICIDE. 367 

machinations et jure de se venger , si jamais il trouve un cou- 
pable. Mais, quelque convaincu qu’il soit du mal qu’on lui fait* 
il rie connait point d’une mauiere ceftaine ses eiliieitlis et il ne 
sait trop a qui s’en prendre. 

Il reste encore plusieurs mois a Alger, loujours en proife aux 
meines tourments, aux meines id(5es. Les souffrances finissent 
par s’accroitre, au lieu des’ameliorer, et, sa position devenant 
tous les jours plus penible, il se decide a quitter l’Afrique, tant 
pour se soustraire a la misere qui 1’accable que pour eviter de 
faire quelque mauvais coup, si jamais il se trouvait en face de 
ses ennemis. 

Il quitte done 1’Afrique et arrive en France avec 1’esperance 
de voir cesser ses tourments. Mais a Toulon, ou il reste quelque 
temps apres son debarquement, a Arles, a Tarascon et a Avi¬ 
gnon surtout, oil il travaille plusieurs mois, il se voit de nou¬ 
veau en butte auxattaques de ses persecuteurs. Si on lui refuse 
du travail ou si on le renvoie d’une boutique, c’esl que 1’on veut 
le rfiduire a la mendicite, car il est bon et hoiin6te oUvrier, il 
ne cesse de le repeter; pourquoi le renverrait-on si ce n’etait 
pour ce motif? A Avignon, son mal fait beaucoup de progres; 
il souffre dans tout le corps; ses tremblements, sa diarrhee et 
ses vomissements reviennent avec une nouvelle intensity; ce 
sont toujours les drogues qu’on lui fait manger ou boire qui 
sont cause, suivant lui, de son 6tat maladif. Sa conviction de- 
vient meme si forte ace sujet, qu’il juge utile A sa surety d’aller 
en faire, a ce qu’il me dit, sa declaration a M. le procureur du 
roi de celte ville. Une autre fois, il entre a l’hopital et en sort 
aussi souffrant qu’a son entree. 

Sans cesse preoccupe de ses craintes d’empoisonuement, les 
idees de vengeance ne tardent pas a revenir dans son esprit; il 
acbete un second pistolet sans trop savoir contre qui il s’en ser- 
vira, et se met a epier une occasion favorable pour se venger. 
Mais, soit qu’il ne puisse jamais saisir les coupables, soit que, 
comme i Alger , sa raison ait encore quelque empire sur sa de- 



368 CONSIDERATIONS MEDICO-lEgALES 

termination, ilquitte Avignon, vient a Marseille, I’espoird’un 
meilleur avenir ne l’ayant pas tout-ii-fait abandonne. II n'en fut 
pas ainsi inalheureusement : le mSmesortl’y attendait, et scs 
idees ne changerent point de nature. 

A Marseille, il renouvelle connaissance avec Georges Faudrin, 
qu’il avait a peine apercu a Toulon a son retour d’Afrique; mais, 
d’un caractere naturelleinent peu liant , il n’en fait point son 
ami; il ne l’aime ni ne le deteste, il le voit assez souvent dans 
le cabaret ou ils logent, il va quelquefois se promener avec lui. 
Cette sorte de demi-liaison dure quelque temps sans porter le 
moindre ombrage a Biscarrat; mais, plus tard, les prevenances 
de Georges deviennent un objel de mEfiance; il pense que cet 
ouvrier ne l’invite a boire que pour l’empoisonner; car mainles 
fois il lui est arrive, dit-il, d’etre bien malade apres avoir bu 
ou mange avec lui. Georges est done son ennemi, ou du moins 
une machine que Ton fait agir avec de l’argent. 

Dans la nuit du 26 au 27 novembre, Biscarrat a ete ires 
souffraut; ilse levele matin tout maladif, et, transi de froid, il 
va se promener dans la ville pour se rEchauffer. A quelques 
lieures de la, il trouve Georges surlecours; celui-ci lui pro¬ 
pose d’aller passer la journee au chateau d’lff. Biscarrat, plus 
mefiant que jamais, refuse tout neltement, et, regardant cette 
proposition comme un nouvelacte de sceleratesse, il forme sur- 
lc-cbamp le projet de le tuer : Il faut quit paic pour tons, 
se dit-il. En eflet , le pistolet qu’il avait ne pouvant servir, 
il va acheter une arme nouvelle, la charge avec de la grenaillc, 
vient se placer it cote de Georges, qui jouait aux cartes dans un 
cafe avec d’autres ouvriers, etlui decharge dans la tete un coup 
de pistolet. Georges tombe sans plus donner aucun signe de 
vie. Au milieu du desordre qui regne dans le cate , Biscarrat 
en sort sans qu’on se soit apercu qu’il ctait l’assassin ; mais il 
ne cberche point a s’dvader, et il s’empresse de dire it celui qui 
le saisit : « Oui, e’est moiqui l’ai tue; je vais moi-meme me 
» rendre it la justice. » 



SUR QOELQUES CAS DE FOLXE HOMICIDE. 369 

L’ayant interrogb plusieurs fois sur ses liaisons avec Georges, 
ses reponses n’ont jamais varie. 

D. Vous devez avoir eu quelque querelfe ou affaire d’interet 
avec lui? 

R. Non, jamais. Je ne l’ai pas assez frbquente pour lui vou- 
loir du bien ou du mal. 

D. Pourquoi done l’avez-vous tub ? 

R. Parce qu’il venait sans cesse m’inviter h boire , et que 
j’avais la conviction que ce n’etaitque dans le but de m’empoi- 
sonner. 

D. Ces invitations n’ont rien d’extraordinaire; cela ne se fait- 
il pas entre camarades ? 

R. 11 y meitait trop d’insistance pour qu’il n’eut pas quelque 
intbret h le faire. 

D. Mais quel intbrbt pouvait-il avoir a vous empoisonner ? 

R. Lui, aucun directement, mais il agissait a l’instigation 
de mes ennemis. 

D. Etes-vous bien sur de ce que vous dites ? N’avez-vous pas 
de regret de l’avoir tub ? 

R. Je suis certain qu’il a voulu m’empoisonner, mais je re- 
grette raaintenant de l’avoir tub. Si e’etait •> faire, je prefbrerais 
m’expatrier bien loin avantde commettre un pared crime; j’ai 
agi sans rbflechir. 

D. Connaissez-vous vos ennemis, ceux qui engageaient 
Georges a vous empoisonner ? 

R. Non, mais je suppose que ce sont des personnages irnpor- 
tants. 

D. Mais vous, pauvre ouvrier, comment voulez-vous que 
des personnes d’un haut rang s’occupent de vous ? 

R. C’esl vrai, je ne puis m’en rendre compte; mais il doit 
y avoir quelque chose de cache sous cela. 

D. Quel secret y aurait-il ? 

R. Peut-btre des richesses que je ne connais pas; peut-elre 



37Q CONSIDERATIONS MfiDICO-LEGALES 

suis-je d'une naissance autre que celle de la famille dont je 

porte le nom; mais je ne sais rien de positif a ee sujet. 

D. Ici, dans la prison, etes-vous toujours malade, etes-vous 
en butte & Ieurs attaques ? 

R. Vous n’avez qu’& me voir pour voir si je suis malade ou 
bien portant; je suis toujours souffrant, mais ici je n’aLrien 
eprouv6 de nouveau ; c’est un reste du mal qu'on m’a fait. 

Q. Si vous etiez rendu a la societe, pensez-vous que Ton 
continperait a vous persecutor ? 

R. Je n’en sais rien; nous Ie verrons quand je serai libre. 

D. Dans ces derniers temps, avez-vous consult^ a Marseille 

de nouveaux m6decins? 

R. Non; j’ai pense que c’etait inutile, ayant la conviction 
que tout mon mal provenait d’un empoisonnement. 

Tel est ^ensemble des faits qu’il a successivemeut d6veIoppes 
dans les divers interrogatoires auxquels je l’ai sounds. Ses re¬ 
ponses , je le repfete, ont toujours et6 les mgmes; et, a part cette 
idee pr&lominante qui le poursuit, il m’a toujours parle avec 
suite et une apparence compl&te de raison. 

Quel est ITtat mental de l’individu que nous venons d’exami¬ 
ner? C’est la question que nous devons maiutenant resoudre. 

Biscarrat n’est point alifine en apparence; car ses actions 
dans la prison ne sont point celles d’un fou , et ses paroles dans 
la conversation ordinaire ne laissent apercevoir aucun trouble 
dans sesid^es. Maisde ce qu’il estcalme et raisonnable com nip 
l’assurent les personnes qui l’entourent, s’eusuit-il qu’il jouisse 
de toute I’intggritede ses facultes iutellectuelles? Non; nous 
pourrions citer plusieurs alienes celebres qui se trouvaiept dans 
ce cas; nos asiles consacres a cette infortune sont peuples d’iu- 
dividps, aueints d’un d61ire parliel, qui parlent sur tout sujet 
etranger a leur idee dominante avec taut de sens que Ton serait 
tent6 de les considerin' coimne topt-a-fait sains d’esprit. II 
existe dope, et la science ne laisse apepn doute a ce spjet, un 



SUR QUELQUES CAS DE FQLIE HOMICIDE. . 371 

6tat d’alhination mentale pu la raison semble conservee, quoique 
1’esprit de 1’aliene se trouve en proie a des pensees exclusives 
qui 1’assiegent et en aJterept les fapultes. C’est cet etat mental 
qpe les auteurs appellent monomanie, et monomanie homicide 
quand le delire partiel povte l’individu a attenter aux jours de 
ses semblables. 

Biscarrat se U'ouve-t-il dans ce cas ? Est-il atteint, en UP 
root, de cette sortede monomanie? Qui, pops n’hesitons point 
a 1 ’affirmer, en presence de ce qpe nous avops vu et des diverses 
particularities qp’il nous a dfiveloppees, SYCC un ton etun ac¬ 
cent de veqld feien propres It convaincre tout honpne habitue & 
observer ces maladies. 1 ° II contracte les fiCvres d’acces, et 
c’est de ce moment que paraissent dater les soufironces et qu’une 
sorte de tristesse s’empare de son esprit. Les details me man- 
qpepl pour savoir topte l’influence qpe les fievres ont pu avoir 
spr les changeinents survenus dans son 6 tat mental. Mais nous 
sayons tops, nous medecins , que ces pialadjes, sous un climat 
chapd et brulant copime celui de l’Afrique, reagissept souvent 
Spr le ceyveau, et jetteiit quelquefois I’individu qui ep est atteint 
daps upe espece de uielancolie. ty|. je doctepr Baillarger, 1116 - 
decin ires distingpe voue au traitepiept des maladies mentales , 
pops a signals tout dernierement plusieurs cas de fqlie venus & 
la suite des fievres d’accfes. 2° Le temperapient, le caracterp 
et }a phys.ionouiie de cet hompie spnt des traps distinctifs de 
tops les dSlires qui rp.ulent spr des idees tristes, oppyessives. 
3 ’ Ces souffrances, qu’il ne sait caracteriser le plus souvent, 
ces treuiblepienis nervepx, cette faiblesse , ces gonflements des 
pomrnettes et des. doigls, imaginaires sans doute , constituent 
parfapement le tableau de cet etat maladif que les hypochon- 
driaques , en proie a tant de mapx, accusent joprnellenient. 
h° Ces fausses sensations dont il parle, ces hallucinations in¬ 
ternes, comme nous les appelons, sont un fait psychologique 
d’une grande importance dans |e diagnostic de la folie. 5" Cette 
mefiapce, ces craintes d’empoisonnement ont ete la consequence 



372 CONSIDERATIONS MfiDICO-LfiGAI.ES 

presque inevitable du genre d’idees dont son esprit se nourris- 
sait depuis quelque temps. G’est un progres que l’affection 
mentale subissait, c’eslla marcheque suiventtoutnaturellement 
les delires melancoliques. 6° Les accusations d’ennemis, de per- 
secuteurs, qu’il lance sans aucun motif reel, sufficient a elles 
seules pour prouver l’etat de folie; car, a l’epoque ou nous 
sommes, les persecutions de ce genre sont impossibles, et de 
telles victimes ne se rencontrent plus que dans les maisons de 
fous. 7° Les determinations coupables qui sont survenues prou- 
vent combien sa foi 6tait grande, combien son idee delirante etait 
tenace et irresistible. Ces combats entre la raison qui protege 
encore son cerveau malade et l'aberration partielle de son intel¬ 
ligence qui le pousse sans cesse ii se venger, s’observent sou- 
vent chez les monomaniaques de cette espfecc ; mais un jour 
arrive ob l’impulsion maladive altferetout-ii-fait le jugement, et 
le crime est commis. C’est souvent une cause fortuite qui en 
determine l’execulion; c’est, dans le cas qui nous occupe, 
l’invitation que fait Georges a Biscarrat d’aller se promener 
dans les environs de la ville. 8° Dans la nuit qui a precede la 
journee du 27 novembre, n’oublions pas dele faire remarquer, 
Biscarrat n’a pas dormi comme d’habitude; il etait triste et tout 
souffrant dans la matinee de ce jour. 9° Les circonstances qui 
onl marque l’assassinat ne se rencontrent point ordinairement 
chezle veritable criminel. En effet, Biscarrat assassine Georges 
en plein jour, dans un cafe , au milieu d’une foule d’ouvriers ; 
puis il sort tranquillement de la salle sans cherchcr it s’6vader; 
son calme ne se dement point en face des agents de police qui 
l’arretent; il fait l’aveu de son crime et en explique les motifs. 
Les monomanes seuls agissent ainsi; ils ne reculent point de¬ 
van t les consequences de leurs actions, et loin dechercher, 
comme les criminels et comme aurait pu le faire Biscarrat, a 
commettre dans I’ombre leurs tentatives d’assassinat, c’est sou- 
vent en presence de plusieurs personnes qu’ils mettent leur 
projet h execution. 10° Ici, h la verite, il y a eu premeditation ; 



SUP. QUELQUES CAS DE FOI.IE HOMICIDE. 373 

l’inculpe a prepare dans l’ombre son armc, et, en se disposant 
a assassiner Georges, il avait conscience de ce qu’il allait faire, 
il savait qu’il allait le luer. Est-ce ainsi qu’agissent les fous ? me 
dira-t-on. Oui; les fous de cetle classe , ceux dont le delire est 
aussi isole, sont ordinairement ruses, fms, adroils; ils cal- 
culent tres bien leurs preparatifs, et prennent souvent les pre¬ 
cautions les plus minutieuses pour reussir. Les moyens d’exe- 
cution ne prouvent rien, c’est la cause qu’il faut rechercher, 
l’action psychologique et maladive qui a determine l’acte in- 
culpe. 

De ces considerations resulte pour moi la conviction : 1° que 
le nomm6 Biscarrat a ete et est encore en proie a une affection 
hypocbondriaque bien caracterisee , affection mentale qui a pu 
succeder a une maladie reelle, organique ou generate; 2° que 
les souffrances qu’il accuse proviennent la plupart de son ima¬ 
gination malade; 3° que sa croyance a des persecutions est le 
fait d’un 6lat de d61ire monomaniaque; 4° que l’assassinat dont 
il s’est rendu coupable est le produit d’une impulsion irresis¬ 
tible, d’une idee fixe qui enchainait son fibre arbitre et l’ern- 
pechait de discerner toute la criminalite de Taction. Telles sont 
les conclusions que j’ai ete porte a tirer de Texamen dcl’inculpe. 

Mais le cas de simulation etant possible, j’ai voulu consulter, 
quoique peu porte a admeltre une telle supposition, tous les ele¬ 
ments propres a edairer ma religion et a dissiper mes doutes it 
cet egard. En consequence, j’ai demande a examiner les ante¬ 
cedents de 1’individu et les faits consigns dans les pieces de la 
procedure, ainsi que nousle conseilie feu M. le docteur Marc, 
si competent en pareille matiere (voyez son ouvrage De In 
folie dans ses rapports medico-judiciaires ) et ccqui se prati¬ 
que habituellement a Paris, ou ces casse prescntent fr6quem- 
ment. C’est a la fois par Texamen des pieces confiees aux experts 
par M. Salmon, juge d’instruction a Paris, et parl’etude de Tin- 
dividu, que mes confreres, MM. lesdocteurs Ferrus, Fovilleet 
Brierre de Boismont, sont arrives 4 la connaissance de la verite 



374 considerations m£mcq-i4gales 

dans deux affaires recentes dont leg joumaux ont reienti (An¬ 
nates medico-psychologiques, ann6e 1843 (1). 

Pans l’examen de la procedure que M. ie juge d’instruction 
m’a permis de consulter, loin de trouver des faits qui fqssent 


(l) M. Ie juge d’instrupljQn ayanl hesite a me liyrey les pieces de |a 
procedure, cetle citation a die inlroduite dans mon rapport, sur son in¬ 
vitation , dans le but de dissiper les scrupules de ses coliegues a ce sujet, 
par l’exemple de ce qui se fait ailleurs. II est des magistrats du tribunal 
de Marseille qui partagcnt, en effet, ces scrupules. Ils pritendent que 
l’instruction de l’affaire doit rester inconnue aux mddecins-experts; pt, 
toques les fpis qqe nous avops eq pccasiqn d’en dpinapder compiqpica- 
tion, op ne nous I’a accordee qu’avec hesitation et un certain sentiment 
de regret que nous ne nous expliquons point. 

Vous n’avez pas a jnger, disent-ils, les antecedents de l'individu ; 
nous seuls en somipes juges; noqs seuls devons apprecier la valeur des 
circqqstapces anterieures au crime. Npus yqus demandpns d'cxamincr 
l’inculpp; de pous dire si, aux (jiyevs caracleyes qp’il prfsenlp, yo.us 
pouvez ,oui ou nor , conclure a I’existcnce dela folie: e’estla toute votre 
mission. 

Ce raisonnement serait juste s’ii s’agissait de decider la question telle 
qu’elle vient d'etre posde, s'il ne s’agissait, aulrement dit, que dedeter- 
miper si l’individu e$t ou n’est pas q|iene au (pomepj ile 1’examen. Nous 
n’aurions besoin, a la rigpeur, popr cela , qup d’une observation direcle 
plus oumoins prolongs; la cannaissance de la procedure serait moins 
essenlielle, et nous pourrions tirer nos conclusions sans nous appuyer 
sur ce qui a precede. Mais n’est-on pas frappe tout de suite de 1’insufli- 
sance de ce simple examen pour arriver a une bonne appreciation des 
motifs auxquels le crime doit etre atlribue? La justice se croirait-elle 
assez eclairee quand nous aurions decide qu’il y a ou non folie au rpo- 
ment de notre exploration ? Non, elle ne peut pas le eroire; et voici 
pourquoi. 

Un homme est quelquefois aliene au moment de la perpetration d’un 
assassinat, et ne l’est plus a quelques jours de la, lorsqu’il est soumis a 
l’explpration des medecins. Un autre peut commettre un crime avec toute 
sa raison, dans un 6lat complet de lucidite,- mais il devient abend pen¬ 
dant l’instruction de l’affaire, par suite des vives emotions qui ont suivi 
un tel forfait. Voila deux cas bien determines qui peuvent se presenter; 
ce sont dcs faits reels que la science possede, et non le rdsullat d’une 
pqVP speculation. Qv, dans I'up comma dans 1’autre cas, la decision du 



SUR Q.UELQEES CAS DE FQLIE HOMICIDE. 375 

en opposition avec l’opinion que je m’etais d6j& formee, j’ai 
rencontre plusieurs circonstances qui ont concouru a fortifier 
ma conviction. Ep effet, 1’etat maladif dont nous avons parle a 
6te reniarque par plusieurs personnes depuisle retour d’Afrique; 


mddectn, si l’on s’est bprnd a lui faire copslater I’^tat present de l’ip- 
cqlpe, pourra entrainer la justice a erreur. Cesppssibi|it6s6tapt adffiises, 
il en respite , cn effet, que, si la decision est negative, il ne devra pa$ 
s'ensuivre rigoureusement que la personne n’eut pas l’esprit derange 
a l’instant de l’exdcution du crime qu ! on lui impute; de meme que, si 
elle est affirmative, i! ne faudra pas en conclqre qp’elle filt malade d 
I’Spoque oq elle a cpmmjs 1’assassingt. 

Qu’on ne nous dise point que les tribunaux apprtcieront les antece- 
dents de l’inculpe, et qu’ils sauront toujours eux-memes decider s’il 
existe des liaisons entre eux et la declaration des hommes de l’art. Non , 
les tribunaui ne peuvent pas etre seuls juges de ces questions, ignorant 
la valeur des symptdmes avant-coureurs de la folie, et ne conpaissapt 
point les nombreuses variates d’aberratipns inteUecUielles qui, a leur 
debut, sont souvent si obscures, qu’elles ne different presque pas de l’e- 
tat de raison. Les limites de la raison a 1’alienation mentale sont souvent 
tres difficiles a determiner, etun auteur bien connu a dit, avec quelque 
fondement, qu’a son point de dipart , la folie itait encore de la raison, 
comppe fa raisoii ila.it, dijft. de la folfe. Or, si cette appreciation n’esl pas 
sans difficultes pour le medecin habitue A de telles etudes, pe serg-t- 
elie pas tout-a-fait impossible pour celui qui y est entiercment etranger? 
La preuve en est dans les erreurs judiciaires dont les annales criminelles 
nous offrent encore des exemples. 

L’examen des pieces de la procedure est done parfaitement de la com¬ 
petence du rpedecin-iegiste. Lui seul, a notrp avis, est a mepie de jpger 
de 1’iniportapce des antecedents de l’individu, et d'apprecier les carac- 
tcres morbides qu’ils peuvent presenter. Cette recherche lui est d’nnc 
indispensable necessite; car devant se proposer dans tous les eas de ce 
genre, quoiqu’on en dise, la solution de cette double question, h sayoir, 
si l’ipculpe est abend et s’il l’etaitap moment de la perpetration du 
crime, cpmnaent pourra-t-il se former une opipion sur pe dernier point, 
si touterhistoiredel’individu lui reste entierement inepnnue? En pa- 
thoipgie gene rale, il est admis comme pripcipe de diagnostic que, pour 
bien appr^cier up 6tat nrip.rb)ide, il faut sayoir scruter toute la vie du 
malade, eonnaitre ses habitudes, son temperament, ses idiosyncrasies, 
rechercher les causes determinantes, toutes les influences repen Ips ou 






37G CONSIDERATIONS MflDICO-T.liGAT.ES 

oil l’a vu trisle et plus taciturne qu’autrefois, et, sans qu’on ait 
observe en lui des signes raanifesies de folie, quelques tEmoins 
ont declare qu’il ne paraissait plus le rngme, qu’il y avait quel- 
que chose de change dans son caractere. Un autre tdmoin a ete 
plus explicite; il a dit que Biscarrat lui avait parle quelquefois 
des persecutions qu’il eprouvait, des drogues que l’on mettait 
dans son vin et des vomissements qui s’en etaient suivis. Mais la 
deposition la plus iuiportante, e’est la lettre qu’adresse a M. le 
juge d’instruction M. le procureur du roi d'Avignon, a qui Bis¬ 
carrat avait porte plainle. Ce raagistrat declare que cet homme, 
il y a plusieurs mois, vint se plaindre a lui d'avoir beaucoup 
d’ennemis et de persecuteurs, et qu’ayant remarque chez cet 
ouvrier de l’exaltation et del’incohErencedans lesiddes, il avait 
consider*! ces pretendues accusations comme le fait d’un de¬ 
rangement intellectuel. 

II est vrai que le plus grand nombre des temoins dficlarent 
n’avoir jamais observe chez Biscarrat le moindre symptome de 
folie; mais ces declarations ne nous etonnent point, carl’inculpe 
a dte toujours peu communicatif, il avait peu d’amis & qui il 
aurait osd confier ses peines. C’est un des caractdres des mono¬ 
manes de cctte espfece de rester longtemps concentres en eux- 
memes et de ne communique!’ ;i personne les preoccupations 
maladives de leur esprit. Tous ceux qui avaient quelques rap- 


dloignees qui ont pu contribuer a alterersa sante : c’est ce que nous fai- 
sons toutes Ics fois qu’il s’agit d’unc maladie d’un organe quelconque de 
reconomie, Pouvonsnous consciencieusement nous en abstenir dans les 
cas de folie, remplis souvent dc beaucoup de doules et d’obscurilis, 
alors qu’il est question d’eclairer la justice, ct que de noire declaration 
depend souvent la vie d’un individu? Pour moi, eonsidfirant cetexauien 
comme un des devoirs les plus sacres, je rdclamerai toujours que les 
pieces de l’instruction soicnl miscs a ma disposition, comme cela sc fait 
partout aillcurs, toutes les fois que les tribunaux voudront bien avoir 
recours It mes faiblcs lumieres; ct si jamais cette communication m’etait 
refusee, je n’aurais pas le courage, en conscience, dc me prononccrsur 
les questions qui me seraicnl soumises. 





SUIl QUELQliES CAS DE FOLIE HOMICIDE. 377 
ports avec lui n’ont pu le considerer comme fou, ne parlant lui- 
mSme a personue de ses ennemis, ettoules ses actions et ses 
paroles etraugeres a ce sujet etant parfaitement raisonnahles, 
comme elles le sont encore aujourd’hui. S’il est alle en parler 
une fois au procureur du roi d’Avignon, c’est que sa patience 
etait a bout et qu’il voyait dans ce magistrat l’homme qui pou- 
vait lui rendre justice. 

Les aulres pieces de la procedure ne m’ont appris aucun fait 
important qui ne m’ait ete relate par loi-meme. Les reponses 
aux intcrrogatoires de M. le juge d’instruction sont a peu pres 
semblables a celles que j’ai obtenues; il n’a jamais cherche a 
nier le crime, et, peu trouble de ce qu’il venait de faire, il a ete 
aussi precis dans le premier interrogatoire que dans ceux qui 
ont suivi. Un dernier fait que nous devons faire ressorlir, c’est, 
d’aprts l’enquete, l’absence de toute haine contre Georges, de 
tonte affaire d’interet enlre cux; l’absence absolue, en un mot, 
de tout motif qui puisse expliquer, a notre avis, la criminality 
de cet assassinat. 

Nous persistons done a conclure que Biscarrat, en assassinant 
Georges Faudrin, a obei a une idee fixe, a une impulsion dictee 
par le delire de son esprit: c’est un monomane qui ne jouissaft 
pas de son libre arbitre, dont le jugement etait essentiellement 
altere, quoique dans le moment de Faction il ait eu conscience 
de ce qu’il allait faire, et qu’il en ait prepare les moyens avec 
calme et premfiditalion. Mais c’est un nionomane dangereux, je 
dois le declarer; et si la justice ne le punit point comme crimi- 
nel, une sequestration severe dans une maison d’alienes me pa- 
rail indispensable dans l’intergt de la security publique. 

Fait a Marseille ce 20 janvier 18AA. 

Signe: Aubanel. 

La chambre des mises en accusation ayant traduit l'affaire 
aux assises des Bouches-du-Rhoue, l’inculpe y a coinparu le 
8 mars 18M. 



378 CONSIDERATIONS MEDICO-LEGALES 

Dans le cours des debals, il s’est monlrfi tel que nous l’avons 
vu dans les prisons de Marseille. II a raeonl6 les details du crime 
dont il etait inculp<5 avec cal me et precision, sans rien nier, 
sans ckercher a attenuer sa culpabilite, sous pretexte de ne pas 
savoir ce qu’il faisait en cornmettant cet assassinat. Il avait par- 
faitement l'inlention, a-t-il dit, de tuer Georges; il n’a pit rois¬ 
ter, quoiqu’il pensat que cette action fut criminelle, au desir de 
se venger d’un homme qui lui avait fait tant de mal. 11 a parld 
des persecutions qu’il avait endurdes depuis son sejour en Afri— 
que; il a racontd son histoire telle qu’il nous l’avait dite, etil a 
constamment affirmd que sa victime devait etre du nombre des 
personnes qui avaient jure sa perle. Il a ajoute, en terminant 
sa ddposilion : Jesuisicidevant le tribunal; ces messieurs juge- 
ront si j’ai bien ou mal fait de me venger. 

Plusieurs circonstances dignes d’allention ont etd remar- 
qudes dans le cours de ses inlerrogaloires: sa conviction intime 
a l’existenced’ennemisquile tourmentaient, la prdcision desfes 
rdponses, 1’intdgritd parfaite en apparence de son intelligence, 
le calme de son esprit et ses efforts rditdrds pour repousser toute 
imputation de folie. Appeld comme expert a faire connaitre ver- 
balement mon opinion sur l’etat mental de l’inculpdj je n’ai eu 
d’abord qu’k developper les faits qui sont consignes dans mon 
rapport; mais, argumentd par M. le president, qui, dans 1’iix- 
terdt de la veritd, demandait des eclaircissements sur plusieurs 
points, j’ai eu it donner des explications sur diverses questions 
plus ou moins importantes qui m’ont ete soumises par ce ma¬ 
gistral: 1° Voyezce calme, a-t-il dit, voyez la precision de ses 
rfiponses; cet homme a-t-il l’apparence d’un fou? 

La reponse etait facile : nous savons tous, nous medecins d’a- 
lienes, que la tranquillite n’exclut pas la folie, et qu’un calme 
d’esprit apparent est meme un des caracteres que Ton remarque 
frcquemment chez la plupart des lypemaniaques dont le ddlire 
est trfes isole. Les fou-; les plus dangereux ne sont pas ceux qui 
cl ient, chantent et brisent; ce sont ceux qui sous le voile trom- 



SUR QUELQUES CAS DE FOLIE HOMICIDE. 379 

peur du silence meditent en repos les sinistres projets enfantes 
parleur imagination malade. Tout le delire de Biscarrat consis- 
tant a croire qu’il elait victime d’un coinplot et roulant exclu- 
sivement sur une serie d’idees relatives a ses pr£tendues perse¬ 
cutions, quoi d’etonnant qUe sur d’autres points sa raisoh soit 
entierement eonservee, qu’il parle et qu’il raisonne, en dehors 
de sa preoccupation inaladive, comme un individu tout-i-fail 
sain d’esprit? Cette apparence de raison, prerogative que con- 
servent ces sortes d’alienes, surtout dans les premiers temps 
de ieurmaladie, estuu fait acquis & la science; c’est un resultat 
admirable des recherche^ et des investigations conscieueieuses 
auxquelles nos grands inaitres se sont livres pour prouver l’etis- 
lence de ces delires partiels. 

La plupart des fous d’autrefois, renfermes dans les asiles ou 
pour tnieux dire dans les prisons et les cachots, titant ConStam- 
ment furie:ix et ne cessaiit de hurler, par suite des mauvais trai- 
tements qu’ou leur faisait subir, les gens du monde se sont ha¬ 
bitues a ne considerer comme prives de raison que ceux qui se 
font remarquer parleur turbulence et leur imp6tuosite. Ils sont 
tout etonnfis, en penetrant dans les asiles modernes ou les nou* 
velles pratiques ont £te introduites, de voir la discipline qui y 
regne, la tenue et la proprete des dortoirs, l’absence des chairies 
et de toute reclusion severe, le refectoire ou les malades pren- 
nent en commun leur repas, les ateliers ou on les occupe a 
divers travaux. Les alienes, en general, ceux memes dont le 
cerveau est en proie a des aberrations de plusieurs genres, sont 
susceptibles de soumission et d’une certaine application au tra¬ 
vail. S’il en est ainsi pour la plupart des fous, habituons-nous 
h neplus considfirer les hurlements et Iafureur comme carac- 
lere inherent & cette infirmite humaine, et nous comprendrons 
mieux la folie partielle , le d§lire de la monomanie, qui s’ac-, 
compagne, avons-nous dit, le plus ordinairement de toutes les 
appareuces de la raison. 

2° La folie exclut toute Conscience de mal faire $ l’accuse sa- 



380 CONSIDER A'i'IOIXS MEDlCO-LfiGALES 

vaitqu’en luant cet homrae il commcltait une mauvaise action; 
done il n’est pas fou, puisqu’il avait cette conscience et qu’il 
anrail pu s’abstenir de le faire. 

Cette argumentation, plus specieuse que vraie, ne resisle point 
a la discussion , et d’auires plus habiles que moi y ont depuis 
longlemps victorieusement repondu. Ce n’est point Taction en 
elle-meme qu’il faut considerer; e’est le desordre meutal qui 
l’a precedee, e’est le mobile qui a fait agir I’imlividu qui doit 
fixer toute notre attention. L’acle seul de tuer ne conslitue pas, 
comme on l’a dit, une action crirainelle; le crime reside dans 1c 
motif qui a fait Terser le sang. Or, si ce % motif est deraisonnabie; 
si les idecs qui preoccupaieut Biscarrat d’une manibre exclusive 
sont extravagantes, et si elles ont ctd la cause determinante de 
Tassassinat, pourquoi ne pas regarder comme venant d’un esprit 
malade Taction qui a ele la consequence, le complement pour 
ainsi dire indispensable ? L’assassinat, je le repete, dont notre 
homme est accuse, est un fait secondaire qui ne doit pas nous 
occuper exclusivcment; le fait principal pour nous est lc motif 
qui a precede le crime et qui en a determine Texeculiou; e’est, 
en d’autreslermes, cette conviction maladive qui luifaisait voir 
partout des ennemis. 

L’accuse, nous l’avons vu, a resisle longtemps it Timpulsion 
qui le domiuait; il a eu bien des combats it soutenir. Mais un 
moment est arrive, comme nous l’avons dit dans noire rapport, 
ou. Timpulsion maladive a ete plus forte, et Biscarrat s’est laisse 
cnlrainerfalalementaceque son cerveau Iui commaudait. Nous 
voyons tons les jours dans nos hospices des fous qui d6plorent 
les acles r6prehensibles dont ils se rendent coupables, nous disant 
avoir obei a une force aveugle qui les maitrisc. Cesfaits rentrent 
dans la classe des folies homicides instinctives, ainsi qu’on les 
appelle. Or, si dans certains cas Taliene obeit a quelque chose 
qu’il ne counait point, a quelque chose dontil nese rend memo 
pas compte, on comprendra a plus forte raison que celui qui est 
en proie a des idees exclusives se laisse entierement maitriser 



381 


SL’n QOELQUES CAS DK FOLIE HOMICIDE, 
par dies et qu’il finisse par obeir, sans pouvoir r&isler, aux 
mauvais penchants qu’cllcs onlengendres dans son coenr. Ces 
idees, dira-t-on, sont iinaginaires; le fou qui raisonne encore doit 
pouvoir se garder de l’impulsion crimindle qu’il en recoit? Mais 
ces idees ne sont imaginaires, ne sont folles que pour nous; l’a- 
Ii6n6 croit a leur evidence, a leur realite, conime aux choses les 
plus sures de ce monde; et, en agissant confonnement a ce 
qn’elles lui dictent, il agit dans la sphere morbide de son in¬ 
telligence, avec la meme conviction, la meme conscience dont 
l’homme sense est anime dans l’execution des diverses actions 
de sa vie. 

3° L’accuse rejette toute imputation de folie; il vient de s’in- 
scrire en faux contre votre deposition ; il repousse avec energie 
1’opinionqui lend a le faire passer pour fou. Est-ceainsi qu’il 
devrait agir ? 

Il est peu de fous qui avouent leur delire; c’est meme assez 
singulier de les voir accuser de folie leurs compagnons d’infor- 
tune, ne s’apercevant pas eux-memcs des actions deraisonnables 
auxquelles il viennent de se livrer. Rien ne prouve done mieux, 
a mon avis, le derangement cerebral de Biscarral que les efforts 
qu’il fait pour repousser l’impulation de folie. Cela seul exclut 
toute ruse, toute simulation de la part de 1’accuse. Il ne cher- 
cherait pas a s’en defendre, si les accusations dont il parle etaient 
feintes, s’il avait voulu par la simuler le delire. Nous n’avons 
trouve du reste aucune preuve de simulation dans le cours de 
nos investigations medico-legales; Biscarrat n’avait pas assez 
d’inslruction pour comprendrc les doctrines emises sur la mo- 
nomanie, pour simuler unc folie si partielle. S’il avait voulu se 
faire passer pour fou, il aufait fait des extravagances deplusieurs 
genres, il aurait fait des folies, comme on le dit vulgairement, et 
comme le font les gens dc cette classe qui cherchenl a feindre 
l’alienation mentale. 

Nous bornons a ces quelques reflexions les nombrenses ex¬ 
plications que nous avons etc appele a donner, sur la demande 
ansal. jiKB.-rsycii. t, \i. Noveinbre 1845. 5. 21 



382 CONSIDERATIONS medico-leg ales 

de M. le president des assises et sur les interpellations du mi- 
nistere public, explications que nous avons fait suivre, pour les 
rendre plus concluantes, du recit de faits analogues puises dans 
les annales de la science. Mais une derniere remarque qui nous 
a ele presentee par l’avocat general est trop grave pour ne pas 
nous arreter quelques instants. La voici: 

Li° Cet homme, adit cemagislrat, si votre opinion estadmise 
par la Cour, sera absous et renferme corame aliene dans une 
maison de fous. Mais si sa folie est curable et s’il arrive que les 
ressources de l’art triompbent de sa maladie, n’est-il pas a crain- 
dre, en le rendant a la society, que, ses rnemes idees revenant, 
il ne redevienne Iui-meme assassin ? 

Cette crainteest eneffet trfrs legitime, et je conaprends qu’elle 
eveille toutelasollicitudedesmagistrals. J’ai terminemon rapport 
par cette phrase : « Biscarrat est un monomane dangereux, je 
» dois le declarer; et si la justice ne le punit point comme cri- 
» minel, une sequestration severe dans une maison d’aliGnes me 
» parail indispensable dans l’interet de la securite publique. » 
J’aurais pu ajouler que cette sequestration devrait etre de longue 
duree, c’esl-a-dire durer autant que la vie de I’individu. J’ai 
rfipondu a M. l’avocat general que telle etait mon opinion, et 
qu’eu l'abscnce de signes certains sur la guerison & jamais radi- 
cale de la folie, je ne prendrais jamais sur moi, si Biscarrat 
m’&ait confix, la responsabilitS morale de sa mise en liberty, 
quelque couvaiucu que je fusse de son retablissement. Je range 
pour ma part tous les alienes homicides dans cette categorie. 

La legislation sur les alienes reste, a la verite, muettc sur ce 
point, etil semble au premier abord souverainement injuste et 
inhumain de condamner a une detention perpeluelle tout homme 
qui dans un accfes de monomanie aura verse le sang de ses sem- 
blables. Cetalien6, eneffet, peutgu^rir; il peut redevenirtr&s 
sens6, apprecier et meme d<5plorer dans son etat de luciditd qui 
a suivi la guerison les funestes penchants qui l’ont entraine a 
malfaire. Ce cas se preseute mainles fois, etje comprends que 



SUR QUELQUES CAS DE FOLXE HOMICIDE. 383 
les mddecins appeles a se prononcer sur des faits de cette na¬ 
ture hesitent longtemps avant de prendre un parti sur la ques¬ 
tion de savoir si tel abend homicide doit cesser d’etre maintenu 
ou continuer d’etre detenu, aprds son retour a la raison. 

La loi de 1838 dit que tout aliene cessera d’etre maintenu 
des que le medecin en aura declare la guerison. Or, aucuue dis¬ 
tinction n’existant a ce sujet entre les alidnds ordinaires et l’a- 
liend homicide, il s’ensuit que si le medecin constate le cas de 
retablissement, ce dernier, comme les autres, devrait etre 
rendu a la liberty. Le sens de la loi n’est pas do.uteux, et, en 
l’absence d’autres prescriptions legislatives, je ne pensc pas que 
lout criminel absous pour cause de folie puisse continuer le- 
galement a dire detenu dansune maison d’alienes, quaudla gue¬ 
rison est arrivee. C’est une lacune qu’il est desirable de voir 
remplir, dans 1’interet de la sdcurite publique. 

Pour moi, je l’ai dit, je regarde la sequestration des alidnes 
homicides comme devant etre perpdtuelle, et je supplderai tou- 
jours a cette lacune ldgislative en demandant a l’autorite supe- 
rieure la maintenue de ces malades, dans les rapports que Ton 
pourra exiger de moi a ce sujet. Je comprends que l’on se de¬ 
cide ci declarer comme pouvant sortir apres guerison un indi— 
vidu qui, dans un accds de manie aigue ou de fureur, aura 
donne la mort, car dans ce cas le meurtre n’a dte ni calculd ni 
prdmddite; le retablissement est plus durable, et, si la maladie 
revient, elle est ordinairement annonr.de par des symptomes 
avant-coureurs qui permetlent de prendre les prdcautions nd- 
cessaires. Mais le monomaniaque homicide est dans une situa¬ 
tion toute differente : le mieux n’est souvent qu’appareut; aucun 
phenomene n’annouce souvent le retour des iddes delirantes; 
l’explosion en est presque toujours rapide ; l’individu mddite 
ses projets dans le silence, et il frappe souvent au milieu du calrae 
le plus parfail. Le medecin-ldgiste remplit un grand devoir 
d’humanite en preservant le mouomane de l’infamie, en le sau- 
vant de la main du bourreau; mais le medecin d’alidnes mecon- 
naitrait les droits sacres de la societe en exposant de nouveau 



384 CONSIDERATIONS JIEDICO-LliGALES 

celle-ci a scs attaques par une sortie intempestive. Tout aliene 
homicide, jele dis une derniere fois, doit etre renferme a tout 
jamais dans une inaison d’alienes; mais il est a ddsirer que la le¬ 
gislation se prononce sur ce point, qu’elle vienne decharger, en 
un mot, les medecinsde la grave responsabilite qui pesesur eux 
dans ces sortes de cas. Ceci nous conduit a dire quelques mots 
sur le mode de sequestration a l’egard des alienes homicides. 

Il existe dans plusieurs etablissements un quartier dit de su- 
rete, ou Ton place tous les hommes dangereux et oil s’exerce 
la surveillance la plus active. A Bicetre, ce quartier est isold ; 
le dcvant des loges est grillage, il y a une cour attenante pour 
la promenade, et le service est fait nuit et jour par des servants 
jeunes et vigoureux, en norabre double du service ordinaire. 
Ces precautions ont pour but de prdvenir des tenlatives funestes, 
et d’empecher les evasions, dont les consequences pourraient 
fitre facheuses. Mais ce quartier special n’existepas partout, et 
les individus dangereux sont une source d’embarras et de dan¬ 
gers dans les asiles ou ils sont confondus avec les autres ma- 
lades. Les inconvenienis qui en resultent sont si evidents que 
je crois inutile de les signaler; du reste, les medecins d’asi!es 
publics qui, comme inoi, n’ont pas d’endroit a pouvoir con- 
finer les alienes homicides, ont du voir maintes fois combien 
ce melange est pernicieux. 

Il est done de toute ndeessite que les asiles aient un quartier 
de s&rete, quartier dont la construction exige des dispositions 
interieures parliculieres, etqu’il nefautpas confondrc avec ceux 
des malades simplement agiles. Mais les abends homicides etant 
peu nombreux dans chaque maison, cinq, six, dix au plus, 
n’est-il pas a craiudre que la creation dont je parle, devantetre 
pour chaque localite une source assez grande de depenses, ne 
paraisse pas ires ldgilime, et qu’elle ne suit jamais acceptee, 
par cela seul que cette section de suretd ne scrait destinee a re- 
cevoir qu’un tres petit nombre d’individus? Ne serait-il pas 
plus sage de construire en France un asile central, interme¬ 
diate en quelque sorte entre la prison et les maisonsordinaires, 



SDR QDELQDES CAS DE FOLIE HOMICIDE. 385 

ou les alienes homicides de tons ies departements seraienl admis 
sur la decision des tribunaux? Get asiie aurait une organisation 
speciale quant a son reglemeut interieur; il y aurait un service 
medical, et les malades y rccevraient comme ailleurs tous les 
soins que leur position necessite. Quelle source fdconde d’in- 
struc'ion pour le mfidecin-legiste qui voudrait se livrer exclusi- 
ventent <i l’Otude de ces funestes aberrations de rhomme! Quel 
avantago pour les asiles publics d’etre debarrasstis de cette classe 
d’alienes exigeant des precautions bien difierentes do celles que 
nous imposent les regies ordinairesd’une sage direction! Je livre 
cette idee, jeteeau hasard, a la reflexion de mes coll&gues. 

Pour revenir a notrc sujet principal, que nous avons un in- 
tant perdu de vue, nous dirons, en termijiant Ge qui a trait a 
Biscarrat, que trois medecins de la ville d’Aix, les docteurs 
Gograud, Arnaud et Omer, furent charges par M. le president 
des assises d’examiner I’inculpe. Tous les trois conclurent a 
Insistence de la folie, et leur deposition etant venue corroborer 
la mienne en tout point, il est juste de reconnaitre que 1’auto- 
rite de ces medecins a du etre d’un certain poids dans la deci¬ 
sion du jury. L’acquittement, comme nous l’avons dit, fut pro¬ 
nonce a l’unanimite , cl la coin- ordonna le placement immediat 
de l'individu dans une maison d’alienes. 11 a et6 envoye dans 
l’asile d’Avignou, comme etant natif du departement du Vau- 
cluse. 

Voici un cas de lypemanie que nous croyons devoir mettre 
tout de suite en regard de ce premier rapport, a cause des ana¬ 
logies frappantes que cette observation presente avec l’histoire 
de Biscarrat. Ge lypemaniaque dout nous allons parler n’a ja¬ 
mais commis d’homicide, inais il a maintes fois menace sa 
femme, il l’a merne frappee grifevement, et 1’on est etonne 
qu’elle n’ait pas fini paren etre victime, au milieu des menaces 
sans cesse repetees qu’elle a eues a subir pendant si longtemps. 
Nous verrons en meme temps que la folie de cet homme a 6t6 
entierement mecounue par les tribunaux. 

La suite au 


\ prochain numiro. 



Etablissements d’alienes 


ADMINISTRATION 

DES ASILES D’ALIENES, 

L.-F.-E. RENAUDIN, 

( 5 e BT DERNIER ARTICLE. ) 


CHAPITRE VII. 

COMPOSITION DU BUDGET DES RECETTES. 

En discutant dans Ie precedent chapitre les rfegles d’apres 
lesquelles nous pouvons ^valuer les dfipenses ordinaires d’un 
asile dont la population se compose de 300 inalades, nous 
sommes arrive an chiffre maximum de 139,701 fr. 16 c., qui 
comprend les fiventualites les plus dSfavorables. Nous avons, 
en outre, constate quesous l’influence de diverses circonstances 
determinees, onpouvait, soit a des intervalles reguliers, soit 
fortuitemeut, realiser des reductions montant a la sorame de 
14,A2Sfr. 6Ac. ,etquesi dans la meine ann6e toutesces 6cono-. 
mies se produisaient simultanement, le chapitre des depensesor- 
dinaires pourrait etre ramene alasommede 125,272 fr., 52 c. 
Enfin, il ressort encore de l’examen attentif des chiffres que 
nous avons donn6s, que plusieurs credits peuvent, suivant les 
cas, no pas etre atteints suivant la nature des indications medi- 
cales auxquelles ils devaient satisfaire. Quelquefois aussi certaines 
depenses n’ont pu etre faites en temps opportun. De la des bonis 
plus apparenls que reels, au moyen desquels peuvent 6tre 
combleesquelques lacunes aussitot apres la cloture de I’exercice. 
Ces chapitres additionnels qui completent les previsions de 
l’exercice vienuent done ainsi au secours du budget primitif. 



ADMINISTRATION DES ASIDES D’ALILNES. 387 

Les exercices qui se suivent deviennent done, sans se confon- 
dre, solidaires les uns des autres; et e’est ce qui fait que reva¬ 
luation du prix de journde se fonde moins sur la moyenne 
d’une annee donnfie que sur les provisions Oventuelles d’une 
serie d’annees. G’est ce qui fait encore que la fixation prealable 
d’un prix de journee, degage de toute subvention extraordi¬ 
naire , offre aux departements une plus grande garantie. que 
des donnees incertaines annulant les ressources d’un exercice 
ecoule, et creant souvent pour l’exercice suivant des depenses 
d’autant plus onereuses qu’elles surviennent quelquefois a une 
epoque tout-a-fait inopportune. Nous pourrions citer tel depar- 
tement ou, par suite de ce systeme, consider^ par nous comme 
imprevoyant, le contingent inscrit an sous-chapitre XI de son 
budget varie d’une annOe a l’autre de 39,000 h 77,000 fr. pour 
le m§me nombre d’aliOnes. Avec un prix de journOe fixe a l’a- 
vanceet sous la garantie des regies administraiives qui regissent 
lesasiles, le departement connait irnuiediateuient toute l’etendue 
de ses obligations et demeure entierement etranger aux even¬ 
tual ites qui peuveut faire varier le prix de revient. La valeur 
vOnale de l’etablissement augmente mOme sans que le departed 
ment y ait prjs part. Le systeme que nous indiquons, et qui, 
conformement aux instructions du gouvernement, a prevalu 
presque partout, a neanmojns souleve dans certains lieux une 
opposition assez vivedanslaquelle se confondait une protestation 
plus ou moins manifeste contre {'application de l’ordonnance 
royale du 18 decembre 1839. Cette opposition avail surtout 
pour appuis les personnes qui, captivees par un engouement 
irr606chi pour certaines communautes religieuses, regrettaient 
les marches a forfait conclus avec elles, et nevoulaient consi- 
derer la doctrine que nous defendons que comme un nouveau 
marcbe a forfait plus onereux. Nous aurions un vaste champ S 
parcourir si nous voulions citer ici tous les arguments a 1’aide 
desquels on a voulu defendre ce sophisme. II nous serait facile 
de demontrer les benefices realises chaque annee par les con- 



388 ADMINISTRATION DBS ASIDES I)’AI.IENES. 
gregations avec lesquelles on no stipulait quc la sonune It leur 
payer, mais auxquelles on n’imposait aucune regie pour la dd- 
pense, auxquelles il fallait allouer des subventions extraordi- 
naires, et qui se croyaient dispensdcs par leur costume de l’o- 
bligation do rendre compte. Aujourd’hui, au contraire, le 
traite a forfait subsiste avec l’asile qui s’amdliore au moyen des 
bdnefices qu’il peut realiser; et le sort des abends n’est plus, 
cornme autrefois, livrd sans controle a l’aviditd de spdculateurs 
qui, sous le masque de la charite, songeaient a rdaliser pour 
leur corporation des benefices illicites. Les communautes ani- 
inees de cet esprit de mercantilisme ne sont plus de ce sidcle. 
Elies ont fait leur temps et doivent ceder la place h des corpo¬ 
rations fonddes sur d’autres principes et animees d’un vdritablc 
esprit de charite. Assez longlemps la verite a dtd ddguisee par 
des mols pompeux et sans valeur; il est essentiel qu’elle se fasse 
jour et que 1’on comprenne enfin que des liommes honorables 
dont tous les actes se passent au grand jour de la publicitd, 
prdsentent des garanties qu’on cbercherait en vain dans ce sys- 
terne de spdculalion mysterieuse renverse par la legislation ac- 
tuelle. 

C’est sous 1’empire de cette legislation que les asiles sont 
devenus une grande et belle institution publique qu’il importe 
de consolider pour 1'aveuir. Quand les principes de charitd pu¬ 
blique seront mieux compris, toutes les petites oppositions plus 
ou moins interessdes disparaitront d’elles-memes, et la tache 
des administrations hospitalieres, si embarrassde aujourd’hui, 
sera bien simplifiee des que la discussion ne s’etablira plus que 
sur des faits. Supposons done que cette heureuse dpoque est 
venue, et examinons sur quelles bases doivent elre calculees les 
ressources de l’asile constitud comme nous l’avons indiqud. 

Prenons pour point de depart le budget maximum, et exami¬ 
nons successivement les diverses categories de dispenses. 

La premiere comprend les depenses qui, se reparlissant sur 
toute la population, ont un caractbre de permanence dependant 




ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlKNfiS. 389 


de 1'organisation legale de l’asile, de sa distribution et des con¬ 
ditions locales au milieu desquelles il se irouve. 

Tels sont les frais d’adminislration ct de surveillance , tant 


pour le personnel que pour le materiel. Ces frais, abstraction 
faite de ce qui concerne plus specialement certaines classes de 
pensionnaires, sont reprdsentes dans noire budget par la somme 
de 18,660 fr. Les frais de nourriture de ces employes sont re¬ 
present^ par la somme de 15,111 fr. Les allocations en nature 


pour blancbissage, eclairage et chauffage, constituent une de- 
pense evaludc a celle de 1,400 fr., de sorte que les frais gene- 


raux de notre asile monteront, d’apres les previsions indiquees, 
a la somme totale de 35,171 fr. Dans le budget rdduit, cette 
depense ne s’eleve qu’h environ 32,000 fr., en sorte que notre 
prix de journde pour la premiere categorie peut etre dvalud 


ainsi qu’il suit: 


Appointements, gages 

et salaires . . . .0,170', 0,160'. 0,165 \ 

Nourriture des employes J J J 

et proposes. . . . 0,137 f 0,127 [ 0,132 f 

Chauffage. 0,007 >0,360 0,007 ,>0,319 0,007 )0,339 

Eclairage. 0,002 \ 0,002 \ 0,002 \ 

Blanclnssagc. . . . 0,004 1 0,003] 0,003 1 

Lingerie ct coucber. . 0,040 J 0,020 J 0,030 ) 


Les depenses de la deuxieme catdgorie sont relatives au ma- 
tdriel. En general, leur quotite peut se rdpartir d’une manidre 
presque uniforme sur toutela population. Elies nous fournissent 
les moyennes ci-aprds indiquees : 


Entretien des bailments 0,036 
Frais d’administration . 0,009 ■ 

Frais de culture. . . 0,018 i 
Entretien dn mobilier et j 
ustensiles .... 0,024 f 
Fourrages et litidres. . 0,016 L ... 
Frais de culte. . . . 0,004 / u,iaa 
Frais de sepulture. . . 0,002 l 

Contribut. et assurance. 0,003 1 
Ddpenses imprdvues. . 0,010 1 
Chauffage pour la cui- i 
sine et les bains . . 0,022 j 


0,027 \ 
0,009 \ 
0,016 


0,004r’ 117 . 
0,0021 0,002 
0,003 1 0,003 
0,006 ] 0,008 

0,018/ 0,020, 


0,021 1 
°’9^\o,131 







390 ADMINISTRATION DES ASIDES D’AM£n£S. 

Nous rangeons dans la troisifime categorie les d£penses sus- 
ceptibles de s’accroitre avec l’Stendue deslocaux occupfe, mais 
sans que cette progression suive pour cela cede de la popula¬ 


tion. 

Chauffage. 0,023) 0,019 j 0,021) 

Eclairage. 0,012 0,057 0,010 0,047 0,011 0,053 

Ddpenses du coucher. . 0,022) 0,018) 0,02l) 


Les depense? de la quatri&me categorie comprennent cedes 
qui sont personnedes aux aliOnds, et la portion qui.les reprO- 
sente dans le prix de journfie ne depend que du regime prescrit 
et du prix des denrees. 


Nourriture. 0,420 \ 0,380. 0,400 \ 

Tabac.0,015 ] 0,011 ) 0,013 ' 


Blanchissage.... 

Pharmacie. 

Frais de lingerie et de 

vfilure. 

Gratifications aux tra- 
vailleurs. 

Si done nous prenons pour base de nos evaluations la 
moyenne que nous avonsdeduite, noustrouvons que le prix de 
revient moyen est entre les limites extremes de 1 fr. 168 et 
0,996, et peut fitre fix6 a 1,083. Cette moyenne elle-meme 
pourrait se r6duire it 1 fr. dans le cas ou la population s’accroi- 
trait de 30individus. linadoptaut cette eventualite, le prix de 
la journee se composera ainsi qu’il est indique dans le tableau 
suivant: 


0,607 °’ 012 0,513 °’ 01 * « 
\ 0,090 1 0,110 \ 


Nature drs dlpenscs. Par jour. 

Premiere categorie. 

Appointements, gages et salaires. 0,160\ 
Nourriture des employes et prd- ] 

posfo. ........ 0,130[ 

Chauffage. 0,007 >0,321 

Eclairage. 0,002 l 

Blanchissage. 0.002 ] 

Lingerie et coucher. 0,020 / 


0.730 l 
0,730 ] 
7,300/ 


A reporter. . . . 0,321 


117,165 














391 

117,165 


ADMINISTRATION DES ASILES D’ALIlSNfiS. 
Report. . . . 0,321 


Deuxieme categoric. 


Entretien des bailments. . . . 

0,030 

10,950\ 

Frais d’adininistration. . . . 

0,008 

2,920 ' 

Frais de culture. 

0,016 

| 5,840 

Entretien du mobilier et ustensil. 

0,020 

7,300 1 

Fourrages et litiferes. 

0,013 


Frais du culte. 

0,003 

°- 115 lW 

Frais de sepulture. 

0,002 

0,7301 

Contributions et assurance. . . 

0,003 

1,095 ' 

Ghauffage pour la cuisine et les / ! 

bains. 

0,020/ 

7,300/ 

Troisieme categorie. 

Chauffage. 

0,020 

7,3004 

Eclairage. 

0,010 

0,050 3,650 J 

Expenses du coucher .... 

0,020 

7,300; 


41,975 


18,250 


Quatrieme calegorie. 

Nourriture.0,400 ] 146,000 \ 

Tabac.. 0,011 / 4,015 / 

Blanchissage.0,012',0,547 4,380 } 199,655 

Pharmacie.0,014 l 5,110 l 

Frais de lingerie et de vilture. . 0,110 j 40,150 j 


1,033 377,045 


En fixant le prix de la journee 4 1 fr., 1’asile perd done, 
pour 180 alienes places a cette condition, une somme de 2,168 f. 
dans le dernier cas, et dans le premier cette perie est de 5,453. 
II ne peut done recouvrer cette sonnne que sur les prix plus 
41ev6s payds par les families ou par un accroissement de popu¬ 
lation qui, n’augmentant que les dfipenses de la quatridrae ca- 
tdgorie, compense par l’attenuation des frais gdndraux le deficit 
qui resulte de la fixation 4 1 fr. Lors de la discussion dela loi a 
la Chamhre des deputes, ce resultat avait ddja et6 prevu. A 
cette dpoque, comme aujourd’hui, on savait qu’on pouvait 
soigner les alifnes a tout prix, mais qu’un regime convenable 
exigeaitau moinsune dfipense journalise de 1 fr. 10 c. 

Les calculs auxquels nous venons de nous livrer demontrent 
done d’une manifere dvidente que la seule condition de prospd- 
ritd pour les asiles est dans 1’association sans laquelle les divers 













392 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlfiNES. 
services ne peuventetre qu’incompletement diablis. Ndanmoins, 
ntalgre l’evidence des faits, combien de personnes out de la 
peine 4 les comprendre et voient dans cet accroissement d’efleclif 
une augmentalion de depense qui les effraie, parce qu’ils ne 
songent pasaux recettes correspondan les! 

Cela posd, nous etabiirons a 1 fr. le prix de la journde des 
alidnds indigenls du department qui a fondd l’asile, et le tarif 
des pensions indique dans le tableau ci-apres nous fournit les 
rdsullats suivants: 


Alidnds au compte du ddpartem. 1 » 65,700 65,700 » 

Alidnds d’autres ddpartements. . 1 15 21,900 25,185 » 

Alidnds au compte des families.. 1 20 8,760 10,512 » 

Alidnds de deuxidme classe. . . 1 65 8,760 1ft,454 » 

Abends de troisidme classe. . . 2 75 3,650 10,037 50 

Alidnds de quatrifeme classe . . 3 85 730 2,810 50 

109,500 128,699 00 

Si nous ajoutons 4 ce cbiffre la pension des trots 
domestiques au compte des families pour une somme 

de. 1,806 75 

les inldrets des fonds placds 4 la caisse du trdsor . . 400 » 

et diverses recettes accidentelles pour une somme 

de. 500 » 

la rente des produits rdcoltds dans l’asile. 300 » 

nous obtenons une recette totale de. 131,705 75 

Le budget maximum ayant dtd dvalud 4 139,701 fr. 

16 c., il cn rdsultc un deficit de 7,995 fr. 11 c., et 
nous trouvons sur le budget minimum , fixe 4 
125,272 fr. 52 c., un excddant de recettes de 
6,433 fr. 23 c. Or, si pour trois annces consecutives 


nous admettons deux budgets minimum et un budget 

maximum , nous arrivons a une ddpense inoyenne de 130,082 06 


et 4 un excddant de recettes de. 1,623 69 

Dans le cas on d’beureuses circanstances se main- 
tiennent, la quatriime annee le boni annuel esl de 2,826 07 
et l’asile , au bout de quatre ans, aura rdalisd un bd- 

ndfice de. 11,304 28 

qui sert en quelque sorte 


de fonds de rdserve pour 









ADMINISTRATION DUS ASILliS D’ALlliNES. 393 

pourvoir aux dventualitds de l’avenir, assurer de temps ii autre 
un complement d’organisalion. Mais si en theorie nous avons donne 
cette forme a nos calculs, c’cst pour pouvoir mieux apprecier les 
influences qui rdgissent un budget, car en pratique l’administration 
ne saurait procdder ainsi; ce serait en effet manquer de prevoyance 
que de rdgler en deficit son premier budget: aussi, pour cette pre¬ 
miere annde, conseiilerons-nous de fixer le prix de journee au 
maximum, ce qui portera les reccttes a la somme de lit,560 75 
et les ddpenses au minimum en les bornant au ser¬ 
vice courant, ce qui les reduit 5 la somme de. . . 125,272 52 

en sorte que, des la premifere anode, le fonds de 

reserve se constitue avecl’cxcddant de receltc de. . 16,288 23 

destind a combler les insuflisances des anndes sui- 

vantes qui, procurant chacune un excddant moyen 

dc 1,623 fr. 69 c., font, pour les quatre premiftrcs 

anndes, monter la rdserve 5 la somme de . . . . 21,159 30 

Or, si nous comparons entre eux les budgets maximum et 
minimum, nous n’avons pas de peine a reconnaitre que la 
somme des insuflisances annuelles de credit nes’etendpas au- 
dela de 5,000 fr.; et comme les excddants auterieurs peuvent 
y sulfire , nous pouvons toujours compter sur une somme de 
8,000 fr. pour satisfaire tous les deux ans aux ddpenses extra- 
ordinaires et d’amelioration. 

Si, au lieu de reduire le prix de journee des la premidre 
annee, une administration prevoyante pouvait, pendant vingt 
ans, le maintenir au taux de 1 fr. 15 c., il en resulterait pour 
chaque annee un excedantde 12,000 fr., qui, places en rentes 
sur l’fitat, produiraient une rente annuelle de 500 fr., et au 
bout de ce temps l’asile se trouverait possesseur d’une rente 
de 13,540 fr., qui permettrail de reduire it 80 cent, le prix de 
la journee des alienes du departement, au profit duquel une 
depense temporaire peu sensible se trouverait couvertie en une 
recelte permanente equivalente au capitalver.se annuelletnent; 
et ce prix rdduit correspondrait pour l’asile 5 celui de 1 fr., 
qui, constituant ce prix derevient, est necessaireraent absorbe 
par les besoms ordinaires. En sorte que le ddpartement dont lc 



394 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALIENijS. 
conseil gfinSral n’a pas compris tons les avantages de ce place¬ 
ment se prive pour toujours d’une depense annuelle de 
13,500 fr. pour n’avoir pas fait pendant vingt ans le sacrifice 
annuel, mais lemporaire, de pareille somme, et pour n’avoir 
pas consider^ comme productives les depenses qui facilitent 
I’accroissementde la population. C’est doncavec raison que nous 
combattons ces reductions incOnsiderSes que nous voyons rbcla- 
mees avec tant d’ardeur par quelques conseils generaux , sacri- 
fiant a l’appat trompeur d’un bon marche apparent les chances 
d’economies plus solides pour 1’avenir. C’est 14 precisement 
qu’au point de vue financier le regime actuel 1’emporte de 
beaucoup sur le systeme des entreprises reposant sur un bon 
marche trompeur, plus dispendieux en realite qu’une organisa¬ 
tion reguliere; car les communautes religieuses n’ont pas plus 
que l’administration le talent de faire beaucoup avec rien, et 
l’amour de la propriete est chez beaucoup d’entre elles bien 
plus vif que celui de la charilb, C’est pour elles plutot un com¬ 
merce qu’une institution de bienfaisance; et le jour ou 1’on 
veut se rendre un compte exact de la situation des choses, on 
trouve un asile ou lout est a faire, et Ton regrette, mais trop 
lard, 1’economic inensongere qui a fascinb pendant trop long- 
temps. 

Si nous resumons les considerations dans lesquelles nous 
sommes entrfi jusqu’alors, nous trouvons que le prix de re- 
vienl oscille entre les limitesdel fr. 15 c. etl fr.; que toute 
reduction irreflechie presente pour l’avenir les chances les plus 
defavorables, et que le maintien du prix superieur pendant un 
certain nombre d’annees permettrait, au bout d’un temps 
donne, d’amortir une partie plus ou moins considerable du 
prix de journdc, puisque vingt ans ameneraient la reduction du 
prix de journ6e 4 80 cent. , et trente-six ans produiraient une 
rente de 34,000 fr., au moyen delaquelle le prix de journee 
lie serait plus que de 50 cent., resultat d’autaut plus avanta- 
geux que le prix de journee lui-meme n’a fourni qu’une rente 



395 


ADMINISTRATION DES ASU.ES D’ALIElNES. 
de 17,000 fr., et que les 17 autres mille. francs'rdsultent de 
l’accumulation des interets composes. Ainsi, dans ce dernier 
cas, le departement, moyennant une surcharge annuelle de 
12,000 fr. pendanL trente-six ans, arriverait a une economie 
permaneute de 36,000 fr. Le chiffre des recettes restant alors 
le meine , l’asile realiserait sur ses propres ressources de nou- 
velles Economies qui viendraient plus laid encore en atte¬ 
nuation de la depense. Cette attenuation serait meme alors 
d’autaut plus sensible que la fondation de lits au capital de 
4,000 fr. serait plus 4 la portee de beaucoup de fortunes, et 
que 1’asile aurail acquis un degre de stabilite qui seul inspire de 
la confiance et appelle les capitaux. 

Nous somnies loin d’avoir voulu donner ces chiffres comme 
des donnees complexes. 11s ne nous ont servi qu’a mieux faire 
comprendre notre pensee; car nous savons combien de cir- 
constances locales sonl susceptibles d’en modifier la base. Mais 
la correlation qui les rattache les uns aux autres n’en demeure 
pas moins etablie, et subsiste toujours, quelque modification 
que l’on fasse subir aux details. 

En terminant ce chapitre, dans lequel se resument les prin- 
cipes de l’existence des asiles, nous eprouvons le besoin de 
repondrea ceuxqui, ue voyantrien au-dessus du temps passe, 
regrettent les ressources que presentait alors la charite publique, 
et regardent notre siecle comme incapable de fonder. Quelques 
esprits chagrins taxent nos institutions d’impuissauce. Non, 
certainemeut, ce n’est pas de nos institutions que proviennent 
les diflicultes de cette organisation. Jamais a aucune epoque le 
gouvernement lie s’est monlre anime de sentiments plus phi- 
lanthropiques. Mais si sa voix est entendue eu quelques lieux, 
dans combieu d’autres n’a-t-elle pas & lutter contre une foule 
d’obslacles que suscite l’intrigue! Que nos conseils generaux 
cousacrent quelques instants de leurs sessions a une etude con- 
sciencieuse et approfondie des fails, que les questions de prin- 
cipes se substituent aux questions depersonnes, que les anciens 



396 ADMINISTRATION DES ASII.ES d’aluInES. 
spdculateurs, apprccies a'leur juste valeur, ne soient plus 
ecoutds ctne puisscnt pfus obscurcir la verite, nos asiles pros- 
pereront sous l’egide de nos lois protectrices, l'cxcrcice de la 
charite y sera une verite evidente pour tout le monde. C’est 
une grande fondalion digne de notre dpoque, et nous sommes 
persuade qu’elle ne faillira pas It cette grande mission d’huma- 
nite. 

CHAPITRI5 VIII. 

BUDGET. 

Apres avoir fait connaitre les variations dont un budget est 
susceptible, nous allons indiquer maintenant comment dans la 
pratique il doit etre rddigd pour satisfaire a tous les besoins ordi- 
naires et dans des conditions ordinaires. 

Titre premier. — Recettes. 

Chapitre premier. Recettes ordinaires. •*- Section premiere. 
Recettes en argent. 


Art. 1. Rentes sur l’Etat. Memoire. 

Art. 2. Alidnds au compte du ddparlemenl. . . 65,700 


Art. 

3. 

Alidads d’aulres ddpartements. 

25,185 

.. 

Art. 

h. 

Alidnes de premiere classe an compte des 





families. 

10,512 


Art. 

5. 

Alidnds de deuxieme classe. 

14,454 

» 

Art. 

6. 

Alidnds de troisieme classe. 

10,037 

50 

Art. 

7. 

Alidnds de quatridme classe. 

2,810 

50 

Art. 

8. 

Domestiques au compte des families. . . 

1,806 

75 

Art. 

9. 

luldrfit de fonds placds au trdsor. . . . 

400 


Art. 

10. 

Recettes accidentelles. 

500 

» 

Art. 

11. 

Produit de la vente d’objels non consommds 

300 




Section seconde. 



Art. 

12. 

Evaluation des produils en nature. . . . 

4,000 



135,705 75 


Chapitre II. Recettes extraordinaires. . . . Memoire. 









ADMINISTRATION DES ASILES D ! ALH5NES. 397 
Titre deuxieiik. Defenses. 

Chapitve premier. Ddpeuses ordinaires. — Section premiere. 
Depenses en argent. 

Art. 1. Traiieinent du directeur-mddecin. 4.000 

Art. 2. Traiieinent du receveur-dconome. 2,800 

Art. 3. Traitement des employes de l’administration. . 1,800 

Art. 4. Traiieinent de I’aumOnier. 1,200 

Art. 5. Indemnitd aux soeurs. 1,500 

Art. 6. Gages des prdposds et servants. 7,150 

Art. 7. Entretien.des bailments. 3,000 

Art. 8. Contributions. .. 50 

Art. 9. Assurance contre l’incendie. .. 250 

Art. 10. Frais de culture. 1,500 

Art. 11. Frais d'admiuistration .. 900 

Art. 12. Gratification aux travailleurs. 900 

Art. 13. Ddpcnses imprdvues. 500 

Art. 14. Entrctien du mobiiier et uslensilcs .... 2,000 

Art. 15. Ddpenses du couclier. 2,000 

Art. 16. Pain. . ... . 20,000 

Art. 17. Viande.18,000 

Art. 18. Yin. 12,5 ,! 0 

Art. 19. Comestibles.12.000 

Art. 20. Menus objets de consornmation. 4,500 

Art. 21. Blanchissage. 2,000 

Art. 22. Eciairage. 1,200 

Art. 23. Cbauffagc. 5,000 

Art. 24. Pliarmacic. .. 1,500 

Art. 25. Frais de lingerie et de vdlurc.12,500 

Art. 26. Tabac. 1,000 

Art. 27. Frais du cullc. 400 

Art. 28. Frais de sdpulture. 200 

Art. 29. Fourrages et iiti&res. 1,400 

Art. 30. Ilembourscmcnide pensions indftment percucs 600 

Section seconde. 

Art. 31. Consornmation des produits de i’asile . . . 4,000 

Total du Chapitre premier ....... 126,350 

Les recettes dtant de. 135,705 fr. 75 c. 

Et les depenses de . . . . . 126,350 » 

L’excddant de recettes cst de 9,355 fr. 75 c. 

AX.NAL. med.-psych. t. vi. Novcmbrc (845. C. 26 





























398 ADMINISTRATION DES ASILES D’ALlfiNfiS. 
qui peut etre affecte a des depenses extraordinaires ou mis en 
reserve pour combler les lacunes qui seraient signalees dans le 
cours de l’exercice. 

Nous sommes aiusi arrive au budget moyen de provisions 
que modifient dans ses details des eventuality dont 1’apprecia- 
tion est reservee pour le chapitre suivant. 

CHAPITRE IX. 

CLOTURE DE L’EXERaCE. — CHAPITRES ADDITIONNELS. 

L’ordonnance du l‘ r mars 1835 , modifiee plus tard par 
celle du 24 janvier 1843, a introduit dans l’administration 
financiere des asiles de nouvelles conditions de regularite qui 
importent autant a la bonne tenue des ecritures qu’au bon 
emploi des ressources dont peut disposer l’administration hos- 
pitaliere. La distinction des exercices et leur cloture a la fin 
du premier trimestre de 1’annee qui les suit permeitront de 
constater presque immediatement tous les resultats de I’annee, 
et de profiter encore en temps utile des credits annules qui 
peuvent etre reportes a l’exercice courant pour en combler les 
lacunes ou pourvoir 4 des besoins extraordinairesajournes jusque 
lei. La situation financiOre de l’elablissement peut done se pre¬ 
senter sous deux faces differentes qui aboutissent toutes deux 
au meme rOsultat: d’une part, les droits acquis par 1’asile sur 
ses debiteurs; de 1’autre, ceux qui sont acquis sur l’asile par 
ses creanciers. Pour les uns comme pour les autres, uue dis¬ 
tinction est a etablir : d’une part, les recouvrements effectuOs 
et les sommes restant a recouvrer; del’autre, les dOpenses 
payees et les restes a payer. Ce n’est done que pour ordre que 
ces derniers sont annules, puisqu’ils sont immediatement re¬ 
portes en tete du chapitre additiounel qui se rattache imme¬ 
diatement au budget de l’exercice courant. L’asile peut done 
proposer immediatement l’emploi, non seulement de l’excedant 
de l’exercice clos, mais encore de la difference entre les de¬ 
penses faites, liquidees ou non, et les recettes acquises recou- 



ADMINISTRATION DES ASILES D’ALltoliS. 399 
vrees ou a recouvrer. G’est au moyen de ce fonds de reserve 
que, sans anticiper sur les provisions de l’aveuir, on comble' 
les lacunes que presente tel ou tel credit du budget moyen par 
un credit supplementaire qui alteint ou ddpasse, suivant les 
cas, revaluation maximum indiqude dans le chapitre VI de ce 
memoire. G’est encore a l’aide de ces ressonrces que nous ba- 
lanconsles fluctuations de depenses resultant des variations dans 
le prix des denrdes; de sorte que le prix de journee n’est pas 
appeld a subir cette influence : aussi est-ce avec raison que 
nous 1'avons plut6t consider^ cornrne la moyenne d’une serie 
d’anndes. Enfin il est encore une autre, cause qui modifie les 
credits du budget primitif: c’est l’accroissement de la popu¬ 
lation en general, ou de telle ou telle classe en particulier. 
Dans ces cas, en mOme temps que l’asile est grevd d'une nou- 
velle ddpense, il doit en eLre convert par des receltes corres- 
pondantes. Malgre cette prevision d’une complete certitude, 
c’est encore sur 1’exercice precedent que nous prdlevons ces 
ddpenses supplemenlaires, afin de laisser entierement a l’abri de 
toute eventualitO les previsions de l’exercice courant, qui legue 
ainsi 0 celui qui lui succdde une rdserve sans laquelle on pour- 
rait redouter des deficits toujours nuisibles k la marche reguliere 
du service. Au moyen de cette sage precaution , nous subor- 
donnerons done les dOpenses extraordinaires d’uu exercice a la 
situation de cloture de 1’exercice precedent, et c’est a cette 
condition seulement que le service peut etre constamment 
assure sans avoir a craindre des augmentations dans le prix de 
journde. G’est dgalement aux chapitres additionnels seulement 
que peuvent figurer les achats de rentes provenant de capitaux 
non utilises. On ne pourrait inscrire dans le budget primitif 
que ceux par lesquels, conformdment a ce que nous avons ex¬ 
pose dans le chapitre VII, des centimes speciaux auraient 6t6 
affeetds dans le prix de journde. Le chapitre additionnel sert 
done de lien naturel entre deux exercices qui se suivent sans 
que jamais ils puissent se confondre. Il est le complement de 



400 ADMINISTRATION DES ASILES b’ALIENES. 

Pun et de l’auire, et 1’on peut ainsi suivre d’annee en annce 
la filiation de tous les faits depuis le moment ou ils out pris 
naissancc 4 l’dtatde prevision jusqu’a celui ou ils sont comple- 
tement accomplis. 

Toutes ces mesures d’ordrc sont considerees par quelques 
personnes comme des formalites embarrassantes, et comme des 
entraves posees par l’cxageralion du principe de la centralisa¬ 
tion. Nous ne saurions trop combatlre uue erreur aussi grande. 
Toutes ces dispositions reglementaires sont, au contraire, la 
meilleure garantie d’une bonne gestion , et en presence d’aussi 
graves interets, elles ne sauraient etre trop protectrices. Elies 
se pretent d’ailleurs a toutes les exigences, et les adminislra- 
teurs n’ont qu’a se metlre en mesure d’oblenir en temps oppor- 
tun les autorisations don.t ils peuvent avoir bcsoin.' C’est prin- 
cipalement aussi en raison des formes auxquelles cst astreinte 
la complabililedes asiles queleur budget ne saurait se confondre 
avec lc budget departemental, et que dans 1’exaraen qu’il fait 
des budgets el des comptes, le conseil gineraldoit necessaire- 
meut se deparlir des regies qui regissent le budget departe¬ 
mental. C’est en quclque sorle sous condition qu’ii peut donner 
son avis sur des depenses dont la realisation depend des res- 
sources que realisera la cloture de l’exercice; car tout projet 
qui se presente doit etre envisage sous deux points de vue, 
celui de I’opporlunite et celui de la possibilite de lc rcaliscr. 
Ces deux questions sont en quelque sorte inddpCndantes l’unc 
dcl’autre, et peuvent tres bien etre jugdes isolemcnt. Elies 
doivent etre d’aulant moins subordonndes l’une a 1’autre que 
toute amelioration doit etre examinee au point de vue d’un plan 
d’enscmble sounds, des le principe, a une dtude approfondie. 
C’est le seul moyen d’eviter ces distributions defectucuscs qui, 
aujourd’hui, entrainent a de si fortes depenses d’appropriation, 
surtout dans les asiles soumis pendant longtemps 4 la direction 
exclusive de communautes religieuses. 

Telles sont les regies auxquelles est soumise l’etude de toutes 





ADMINISTRATION DBS ASILES D*ALIENES. 401 

les questions qui touchent les asiles. Nous ne saurions trop re- 
commander a nos confreres de bien se penetrer de leur esprit. 
Leur tache en sera de beaucoup simplifiee, et leur zele ne 
viendra plusse heurter aussi souvent contredes obstacles qu’ils 
evitent facilement par les connaissances administratives que leur 
position leur fait un devoir d’acquerir. 

CHAPITRE X. 

COMPTE ADMINISTRATE. 

Qnelque prficieuses que soient les regies gSnerales dont nous 
avons essaye jusqu’alors de presenter un resume clair et suc¬ 
cinct, il n’en restepas moins pour leur application une respon- 
sabilite qui exige de la part de 1’adminislrateur beaucoup de 
tact et beaucoup de prudence. Quelles que soient les bonnes 
qualitds du coeur si essentielles dans un service hospitalier, 
elles ne sauraieut suffice s’il nc s’y joint pas une etude assez 
approfondie de l'humaniid et de ses faiblesses. C’est devant ce. 
spectacle toujours affligeant qu’il faut savoir rester impassible 
sans indifference, et ddployer cette force de caractdre qui im¬ 
pose aux intrigants et dejoue leurs projets. Cicdron definissait 
l’orateur, Vir pi'obus, dicendi peritus. Nous proposons au di- 
recteur-mddecin d’un asile un adage analogue : Vir probus, me- 
dendi peritus. Ces deux qualites resumenl lous ses devoirs, et 
tracent la marche qu’il doit suivre dans l’accomplissement de 
devoirs souvent penibles, mais toujours honorables. Une grande 
mission de bienfaisance lui est confiee, et il en doit un coinpte 
rainutieusement exact, non seulement a l’autorite publique , 
dont il est le delegue , mais encore a ses concitovens, qu’il im- 
porte d’eclairer sur les importantes questions que souldve l’ad- 
ministration dcs asiles. 

La publicity dc ces travaux annuels nous a paru le moyen le 
plus efficace d’dveiller les sympathies et de faire disparaitre bien 
des prejuges qui ont encore des racines tres profondes. Il faut 



/i02 ADMINISTRATION DIES ASHES D’ALIF.Nfe. 

necessairement leiir opposer des faits nombreux (Jui les dbmen- 
tent: c’est un sujet sur lecpiel il est essentiel de persuader et 
de convaincre. Un compte moral bien d<5taill6 peut seul atteindre 
ce rbsultat: c’est ce qui nous engage a terminer ce mbmoire 
par quelques considerations sdr cette partie des obligations du 
direcleur-medecin. 

De menie que le budget, le compte moral el administratif 
est de creation moderne, et nous pouvons ajouter que c’esl 
plus specialement dans les maisons d’alibnbs qu’il a pris nais- 
sance. Encore quelques ann6.es, et ces rapports annuels devien- 
dront un vaste repertoire ou la science medicale et adminis¬ 
trative pourra puiser d’utiles enseignements. Longtemps con¬ 
centres dans les grands etablissements de Paris, les recherches 
sur l’alibnalion mentale sesont, pourainsi dire, decentralisees, 
et offrent aujourd’hui des termes nombreux de comparaison que 
multiplierait encore l’echange qui en serait fait entre tons les 
asiles. Nous pensoils mSme que si I’impulsion fitait donnbe par 
le ministbre de l’interieur, ces travaux ne pourraientquegagner 
par 1’iiniformite de plan qui leur serait necessairement donnee. 
En attendant, nous allons indiquer succinctement comment 
nous concevons un travail de ce genre donl la publication aurait 
lieu au mois de mai de chaque annbe. 

Les donnees qui lui servent de base nous indiquent elles- 
memes la division la plus convenable desmatieres. II comprend 
done quatre parties. 

La premibre est exclusivement mbdicale. ReVue clinique 
des faits les plus curieux observes dans l’etablissement, elle peut 
etre en meine temps consacree a la discussion raisonnbe de points 
de doctrine, a quelques apercus de mbdecine legale et b 1’ap- 
preciation des diverses formes sous lesquelles l’alienation men- 
taie se prbsente. C’est la surloul qu’il importerait beaucoup de 
pouvoir bien saisir les conditions locales qui favorisent le plus le 
dbveloppement de cette affection en rapprochant i’hisloire me¬ 
dicale de l’asile de celle du dbpartement qui fournit les alibnbs. 



ADMINISTRATION DES ASILES O’ALIENI'S. 403 
Le directeur-ntedecin aurait encore & parcourirun vaste champ 
d’observations s’il se livrait a 1’etude des prejug£s locaux sur la 
folie, et s’il indiqnait surtout les v£ritables bases sur lesquelles 
doit reposer le traitement de cette maladie. Ce travail, coucu 
d’aprfes ces donnees, est un veritable compte-rendu de la trte- 
thode adoptee par le chef de l’etablissement dans la direction 
irtedicale de son service. 11 est en quelque sorte le resunte de 
ses travanx, et peut etre considfire comme un traite local sur 
1’alMnation mentale. II est facile de concevoir toute l’utilite de 
semblables travaux centralists dans une commission d’hommes 
sptciaux, qui, sous la prtsidence de l’inspecteur general des 
asiles, pourraient rendre au ministre de l’interieur un compte 
exact de la marche de tous les etablissements. La medecine rni- 
litaire se centralise au conseil de sante des armees. Pourquoi la 
mtdecine des alitnes ne serait-elle pas organiste sur des bases 
analogues ? (Vest aujourd’hui un service important qui ne peut 
manquer de le devenir encore davantage , et des etablissements 
qui represented une dtpense annuelle de pres de 5,000,000 
pour une seule specialite, nous paraissent, par l’organisation 
qu’ils ont recue, se plier parfaitement a cette centralisation 
scientifique ttablie sous l’egide de la centralisation administra¬ 
tive. 

Nous consacrerons notre seconde partie au compte moral du 
service qui nous est confie et a la discussion des principes qui 
servent ou doivent servir de regie a la direction de l’etablisse- 
ment. La nature meme des choses nous indique deux divisions 
principales dans cette partie du travail: le materiel et le person¬ 
nel. La premiere section devra indiquer 1’histoire des modifi¬ 
cations diverses qu’ont subies les baliments, les ameliorations 
de toute nature qui sont introduites chaque annde, soit pour 
mieux categoriser les malades, soit pour assurer d’une rnaniere 
plus convenable ou plus £conomique les services g6n6raux, dont 
la bonne tenue influe autant sur le bien-6tre des malades que 
sur la prosp£rite de l’etablissement. Cette partie du rapport 



404 ADMINISTRATION DES ASILES p’AElfiNCS. 
nous senible devoir 6tre inoins uneseche description de travaux 
que la discussion du systemequi leur a servi de base. A ces 
considerations se lient naturellement celles qui ont pour objet 
l’organisation du personnel, sa composition, sa hierarchie, la 
discipline 4 laquelle il est soumis, les attributions devolues a 
chacun , I’esprit qui anime tons les membres de cette organi¬ 
sation , l’influence exercfie par le milieu dans lequel se trouve 
l’asile. 11 n’est pas inoins necessaire de bien apprecier les causes 
exldrieures qui peuvent influer, soit sur la marche du service, 
soit sur la discipline intdrieure; car, suivaut nous, ce n’est 
pas la partie la moins interessante de l’histoire de la charite 
publique que l’etude dcs entraves et des obstacles qu’on lui 
oppose dans beaucoup de lieux. Si nous signalons a la recon¬ 
naissance publique les nomsdcs bienfaiteurs de l’humanite, de 
ces bommes animds de pensees gdndreuses, aux yeux desquels 
l’infortune crde des droits h la charitd, qui, touten mettant un 
sage disccrnement dans la distribution des secours, ne mar- 
cliandent jamais au malheureux le soulageinent de ses souf- 
frances, pourquoi garderions-nous un silence coupable sur les 
intrigues et 1’aridite du cceur de ceux qui montrent contre 
toute amelioration des asiles une opposition systdmatique et 
aveugle? Une sorle de reserve peut bien nous interdire de livrer 
leurs noms a la publicite; mais nous ne saurions combaltre avec 
trop d’cnergie ces ddsastreuses doctrines d’un etroit egolsme, 
et les prdjugds plus ddsastreux encore qui servent d auxiltaires 
a cette opposition. Nous n’avons certainemeut pas l’intention 
de derouler ici sous les yeux de nos lecteurs tous les fails de 
cette nature; ils font heureusetnent exception a la regie gdne- 
rale, et grace a l’dnergique impulsion donnde par le gouverne- 
ment, nousavonsla consolation d’assister aux progres rapides 
d’une institution nouvelle encore, et & laquelle ne peut pas 
manquer de s’ouvrir un bel avenir. C’est surtout la franche 
execution des lois qui peut assurer ce progres : aussi devons- 
nous, dans cette partie du cornpte moral, nous bien p6n6trer 



ADMINISTRATION DES ASILTiS Ij’AUENfcS. t|05 

de l'esprit de la legislation existante, et nous attacher & faire 
ressortir Ies rapports qui existent entre les prescriptions de la 
loi et les faits accoinplis; e’est ce qui nous conduit aux recher- 
ches statistiques sur le mouvement de la population de l’asile. 

Ici les documents administrates et m6dicaux viennent se 
confondre et donner souvent lieu it des rapprochements fort 
interessants. Nous devous cependant nous pr&nunir contre un 
engouement irreflechi pour la statistique, travail dont toute 
l’utilite depend du sens qu’on y attache. Les recherches statis¬ 
tiques peuvent, quand elles ne sortent pas de certaines limites, 
fournir des l-esultats curieux et importants; maisil faut eviter 
avec soin de les appliquer a des faits qu’elles ne sauraient com- 
prendre. Les chiffres n’ont et ne peuvent avoir de valeur que 
par l'analyse raisonnee des donnees qu’iis resument. En abusant 
de la statistique, on nuirait plus a la science qu’on ne la ser- 
virait. Le mouvement general de la population comprend les 
admissions, les sorties etles deces. An point de vue legal, nous 
distinguons les admissions en placements volontaires eten pla¬ 
cements d’office. Les uns sont faits ou en vertu de l’art. 8 de la 
loi du 30 juin 1838 ou en vertu de l'art. 25. Les articles 18 
et 19 regissent les seconds. Quelques considerations sur les 
circonstances qui peuvent rendre un alien6 dangereux trouve- 
ront naturellement leur place dans ce chapitre. On cherche 
depuis longtemps a se rendre un compte exact du rapport qui 
existe entre le nombre des alienfis et le reste de la population. 
Nos asiles fournissent encore a cet egard des renseignements 
qui, avec le temps , peuvent donner lieu a des resultais fort 
curieux meme pour l’etiologie generale de Talifination meutale. 
Si l’asile recoil plusieurs classes de pensionnaires, il est.neces- 
saire de connaitre le chiffre de chacune. Si ce renseignement 
est indispensable comme document administratif, ii a aussi 
quelque utility pour le medecin qui peut y rechercherl’influence 
que la position sociale a pu exercer sur le developpement de 
l’alienation menlale. Enfin, si le nombre des journees sert de 
controle h la recette et ii la depense, il nous fait aussi connaitre 



406 ADMINISTRATION DES A SILKS d’ALIEnES. 

la duree moyenne du sejour des malades, et 1’influence sur le 
mouvement de l’asile de 1’epoque des admissions, des sorties 
et des deces. 

Tous les alienfe qui sortent de l’asile ne sont pas gueris. II 
importe d’6tablir sous ce rapport une distinction qui blesse 
quelquefois l’auiour-propre medical : mais la science dement 
toujours des proportions donnees sans preuves. II y a encore 
beaucoup d’appelcs et peu d’elus; c’est une verite dont nous 
devons convenir; et nous avons deja beaucoup fait pour l’hu- 
manite, lorsque, tout en preservautla societede dangers reels, 
nous creons & tant d’individus une existence presque heu- 
reuse. 

A l’histoire de la mortalite se rattachent des renseignements 
sur les causes qui ont pu la faire varier, cequi nous conduit a 
etudier les complications dont nous avons eu l’occasion d’ob- 
server 1’influence, soit sporadique , soit epid6mique. La folie 
cxerce-t-elle sur la duree de la vie une influence directe? 
quelle a 6t6 la constitution medicale de l’annee? quelle est la 
vie moyenne d’un ali6ne dans telle ou telle condition ? l’isole- 
ment est-il ou non contraire a la long6vit6, etc. ? sont autant 
de questions sur la solution desquelles des fails bien observes 
peuvent beaucoup nous eclairer. 

Enfin la statistique medicale se completera par l’examen de 
la population au point de vue du diagnostic, pour lequel nous 
avons essaye de tracer des rfegles precises dans un de nos rap¬ 
ports annuels. C’est a cette occasion que nous pouvons citer les 
observations les plus curieuses recueillies dans le cours de 
l’annee. On formera de cette maniere un repertoire fort utile 
dans l’avenir, et l’inslitution des asiles d’aliends se popularisera 
d’autant plus rapidement que tout le monde sera mis a meme 
de bien connaitre tout ce qui s’y passe. 

Mais si le compte moral est d’une grande importance, le 
compte administratif proprement dit, qui en est, pour ainsi 
dire, 1’expression uumerique, doit attirer toute notre attention, 
et nous ne saurions apporter trop de soins a la redaction de ce 



ADMINISTRATION DBS ASILES D’ALTI5nES. 407 

document. Rdsume desfaits accomplis, ilsert de base aux pro¬ 
visions del’avenir, el devient un element de contr61e tout-4- 
fait appropriO a nos mceurs et 4 nos institutions. C’est par la 
surtout que nous pouvons constater la supOriorite incontestable 
du regime auquel sont soumis les asiles. Aucun acte ne peut 
Ochapper 4 la surveillance publique, et tout dOpend du compte 
que Ton demande au directeur, qui jouit, il est vrai, d’une 
action trOs elendue, mais compensee par une grave responsa- 
bilitd morale 4 laquelle il chercherait en vain 4 se soustraire. 
Aucun acte, si peu important qu’il soit, ne peut et ne doit rester 
sans explication. Toute mesure, de quelque nature qu’elle 
soit, a sa valeur, et rien ne saurait Stre considOrO comme in¬ 
different dans un service comme celui ci. 

Les divisions adoptees pour ce compte 'sont celles que nous 
avons ddj4 fait connaitre pour le budget, dont il ne differe que 
par la precision des chiffres qui expriment des faits accomplis. 
Nous devons l’examiner sous deux points de vue differents : 
comme representant 1’emploi des fonds et exprimant la situation 
financiere de l’asile, ou bien comme indiquant les details des 
ddpenses imputdes sur chaque credit. Dans le premier cas, il 
differe du compte du receveur en ce qu’il comprend tous les 
rdsultats de l’exercice, et que la situation financiere de l’asile 
s’y dtablit moins par revaluation des sommes entrees ou sorties 
que par la comparaison entre les recettes acquises et le montant 
des dettes de toute nature. On reconnait, dureste, la bonne 
gesiion 4 l’exactitude des recouvrements et des paieinents : 
c’est done un compte d’ordre qui controle et commente celui du 
receveur. On y mentionne toutes les circonstances qui ont pu 
influer sur la regularite de cette partie du service, et c’est ici 
que trouveront naturellement leur place quelques reflexions sur 
l’application des art. 26, 27, 28 de la loi du 30 juin 1838. 
Si nous enlrons dans les details les plus intimes du service, 
nous arrivons facilement a decouvrir les rapports qui existept 
entre les indications medicales el la quotile des credits qui ont 
du y satisfaire. Le nombre des jourifees et le prix des denrdes 



408 ADMINISTRATION DES ASILES n’ALIENfS. 
sont ici deux elements de controle d’autant plus exacts que l’on 
elablit des rapprochements entre deux exercices consecutifs. 
Cet examen retrospectif el d<5taille a encore un autre but d’uti- 
lite : c’est de mettre sur la voie des ameliorations qui peuvent 
etre oper6es dans le regime des malades. C’est la que doit se 
porter toutc l’attenlion de (’administration qui appuie ses pro¬ 
jets sur des documents positifs. C’est surtout aujourd’hui que 
des travaux de cette nature sont indispensables. L’organisation 
des asiles est encore incomplete; il faut y creer des traditions 
nouvelles et rompre avec d’anciens prejuges; c’est done aux 
mfidecins qu’est devolue cette tache pour l’accomplissemenl de 
laquelle la legislation leur a cree une belle position dans l’admi- 
nistration hospitaliere. 

Enfm le proces-verbal de cloture de l’exercice termine et 
resume le travail dont nous n’avons fait que donner une analyse 
bien succincte, auquel chaque annee donne uu caractere tout 
particular, et qui vient ajouter chaque fois de nouveaux docu¬ 
ments h l’histoire de l’alienation mentale. 

Nous sommes arrive ii la fin de ce m&noire, auquel nous 
devrions peut-etre joindre quelques tableaux qui rendraient 
plus facile ^application de quelques principes, Mais nous avons 
pense que ce n’est pas dans les Annales que de semblables docu¬ 
ments peuvent trouver place. Nous esperons que nos lecterns 
comprendront les motifs pour lesquels nous laissons subsister 
cette lacune, it laquelle d’ailleurs nous suppleerons plus lard 
quand nous rendrons un compte d6tail!6 du service qui nous 
est confie. 

Apres avoir fait connaitre le rouage administralif d’un asile , 
nous aurions a nous occuper de sa population, et a examiner de 
nombreuses questions que souleve la situation legale des alienes. 
C’est ce que nous nous proposons de faire dans un autre me- 
moire, si nos savants confreres des Annales veulentbien, cn 
1846, nous continuer leur bienveillant accueil. 



REVUE FRANCAISE ET ETRANGERE, 


JOURNAUX FRANCAIS. 


REVUE DES JOURNAUX RE MEDECINE. 

QUELQDES CONSIDERATIONS SDR L’lNCERTITUDE DES FONCTIONS ATTRI¬ 
BUTES AU CERVELET ET SUR L’ABSENCE DE SYMPTpMES OU SIGNES 
PROPRES A FAIRE RECONNAiTRE , PENDANT LA VIE, LES DIVERS 
ETATS MALADIFS DE CET ORGANE, par M. TOULMODCHE. 

Pour qui veul examiner et rdfuter une opinion mddicale sur un 
point quelconque clc la science, il lui est essentiel de connaitre au 
moins superficielleuient les fails qui parlent pour et contre celte 
opinion. G’est ce que n’a point fait M. Toulmouche; il semble ne 
point avoir lu Texcellent ouvrage de M. Longet, qui a reproduit 
avec soin les principales opinions dmises sur les fonctions du cer- 
velet, et vdrifid avec patience les experiences qui leur avaient servi 
de base. Nous n’ignorons point que M. Toulmouche contcste les 
idsultats obtenus par les vivisections, en disant qu’on ne peut 
apprdcier l’aclion dcs organes chez un animal qui ddja a subi des 
ldsions plus ou moins profondes. (Test a tort, selon nous, et si le 
mddecin de Rennes eut praliqud lui-mdme des vivisections, ous’il 
eut assistd a celles que l’on fait tons les jours it Paris, il eut vti 
qu’il n’est pas possible de nier les resultats obtenus el de ne point 
leur reconnailre une ires grande importance, llalons-nous clc dire 
cependant que les vivisections n’ont pas toujours et pour tons 
la mdme signification. Ces cxpdriences, surtout quand il s’agit 
d’dtudier les fonctions de quelque parlie de l’encdphale, doivent 
etre souvent rdpitdes et pratiqudes avec un soin extrdme et sans 
prdvenlion aucunc; ellcs exigent une cerlaine habitude qu’on n’ac- 
quiert point en nn jour, et nous sommes foreds d’avoucr que e'est 
li sans doute la principale cause de la divergence d’opinion des 
auteurs sur les fonctions des diverses parties du systdme edrdbro- 
rachidien. 

M. Toulmouche veul done que dans la recherche des fonctions 





410 REVUE FRANQAISE ET ETRANGfcRE. 

du cervelet on ne tienne compte que des cas d’altdrations mor- 
bides de cet organe, sans coexistence de lesions graves d’autres 
parlies de l’encdphale. Or, 1’examen des fails lui a, dit-ii, ddmontrd 
que dans l’dtat actuel de la science, il n’esi pas possible d’assigner 
au cervelet des fonctions bien ddtermindes. Nous croyons, en effet, 
qu’il convient d’apporter une cerlaine reserve dans nne conclusion 
& cet dgard. Cependabt, parmi les nombreuses opinions dmises 
sur ce sujet, il en est une qui, si elle n’est pas a l’abri de toute 
contestation, offre au moins l’avanlage de n’dtre en contradiction 
ni avec Panatomie anormale ni ayec les fails pathologiques, et d’etre 
pleinement confirmde par la physiologie expdrimentale; nous vou- 
lons parler de celle de M. Plourens , pour qui le cervelet est le 
sidge exelusif du principe qui coordonne les mouvemenis de loco¬ 
motion. Si M. Toulmouche eflt ouvert le livre de M. Longet ii Pen- 
droit oil il parle des fonctions du cervelet, il y aurait In plusieurs 
fails pathologiques authentiques dans lesquels on a observd pen¬ 
dant la vie une ldsion dans la coordination des mouvements volon- 
taires, et trouvd aprds la mort des alterations diverses sidgeant 
exclusiveiiient 4 la surface on dans Pintdrietir du cervelet. Nous 
nous croyons done autorisd 5 dire que le mddecin de Rennes va trop 
loin en prdtehdanl que les fonctions de cel organe sont encore 
cOmpldtement ignordes, et que l’opinion de M. Flourens est tout 
anssi contestable que celle de Gall et de M. Serres, qui regardenl 
l’un le cervelet tout entier, l’autre le lobe mddian seul comme Pex- 
citateur des orgaiies de la gdndration. 

Quant aux maladies du cervelet, nous admettons volontiers, 
avec M. Toulmouche, qu’il est difficile non seulement de les diffd- 
fencier entre elles , mais, qui plus est, de les distinguer des autres 
directions de Tencdphale. Cette difficultd n’est-elle pas une consd- 
quence presque ndeessaire de Pignorance oil Pon a did jusqiPa ces 
derniers temps et ou Pon est encore assez gdndralement aujour- 
d’hui des fonctions de cet organe? 

Cependant il semble au moins bien ddmontrd que dans les mala¬ 
dies du cervelet, comme dans celles du cerveau, on observe des 
effets croisds dans la paralysie des mouvements volonlaires. On a 
d'ailleurs tout lieu d’espdrer que la palhologie de ce centre nerveux 
snlvra les progrfes de la physiologie, etque des observations sub- 
sdquentes dclairciront eelte question difficile. 

(Gazette midicale, 19 juillet 1845.) 



JOURNAUX FRANgAIS, /ill 

NOTE SDR DNE NODVELLE SONDE DESTINED A L’ALIMENTATION DES 

aliEni5s ; par M. le docteur Ledret. 

M. Leuret, pour remedier aux nombreux et graves accidents 
qu’il dit avoir observes dans l’introduclion de la sonde oesopha- 
gienne cliez les alidnes qui refusent des aliments, a imagine d’avoir 
recours & une sonde a demeure, qui, pour rester impundment en 
contact avec les parties molles qu’elle traversal, devait dtred’une 
nature toute particulidre. 

« Pour preparer cette sonde, dit M. Leuret, il faut prendre au 
inoins quatre el au plus huit ou dix de ces tubes fibreux (intestins 
de mouton ddpouillds des membranes pdritondale et villeuse), et 
les introduire successivement les unsdans les autres. Cette intro¬ 
duction exige le plus grand soin, parce que Ton agU sur un lissu 
ties facile a dechirer. L’important est d’empdcher que les tubes 
fibreux ne conservent la moindre torsion : autrement, 1 l’endroit 
tordu, il se forme un cul-de-sac. Si on inlroduit de Pair ou de 
l’eau dans ce lube, on opfere une rupture par laquelle s’epanche le 
fluide, ct l’on a, non pas un tube, maisune succession de cellules. 
On remddie a la torsion des tubes fibreux en faisant couler de Peau 
en dehors et en dedans de cbacun d’eux, au fur et a mesure qu’on 
les introduit les uns dans les autres; pendant qu’on les lient sus- 
pendus horizontalement. Chaque tube, ayant environ Ja longueur 
d’un mdtre, est mis dans Peau pour qu’il reste parfaitement sou- 
pie. On en prend un, & l’une des exlrdmites duquel on adapte un 
entonnoir; on le lient suspendu et on y fait passer un courant 
d’eau. Cela fait, et le premier tube reslant suspendu, on inlroduit 
dans sa cavity, a l’aide de l’enlonnoir, un second tube que Pon 
fait glisser i l’aide d’un courant d’eau. Ce second tube mis en 
place est aussi maintenu ouvert par un entonnoir dans lequel on 
fait passer de Peau, et ainsi successivement pour tous les autres 
tubes. Le dernier tube une fois place , on exprime de haut en bas 
pour faire couler toute l’eau que pourrait retenir la reunion de ces 
tubes, et apres avoir placd une ligature en bas et prepare une 
ligature en haut, on insufDe de Pair & l’aide d’un siphon dans le 
dernipr tube introduit. La distension de ce tube distend tous les 
tubes superposes, et il resulte de la une seule paroi formee de 
plusieurs couches. Par la dessiccation, ces couches se collent les 
ones aux autres et ne se sdparent plus. En unejournde, la dessic- 
calion et l’accolement sont operds. Alors on enlfcve les ligatures 
places i chaque bout du lube, on fait sortir Pair qui s’y trouve et 
on procfede au tannage. 



M2 REVUE FRANgAISE ET liTRANGfeRE. 

» Le tannage se fait en metlanl ie lube pendant 24, SO ou 36 
lieures dans la decoction d’dcorce de cbdne; cnsuite ce lube est 
lave , bien essuyd on incompldlemeut dessdchd , puis frotie avec 
un corps gras. J’ai essayd comparativement i’huile d'olive, ia 
graisse de pore et la pommade au blanc de baleine. Cette dernicre 
m’a paru prefdrable aux autres. Quand ie tube est bien imprdgnd 
du corps gras dont on l’a enduit, il faut le ddgraisser avec de I’can 
de savon , puis le laisser sdeber, et comme en se secliant il s’est 
un pen durci, on l'assouplit en le froltant entre les doigls. » 

Pour faire une sonde de ce tube , on Ini laisse une longueur de 
60 ft 60 centimetres, on le ferine eii cul-de-sac a l’une de ses ex- 
trdmitds, el non loin de cette extrdmite on pratique des ouverturcs 
a pen prfes coinme pour ics sondes cesopbagienncs ordinaircs. A 
l’extrdmitd opposde, on adapte un annean d’un diametre supdricur 
a celui de la narine, et destind a retenir en dehors l’orifice de la 
sonde. 

Pour faire parveuir dans l’cesopbage cette sonde flexible ct 
molle sans deviation dans aucun sens, M. Leuret se sert d’un con- 
ducteur composd de deux pieces : Pune a courbure fixe et qui doit 
s’arrdter en liaut du pharynx ; l’autrc mobile, passant a travel's la 
premiere pour descendre jusqu’au bas de l’cesophage. 

A cet effet, il prend une sonde mdtallique ouverle aux deux 
bouts, courbde a l’une de ses extrdmitds, eta l’autre munie d’un 
pavilion qui reste en dehors de la narine, tandis que la panic 
courbde est porlce jusqu’a l’entrdc snpdricure du pharynx. Dans 
cette sonde, on poussc un mandrill en baleine , qui, en raison de 
sa flexibilite, s’acconnnode a la courbure. de la sonde; ce second 
mandrin va au-deia et descend vertiealement dans l’oesophage, en 
s’appuyant contre la colonne vcrtdbrale , et en dvilant ainsi l’entrec 
du larynx. La sonde mdlalliqne sert a conduire jusqu’a la partie 
supdricure du pharynx la sonde menibraneuse, dont on l’a prdala- 
blcment revdtue, et que le mandrin de baleine poussera a son 
tour jusque dans l’cesophage.; puis on retirera la sonde mdtallique 
etle mandrin, et on introduira les aliments par l'extrdmitd externe 
de la sonde membraneuse, qu’on laissera a demeure dans la posi¬ 
tion qu’on lui aura donnee d’abord. 

Pour faciliter l’introduction de la sonde, M. Leuret conseillc 
d’incliner la tdte du malade vers la poitrine et de diriger cette 
sonde de telle manidre qu’elle ne ddvie ni a droite ni a gauche. 

Nous aurions plusieurs remarqnes a faire stir cette note du me- 
decin de Bicdtre. Nous nous bornerons aux deux suivantes : 

1« M. Leuret dit qu’on a perford l’oesophage, les bronches, le 



JOUBNABX FRANgAIS. 413 

tissu pulmonaire, et fait des injections dans les voies adriennes. II 
ajoute que : «il est arrive qne , retenu par la difficult^ et les dan* 
gers de l’opdration, le mddecin est restd spectateur ddsole d’une 
longue et ail'reuse agonie contre laquelle il n’a rien osd enlrepren- 
dre. i) Or, jusqu’a nouvel ordre, ce n’est la qu’une assertion sans 
preuves a l’appui, et il ne faut rien moins que des faits aussi graves 
pour ldgitimer l’emploi d’une sonde a demeure, qui forcera, dans 
beaucoup decas, de maintenir coniinuellement avec la camisole 
de force des mclancoliques, que le plus souvent on pourrait laisser 
libres. 

2° La sonde de M. Leuret n'a point encore dtd appliqude, et il 
est & craindre que l’application en soit an moins tres difficile. Ce 
n’est done encore qu’un projet. Cette deruifere raison nous empfi- 
chera d’insister davantage sur ce sujet. (Consulter, pour piusde 
details, la Gazette medicale, 23 et 30 aoOt; la Gazelle des hopi- 
taux, les Archives generates de medecine, les Comptes-rendus de 
l’Academic royale des sciences, etc.) 

A la suite de cette note, nous reproduisons en to tali id un md- 
moire sur le mdme sujet de M. le docteur Baillarger, qui, bien avant 
M. Leuret, s’dlait occupd de cette question, et avait ddji introduit 
dans la pratique le double mandrin eri fer et en baleine (1). 

DD CATItdTfiRISME DE L’OESOPHAGE CHEZ LES AL1ENES; DIFFICULTIES 

ET DANGERS Qu’lL PRliSENTE ; PERFORATION DU PHARYNX, SUIV1E 

DE MORT ; INTRODUCTION DE LA SONDE DANS LE LARYNX J INJECTION 

DES ALIMENTS DANS LA TRACHJiE ; EMPLOI D’UNE SONDE A DOUBLE 

MANDRIN ET A OBTURATEUR POUR PR^VENIR CES ACCIDENTS; par 

M. Baillarger, mddecin a l’bospice de la Salpdtrifere. 

§ I". 

Entre tant de services rendus aux alidnds par Esquirol, il faut 
compter l’emploi qu’ila fait ie premier de la sonde cesophagienne 
pour nourrir les malades qui refusent obstindment de prendre des 
aliments. 

Depuis plus de trente ans, on a souvent eu recours a ce moyen a 
la Salpdtridre, a Bicdtre, & Charenton et dans presque tons les asiles 
d’alidnds. 

Esquirol s’est d’ailleurs peu dtendu sur l’emploi de la sonde ceso¬ 
phagienne, et je ne puis mieux faire que de citer texluellement ce 
qu’il a dit. 

Aprds avoir rappeld qu’il faut avant tout s’appliquer a vaincre la 

(t) Esquirol, Traili des maladies menlales, t. I, p.662. 

annal. med.-psych. t. vi. Novcmbre 1815. 7. 87 




41A REVUE FRANCHISE ET KTRANGERE. 

resistance da malade par la persuasion et avoir conseilld l’emploi 

de la douche et des bains froids, Esquirol continue ainsi: 

« Si tous ces moyens ichouent, si le rcfus des aliments persiste, 
» si le malade a pris la resolution de mourir par abstinence, it faut 
» recourir a l’introduction forcee des substances alimentaires dans 
nl’estomac. On a imagine plusieurs moyens mecaniques pour 
» forcer & ouvrir la bouclte. Ces moyens sont violents et ne rdussis- 
» sent pas toujours. L’usage d’une sonde de gomme eiaslique in- 
»troduite par les narines dans roesophage, pour ingerer des li- 
» quides dans l’estomac, riussit ordinairement, si on a recours d 
» cemoyen avant que l’abstinence ait determine l’inflammation de 
» l’estomac et des intestins. L’ingestion tardive ne saurait prevenir 
»la mort. 

» Le premier, j’ai fait usage de la sonde dans cette circonstance; 
» mais son emploi exige des precautions. 

'» La sonde cesophagienne dont je me servais d’abord, d’un 
>i calibre trop gros, ne s’introduisaitque diliicilement. On a adopte, 
» depuis, une sonde ordinaire d’un calibre plus petit, et qui est 
» plus courte; il arrival! quelquefois que l’extremite de la sonde se 
»reployait sur elle-meme avant d’entrer dans l’oesophage, et 
» qu’alors le liquide ressortait par les narines et par la bouche. 
» M. Baillarger, eifeve interne de Cbarenton, a arme la sonde d’un 
» mandrin en baleine, et l’accident dont je viens de parler a ete 
» privenu (1). 

»II peut arriver que la resistance soit telle que, m6me avec 
» beaucoup d’experience, on fraie une fausse route h la sonde. 
» Cet accident trbs grave est fort rare, car je ne Pai observe qu’une 
» fois sur un jeune homme. 

» La sonde, inlroduite par une main ex erode et habile, se four- 

(1) Esquirol a omis involontairementdc parler du mandrin cn fer, qui 
peut seul rendre possible l’emploi du mandrin en baleine. L’introduc¬ 
tion d’une sonde arrace du seul conducteuren baleine serait ties difficile, 
mais surtout cxtremement dangereuse. Ce n’est qu’avec beaucoup de 
peine qu’on parviendrail a recourber cette sonde, qui s’appliquerait a 
angle droit sur la paroi poslerieure du pharynx, et c’est alors qu’on 
pourrail faire une fausse route. La sonde dont parle Esquirol, et a Ia- 
quelle j’ai ajoule un conducteur en baleine, ilait done une sonde a 
double mandrin; l’un des conducteurs est mdtallique et destine a faire 
arriver la sonde dans le pharynx; l’autre conducteur est en baleine et la 
faitdescendre jusque dans l’oesophage. Eny refUchissant, onvcrra qu’il 
est impossible qu’il en fflt aulrement. C’est d’ailleurs ainsi que I’employc- 
rent alors plusieurs de mes collegues, et entre aulres M. Girard Mar- 
ehanl, aujourd’hui medecin de l'asile des aliinis a Toulouse. J. B. 



JODRNAUX FRANCAIS. 415 

» voya dans une fausse voie et provoqua une inflammation qui, en 
» peu de jours, fut mortelle. 

j> Je le repfete, c’est la seule fois que j'aie observe un pared 
» accident. Ge moyen est ordinairement sans danger; il a conserve 
» ci la vie un grand nombre de malades auxquels j’ai donnd des 
M soins, soil dans les dtablissements publics, soil dans ma pratique 
» particulifcre (1). » 

On voit qu’Esquirol, tout en disant quele cathdtdrisme de l’ceso- 
phage est ordinairement sans danger, declare cependant qu’il 
exige des priicautions et mfime qu’il pent entrainer des accidents 
trds graves. II cite, en effet, un cas dans lequel Population fut 
suivie de mort; mais il ajoute que c’est le seul qu’il ait observe. 

M. Leuret est alls beaucoup plus loin qu’Esquirol, quant au 
danger de l’introduction de la sonde cesophagienne. Il declare que, 
Chez les malades qui insistent, cette operation devient excessive- 
rnenl dangereuse. Alors, dit-il, il est arrivd qu’avec la sonde on a 
perce Vcesophage , ou bien qu’on a traverse le larynx , une 
bronche, le tissu pulmonaire , et que par 1 'injection d’un ali¬ 
ment on a cause la mort du malade. » 

En presence de faits aussi graves , j’ai pensd qu’il importait: 

1° De rechercher les causes qui peuvent rendre le cathdtdrisme 
cesophagien difficile, et d’apprdcier au juste quels sont les dangers 
qu’il peut entrainer. 

2° D’examiner par quel moyen on peut surmonter les obstacles 
et prdvenir les accidents. 

Ge sera l’objet de ce memoire. 

§ II. — DES DIFFICULT^ DU CATHfiTERISME OESOPHAGIEN CHEZ LES 
ALlfeflS. 

Les obstacles qui s’opposent quelquefois b l’introduction de la 
sonde cesophagienne se rencontrent dans les fosses nasales, h Ja 
partie supdrieure et 1 la partie infdrieure du pharynx; quelquefois 
ils peuvent venir de l’oesophage lui-mdme. 

Les difficultds qu’on dprouve dans quelques cas pour pdndtrer 
jusqu’au pharynx tiennent au volume trop considdrable de certaiues 
sondes, et surtout a ce qu’on ne suit pas exactement leplancher 
infdrieur des fosses nasales. Il arrive alors qu’aprfes avoir vaitie- 
ment essaye d’un c&td , on est obligd d’operer de l’autre , et j’ai 
vu quelquefois des hdmorrhagies provoqudes par ces lenlatives 
qui, en outre, augmentent beaucoup la douleur produite parTopd- 
ration. Si la sonde est petite et si le malade est convenablement 

;(1) Esquirol , Traili des maladies mentales, 1.1, p. 6C2. 



416 REVUE FRANQAISE ET fiTRANGfcRF- 

maintenu, ce premier temps du cathdtdrisme oesophagien sera 

toujours facile. 

Les obstacles qui peuvent se rencontrer a la partie supdrieure 
du pharynx sont beaucoup plus sdrieux. L’extrdmite de la sonde, 
apres avoir franchi les fosses nasales et le voile du palais, arrive 
it angle droit sur la paroi postdrieure du pharynx, et c’est appuyde 
sur cette paroi qu’elle doitse rccourber. Elle glisse alors quelque- 
fois it droite ou a gauche et s’arrdte dcrriere les pilicrs posldrieurs 
du voile du palais, quej’aitrouvdsecchymosds chezdes maladesqui 
avaient succombd. La sonde, ainsi arrdtde, continue quelquefois a 
entrer si on la pousse; mais, au lieu de descendre dans l’oesophage, 
elle se replie sur elle-mdme, el c’est en vain qu’on essaie de 
faire l’injeciion. II faut alors retirer rinstrument et recommencer 
l’opdration. 

Mais je suppose que l'obstacle dont je viens de parler ait dtd 
dvild, ce qui a lieu le plus souvent, alors il pourra arriver que la 
sonde, qui en descendant se recourbe plus ou moins en avant, 
rencontre la base de la langue et soit arrdtde par elle. On voit alors 
parfois ^instrument revenir par la bouche, ou bien il se replie 
encore sur lui-mdme, et dans les deux cas l’injection devient im¬ 
possible. 

J’ai trouvd deux fois apres la mort des ecchvmoses a la base de 
1’dpigloile, ce qui prottve que ce point avait dtd assez fortement 
comprimd. 

Il semble que , dans quelquescas, les contractions de rcesopliage 
peuvent s’opposer it l’introduction de la sonde, c’cst au moins 
l’avis de quelques mddecins ; mais ces contractions sont de courte 
durde , et on doit profiler du moment ou elies cessent pour termi¬ 
ner l’opdration. 

Tels sont les obstacles qui s’opposcnt quelquefois au cathdtd- 
risme oesophagien : on voit qu’ils viennent surtout: 

1° De ce que la sonde se ddvie en se repliant a la partie supd- 
rieure du pharynx et se trouve arrdtde laldralement derrifere les 
piliers postdrieurs du voile du palais; 

2° De ce que l’extrdmitd de la sonde plus ou moins recourbde en 
avant rencontre la base de la langue. 

§ ID. — DES DANGERS DU CATHETEIUSME OESOPHAGIEN. 

Hemorrhagies nasales. J’ai vu un malade qui perdit une livre 
de sang environ a la suite de l’opdration. Celle hdmorrhagie, dans 
le cas particulier dont il s’agit, n’eut aucun mauvais rdsultat; on 
put mdme penser qu’elle fut utile; mais il en serait tout autrement 




JOURNAUX FRANQAIS. 417 

chez un aliens affaibli, et un accident de ce genre serait trfes f4- 
clieux. Je n’ai d’ailleurs depuis quinze ans, sur plusieurs centaines 
d’opdratlons, observd qu’une seule fois une hdmorrhagie aussi 
forte, et je ne crois pas que le cathdtdrisme oesophagien ait jamais 
occasionnd aucun ddsordre grave dans les fosses nasales. 

Perforation du pharynx. Le danger de la perforation du pha¬ 
rynx n’est que trop reel, et j’ai observd u:i cas dans lequel cette 
perforation fat suivie de mort. Ge fait me parait assez important 
pour dtre rapports avec dStail. 

CATHETfiRlSME OESOPHAGIEN CHEZ UN MfiLANCOLIQUE ; PERFORATION 
DU PHARYNX ; EMPHYSEME; ABCES ; MORT LE TROISIEME JOUR. 

Le nommSF..., sous-officier vStSran, 4gd de quarante-six ans^ 
Stait tombs, sans cause connue, dans un Stat delypSmanie pen¬ 
dant lequel il refusait de prendre des aliments. On fit de vains 
efforts pour vaincre son obstination, et il fallut avoir rccours a la 
sonde oesophagienne. 

Le malade, assis sur une chaise , fut maintenu par plusieurs in- 
firmiers; l’introduction de la sonde offrit quelques difficultds, et 
onneparvint 4 traverser la fosse nasale droite qu’aprts plusieurs 
tentatives et non sans avoir provoqudl’dcoulement d’un peu de 
sang. La sonde ayant suflisamment pSnSlrS pour qu’on la crilt 
arrivSe dans l’cesophage, on essaya de pousser I’injection, mais 
ce fut en vain ; on dut retircr l’instrument et 1’introduire une se- 
conde fois. L’injection deviut alors facile, et on fit prendre ainsi 
deux potages et un peu de vin. 

Jusque 14 on n’avait encore soupqonnS aucun accident; mais 
quand on enleva au malade la- serviette qu’on lui avail attaehde 
sous le menton pour garantir les vetements, on apercut au bas du 
cou un gonfleraent ddj4. considerable et qu’on reconnut bientdt 
pour de I’emphysfeme. L’opdralion avait dtd faile 4 liuit lieures du 
matin. J’arrivai auprts du malade 4 neufheures, et je le trouvai 
dans l’dtat suivant: 

La partie antdrieure du cou est trfes tumdfide; la peau de cette 
partie est tr4s ldgfirement tendue , et on sent en la ddprimant une 
crdpitalion bien dvidente, mais assez profonde; on dirait qu’il y a 
un espace vide entre la peau et le tissu erdpitant. 

Le malade est assis dans son lit; sa respiration n’est pas sensi- 
blement gdnde; expectoration de crachats sangninolents; ldger 
dcoulementde sang par le nez. Pouls petit et frdquent. Cet homme 
essaie quelquefois de parler et ne peut y parvenir. 

A onze heures la tumdfaction a gagnd la faee, et en bas elle 



418 REVUE FRANCAISE ET ETRANGfeRE. 

s’est dtendue 5 la partie antdrieure de la poitrine. La peau com¬ 
mence 4 dtre ldgdrement rosde et chaude. Le soir, la tumefaction 
a diminud un peu 4 gauche, mais elle est aussi considerable 4 
droite. Rougeur sur prcsque toute l’etenduede la partie tumefiee. 

Le 2 novembre, la tumeur a diminne, et le malade, aprfes une 
application de sangsues, s’est trouve un peu soulagd. Gependant il 
ne peut encore parler, il n’a pas eu de sommeil et a beaucoup 
souffert pendant la nuit. 

Le soir, la fidvre, qui jusque 14 avait dtd peu sensible, aug- 
mente beaucoup; la tumeur est rosde et chaude, la peau trfes 
tendue. 

3 novembre. La nuit a did assez bonne; il y a moins de fidvre, et 
la tumeur est moins tendue. 

4 novembre. La tumeur conserve l’impression du doigt; la rou¬ 
geur s’dtend 4 la partie antdrieure de la poitrine. Fifevre assez 
forte, respiration frdquente et gdnde, malitd 4 gauche et en arridre, 
absence de bruit respiratoire. Le malade n’avale que trds difficile— 
ment les boissons, mais il parle mieux que le premier jour; fai— 
blesse, prostration. 

5 novembre. La tumdfaction du cou a beaucoup diminud; ii n’y 
a plus de rougeur qu’a la partie antdrieure de la poitrine; on sent 
du pus infiltrd dans le lissu cellulaire; respiration trds gende et 
trds frdquente; peau chaude et sdche; pouls cxtrdmement frd- 
quent. La langue est sdche, l’epigaslre trds sensible; point de 
sommeil. Le malade s’affaiblit de plus en plus et succombe le soir 
4 six he.ures. 

Autopsie. Le tissu cellulaire du cou est infillrd de pus dans 
toute sa partie antdrieure. 

On trouve en haut du pharynx, vis-4-vis l’ouverture de la fosse 
nasale du c6td droit, une ecchymose assez large, et bient&t on 
ddcouvre dans ce point une ddchirure de 5 4 6 lignes de long. Les 
deux bords de cette plaie se touchent, ce qui a empechd de l’apcr- 
cevoir dds le premier moment. Vis-a-vis cette ouverture faite au 
pharynx commence une sortcde trajet fistuleux entre le pharynx, 
1’oesophage et la colonne vertdbrale. Ce trajet s’dtend jusqu’au 
milieu de la poitrine, mais l’infiltration purulente va jusqu’au 
diaphragme. Le reste du pharynx et l’cesophage sont sains. 

On ne trouve rien au larynx ni dans la trachde. Le pus a fusd 
dans le mddiastin antdrieur et s’y est accumuld. Il y a, dans la 
pldvre du cdte gauche, un dpanchement sdro-purulent assez con- 
siddrable qui refoule le poumon. Un grand nombre de lambcanx 
pseudo-membraneux flottent au milieu de cet dpanchement. Le 



JOURNAUX ERANgALS. 419 

pdricarde contient aussi de la sdrositd trouble et floconneuse, et 
quelques fausses membranes commencantes. 

La muqueuse de l’estomac est d’un rouge trfes vif; la rougeur 
est dissdminde par plaques trfes rapprochdes; la muqueuse de 
l’intestin grfile est aussi trfes rouge; en outre,, elle est tapissde par 
une matidre liquide et noire qui ressemble a du sang altdrd. ■ 
Cerveau. Injection trfes vive de la pie-mfere; injection trds fine 
de la substance blanche; d’ailleurs rien qui mdrite d’etre notd. 

II importe surtout de remarquer, dans cette observation, le sidge 
de la fausse route faite an pharynx. C’est h la partie supdrieure de 
cetorgane, et vis-a-vis la fosse nasale droite par laquelle l’opdra- 
tion avail dtd faite. La sonde, introduite sans mandrin, est arrivde 
ii angle droit surla paroi postdrieure du pharynx, et la perforation 
n’a pu avoir lieu que pendant l’effort qu’on a fait pour la recour- 
ber; peut-dtre un mouvement du malade qui se ddbaltait a-t-il 
contribue 4 produire cet accident 11 est probable, d’ailteurs, que 
le ptiarynx a dtd perfore pendant la premidre introduction de la 
sonde, alors que l’injection ne put avoir lieu; 1’opdrateur, n’ayant 
dtd averti par rien de ce qui venait d’arriver, rdintroduisit i’instru- 
ment et fit l’injection. II est probable aussi que la sonde avait dtd 
poussde entre la colonne vertdbrale et le pharynx, et c’est ce que 
scmblent ddmontrer les ddsordres trouvds a l’autopsie. 

Perforation de I’desophage. M. Leuret a indiqud la perforation 
de l’cesophage commc un des accidents qu’aurait produits le cathd- 
tdrisme cesophagien. Je ne connais aucun fait de ce genre, et j’avoue 
que je comprends assez difficilement comment cette perforalion 
peut avoir lieu. A la partie supdrieure du pharynx, la sonde presse 
it angle droit la muqueuse et peut la ddchirer; mais dans l’ffiso- 
phage, l’instrumeut est pcrpendiculaire et suit la direction du ca¬ 
nal; la perforation ne parait done pas possible. 

Introduction de la sonde dans le larynx. Cet accident a dd 
arriyer un assez grand nombre de fois, mais il n’a aucune gravitd 
si le mddecin, averti par l’dtat de suffocation qui survient tout-d- 
coup, retire immddiatement i’instrument. J’ai vu et entendu rap- 
porter des casde ce genre, et je ne saclie pas qu’on ait jamais 
observd aucune suite faeheuse. 

Injection des aliments dans la.tr achee; dechirure des bronches 
et du tissu pulmonaire. M. Leuret indique tous ces accidents 
conime ayant eu lieu aToccasion du catheterisme (csophagien chez 
les alidnds. Je ne connais pas de faits seinhlables, mais je suisloin 
de les regarder comme impossibles. On m’a dit que les medecins 



420 HE VUE FKANQAISE ET ETKANGiSIlE. 

allemands redoutaient, en general, le catheterisme cesopliaglen 
chez les alidnes, et que des maiheurs trfes graves avaieut dtd la 
suite de cette operation. 

II faut ajouter que lous les fails de ce genre qui ont pu avoir lieu 
ne sont peut-fitre pas connus; ils sont, en effet, de ceux qu’on 
s’empresse peu de publier. Voila, d’ailleurs, comment je com- 
prends qu’on ait pu , dans quelques cas, faire 1'injeclion dans les 
voies adriennes. 

Si on se sert d’une petite sonde, l’introduction dans le larynx 
pourra avoir lien trfes facilement sans rien ldser. II se manifestera 
une menace de suffocation, mais trds eourte, trfes passagfere, car k 
peine la glotle esl-elle franchie que le passage de l’air se fait en 
mdme temps et par la sonde et par la partie de l’ouverture de la 
glotte qui est reside libre. Aloi s l’anxidld diminue; quant 4 la 
sortie de l’air par la sonde, elle ne sufflra pas pour indiquer la 
fausse voie dans laquelle on s’est engagd, parce qu’elle a lien dans 
quelques cas aiors que la sonde est bidn rdellement dans l’reso- 
phage; ce sont probablement des gaz venant de 1’estomac; mais , 
quelle que soit l’explication, le fait est certain et tout le monde l’a 
observd. II ne serait done pas impossible, si l’on n’a pas la prd- 
caution de pousser un peu d’injection, comme moyen d’explora- 
lion, de s’expliquer les accidents signalds par M. Leuret. 

§ IV. — DES MOYENS DE DIMINDER LES DIFFICULTIES ET DE PRliVENIR 

LES ACCIDENTS DANS LE CATHfiTERISME OESOPHAGIEN. — SONDE A 

DOUBLE MANDRIN ET A OBTURATEUR. 

Apris l’accident dont je fus tdmoin en 1832, je songeai aux 
moyens de prdvenir le retour d’un pareil maliieur, et aussi d’dviter 
les deviations de la sonde, qui tantdt revenait par la bouche , et 
tantdt se repliait sur elle-mdme , de telle sorte que l’injeclion de- 
venait impossible; e’est aiors que je (is construire par M. Samson , 
fabricant d’instruments, une sonde a double mandrin, dontvoici 
la description. 

Cette sonde, longue de 40 centimetres , difffere des sondes ceso- 
pbagiennes ordinairespar son volume, beaucoup plus petit, et aussi 
parson extreme flexibility. A 13 centimfctres du cul-de-sac, on a 
trac<5 un petit cercle blanc et un autre cercle semblable , k 8 centi¬ 
metres du pavilion. 

On commence par introdnire un mandrin en baleine, qu’on fixe 
au pavilion de la sonde, dont il fait ddsormais partie. Ce mandrin 
porte 4 son extremity et en dehors du pavilion un petit bouchon 



JOURNAUX FHANCAIS. 421 

conique qu’il traverse & son centre, bouchon avec lequel on peut a 
volontd fermer l’entrde de la sonde. 

On introduit ensuite un mandrin en fer recourbd et assez fort 
pour maintenir dans la meme courbure le mandrin en baleine. 
Cette courbure doit dtre telle qu’une corde tirde du bout de la 
sonde au premier petit cercle blanc soit de 3 pouces et demi en¬ 
viron. 

La sonde ainsi prdparde, on traverse les fosses nasales et on 
s’arrdte lorsquc le cercle blanc le plus voisin du cul de-sac estau 
niveau de l’ouverture de la narine; alors on fixe la sonde et on 
retire le mandrin en fer. Le mandrin en baleine , obdissant & son 
elasticity , se redresse et applique la sonde sur la paroi postdrieure 
du pharynx. 

Immddiatement aprfes avoir retird le mandrin eft fer, on ferine 
l’extrdmitd de la sonde avec l’oblurateur, et on continue 1’opdra- 
tion. L’instrument, guidd par le conducteur en baleine, descend 
direclement et sans se replier en avant. II ne reste plus qti’4 retirer 
le mandrin et avec lui l’obttirateur, et a faire l’injeclion. 

Les avantages de ce procdde sont bien faciles & ddmontrer. 

II y a, en effel, deux accidents trfcs graves & dviter dans l’opd- 
ration ducathdtdrisme ; ces accidents sont: 

1° Les fausses routes 5 la parlie supdrieure du pharynx; 

2° I/injection des aliments dans les voies adriennes. 

Je vais essayer de prouver que ce double malheur devient impos¬ 
sible avec la sonde 4 double mandrin et & obturateur. 

Les fausses routes & la parlie supdrieure du pharynx peuvent 
avoir lieu au moment oh la sonde, arrivde 4 angle droit sur la 
paroi postdrieure de cet organe , se recourbe pour descendre en 
bas. Or, en donnant au mandrin la courbure que j’ai indiqude, non 
seulement l’extrdmitd de la sonde ne peut pas ddchirer la paroi 
postdrieure du pharynx , mais iJ est impossible qu’elle la touche. 
La sonde tombe, pour ainsi dire, toute recourbee dans le pha¬ 
rynx , et elle ne peut toucher la paroi postdrieure que par la con- 
vexild de la courbure. On voudraitproduirc une fausse route sem- 
blable 4 celle dont j’ai citd un exemple qu’on n’y parviendrait pas. 
L’accident dont j’ai parie n’est done pas a redouter. 

La sonde, guidde par le conducteur en baleine, qui l’applique 
sur la paroi postdrieure du pharynx, descend direclement sans se 
reconrber, et on dvite ainsi et la base de la langue et le larynx. 
Mais, en supposant qu’on pilt encore pdndtrer dans les voies ad¬ 
riennes , it sera impossible qu’on puisse jamais faire i’injection. 
J’ai dit plus haul comment l’anxidtd et la suffocation que ddtermine 



422 REVUE FRANCHISE ET ETRANGERE. 

Tenlrdedel’instrument dans le larynx peuvent n’etre que trfes passa- 
gdres, et cela parce que la sonde ne bouche pas compldtement 
l’ouverture de la glotte, roais surtout parce que cette sonde elle- 
meme devient un nouveau conduit pour la respiration. C’est 14 ce 
qui peut tromper a ce point peut-Ctre qu’on aille jusqu’4 faire 
l’injection. L’obturateur prdyiendra toujours cet accident si grave. 
Alors, en effet, la suffocation, au lieu d’etre passagftre, persistera 
au plus haul degrd, tant que l’iustrument restera dans les voies 
airiennes; il sera impossible de mdconnaitre le danger, et l’injec¬ 
tion ne sera jamais faite. 

Ainsi, la sonde 4 double mandrin et 4 obturateur, dontjeme 
sers depuis douze ans, et qu’Esquirol a indiqude dans son ou- 
vrage, a pour avantages de rendre impossibles : 

1" Les fausses routes au haul du pharynx ; 

2“ L’injection des aliments dans les voies adriennes. 

Or, ce sont 14 les seuls accidents vraiment graves qu’on ait 4 
redouter. 

Quant aux difiicultds de 1’opdration, le proeddd que je vieus de 
ddcrire permet d’dviter les deviations qui portent la sonde derrifere 
les piliers du voile du palais, sur la base de la langue et dans le 
larynx. 

Conclusions. 1° Le calliduirisme cesopbagien, pratique avec 
une sonde sans conducteur et sans obturateur, est ordinairement 
une operation sans danger; mais elle peut cependant, dans qucl- 
ques cas exceptionnels, etre suivie d’accidents monels. 

2" Cette operation, faite avec la sonde 4 double mandrin et 4 
obturateur, pour peu qu’on y apportc de prudence, nous parait 
toul-4-fait sans danger. (Gazelle medicate, 6 septembre.) 

DE L’ASTHME THTMIQUE DANS SES RAPPORTS AVEC LES CONVULSIONS, 

par M. Trousseau. 

Kopp a decrit sous le nom d'aslhme thymique une affection 
assez singulifcre que les medecins n’avaient pas rclrouvee depuis. 
M. Trousseau, qui ne l’avait point reconnue plus que les aulres 
dans son service d’enfants de l’bopital Necker, croit avoir enfin de- 
couvert que la maladie decrite par les Allemands sous le nom 
d'aslhme Ihymiqw n’est autre qu’une convulsion parlielle, une 
yaridte de l’dclampsie, si commune 4 cette pdriode de la vie,, et qui 
ne differe des aulres espfcces de convulsions qu’en ce qu’elle atfecte 
de preference et 4 la fois les muscles diapbragme, respirateurs de 
1’abdomen et de la poitrine, et les muscles propres du larynx, doat 



JOURNAUX FKANQA1S. 423, 

les mouvemcnts ne coincident point les uns avec ies autres. Dans 
celte hypoth&se, en effet, on se rend parfaitement corapte de tons 
les symptdmes que Kopp a ddcrits comme appartenant 4 l’asthme 
thymique, et on s’explique ponrquoi une maladle en rdalitd si 
commune est reside si longtemps inconnue an plus grand nombre 
des mddecins. Quant a la natnre de cette affection, M. Trousseau 
pense que le thymus n’est pour rien dans son ddveloppement, et 
il a cru devoir, pour cette raison, remplacer le nom d’asthme thy¬ 
mique par celni de convulsion, partiellc , mieux en harmonieavec 
l’idde qu’il se forme de cette affection. 

( Journal de m6decine, aoftt 1845.) 

DES BAINS DE TILLEUL PROLONG!^ ET DE LA BELLADONE A HAUTE 
DOSE DANS LE TRAITEMENT DE CERTAINES NEVROSES. 

Nous donnons ici, sous forme d’ordonnance, la partie pharma- 
ceutique du traitement employd par M. le professeur Rostan, dans 
un cas d’hystdrie, caractdrisde par un spasme gdndral, un senti¬ 
ment de strangulation, de l’aphonie, etc. 

1° Prendre tous les jours un bain d’infusion de tilleul 4 28°, 
prolongd aussi longtemps que possible ; 

2° Faire usage d’une infusion de fieurs de pecher ou de feuilles 
de laurier-cerise; 

3° Prendre de la poudre de racine de belladone aux doses sui- 
vantes : 5 centigr. par jour pendant quatre jours; 10 centigr. pen¬ 
dant quatre autres jours , etc. Augmenter ainsi la dose de 5 cent, 
tous les quatre jours, jusqu’a concurrence de 60 centigr. par jour: 
surveiller avec soin Faction du mddicament. 

Quand les moyens prdcddents ne rdussissent pas, M. Rostan 
emploie l’indigo 4 la dose de 1 gr. par jour, puis de 2, de 4, jus- 
qu’4 16 gr. par jour, en pilules ou dans des capsules gdlatineuses. 

. Ce mddecin emploie encore l’huile essentielle de tdrdbenthine, 
le valdrianatede zinc et le muriate de cuivre ammoniacal. 

{Journal de medecine et de chirurgie pratiques, juillet 1845.) 

OBSERVATION DE LUXATION PRODUITE PAR LA SEULE CONTRACTION 

MUSCULAIRE PENDANT DES ATTAQUES D’EPILEPSIE ; par M. NECL- 

lier (de Luqoii ). 

La seule particularity que prdsente cette observation, c’est qu’4 
diverses reprises, pendant des attaques d’dpilepsie chez un homme 
de quaranle-cinq ans,la contraction musculaire a suffi.ponr pro- 
duire une luxation simultande des deux dpaules. {Bulletin de the- 
rapeutique, juillet 1845.) L. Lunier. 



424 REVOE FRANCAISE ET fiTRANGfcRE. 

JOURNAUX ANGLAIS ET AMERICAINS. 


dc pools chez les Alienas ; par le docteur Earle. 

L’objet principal de ce Mdmoire est l’dtude de la frequence du 
pouls chez les alidnds. L’auteur rapporte h ce sujet 1’anecdote 
suivante. Un individu condamnd a mort pour crime politique, en 
Pensylvanie, cn 1794, fut soupQonnd d’alidnation mentale. Un 
mddecin consults d’abord ddclara sa folie simulde; mais M. le 
general Washington chargea MM. Sliippen, Griffiths et Rusch de 
procdder & un nouvel examen. La conversation de cet individu dtait 
parfailement raisonnable, et rien ne semblaittdinoigner d’aucun 
trouble dans son esprit, quand le docteur Rusch suggdra l’idde 
d’examiner le pouls. 11 prdsentait 20 pulsations de plus que dans 
l’dtat naturel. Ge fut d’abord altribud A ia crainte; mais comme son 
compagnon de crime et de supplice ne prdsentait aucune modifi¬ 
cation du pouls, on en conclut que le premier dtait alteint d'alid- 
nation mentale; il fut sursis a son execution , et peu de temps 
aprds onlui donna sa grice. 

Avant d’arriver au principal sujet de son travail, M. Earle prd- 
sente sur le pouls dans la folie quelques remarques qui peuvent se 
rdsumer ainsi: 

Chez les alidnds d’nn temperament nerveux, douds d’une grande 
irritability, chez qui le systdme nerveux, en gdndral, parait plutdt 
compromisque le cerveau en particulier, le pouls estsouvent d’une 
frequence, d’une force el d’un ddveloppemcnt remarquables. Mais 
les emissions sanguines ne font qu’augmenter cet dlat de la circu¬ 
lation , auquel il faut opposer les toniques et les ferrugineux. 

Chez les abends affectds surtout de mdlancolie ou de manie, on 
observe quelquefois une circoustance digne d’altenlion : c’est que 
le pouls differe a 1’artdre radiaie et aux carotidcs, et que tandis 
qu’il est moil et faible dans la premidre, il se montre plein et dur 
au cou, bien que le nombre des pulsations soil egal partout. 

La folie coexistc souvent avec des lesions organiques du coeur, 
dont elle peut mdme dependre. Il faut faire attention que le pouls 
revdt alors les caractdres propres & l’affeclion du coeur, et n’dprouve 
que peude modifications de ia part de I’alTection mentale. 

Si le pouls demeure parfailement naturel dans la folie, c’est un 
symptdme ddfavorable; plus encore, s'il est remarquablement 
lent, parce qu’alors on peut craindre une compression du cerveau. 



JOURNAUX ANGLAIS ET AMERICAINS. h25 

Danslecas demanie avecparoxysmes, quelque graves que soient 
les atcis, il arrive souvent, suilout chez les inalades avancds en 
Sge, que durant leurs intervalles le pouls revient compl&ement a 
I’etat normal. 

La soustraction d’une petite quantity de sang peut donner lieu a 
des changements physiologiques et psycliologiques remarquables. 
Unali6n6 de quaranteans, de petite slature, d’un temperament 
bilieux, prfisentait une exaltation religieuse liabituelle , accompa- 
gn6e de temps en temps d'excitation avec caractere impdrieux 
obstind, et une grande dnergie de la circulation. Lorsqu’on lui 
retirait 10 et mOmc 6 onces de sang , le pouls tombait aussitOt de 
120 a 60 et 70, etson delire devenait humble, doux et suppliant 
Le docteur Earle dtudie ensuite la frequence du pouls chez les 
alidnds. La plus grande partie de son Mdmoire est consacrde a l’aua- 
lyse du travail publid, il y a quinze ans , sur ce sujet, par MM. Leu- 
rel et Mitivid. Il met en regard, dansun tableau que nous repro- 
duisons, les rdsultats obtenus par ces medeeins, par le doc¬ 
teur Brigham etpar lui-mdme. 



Il faut savoir que tandis que les observations de MM. Leuret et 
Milivid ne portent que sur des femmes, les autres comprennent 
des individus des deux sexes ; il n'est pas dit dans quelle propor¬ 
tion. Cependant il existe cntre les rdsultats de ces trois relevds 
d'observations une remarquable coincidence. 

Le nombre de ceux dont le pouls depasse 80 est superieur au 
nombre de ceux dont le pouls est infdrieur a ce chiffre : d’un 
cdld, 120; de l’autre, 96. 

D’un autre c&td, le docteur Brigham a examind le pouls de 












#26 REVDE FRANCAISE ET ETRANGfiRE. 

40 individus , ouvriers, en bonne santd et au repos; chez tous, le 
pouls 6tait de 70 A 80. 

M. Earle reproduit ici la table de MM. Leuret et Mi livid , prise 
sur 110 jeunes gens de l’dcole d’Alfort, de dix-sept a vingt-sept 
ans, et il y ajoufe 10 observations recueillies par lui-mAine. II 
fait remarquer que chez les individus en bonne santd, leplus fort 
nombre de pulsations appartient au groupe de 60 & 70 , et chez les 
alidnds, de 89 A 90; chez les premiers , on trouve 32 individus 
offrant moms de 60 pulsations , 7 seulement au-dcssus de 80. 

La moyenne du pouls, d’aprfes MM. Leuret et Mitivid, 
serait de 82,9210 chez les alidnds, 

65, chez les individus sains. 

D’apres M. Earle, dans la folie aigue, chez les homines, 94,40 
chez les femmes, 89,15 
dans la folie chronique, chez les hommes, 89,62 
chez les femmes, 87,27 
chez les hommes sains, 64,69 

M. Earle pense que tout en appelant de nouvelles observations , 
les faits qui precedent autorisent a afflrmer que le pouls des abends 
est gdndralement plus frequent que ceiui des personnes en bonne 
sjmte. Mais, quelque vraie que puisse dire cetie proposition gene¬ 
rate , il est certain qu’elle ne peut en aucune manidre s’appliquer 
aux cas parliculiers. Trop de varields existent, relativement au 
pouls, enlre les individus bien portants, et trop d’influences peu- 
vent modifier la frequence du pouls, dans I’etat de santd ou de 
inaladie , pour qu’on puisse tirer des conclusions de ce seul signe, 
et sans doute aujourd’hui on ne verrait pas plus en Amdrique 
qu’en France porter un diagnostic semblable a celui que nous avons 
rapportd en t6te de cette analyse. (The American Journal of the 
Medical Sciences, avril 1844.) 

DES RELATIONS PATHOLOGIQUES DE LA MOELLE jSpINIErE, par le 

docteur Austin Flint , de Buffalo. 

Ce travail, bien qu’ayant pour point de depart une hide juste, 
a manqud le but que son auteur se proposait, et cela 4 cause de 
la mdthode vicieuse qu’il a adoptee. 

Suivant M. Flint, un grand nombre de malades traitds pour des 
affections de la poitrine, du ventre on des extrdmites, n’ont autre 
chose qu’une maladie de la moelle dpinidre. II est fort probable 
qu’il en est ainsi; la chose a ddja did dite. Mais il est certain que, 
soit 4 cause de leurs difficultds, soil pour d’autres raisons, les fails 



JOURNAUX ANGLAIS EX AJltf.RICAINS. 


427 

de ce genre ont encore et£ peu ^ludids. On en est encore, a cet 
dgard, reduiti de simples conjectures, el les mSdecins demefirent 
livrds aux difficulty individuelles de tous les fails de ce genre qui 
peuvent se presenter dans leur pratique. M. Flint a-t-il apportd 
des lumiferes a cette question ? 

11 a recueilli, en 18 mois, dans sa pratique particulifife, une 
soixantaine de cas qu'il n’intilule ni irritation spinale, ni spinitis, 
ne voulant rien pr6juger relativement a leur nature, mais affection 
spinale, pour en indiquer seulement le sidge; puis, dans autant 
de chapitres particuliers, il additionne le nombre de fois qu’il a 
observi de la sensibility au rachis , forte on faible , des douleurs 
de tete, des troubles des organes digestifs, thoraciques , etc., sans 
qu’aucun lien eutre ces divers chapitres nous permette de re- 
construire un seul des fails qui ont servi a faire ce M^moire. Ce 
n’est pas le nombre de fois que chacun de ces phdnombnes s’est 
monlrfi, sur 50 ou 60 cas, qu’il nous importe de savoir, mais 
quelles ont yty leurs correlations, dansquelles combinaisons, avec 
quel entourage ils ont exists , quels ont yty enfin les caractbres et 
la physiologie de ces faits dont on nenous pry sente que les membres 

F.n outre, il n’existe de cette maniSre aucun moyen de eon- 
trOler les observations de M. Flint, toutes dymembryes et mor- 
ceWes qu’il les a reduites. D’anatomie pathologique, il n’y en a 
aucune trace ; et lorsqu’il avance que la cephalalgie, le trouble 
de l’intelligence, ont yty les SymptOmes les plus communs de ses 
maladies de la moelle, que, sur ses 58 cas , clans aucun il n’y a 
eu de convulsions, jamais de difficulty d’uriner, sauf 8 cas dont 
7 appartiennent a des femmes (stiangurie) ; lorsqu’on ne trouve 
aucune indication de paralysie ou d’anesthysie, on est en droit 
de douter de I’exactitude des diagnostics portys par M.Flint. (The 
American Journal of Medical Sciences , avril I8/1/1.) 

OBSERVATION D£ DELIRIUM TREMENS; par BLANCHARD FOSGATE, D.-M v 

II s’agit d’une troisiame attaque de delirium tremens, terminye 
par la guyrison, chez un liomme de trente six ans. L’opium fut 
administry a trfes haute dose , prfes de 7 grammes d’extrait dans 
les quatre premiers jours. Alors les symptomes de la maladie 
furcnt remplacys par ceax de 1’empoisonnement par l’opium, 
puis reparurent quand on cessa ce mydicament. A l’opium, re- 
pris ensuite a dose aussi forte, fut joint le carbonate d’ammo- 
niaque. (The American Journal of Medical Sciences , janvier 
1845.) 



428 


REVUE FRANQAISE ET ETUANGiiRE. 


DE l’irritabilite de la fibre mosculaire dans les membres 
paralyses ; par M. Marshall Hall. 

On sail que la strychnine, dans la paralysie, c’est-A-dire dans 
certaines paralysies, exerce d’abord son action sur les membres 
paralyses. M. Marshall Hall a prdsenld de ce phenomena rexplicalion 
suivante : que dans la paralysie cdrdbrale l’irritabilite de la fibre 
musculaire se lrouve augmentde par le fait meme de la cessation 
de la volontd, ce qui fait que la strychnine agit d’abord sur les 
muscles paralysds, devenus plus irritables que les muscles sains. 
Mais dans la paralysie spinale, l’irritabilitd est diminude, et la 
strychnine n’agit ni plus t&t ni plus vivement sur les membres pa¬ 
ralysds. Celte^augmentation de l’irritabilitd musculaire dans la pa¬ 
ralysie cdrdbrale et cette diminution dans la paralysie spinale, 
M. M. Hall les a dgalement constalecs a l'aide de l’electricitd vol- 
taique. 

Deux mddecins, MM. Pereira et Todd, ont observd quelque 
chose de diffdrent. Ainsi M. Pereira ayant, dans des cas de pa¬ 
ralysie dvidemment cdrdbrale, ou la strychnine avait, commeA 
l’ordinaire, exercd son action specialement sur les muscles para¬ 
lysds , employ’d l’electricite, remarqua ce qui suit : chacune des 
mains du malade avait did plongde dans un bassin separd, plein 
d’une solution saline; les deux bassins mis en communication A 
l’aide d’une machine dlectro-magndiiquc, de maniere qu’un 
courant dlectrique traversal simultanement les membres sains et 
les metnbres paralysds. Or, les muscles paralysds ne furent que 
trfcs ldgerement affeetds, landis que ceux du cdtd sain eprouvdrent 
de violentes convulsions. Cette expdricnce, renouvelde plusieurs 
fois chez le mdme malade et chez plusieurs autres , donna de sem- 
blablcs rdsultats. 

M. M. Hall, de son c6ld, rdpdta dgalement, devant plusieurs 
.mddecins, les expdrieuces dont il avait preeddemment pub lid les 
rdsultats, et .obtint conime autrefois les mdmes phdnomfenes a 
l’aide de l’dleclricitdqu’au moyen de la strychnine. Void comment 
ilcherche a expliquer la contradiction apparenle des observations 
de MM. Todd et Pereria et des siennes. 

1° II imporle d’abord de n’employer qu’une tres faible dose 
d’dlectricild: galvanique. Si 1’on ddtermine des courants assez forts 
pour provoquer de la souffrance , la crainte, la douleur, donne- 
ront lieu A des contractions-plus grandes dans les muscles sains, 
bien que l’irrilabilitd y soit moindre. 



J0UI1NAUX FttANCJAlS. 429 

2° Eiisuite il convient dc nc s'adresser qn’a des cas oil la para¬ 
lyse soil bien decidde. C’est dansles bras qu’en general la paralysie 
est le plus complfctc, ct e’est la que 1’ou oblieiit les rdsuliatsles 
plus dislincts. II est beauepup plus difficile de comparer les deux 
cdtds de la face on les deux jambes. La sensibility dans le premier 
cas, dans le second le pen de difference, et en outre Wisage 
constant du membre paralyse, cc qui en diminue l’irritabilitd, 
rendentl’expdrience moins sensible. 

Si ces prdcautions ne sont suivies,on nc saurait obtenir de rd- 
snltats exacts. En outre, M. Pereira nc s’est pas servi du mdme 
instrument que M. Hall; il a employe tine machine electro-magnd- 
tique et de l’eau salee, tandis que M. Hall se sert d’une pile vol- 
talque ordinaire et d’eau pure. Enfin M. Marshall Hall insiste sur 
la ndcessitd, si l’on veut avoir confiancc dans le resultat de ces 
soi'tes d’experienccs, de poser un diagnostic bien prdcis relativc- 
ment ii la nature de la paralysie. (London and Edinburgh monthly 
journal of Medical Science, aofit 1844.) Durand-Eardel. 


Revue des journaux judiciaires. 

alienation mektale. — interdiction. (Gazette des tribun aux du 
3 juin.) 

En depit dela science ct des lumieres qu’elle cberche a repandre, 
les plussolsprejugds regnentencore, dansles campagnes surtoul, 
concernantlesalidnds. Ainsi, reconnaitre qu’un liomme a perdu 
la raison est aux yeux de certains campagnards de I’Yonne un 
acte ndfaste et impie. 

Ambroise G... est, an vu ct au su de tout le monde dc la com¬ 
mune qu’il habile, dans un dtat complet de folie ; il sc persuade 
dtre le mari de la femme d’un autre, le pere de ses enfanls, lepro- 
pridtairede sa maison, deson grain, de son bdtail, etc. 

Son frere, ayant voulu provoquer son interdiction et son isolc- 
ment, & 1’occasion de scenes fdcheuses qui dtaient survenues, ren- 
contra une opposition insurinontable dans le conscil de famille, et 
meme, ce qui est plus dtrange , de la part de 25 habitants de la 
commune qui ont ddeerne a Ambroise G... un-cerlilicat de bonne 
vie et moeurs, et dans lequel, sans nier toutefois qu’il soil fou , ils 
protestent contre la malveillance de ceux qui voudraient ie faire 
renfermer. Heureusemc-nt que, sans lenircomple du conseil de fa¬ 
mille et du certificat, le tribunal a prononed l’interdiction. Ajou- 
tons que cette ddcision a dfl dire conlirmde par un arrdt de la Cour 
royale, car Ambroise G... avait trouvd un avocat pour faire appel 
du jugement de premiere instance. 

AXHAL. meb.-psycii. t. vi. Novenibre 1815. 8. 28 



REVUE FRANQAISE ET ETRANGfcRE. 


A3d 

SIX MECRTRES. — SUICIDE. 

Mistriss Reed, de l’Etat d’Indiana , dtait accusde d’avoir empoi- 
sonnd son mari. Aprds avoir fait d’inuliles efforts pour s’dlran'gler 
dans sa prison, elle confessa non seulement ce crime, mais encore 
d’avoir empoisonnd deux autres personnes et un de ses neveux, 
dontelle a recueilli l’hdritage. 

Comme on lui demandait, pendant les ddbats, si elle n’dtait pas 
la cause de la mort de ses deux enfants ddcddds en bas Age, elle a 
rdpondu : « Ah! pourceux-ia, jenelesai pas empoisonnds, je 
les ai laissds mourirde faim ! » 

Faute de renseignements de toute espfece , nous ne saurions ap- 
prdcier I’d tat mental de mistriss Reed. Cependant, quand le crime 
s’dldve A cette violence monstrueuse , celui qui s’en rend coupable 
doit dire vdhdmentement soupconnd de n’avoir rien de commun 
avec les dtres douds de raison. 

Au reste, nous avons cru devoir enregistrer ici le nom de mis¬ 
triss Reed, par le mdme motif qui a engagd notre vdndrable maltre 
Esquirol it placer dans sa riche collection de crimes d’alidnds, les 
plfttres d’un certain nombre de supplicids que leurs crimes ont ren- 
dus celfebres dan? les anna les judiciaires. 

■ " DUEL IMPROVISE. 

Un Anglais, R. B.... tenant une taverne a Cincinnati (Etats-Unis), 
s’entretenait avec un voyageur, son compatriote, nommd S. P...., 
sur la mani&re de tirer A coup sftr au pistolet. Chacun vantait son 
adresse. Afin de ddmontrer leur thdorie par la pratique, ils prirent 
chacun un pistolet cliargd, se placerent a 20 pas de distance, et ti- 
rferent aprds que l’un d’eux eut dit: Un... deux... trois 1 » 

L’aubergiste tombe frappd d’une balle dans le cdtd. II est mort le 
lendemain. 

Dans sesderniers moments, il a justifid. M. P... : « C’est moi, 
dit-ii, qui, dans [un moment d’excitation , I’ai provoqud a faire 
1’essai de nos forces respectives; nous n’avions, ni l’un nil’autre, 
l’intention de nous tuer rdciproquement, et je suis vraiment satis- 
fait d’etre seul victime. » 

Ira, furor brevis. 

IVROGNERIE. — MEURTRE. — SUICIDE. 

Outre son penchant a 1’ivrognerie , R... avait, au dire de son 
voisinage, quelques prddispositions a la folie ; souvent, surlout au 
temps des chalcurs, il tenait des propos desordonnds , ou se livrait 

des actes donl il ne semblait pas avoir conscience. 



JQURNAUX FRANgAlS. 4.3-1 

On jour, apres une oonsommation immodcrEe de vin blanc etde 
spiritueux, R.,, Etant rentrE au domicile conjugal, sa femme Iui 
adressa quelques reproches. Tout-a-coup il devint furieux, s’arma 
d’une haclie, en assEna un coup terrible E sa femme, qui tomba 
baignEe dans son sang ; puis, ouvrant une fenEtre, il se prEcipita 
dans la rue. 

Bien qne la hauteur de cette fenEtre fdt de 7 metres environ, on 
le vit bientdt se relever et rentrer dans la maison. Sous l’empire 
de (’exaltation ou il etait, il paraissait ne ressentir aucun elfet de 
sa chute. A son entrEe dans son logement, il voit sa femme qui 
s’etait relevEe a demi , aidee d’un de ses enfants; il saisit de nou¬ 
veau la haclie dont il l’avait dEjE frappee , Iui en porte un autre 
coup aussi terrible qqe le premier ; et une seconde fois, il se prE- 
cipite par la fenetre sur le pave; on le ramassa horriblement mu- 

tiie. 

Nul doute qu'il ne faille attribuer ii un acces de manie furieuse 
la double tentative de meurtre et de suicide qi?e nous venons de 
raconter. Aucune autre explication ne sembleadmissible. Ajoutons 
que ces faits se passaient enjuillet dernier, epoque E laquelle les 
journaux signalaient un nombre inaccoutume de cas d'alienation 
mentnle qui se produisaient depuis quelque temps. 

MEURTRE. — ALIENATION MENTALE. 

Nous nous elevions toat-A l’heure contre l’imprudenee de ceux 
qui meconnaissent ia necessite de renfermer les alidnes , alors 
mSme qu’iis semblent inoffensifs. Les faits, si nous voulions les in- 
voquer, ne manqueraientpasde confirmer la justessede nos opinions; 
je citerai, entre aulres, le suivant, que je trouve consign^ dans 
la Gazette des Iribunaux du 31 juillet. 

Le nommE Jacques, Sgd de trente ans, vivait paisiblement avec 
son pfere et sa mfere depuis environ trois ans qu’il Etait menu du 
service. « A plusieurs reprises ddjA , il avait donne des preuves 
non Equivoques defolie. Maisjusqu’alors cejeune homme, d emceurs 
fort donees , n’avait donni aucune marque de mechancete. » 
Cependant, le 17 du mois de juillet, se trouvant dans une maison 
seul avec sa mere, il est pris tout-S-conp d’un accEs de fureur ; ii 
saisit une hache dont il lui assEne 5 ou 6 coups sur la tfite ; puis il 
s’Echappe dans la campagne pour y chercher son pEre, avec 1’in¬ 
tention bien manifestEe de le tuer. Ne l’ayant pas trouvE, il frappa 
de la hache un jeune homme et une femme qui se trouverent sur 
son chemin. Ge ne iut qu’au bout de deux heures qu’on parvint 



432 REVUKFKANGA1SE ET ETRANGfcRE 

a lc ddsarmer et A leconduire dans une maison de force. II parais- 
sait n’avoir aucune connaissance de ce qn’il venaitde fairc. 

IMBiSCILLITl'i. — VOL. 

Au mois de mars dernier, le nommd Grindc etait iradnil devant 
la police correclionnelle pour^avoir void une glace cliez un niar- 
cband de la galeric Delorme. 

Nous reproduisons l’intenogaloire: 

n M.' le president: Recoimaissez-vous avoir souslrait one glace 
dans une boulique du passage Delorme ? 

Leprevenu, avec un air de satisfaction : Certainement, cer- 
tainement, et certainement. 

M. le president: Vous paraissez vous en glorifier, vous devricz 
avoir une autre tenue.... Qui vous a porte A commettre ce vol ? 

Lc precenu : C’est ma tdte que jc n’ai pas; regardez-moi, et 
voyez si j’ai ma tdte. 

il/. le president: Vous avez dejA ete condamne quatre fois pour 
vol... 

Leprevenu: Toujourspnr l’absence dema tdte. 

M. le president: Est-ceque vous prdtendez vous fairc passer 
pour fou? 

Leprevenu : Oh t non, que je ne suis pas fou; mais je n'ai pas 
ma idle... Figurez-vous que je m’dtais arrdtd devant cetie glace 
pour me regarder ; aprfes ccla, je m’en allai ; puis je revins encore 
me regarder; mais j’avais beau m’en aller, je revenais too jours 
me voir dans la glace. Enfin, voyant qu’il m’etait impossible de 
ddtacher mes regards de dessus moi, et ne ponvant pas rester 
dterncllement devant cette glace, je l’ai emportee pour me regar¬ 
der a mou aise et tant que ca pourrait me fairc plaisir. » 

Le ddfenseur de G... ayant soutenu que son client ne jouissait 
pas de la pldnilude de ses facullds mentales, M. Je docteur Ferrus 
fut chargd de l’examiner. 

ii II rdsulte de l’examen auquel le savant docteur s’est livrd stir 
le prdvenu que G... n’est pas atteint d’alicnalion mentale; mais 
cependant qu’il n’est pas completement sain d’esprit et qu’il sc 
livre souvent A des actes bizarres. » 

Le tribunal, prenant cet dtat en considdration, a usd d’indul- 
gence envers lc prdvenu. 


J. MOREAU (de Tours), 



SOCIETES SAVAT\TES. 


Academic lies Sciences de Paris. 

Stance du 8 septembre 1845. 

DES NERFS DES MEMBRANES SIiREUSRS. 

M. Bourgery lit sue ce sujet un travail dtendu dans lesdetails du- 
quel il nous serait impossible de le suivrfe sans le reproduce en 
grande partie. Le principal rdsollat auquel il est parvenu, c’est que 
les membranes sdreuses dans lesquellcs on n’a jamais reconnu de 
ncrfs, scraient au conlraire le tissu qui en contient leplus. 

Academie eoynle de Medeeine de Paris. 

Sdance du 23 septembre. 

DE L’ESTIME DE SOI. 

M. Voisin lit sous ce titre un travail qui n’est point susceptible 
d’analyse. 

Soeiete royale de medeeine «le Bordeaux. 

SDR I.A DURliE de LA CHOREE. 

M. Gintrae, dans un mdmoire qu’il lit sur ce sujet, cherche 4 
proiiver que la cliorde idiopathique qui semanifeste de six a dix- 
huit ans, a une inarche ddterminde el une durde qui ne ddpasse 
g ii 6re soixante-dixaqnatre-vingtsjours. Nousdonnerons un rdsumd 
succinct des observations qu’il rapporte 4 i'appui de scs asserlions. 

1° Arnous, Sgiie de neuf ans et demi, est aiteinie de cliorde 4 la 
fin de septembre 1817. Pendant le mois d’oetobre, M. Gintrae la 
soumet au trailement gdndralement usitii en pareil cas, n’oblient 
aucun rdsultat, et cesse de voir l’onfant. Heux mois apres, il ap- 
prend qu’elle est guiirie, quoiqu’elle n'ait suivi qu’un traitement 
insignifiant. 

2" La meine enfant est reprise de cboriie en 1818. Aucun trai¬ 
tement n’est employe : elle gudril apres le deuxidme mois. 

3° Caroline Bernard , 4gde de neuf a dix ans, est aiteinie, en 
fdvrier et mars 1819, d’une choree qui edde en avril, quoique la 
malade n’ait fait usage que d’une infusion Idgfere de feuilles d’oran- 
ger et de quelqucs centigrammes d’extrait de valdriane. 

U° L’enfant d’un batelier de la Bastide, petite fille de six ans, ro- 
buste, mais lymphalique, dtait aflfectde de cliorde depuis vingt jours. 
Quelqnes symptOmes de congestion cdphalique firent appliquer une 
sangsue derrierejehaque oreille.; on usa de bains et de boissons dd- 
layantes. La gudrison eut lieu au terme prdvu. 




a'AU REVUE FRANCHISE ET itTRANGfeRE. 

5° Une petite iille de Macau, flgCC de Six 6ns, fbrte, d'une con¬ 
stitution pldthorique, fut atteinle, dans les premiers jours de 
mars 1824, d’une chorde qui devint tres intense. M. Gintrac fit ap- 
pliquer deux sangsues 6 l’anus. Le 3 avril suivant, Mat de la ma- 
lade dtait trds grave i die avail de la fidvre, et avait rendu des vers 
aprds avoir pris de l’huile de ricin et de 1’infusion d’absintlie; 
ndanmoins la choree avait persiste. Mais dans les premiers jours de 
mai, sans traiiement special, elle diminua, et avait entiferement 
cesse vers le 13. 

6° Mademoiselle P...., de Cubjac, Agde de seize ans, bien rdglde, 
trfes nerveuse, parfaltement constitude, fut prise, all printemps 
del’annee 1833, d’une chorde unilatdrale du c&td droit; elle ne 
prit qtie quelques pilules de tbridace et d’extrait de valdriane. Un 
retard de menstruation fit conseiller l’emploi de plusieurs sangsues 
4 1’anus. Cette malade dtait gudrid 4 1’eXpiration du deuxidme mois. 

7' Mademoiselle G..., 4gde de diX-sept ans, peu menslrude, fut 
prise de chorda a droite, en novembre 1833. La maladie cessa en 
janvier suivant sans traitement; mais elle reparut en avril, trds Id- 
gfere, il est vrai, et atteignit alors le c6td gauche exclusivemenl. 
Sa durde fut eu raison inverse de son intensitd, Car elle se proion- 
gea jusqu'en septembre. 

8° Mademoiselle Sidonie de B...., 6gde de treizeans, issue de 
parents trds nerveux, surtout du c&ld paternel, d’une taille. assez 
dlevde, mais non encore rdglde, fut atleinte de chorde vers la fin 
de janvier 1836. Dans le mois de fdvrier, M. Gintrac appliquahuit 
sangsues 4 l’anus; mais la chorde n’en continua pas moius avec une 
grande intensitd, Le 19 mars, la maladie avail considdrablement 
diminud : bientftt aprds, la gudrison fut complete, Aucun traite- 
metit spdcial n’avait did employd. 

De ces fails, et d’autres semblables empruntds aux auteurs, 
M. Gintrac Se. croit en droit de conclure que la chorde idiopa- 
thique, survenant chez des individus de six 4 dix-sept ans , gudrit 
gdndralement aprds deux mois de durde sans traiiement spdcial. 
Puis il cherche 4 ddmontrer que tous les remtdes tant prdconisds 
conlre la chorde n’ont jamais amend la gudrison avant le deuxidme 
mois. Un traiiement rdellement efficace serait celui qui, dans la 
majoritd des cas, abrdgerait plus ou moius la duree de la mala¬ 
die. 11 a sembld 4 M. Gintrac, dans qnelques circonstances, que 
les bains sulfureux remplissaient cette condition, il ajoute qu’il est 
difficile, du reste, de dire ce qui peut porter le mddecin a penser 
que la chorde ne ddpassera pas soixante 4 qUatre-vingts jours, mais 
qu’on peut, sans inconvdnient pourle malade, lui laissei- pareourir 
ce pdriode. 



SdeiETfe savantes. 


m 

CltAMBRte DES COMMUNES 

D’ANGLETERRE. 

Stance du 6 jliln 1845. 

legislation des aliEnIs en Angleterre It dans le pays 

DE GALLES (1). 

Lord Ashley s» live pour proposer les deux bills qu’il aprdcd- 
demment an nonces a la Chambre, et s’exprime en ces termes : 

«Ma motion exige quelques explications prdliminaires. Par les 
deux bills que j’apporte, je sollicite l’abrogation de plusieurs actes 
en vigueur sur le traiteinent des abends, afin d’y substituer d’au- 
tres dispositions qne ie temps el les circonstances ont rendues nd- 
cessaires. Avant dediscuter le principe de inamotion , jedoisfaire 
observer que ma proposition ne s’applique qu’a I’Angleterre et au 
pays de Galles. J’aurais vivemeiit ddsird que les deux bills pussent 
s’dtendre A l’ficosse el a i’lrlande; car je ne crois pas qu’il existe , 
soit en Europe, soil en Amdrique, un seul pays oil les pauvres 
alidnds soient dans un dtat de souffranceet de degradation compa¬ 
rable a celui oil ils se trouvent en ficosse. (ftcoulez lecoutez!) Je 
prdsume que la chambre, ou du moins la plus grande partie des 
honorables membres qui veule'nt bieu m’accorder leur attention , 
ont lu le rapport fait dans la derniere session du parlement; il me 
parait dds lors inutile de reproduire les documents quej’avais rdunis 
l’annde dernidre. Toutefois, je crois ndcessaire de rappeier que la 
ldgislation qui concerne les alidnds se divise naturellementenquaire 
parties, et qu’elle se compose de neuf staluts dilfdrents. J’espere 
que la Chambre me permettra d’indiquer brifevement l’dtat de la ld¬ 
gislation avant l’acte de la Id' annde de Georges III. 

Antdrieurement A cet acte, il n'existait point de peine con tre la 
ndgligence A l’dgard des pauvres alidnds. On n’avait pas dtabli de 
rdgles concernaut le rdgime, l’habillement, la sequestration et le 
trailement de ces infortunds. Les magistrats visiteursn’dtaientpas 
tenus d’inspecter les asijes plus d’une fois 1’annde. En outre, l’usage 
s’dtait introduit de sdquestrer les insensds sans certifiests de mdde- 
cins, et je suis aulorisda ajouter A ces tristes ddiails un fait bien 
plus extraordinaire encore : les mddecins ne visitaient ces diablis- 

(f) Nous deVohs la traduction de cette discussioii a 1’obligeance d e 
M.Battelle, administrateur desbdpilaux. 




/t 36 REV EE FRANflAJSE ET liTRANGfcRE. 

seinents qne deux fois par annde. On ne saurait nier que, sous 
beaucoup de rapports, des regies salutuires n’aient apportd un 
re.mfede a ce ddplorable diat de choses; mais, d’un autre c6td, 
tout homrae de bonne foi reeonnaitra que de graves abus existent 
encore, et continueront d’exister jusqu'a ceque leParlementait 
reglementd cetie matifcre, ainsi que l’exigeul la raison et l’hu- 
manitd. 

Les neuf s'.atuts auxquels j’ai fait allusion peuvent fitre divisds 
en quatre classes : 

1” Geux qui sont relatifs aux asiles de comtd; 

2° Ccux qui se rapportent aux maisons autorisdes, aux asiles 
publics et a la visile de ces etablissemenls; 

3° Ceux qui ont trait aux alidnds reconnus tels par une enqudlc, 
a la nomination de visileurs et d'un « commissaire k l'alidnalion » 
pour remplir les devoirs prdcedemment confies aux maitres cn 
xour de chancellerie; 

4° Ceux relatifs aux alidnds crimtnels. 

Jo ne m’occuperai, quant a prdsent, que des statuls des deux 
prentidres classes. Je propose d’amender les divers actes contenus 
dans la pretnidre, d’amender et de coordonner les trois compris 
dans la deuxifcme. 

Ces trois derniers bills sont ceux des 2 C et 3' anndes de Guil¬ 
laume IV, chap. 107; des 3' et 4' anndes du mdme roi, chap. 64; 
des 5' et 6' anndes de Victoria, chap. 87. Je reunirais ces divers 
statuts en un scul. intiluld: Bill pour regler le soin et le traitement 
des alidnds en Angleterre et dans le pays de Gallcs (1). 

Mais, avant d’aller plus loin, qu’il me soil encore permis un 
moment de jeter un coup d’oeil rdlrospeclif sur l’dtat de la Idgis- 
lation avant la 14 c annde de Georges III. A celte epoque, rien 
n’dtail rdgld pour la punition des delits. On n’avait le pouvoir ni 
de refuser ni de revoquer une autorisation pour les maisons pri- 
vdcs. II y avait un extrfime laisser-aller dans la ddlivrance des 
certificats de maladie, et un seul dtait ndcessaire : encore pou- 
vait-il Otre signd ( et il l’dtait souveut, en effet) par une personne 
sans qualitd pour le ddlivrer, on par le mddecin proprietaire d’un 
dtalilissemcnt privd dans lequel ie malade devait dire sdquestre. 
II n’y avait pas obligation de visiter plus d’une fois I’an les maisons 
autorisdes en vertu de cet acte. Nui n’avait le pouvoir de faire 
sorlir un individu pouvant prouver qu’il dtait sain d’esprit. Les 


(1) Bill for the Rcgululiori of the care and treatment 
England and /Vales. 


of lunatics it, 



socles SAVANTES. /l37 

antorisations de maisons privdes ne s’accordaient qn’un sen! jour 
dans l’annde. Les abends indigenis dtaicnt sdquesirds sans cerli- 
ficais mddicaux, et on ne devait aucun avis de leur admission A 
l’autoritd. On n’exigeait la communication d’aucun plan avant 
d’autoriser les maisons privdes. Un alidnd pouvait dire recu isold- 
ment en pension cliez un particulier sans que l’autorild en fCit 
informde. On n’exigeaitpas que ces malades y fussent visiles par 
un mddecin. 

Un des bills que j’ai l’intention de soumcltre i la Chambre dta- 
blira une commission permanenie et oflrira une surveillance con¬ 
tinue , exercee par des personnes compdtentes. II conferera les 
pouvoirs ndccssaires pour que les visiles soient plus frdquenLes et 
plus detailldes. II fixera les limites de la ddpense, qui, aujour- 
d’hni, va toujours croissant. 11 exigera pour les hdpitaux ou 
asiies entretenus par des souscripiions , les nifimes formalitds et 
certificats qui sont presents pour les maisons autorisdes, et les 
assujettira aux memes visiles que les asiies de comtd. Mon bill 
multiplie aussi les garanties contre la ddtention arbitraire des 
alidnds, en exigeant de toule personne signataire de l’ordre de 
sdquestration qu’elle ait prdalablemcnt et personneilement exa- 
mind le malade, et de tout mddecin qui aura ddlivrd le certificat 
d’alidnation, qu’il ait vu le malade dans les sept jours qui auront 
prdcdde l’admission. 

Je propose une mesure pour obliger toute personne qui recoil 
nil insense ft constatcr son dtat menial el physique au moment de 
l’admission , ainsi que les causes de sa mort quand ello arrive. 
Je demande e'galement que toute enqudte faite sur un acte de vio¬ 
lence it regard d’un alidnd soil mentionnd sur un registre it ce 
destind, afin de prdvenir les mauvais traitements et de faire con- 
naitre de quels soins mddicaux le malade est entoure. Je reclame 
pour les visiteurs officiels le droit de faire angmenter la nourri- 
lure des malades dans les asiies privds, ou ils sont actuellemeut 
ltourris a la dberdtion du propridtaire , et le droit aussi de per- 
mettre aux amis du malade de le visiter, altendu qu’en ce moment 
ils sont admis ou repoussds selon le caprice de la personne qui a 
signd l’ordre de sdquestration. Les memes visiteurs doivent avoir 
la facultd d’autoriser la translation d’un alidnd atteint d’une ma- 
ladie incidente, sur le bord de la mer ou ailleurs. 

J’imposerais I’obligation de donner immddiatement connaissance 
it l’autoritd de 1’admission de tout malade requ isoldment moyen- 
nant finance, et je voudrais qu’un comild spdeial, ddsignd par le 
lord-chancelier, eflt mission de visiter ces malades lorsqu’il le ju- 



438 REVUE FRANCHISE ET ETRANGfeRE. 

gerait ttdc'dssaire; JitSqU'ici Cette notification a dtd presque cbtti- 
pldtemeht gUidd'e* parce que la loi he la rehd obligatoire qti’au 
bout d’iirt an de sdjottr dti malade. 

Le bill autorise ie chaneelier a pourvoir A i’admihislratiort des 
biens des ihalades qui n’bftt paS did ihtferdits, au bioyen d’tihe pro- 
dddtire SOlrUrtaire et sails frais, et dssujetlit tomes les niaisohs de 
travail qui rdqdi vent des alidnds a des visites rdguiidrfes. 

Le second bill que j’ai l’intention de soumettre A ia Chahibfe 
est thotivd par leS fa its dont je lui ai donnd connaiSsAnce l’aiinde 
derni&re. Darts la cohfiahceqde ce bill sera accueilii par la Chambre, 
je ite croiS paS qii’il soit ttdcessaire de reprbduii-e ceS documetits. 
Toutefois, il est bon de rappeler les pririfcipales ddfectubsiids de la 
legislation, signaldes dans le rapport que nous avoris publid, en 
ce qtii eolicdrne les alidnds iridigents et les asiles de cortitd. 

1“ Bui- leS 45 conitds de I’Angleterre , i6 seuleinfent diit des 
asiles de comle; siir les 16 comtds dtl pays de Galles, il n’y a 
qrt’un inauvais asile de bourg. 

Sue les 24 comtds d’Angleterre qiii n’oiit pas d’asile, i’un compte 
000 Alidnds , an autre au-dela de 400 , trois aii-delA de 300 , sept 
au-delA de 200, et onze environ 100 chacun. Le pays de Galles 
en compte 1,000. 

2° Stir les 16 comtds qui ont des'asiles, I’un a 800 alidnds , un 
autre 600 , un 500, un plus de300, trois plus de 200, et le res'te 
plus de 100 i pour lesquels il n’y a ni place dAtis les asiles exis- 
tants, ni d’autres dtablissements pour les recevblr. 

3° Tous les asiles existanls sbnt remplis d’iucurables bii d’irt- 
dividus considdrds comme tels. 

4° Dans les asiles de comtd, on n’a dtabli aucune regie d’ad- 
mission pour donner la prdldrence aux cas urgents, c’est-A-dire 
aux malades susceptibles de gudristin. 

5" Dans l’dtat actuelde la legislation * un grand nombre d’alidnds 
sont sdquestrds darts des maisons de travail j ou le traitement mo¬ 
ral et le traitement mddical sont egalement insufiisants. Dans la 
maison de travail de Redruth , il y Avait 40 alidnds ; dans celld de 
Leicester 50 ; dans cede de Birmimgham 70. 

6° Il n’y a pas de visile rdelle ni de vdritable compte-rendu des 
alidnds qui ne sont pas darts les asiles; et on compte j soit dans le 
pays de Galles , soit en Angleterre, 9,339 malades eft dehors des 
asiles j c’est-A-dire qui sont chezleurs amis ou dans des maisons 
de travail. 

Et maintenant il me sera permis de citer quelques dxemples 
pour pfouver la ndcessite des cliangemeftts que je propose. Je trouve 



SOClfiTES SAY ANTES. 


489 

dans les renseignements qui sont devant moi les fails suivants: Dans 
la maisonde travail de Leicester; ily avail30 alidnds, dont 3hommes 
et 9 femmes etaient des malades dangereux dans toute l’acception 
du mot. Ils n’dtaient done pas dans la catdgorie de ceiix qu’on 
pouvait conserver dans un dtablisssment de ce genre, et pourtant 
ils y ont did sdquestres pendant longtemps malgrd les vives re¬ 
montrances du chirurgien visiteur et de quelques uns des magis- 
ti-ats.—Dans la maisonde travail de Birmingham, il y avail71 alid- 
nds de diverses catdgoriesi Parmi eux se trouvaient plusieurs dpi- 
leptiques, qui, pendant ou aprds leurs needs, dtaient sujets a des 
dcarts de mqnie furieuse. La pailie des lits dtait d’Une malpropretd 
ddgodtante et soilillde par la suppuration qui s’dcoulait des ul- 
cdreSi Deux cellules, dans lesquelles couchaient trois dpileptiques, 
dtaient d’une humiditd et d’une insalubritd qui les rendaient inha- 
bitables ; en un mot, toutes les prescriptions de la loi applicables 
aux maisons autorisdes dtaient manifestement violdes, Les magis¬ 
trals de la loealitd n’avaient pas visitd l’dtablissement depuis un an 
moins huit jours. En 1843, les choses dtaient encore dans le mdme 
dtat, Les malades habitaient toujours d’anciennes remises et dcu- 
ries. Les chambres dtaient basses, mal ventildes et d’un hideux 
aspect. 

A Derby, la condition des malades payants s’dtait amdliqrde ; 
mais trois indigents dtaient dans un si triste dtat, qu’il y avait lieu 
d’en rdfdrer de nouveau aux autoritds locales. Pendant l’annde 
prdeddente, on n’avait pas nommdde magistrats visiteurs. 

Je vais maintenant faire connaitre par un exemple frappant A 
quelle ddplorable condition sont rdduits,quelques pauvres alidnds. 
Je citerai celui de Marie Jones, qui avait dtd confide aui soins de 
sa mdre. Voici le rapport qui en a dtd fait: « Nous nous rendimes 
» dans la chaumidre entre huit et neuf heures du soir, accompa- 
» gnds , a notre requdte, du docteur Lloyd Williams , qui inter- 
» prdta les rdponses aux questions que nous adressions devant Ini. 
» Dans une chambre noire et horrible, situde au-dessus de la 
» forge d’un serrurier, en ouvrant une porte verrouillde, nous 
» ddeouvrlmes 1’infortunde que nous cherchions, La seule fendlre 
» qui existat dtait fermde par des planches , 4 travers les fissures 
a desquelles s’introduisaient un peu d’air et quelques faibles rayons 
» de lumidre. Au milieu de ce misdrable rdduit dtait Marie Jones , 
» l’aliende, sur un salegrabat de pailie hachde; c’dtajt la qu’elle 
j> dtait sdquestrde depuis une pdriode de plus de quinze anndes. 

» Elle dtait assise sur cette fange dans. une position recourbde. 

» Auprds d’elie et d sa portde se trouvait une tasse dans laquelie 



bllO REVUE FRANCHISE ET ETRANGilRE. 

» die rendait ses excretions, et qu’elle vidait de temps en temps 
» dans un vase de unit. Ce dernier vase contenait une quantity de 
» matter'd fdcale accumulde depuis plusieurs jours. A ses cdtes 
» diaient les restes de sa nourriture. A quelques pieds du grabat 
» dtait placee une grande jarre de terre, presque remplie d’urine 
» fdtide , provenant de trois autres habitants de la chaumitre, et 
» qu’on avait mise en cet endroit pour que la chaleur de la chambre 
» en amenat la prompte decomposition, afin de 1’utiliser a la tein- 
» ture. Cette atmosphfere infecle et suffocante dtait absolument in- 
» tolerable. Le sejour prolongd de ce rdduit avait produit sur la 
» constitution de Marie Jones des diets vraiment effrayants. Un 
» des os de la poitrine formait une sallie de 5 on 6 pouces et les 
» parties situdes immddiatement au-dessous diaient excorides. Les 
» jambes diaient recourbdes en arritre et les genoux ankylosds. Les 
w pieds diaient dgalement tordus et ddformds. La pativre crdature 
>' dlail arrivde au dernier degrd.de la maigreur. Son pouls dtait 
» faible et vif; son aspect, encore agrdable, tdmoignait d’une 
» anxidtd visible et portait l’empreinte du ddsespoir. Ses vttements 
» diaient ddgofltants, et elle exhalait une odeur affrcuse. Nous ltii 
» donnSmes un peu de calieot; elle Drit une aiguille et se mit a 
» coudre trts adroilement. » 

II est de toute dvidence que, si cette pativre creature eilt requ 
des soins convenables dts l’invasion de la maladie, elle edt dtd 
compldtement gudrie. Je suis autorisd a l’affirmer par le tdmoi- 
gnage du doctenr Williams, de Derby, qui a reconnu que, placde 
en dernier lieu dans des conditions plus favorables, elle avait 
encore assez d’intelligence pour jouir de 1’existence, memo telle 
qu’on la Ini avait faite. 

11 est temps de revenir a la parlie de ma motion qui se rapporte 
aux modifications que j’ai l’intention de proposer. 

L’un des bills que je soumettrai a la Chambre a pour objet l’ex- 
tension de I’acte de la 9' annde de Georges IV, chap. 40, avec les 
changements suivants : 

■I" Au lieu d 'autoriser, je propose d'obliger tout comtd on villc 
a corporation, ddpourvu d’asile, a en crder un, soil par lui-mdme, 
soil en se rdunissanl avec un autre comtd ou ville. 

2’ Tout comtd possddam un asile, mais incomplet ou insuffisanl, 
devra y faire toutes les dispositions convenables a un dtablissement 
de ce genre. 

3" Dans la crdation de nouveaux asiles ou dans Tamdlioration 
de ceux qui existent, on aura dgard a la proportion des alidnds eu 
traitement et des chroniques. Je m’abstiens a dessein d’employer 



SOCiETES SAVANTES. 4ft l 

les tormcs de curables et d'incurables. On aurait, pour les cliro- 
niques, des bailments s(Spares qui pourraient cire constructs a 
moins de frais, et line partie des maisons de travail pourrait, avec 
le consentement des commissaires des pauvres, fitre nffectde ft 
cette destination. Dans ce cas, il y aurait tine separation avec le 
reste de l’dlablissement, et la partie consacrdc aux abends serait 
consider comme asile de comte. 

ft" Lcs comlds depourvus d’asile pourraient trailer ou se rdunir 
avec ceux qui en possftdent deja. 

5" L’acte s'elendrait aux vibes ayaut des cours de sessions tri— 
mestrielles, et a toutes celles qui ne contribuent pas aux taxes de 
comte. 

6’ Pour aider les magistrals dans la crdation des asiles, deter¬ 
miner la proportion des curables et des chroniques, former des 
bailments separes pour ces derniers, et diminucr autant que pos¬ 
sible les ddpenses de construction, lcs plans devraient fit re sounds 
aux commissions des alidnds, et les devis au ministre secretaire 
d’Etat. Les asiles des vibes pourraient, a cequ’il me semble, etre 
construils hors des limites de ces vibes. 

7" Le ddlai du remboursement descapitaux empruntes pour la 
crdation des asiles serait dtendu de 1ft a 30 anndes. 

8° Des reglements gdndraux pour 1'administration des asiles se- 
raient sounds au ministre secretaire d’Etat. 

9° Un exemplaire de tons les comptcs-rendus des asiles serait 
adressd au mdme ministre. 

Je voudrais aussi que tons les individns atteinls d’alidnation fus- 
sent envoyds dans les asiles des l’invasion de la thaladic; car il est 
certain que, si des soins immddiats sont donnds a ces malades, les 
gudrisons seront, comme je 1’ai ddja demoutrd, dans la propor¬ 
tion de 70 ft 90 pour cent; tandis qu’aucontraire, si, par negli¬ 
gence ou incurie , on laisse la maladie s’aggraver et devenir dan- 
gereuse, le nombre des gudrisons est presque nul et ne va pas au- 
delft de 6 ft 8 pour cent. 

Je pourvois ensuite ft la reception des alidnds ddnuds de res- 
sources, sddentaires ou erranls. Ils doivent fitre sdquestrds, et 
ceux qui ne peuventou pour lesquels on ne peut rien payer, doi- 
ventetre recus dans des asiles consacrds aux indigents. 

Une autre disposition ddcide qu’unc inspection trimeslriebe de 
tons les alidnds non sdquestrds dans les asiles sera faite par un 
mddecin qui en adressera la liste el fera connaitre leur situation aux 
commissaires pour i’alidnation. 

l’armi les mesures apparteuant ft cette partie du bill, il en est 



442 REVUE ERANQAISE ET ETUANGtRE. 

une qui dispose que tout alidnd sera repute apparteniri la paroisse 
qui 1’envoie, a moins que l’on he puisse prouver un aulre domicile. 
En outre, des mesures seront prises pour prdmunir les comids 
contfe les charges accidentelles qui pourraient .devenir perma- 
nentes dans le cas ou des adjudications seraient faites relativement 
aux alidnds pauvres. Et enfin, pouvoir sera donnd de transfdrer les 
aligns cttroniqnes dans les asiles destines b ces malades. 

Je dois maintenant faire connaitre les fails qui ontdtd remarques 
en ce qui concerne l’dtat actuel des attends indigents dans les grands 
asiles de comtd ddjh existants. 

he premier asile dont je m’occuperai estcelui d’Hanwell, dans 
le comtd de Middlesex. Dans cet elablissement, oncomplait, au 
mois de mars 1844 , 984 malades, dont 30 settlement dlaient prd- 
sumds curablcs. 429 attends pauvres dtaient en instance pour leur 
admission. Tous dlaient atteinls d’une folie rdcente, mais qui 
devait bienldt devenir incurable, si un traitement convenable 
n’dtait promptement appliqud. Pendant les trois premiers mois de 
1844, l’admission a dtd refusde 4 40 malades, ce qui suppose pour 
loute l’annde un chiffre de 160 attends. Stir ce nombre, supposons 
que 6 pour cent pouvaient dire gudris; il ne resterait, d’une ma- 
nifere permanente, a la charge du comtd de Middlesex, que 160 
malades. 

Le deuxidme exemple que je choisirai est celui de l’asile du 
comtd de Lancastre, oft, en 1844, environ 600 attends dlaient sd- 
quesirds. La plupart d’entre eux avaient did prdcddemment dd- 
lenus dans des maisons de travail de paroisse assez longtemps pour 
ne leur kisser que peu de chances de gudrison. Dans lout le comtd, 
il y avait 500 insensds qui attendaient leur tour d’admission , parce 
qu’il n’y avait pas de place pour les reeevoir. 

Je citerai ensuite l’asile de Surrey, ou se trouvaient, au 1" jan- 
vier 1844, au moins 382 malades, dont 362 dtaient regardds 
comme incurables, tandis que 209 autres insensds rdclama.ient leur 
admission dans des asiles privds ou aulres, 

Je choisis 4 desseiu ces grands dtablissements pour montrer 
d’une maniere plus frappanlerinsuflisance des dtablissements exis- 
lanls pour tous les cas nouveaux et l'accroissement du nombre des 
chroniques. par suite du ddfaut de traitement immediat. 

Voyons maintenant le traitement suivi dans d’autres asiles, et 
comparon.s ses elfets, quand il est immddiat, avec ceux des trai- 
lements plus ou moins lardifs. 

Je m’en rdfere sur ce point au rapport fait sur l’asile du comtd 
de Dorset, el je irouve qu’6 la session de l’Epiphanie pour Panude 



443 


SO.CIETES SAYANTES. 

1845,23 abends sont sortis gueris, dont 17 avaient dtd admis dans 
le cours rotSme de l’annde. Et que dit le directeur 5 proposde.ee 
fait? IL rapporte ce qui suit: « O’est ie chiffre le plus dlevd des 
guerisons qu’on ait rematque depuis i’ouverture de l’institution, 
et il faut i'attribuer 4 l'admission d’un plus grand nomhre de ma- 
lades dans la periode du debut de la maladie. » De 16 personnes 
qui ont ete admises dans les trois premiers mois de 1'invasion de 
la folie, on n’en a pas gudri moins de 13 , c’est-4-dire 81 pour cent, 
en y comprenant mOme les abends chez lesquels la maladie existait 
depuis plus de trois mois et moins d’un an. 

A l’hdpital Saint-Luc, en 1843, les gudrisons ont dte de 63 3/4 
pour cent; en 1842, elies avaient did de 70 1/4 pour cent; le 
sejour a , dans la plupart des cas, durd piusieurs mois. Dans un 
document communique rdeemment 4 la Societd mddicale par le 
docteur Forbes Winslow, qui s’est beaucoup occupd de ce genre 
d’affection, el dont l’opinion est d’une grande valeur, on lit que la 
plus grande partie des fous incurables de l’Angleterre et du pays 
de Galles ont dte rdduits a ce triste dtat parce qu’ils n'ont pas requ 
les soins convenables des le commencement de la maladie. Le fait 
est que 9 rnalades sur 10 guerissent quand ils aont so.umis 4 un 
traitement dans le ddlai de trois. mois; tandis qu’au coutraire je lis 
dans le rapport de l’asile d’alidnds de l’Etat de New-York pour 
l’annde 1844, qui m’a dtd adressd par le docteur Brigham, que 
b de tout ce qui est relatif aux soins et 4 la direction des alidnds, il 
n’est rien de mieux dtabli que la necessity d’un traitement immd- 
diat... En examinant les comptes-rendus des asiles bien dirigds, 
on remarque que parmi les maiades nouveaux, plus de 8 rnalades 
sur 10 sont gudris, tandis qu’on ne compte pas plus d’une gudrison 
sur 6 parmi les anciens. » 

Je trouve les memes fails consignds dans le rapport des mddecins 
de l’asile de Hartford a.ux Etats^Unis, 

Mqis il faut reconnaitre qu’il n’est pas toujours possible de pro- 
curer 4 un alidne indigent les soins dont il a un besoin immddiat, 
parce qu’aucun magistrat n’a le droit de le placer dans un asile 
prive lorsqu’il ne se trouve pas de place dans l’asiie de comtd. 

Je touche maintenant 4 la partie flnancifere de ce projet, et mal- 
grd l’extrfime ariditd de la matiere, comine ee point est d’une 
importance essenlielle, sinon vitale, je me trouve dans la ndeessitd 
d’entrer de nouveau dans quelques details, (ficoulezl econtez!) 

La grande objection jusqu’ici 4 I’drection des asiles a dtd l’o- 
pinion que la creation de ces sortes d’dtablissements devait coiiter 
des sommes considerables. L’asile de Comte d’Hanwell a bound lieu 



hhh REVUE I'llANfjAISE ET ETRANGfcllE. 

en tout a une ddpense de 196,000 liv. sterling (4,900,000 fr.). 
On ne devait ddpenser primilivcmeiit qiie 160,000 liv. sterling 
(4,000,000 fr.) pour 1,000 malades, ou 160 liv. sterling (4,000 fr.) 
par malade. L’asile du comtd de Surrey a coute 85,000 liv. sterling 
t, 2,125,000 fr.) ou 5,925 fr. par malade. Mais c’est la une de- 
pense trop dlevde pour qu’on puisse la prendre pour base des fit • 
tures constructions. L’opinion des commissaires estqu’une somme 
de 2,000 fr. doit dire largement suffisante ponrvu que l’on suive, 
5 regard des malades, lesystdme de traitement recommandd par 
les meillcurcs autorites. Nous fournirons la preuve de cette asser¬ 
tion dans le sein du comitd qui sera nomrnd pour l’examen du 
bill. La grande erreur, a ce qu’ii nous semble, dans la construction 
desasiles d’alidnds, c’est quo I on part de cette donnde fausse quc 
tous les alidnds exigent lesmdmes soins minutieux et les mdtnes prd- 
cautions de sQreld alors mdme qu’ils sont incurables. Cette manidre 
d’envisager la question donne lieu a un accroissement de depense. 
Nous l’examinerous d’un point de vue tout-a-fait different. Nous 
faisons une distinction entre les differentes classes d'alidnds; nous 
cn faisons une surtout entre les clironiques et les curables. Aux 
chroniques , nous donnons un bon regime, de la chaleur, des vd- 
tements, de l’air, de 1’exercice, et surtout du travail, comme ce 
qu’ii y a de plus favorable a la santd, principalement le travail cn 
plein air, comme le jardinage. Mais cette classe de malades n’exige 
pas une surveillance aussi minulieuse que celle qui est indispen¬ 
sable pour les cas rdcenls , ni les mdrnes soins mddicaux que les 
malades qui enlrent en traitement. Aussi la depense a laquelle ils 
donnent lieu doit-elle Otre moins dlevee que celle qn’occasionncnt 
des abends 4 l’dtat aigu, qu’ii ne faut jamais perdre de vue un 
seul instant, et qui ont besoin d’dtre constammcnt entourds de 
tous les soins, de toutesles prdcautions imaginables. Itecherchons 
done quelle est la proposition rdciproque de ces deux classes de 
malades, et nous aurons une basede la depense qu’entrainera la 
construction denouveaux asiles. 

Supposons que nous ayons a pourvoir au placement de 12,500 
abends indigents. De ce chiffre on peut ddduire 10 pour cent re- 
piesentanl le nombre des individtis inoffensifs quipeuvent, sans 
danger, ctre laissdsdans leur domicile et confids aux soins de Ieurs 
parents. Surle reste, 40 pour centpeuveiit dire considerds comme 
curables, el 60 pour cent comme incurables ou chroniques. Ap- 
pliquez ces chillies a un asile eonlenant 300 alidnds; deduisez 
10 pour cent, il reslera 270. Sur ce nombre , 40 pour cent ou 108 
sont curables et doivent dire places dans l’etabliss.'ment destine 




SOClfiTfiS SAVANTES. 


4A5 


aux cas ricents. Le surplus, 60 pour cent du 162, se compose 
d’individus qui doivent Otre colloquys dans le quartier des chroni- 
ques. La depense approximative d’un tel asile pourrait Sire ainsi 
calculee. 

En allouant 80 livres sterling (2,000 fr.) par tfite pour les ma- 
lades curables , on aurait, pour les 108 , un total de 8,660 livres 


sterling, ou. . ! .. 216,000 fr. 

En calculaiit les chroniques a 50 livres sterling 
(1,250 fr.) partOte, la dispense pour 162, seraitde 
8,100 livres sterling, ou.. 202,500 fri 


Eton aurait alors, pour ces deux classes, une 
ddpense de 16,740 livres sterling, ou de. . . . . 418,500 fr. 

Mais tous les cas d’dpilepsie et de manie furieuse 
doivent Otre places dans l’hopital des casrecents : 
j’ajouterai, a cet effet, un sixifeme de la depense 
totale, ou 3,290 livres sterling (82,250 fr.) . . . 82,250 fr. 


En sorte que la ddpense totale des 300 malades - 
s’dldvera 4 20,030 livres sterling, ou. 500,750 fr. 


Nous proposons de porter de 14 a 30 anndes le termc du rem- 
boursement de la ddpense de construction des asiles, au moyen 
des taxes de comtd. Et si nous comparons la charge annuelle que 
lescomtds supporlent eti ce moment, a celles qu’ils auront a sup¬ 
porter dans noire systeme, nous trouvons les resultats suivants : 

Dans l’hypothfese ci-dessus d’une depense de 20,030 livres ster¬ 
ling, la charge annuelle qui pfeserait sur les taxes du comte, serait 
de 666 livres sterling (16,625 fr.). La depense moyenne de con¬ 
struction de onze asiles de comtd a dtd de 170 livres sterling 
(4,250 fr.) par tfite. Ainsi, d’aprfes 1’ancien systeme, un asile de 
300 alidnds dcvrait coflter 51,000 livres sterling (1,275,000 fr.). 
D’aprds le systeme que je propose, il ne coutera, comme je l’ai dd- 
montrd plus haut, que 20,030 livres sterling (500,750 fr.). 

A 170 livres sterling (4,230 fr.) par tete, la depense pour 
12,500 alidnes serait de 2,125,000 livres sterling (53,125,000 fr.) 
pour l’Angleterre et le pays de Galles; tandis que, dans notre plan, 
ellene serait que de 813,750 livres sterling (20,343,750 fr.), ce qui 
laisserait pour les trente-six comlds d’Angleterre et du pays de 
Galles ddpourvus d’asiles, une moyenne de 22,604 livres sterling 
(565,100 fr.), remboursables en 30 anndes. 

Maintenant, si nous considerons le nombre des alidnds chroni¬ 
ques et le mode actuel de leur traitement, nous ne pouvons nous 
annal. MKD.-rsvcii. t. vi. NoYcmbrc 1845. 9. 29 







M6 KEVUE FRANCAISE ET flTRANGfcHE. 

dtonncr de ia ddpense dnormc qii’ils occasionnent. La durde 
moyenne de la vie d'un aliene est dvalude dix ans, et dans noire 
opinion, cette estimation est infdrieure & la rdalild. L’entretien an¬ 
nuel par tete est de 20 livres sterling (500 fr.). Sur 5,600 abends, 60 
pourcent, ou3,6605 20 livres sterling (500fr.)partdte,coilteraient 
67,200 livres sterling (1,680,000 fr.) parannde. Leurddpense, en 
10 ans, sera de 672,000 livres sterling (16,800,060 fr.). En suivant 
la mdme proportion, si yous prenez les 60 pour cent des 8,000 
alidnds sdquestrds dans les maisons de travail, vous trouvez le 
chiffrede 4,800 qui, 5 20 livres sterling (500 fr.) par tOte, donne- 
ront lieu June ddpense de 96,000 livres sterling (2,400,000 fr.)et,en 
10 anndes, de 960,000 livres sterling (24,000,000 fr.). Je rdpdterai, 
en ce qui concerne la durde de la vie des alidnds, qu’une moyenne 
dedix anndes est, dans ma conviction intime, au-dessous de la 
rdalild. 

J’appellerai ici l’attention sur un autre point de l’dconomie du 
planqueje propose. Dans le syslfeme actuellementsuivi AHanwel), 
dtablisseraent qui peut dire compard a lous les asiles, on ne gudrit 
que 6 maladespour 100 , aulieu de 60; tandisqu’on refuse chaque 
annde 160 admissions nouvelles. Ainsi il y a tous les ans 94 alidnds 
chroniques qui demeurent 4 la charge du comtd.'si ces infortunds 
avaient dtd traitds dans les six premiers mois de leur maladie, ils 
auraient codtd , au prix moyen de 16 livres 11 shillings 6 3/4 de- 
niers chaque (412 fr. environ), la sorame de 1,591 livres sterling 
(39,775 fr.); landisquc s’ils deviennent incurables et qu’ils vivent 
10 ans, ils auront coOld la somme dnorme de 31,830 livres ster¬ 
ling (795,750 fr.). Le seul comtd de Middlesex aurait, en suivant 
ces indications, dconomisd plus de 30,000 livres sterling 
(750,000 fr.) par an, sous ce rapport seulement. Et comme l’dco¬ 
nomie augmenlera dans la mdme proportion pendant les 10 an- 
nees formant la durde probable de la vie des pauvres alidnds, elle 
sera , en definitive , plus que suffisante pour couvrir la lotalitd de 
la ddpense qui doit resulter de la crdation d’asiles pour les mala¬ 
dies rdcentes. 

Mais ce n’est pas la le seul avantage qui doive rdsulter de notre 
plan. En gudrissant le malade, non seulement on dpargnera la dd¬ 
pense qu’eftt occasionnde son sdjour 4 vie dans un asile ; mais en 
le rendant a ses occupations, on aura exondrd la paroisse de la 
charge d’une famille sans soulien , et qui trouvera ddsormais, 
dans le travail de son chef, des moyens d’exislence assurds, 

Le systdme que nous proposons de substituer a l’ancien, aura 
pour effet de procurer 60 gudrisons sur 100 malades. Les soins de- 



SOCIfeTES SAVANTES. 


m 

vronl 6tre,dirig&s de maniitre que la cure spit aussi complete que 
possible. Sousce rapport, je ne sauraismieux faire que deciter le 
docteurConolly et le doctcur Julius , de Berlin. Ge dernierdisait, 
dansunelettre que nous avons eue sous les yeux:« Touteinstitution 
» publique ou privde a de certaines limites dans lesquelles e!|e 
>1 doit se renfermer. » II ddsigne particuliferement « les dcoles, les 
» hdpitaux, et surtout les p^nitenciers et les asiles (Galiends, 
» oil le traitement individualist doit, plus que toute autre chose, 
» amener d’excellents rtsullats. » Aussi, le prtsent bill a-t-il pour 
but de pourvoir a ce que les pauvres alitnts soient traitts et se- 
courus. 

En ce qui touche cette classe inttressante , il faut qu’il soit bien 
entendu et hautement dtclart qu’elle a droit a tons les soins et a 
tous les egards que les riches se procurent a prix d’argent. Et, it 
cette occasion , je demanderai s’il est possible que, dans certains 
asiles privts ou maisons de santt, pour la modique somme de 
8 shillings (10 fr.) par semaine, les malades soient convenable- 
ment soignts, et que le proprittaire y trouve un btntfxce. (Ecou- 
lez! ecoutez!) 

11 ne me paralt pas 5 propos d’insister davantage sur ce point 
devant la Chambre; mais une assemble d’hommes charitables, 
libtraux et tclairts, comprendra que je doive appuyer sur la nt- 
cessite de pourvoir $ tout ce qu’exige la position de ces ttres in- 
fortunts, que la Providence, dans ses impdntirables desseins , a 
accabltsd’une telle affliction, etqui, par Pexctsde leur inalheur, 
se recommandent d’autant plus a noire inttrfit ct a toutes nos 
sympathies. ( Applaudissements .) Mais qu’ils out tit lents et in- 
sensibles les progres pour arriver it ce mode de traitement rationnel 
et bienveillant, que l’on reconnait aujourd’hui Sire prescrit par 
l’humanilt aussi bien que parle sens commun! Je ne crois pas 
qu’avant la reformation il existat un seul asile pour lesinsensts. 
Les alitutsaists et riches etaient confines dans leurs propres mai¬ 
sons. Le fouet, les chaines, l’obscurilt et la solitude dtaient les 
remfedes approuvts. Cette pratique s’est conlinutie presque jusqu’4 
nos jours, et le docteur Conolly rapporte qu’il a vu lui-mfime prt- 
cfidemment « des mtdecins anglais qui ne se croyaient pas inhu- 
» mains, et qui contemplaient journellement de pauvres fous aita- 
» chts par les pieds, par les mains, par le cou, par la eeinture , 
» endurant ainsi mille souffrances, et torturts jusque dans les an- 
» goisses de la mort, sans que ces praticiens tprouvassent le 
» moindre sentiment de compassion, sans mfime qu’ils se doutas- 



bit 8 REVUE FRANCHISE ET ETRANGfeRE. 

» spilt de la cruautd de leurs procddds. Us ne pensaient pas qne des 
» alidads pussent dtre traitds diffdremment. » 

II appartenait k la nation francaise, au gdnie des medecins fran- 
qais, d’opdrer line rdvolntion en faveur de la sainte cause de l’hu- 
manitd. 11 dtait rdservd a I’Hlustre Pinel d’achever cetle grande rd- 
forme. Les renseignements donnds A ce sujet parson fils, Scipion 
Pinel, devant 1’Academie des sciences, sont d’un tel intdrdl, que 
je demande & la Chambre la permission de lui en donner lecture- 
( Ecoutes! icoulez!) (let Voraleur lit un passage du memoirs 
quHl cite.) 

En vdritd c’dtait 1 kune oeuvre sublime. Plflt a Dieu qu’il n’y edt eu 
quedesrivalitdsde cette nature entre nous et la grande nation fran- 
qaiselll serait heureux pour l’humanitd que, par un mutnelac¬ 
cord, nous pussions conserver la paix du monde en poursuivant k 
l’envi des amdliorations et des ddcouvertes utiles. ( Applaudisse- 
merits.) 

Le systkme nouveau passa de la France dans noire pays; mais il 
n’y fructifia que lentement, et noussommes surtout redevables de 
ses progi ds k la Sociite des Amis et k la famille des Tuke. { Ap - 
plaudissements.) Samuel, fils de William Tuke, existe encore : il 
doit dire heureux de voir que ce systkme a dtd non seulement 
approuvd, mais encore imild par les homines les meilleurs et les 
plus sages de ce pays , et qu’il en a dtd de mdme en Amdrique. 
{Ecoutes! icoulez!) 

Dans tous les asiles d’alidnds, e’est avec une peine infinie que les 
subordonnes coiisentent k se departir des moyens de coercition; et 
cela se conqoil aisdment, car ces moyens sont en rapport avec 
leurs sentiments d’auloritd, leur caractkre et leur intdrdt. Les faits 
qui ont dtd recemment ldvdlds, en ce qui concerne les asiles 
privds , prouvent qne , pour pen que la surveillance deviut moins 
active, on verrait bienldt se reproduire 1’diat de choses qui a si 
heureusement disparu. C'cst un point dont M. Tuke est profondd- 
ment convaincu. 11 affirme que cetle surveillance prdsente plusde 
garanties que des dispositions legislatives, et que e’est le meilleur 
moyen de prdvenir le relour des abominations dont la ddcouverte 
a fait gdmir tous les amis de rhumanild. {Ecoutes!) 

Il est done de noire devoir de ddlibdrcr sdrieusement sur ce 
sujet. Nous tous qui sidgeons ici, nous formons une assemblde 
d’hommes raisonnables. Demain nous pouvons fitre rdduits k la 
malheureuse condition de ces inforlunds dont nous nous occupons 
aujourd’hui. Une fifevre, un revers imprdvu, la perte d’un ami ou 



SOCIETfiS SAVANTES. 4Z|9 

de notre fortune; une seule de ces circonstances peut, en un in¬ 
stant, nous faire tomber 4 leur niveau. Chacun de nous peut, a 
tout moment, offrir un triste et nouvel exemple de la fragility de 
la raison humaine. ( Ecoutez! ecoutez!) Mais, je suis heureux de 
le reconnaltre, c’est un des traits qui honorent le plus notre 
dpoque que l’atlention qu’on accorde a un sujet si digne d’interet. 
Prolitant de cette heureuse disposition des espriis, je viens adjnrer 
la Chambre de m’aider 4 atteindre le but que je poursuis de tous 
mes efforts; et soyez assures que ce que vous ferezdans cette direc¬ 
tion humaine et charitable ne restera pas sans recompense ; car 
vous jouirez du bonheur de voir rendus 4 leurs families et & la so¬ 
ciety de pauvres etres dont la raison s’etait tigar^e; ou , dans le cas 
conlraire, vousaurezla douce satisfaction d’avoirfait preuve d’un 
zfcle eclaird etdesinteressfi en faveur d’individus dechus qui n’au- 
ront jamais de compensation a vous offrir pour d’aussi louables 
efforts. 

Je remercie la Chambre de l’attention religieuse qu’elle a bien 
voulu m’accorder, etje conclus en lui demandant la permission 
d'apporter les deux bills dont je viens de lui exposer les motifs. » 

(Le noble lord se rassied aw milieu des applaudissements 
unanimes de Vassemblee.) 

Sir J. Graham, ministre de I’intdrieur, demande la parole, et 
dit: «Je me live avec une veritable satisfaction pour seconder la 
motion de monnoble ami. La Chambre se rappelie (car ellc ne pour- 
rait l’avoir oublie sans injustice) le discours qu’il a prononc-i sur le 
mime sujet vers la fin de la derniere session. Ce discours a produit 
sur moi, comme sur tous ceux qui l’ont entendu, la plus vive im¬ 
pression , et j’ai douni 4 la Chambre et 4 mon noble ami, au nqm 
du gouvernement, l’assurance qu'un sujet de cette importance, 
qui touche aux sentiments les plus humains de notre nature, ne 
seraitpas plus longtemps neglige. ( Applaudissements. ) J’ai en 
mime temps declare 4 la Chambre que le gouvernement allait y 
donner toule son attention. Je regrette de u’avoir pu y consacrer 
plus de temps; mais j’ai eu la satisfaction de reccvoir de mon noble 
ami l’assislance la plus cordiale. D’accord avec lui, j’ai, dans l’in- 
tervalle des deux sessions, examine la matiere avec le plus grand 
soin , et le rdsullat de cette fitude est en ce moment soumis 4 la 
Chambre. [Ecoutez! ecoutez!) 

En ce qui concerne l’frlande, je dois annoncer que mon hono¬ 
rable ami, le secretaire d'Elat pour ce pays, a prepare un bill sur 
le sujet qui nous occupe. ltelativement a l'Ecosse, quoique je ne 
puisse affirmer que les propositions contenues dans le bill rddigd 



450 REVUE FRANCA1SE ET ETRANGfcRE. 

pal* l'hofiorable lord avocat soient entiferement conformes aux vues 
de mon noble ami (lord Asliley), du moins elles ont pour objetde 
combler tine lacune imporlante : le traitement des pauvres alidnds 
en Ecosse. Je n’en dirai pas davantage, quant a prdsent, sur ces 
projets; je parlerai uniquement du bill dont il est question au- 
jourd’hui. Je suis lieureux d’annoncer A la Chambre que les me- 
Sures proposdes par mon noble ami ont did examindes avecle plus 
grand soin parle gotivernement de sa majestd; qu’elles ont did com- 
mUniqudes au lord chancelier, qui a plus spdcialement ces matidres 
dans ses attributions, et que j’ai lieu de croire qu’il y donne son 
dntidre approbation. ( Ecoutez! ecoutez!) 

La pdrtie de ces mesures qui a rapport aux alidnds indigents a 
Surtout fixd l’attention du gouvernement, et a obtenu son adhdsion 
sans reserve. Quant a l'ensemble du bill, nous avons rcconnu, mes 
fcolldgues et moi, que nous lui devions tout notre appui, et, quoique 
quelques ddtails soient peut-dlre de nature a ctre modifids, nous 
nOus Somihes ndanmolns empressds,au nom du gouvernement, 
d’accorder aux propositions en gdndral notre cordial concours. 
(Ecoutez! ecoutez!) 

Et maintenarit il dst de mon devoir de ddclarer que je dois une 
vdritable reconnaissance a mon honorable ami pour l’assistance 
qu’il m’a prdtde. Je rdpdte, pour rendre hommage A la vdrite, que 
je n’aurais pu consacrer A cet important sujet tout le temps ndces- 
saire : mais quand cela m’eut dtd possible, je n’y aurais pas apportd 
toutes les qualites que mon noble ami possdde et qu’il a si utile— 
inent ddploydes. Son experience consommde, son zdle infatigable, 
et par dcssus tout, sa charild dprouvde, l’ont dirige et soutenu dans 
un travail si pdnible, dont peu de personnes seraient capables. Cette 
dtude, il 1’a poursuivie avec une assiduitd et une bienveillance au- 
desSus de tout dloge, et ses opinions sur la matidre doivent faire 
autoritd. (Eeoulez! ecoutez!) Aussi me suis-je empressd d’agir de 
Concert avec lui. Aprils l’excellent discours qu’il a prononcd et la 
vive impression qu’il a produite, il serait peu convenable que j’a- 
busasse des moments de la Chambre en reprenant tous les ddtails 
du bill qui lui est soumis, d’autant qu’ils se reprdsenteront succes- 
sivement dans la discussion. Toutefois je dois signaler A l’atten¬ 
tion un ou deux points importants sur lesquels mon noble ami et 
moi nous sommes trouvds parfaitement d’accord. Le premier, au- 
quel nous atlachons une grande importance, est la ndcessitd d’une 
surveillance permanentede tous lesasiles, el mon opinion person- 
nelle est que cette surveillance , telle que je la conqois, ne saurait 
dire suiiisamnient et convenablement exerede par des commissaires 



SOCIliTfiS SAVANTES. 


n5i 

gratuits. Je reconnais aussilandcessitd de faire stirveiller et visiter 
las dtablisscments privds, quand mdme ils ne contiendraient qu’un 
petit nombre d’alidnds oumdme un seul. L’iinnde deriiidre, j’avais 
encore quelques scriipules A ce sujet; mais les renseigneinents que 
j’ai recueillis depuis m’ont conduit A penser qu’en definitive 
cette surveillance , restreinte dans de jusies limites, serait utile et 
efficafce. Je suis dgalement d’accord avec mon honorable ami sur 
l'avaniage qu’il y aurait A crder, pour les alidnds A 1’dtat clifonique, 
des dtablissements distincis et separds de ceuxqui sont consacrds 
aux affections recentes. II est impossible de n’dire pas frappe de tout 
ce queprescntc de deplorable l’etat des institutions de ce pays, 
qui, presque entiferement peupldes de malades chroniques, en sont 
journellement rdduites A refuser l’admission des malades curables. 
{Ecoutez! ecoutez!) Jedoisaussi declarer que, dans mon opi¬ 
nion , quand meme toutes les economies qtie mon noble ami 
nous fait espdrer de 1’adoplion de cette mesure ue se rdaliseraient 
pas compietement, ce serait encore un devoir indispensable pour 
le pays de pourvoir, par tous les moyens imaginables, a la guerison, 
ou, lorsqu’elle est impossible, A la sequestration ct an comfort de 
ces fitres inforlunes, en n’employant de contrainle A leur dgard que 
celle que leur situation rendrait absolument necessaire. Et je dois 
ajouterque, pour les riches veritablement desireux de soulager 
l’liumanite souffrante, il n’est pas d’objet plus digne de leur com¬ 
passion et de leur charite. {Ecoutez! ecoutez!) 

Mon noble ami a laisse echapper un regret de ce que les pro- 
grds dans le traitement de l’alienation mentale avaient Ate peu sen- 
sibles. Je crois devoir repondre que ces progrds, quoique lents, 
n’en sont pas moins rdels. Je vois avec une grande satisfaction dans 
cette Chambre mon honorable ami, le membre du com (A de 
Montgomery (M. Wynn) qui, ddssa jeunesse, s’est ddvoud A cette 
cause intdressante. J’espere que les mesures aujourd’hui proposdes 
rdpondront a ses sentiments gdndrenx. J’ai toujours admird son 
zele pour les infortunds dont nous nous occupons, et je suis heu- 
reux devoir que le jour est enfin venu ou ses vceuxseront cxaucds. 
Ce qui jnsqu’ici n'dtaitque facultalif sera ddsormais obligatoird. A 
1’avenir, les coinlds d’Angleierre ct du pays de GalleS serontcon- 
-trainls par la loi A pourvoir convenablement a la sdquestration ct A 
l’entrctien des dires si dienes de commisdralion auxqnels s’appli- 
quent ces mesures. {Ecoutez! dcoulez!) Je pourrais m’dtendre 
plus longticmcnt stir ce sujet * mais je pense qu’il doit me suffice 
de dire a la Chambre que j’appuie do toutes mes forces la motion 
de moh noble ami. » 



452 BIBLIOGRAPHIC. 

Aprds cediscours, quia etd ecouteavec une atteulionsoulenue, 
plusieurs oraleurs prennent encore la parole. Tous s’associent aux 
dloges donnds par le ministre au noble lord, auteur de la motion; 
tous accordent une approbation sans reserve aux mesures par lui 
proposdes. 

La Chambre autorise la lecture des deux bills. 

Lorsqu’ils aurout did adoptes et convcrtis en loi, nous nous em- 
presserons de les publier. 


BIBLIOGRAPHIE. 

NOTICE 

L’ASILE D^PARTEMENTAL DE SAINT-DIZ1ER, 

liar 91. H. ESelloc. 


Les Annales mddico - psychologies ont souvent engage les 
alienistes it publier le compte-rendu de leurs travaux dans les 
asiles qui leur sont confids. II y a, en effet, dans la publication de 
semblables documents, une utilite h la fois locale, au point de vue 
des ameliorations 5 rdclamer pour tel ou tel asile en particulier, 
et gdndrale au point de vue de l’intdrdt qu’y pent trouver la 
science. Qnelques mddecins deja ont compris l’importancc d’un 
semblable travail, et les Annales ont publid en les rdsumant les 
rndmoires qui leur dlaient adresses & c&sujet. M. Belloc, dans ces 
derniers temps, s’est acquilte de cette tache pour l’asile de St- 
Dizier, el nous devons dire tout d’abord qu’il l’a fait avec un veri¬ 
table talent, c’est-i-dire qu’au lieu de se borner 4 un compte-rendu 
administratif pur et simple, au bilan de son asile, il a saisi l’occa- 
sion pour emeitrc quelques idees , soit sur les maisons d’aliends , 
soit sur I’alidnation elle-meme. 

A l’epoque oil M. Belloc fut charge de l'asile de St-Dizier, la 
section des abends de cet dlablissement conlenait 90 malades seu- 
lement, parmi lesquels 63 au moins irrdvocablement incurables. 
Sur ce nonibre 51 sont encore dans l’asile , et parmi eux 5 seule- 
menl sont amdliotds; sur la totality 9 seulement sont sorlis gudris. 





MBLIOGRAPHIE. Z|53 

Dans L’inlervalle de quatre anndes, M. Belloc a.admis Ikl ma- 
lades, qu’il a classes de la manure suivante : 

Manie chronique. 36 

Monomanie chronique.20 

Ddmence chronique. 36 

Imbdcillitd. 1 U 

Ddmence avec paralysie gdndrale. 12 

Ddmence, suite d’dpilepsie. 27 

fipilepsie simple. 2 ! 


Sur ce nombre 71 sont encore dans l’dtablissement, 76 sont 
sortis et parmi ces derniers : 

2 U gudris. 

5 amdliores. 

15 sans le moindre changement. 

32 morts. 

Ce sont 14 d’ailleurs de simples renseignements administratifs 
pluldt que les bases d’une statistique scientifique. M. Belloc connait 
trop bien la valeur des chiffres comme principe d’observation, 
pour essayer d’en liter quelque deduction sdrieuse. 

M. Belloc appelle l’attention des administrations municipales sur 
un fait dont beaucoup d’alidnistes out ddji signald la gravitd. 
Presque toujours les alidnds ne sont places dans les asiles qu’au 
moment ou, devenus dangereux pour la socidtdou pour leur famille, 
on juge indispensable de s’en dcbarrasser, c’est-4-dire 4 une dpoque 
oii la longue durde du mal, des soins mal entendus, ont placd 
l’aliend dans les conditions les plus defavorablcs de curabilitd. C’est 
dvidemment fausser l’esprit de la loi de juin 1838, c’est annuler 
ce qu’elle peut avoir de charitable, puisqu’elle permet aux com¬ 
munes de faire traiter dans les asiles, moyennant une faible rdtri- 
bution, les alidnds qui ne sont pas encore dangereux pour la morale 
publique ou la sdreid des personnes. En prdsence d’une aussi bien- 
veiilante disposition, on ne peut que blamer les autoritds qui, sans 
intelligence des veritables interets de la commune, ni sentiment 
louablc de charitd, suivent sans aucun doule la lettre de la loi en 
ce qu’elle a dimpdratif, mais n’en comprcnncnt pas l’esprit. 

Une autre rdflexion de M. Belloc s’applique 4 la difficultd d'ob- 
tenir des renseignements convenables sur les malades. Pour parer 
4cet inconvdnient, M. Belloc a eu l’heureuse idde d’adresser aux 
families des bulletins imprimds contenant une sdrie de questions 
bien simplement exprimdes, de veritables pancarles que la famille 
la moins intelligente peut facilement remplir, C’est un rnoyen 










BIBLIOGRAPHIE. 


454 

ing<Snieux, simple, dese procurer des renseignemenls fidfeles. Nous 
ne saurions trop le recommander aux rnddecins-alidnistes. 

C’est en effet un veritable devoir du medecin dans les asiles que 
de diriger son attention sur tout ce qui peut dclairer son art, mo¬ 
difier utilement sa tlierapcutique. M. Belloc, & ce propos, semble 
regrelter toute iasurchargede travail administratif qu’imposent au 
medecin ses fonctions de directeur. C’est qu’il est en effet difficile 
de concilier ces deux emplois de telle sorte qu’aucun d’eux n’en 
souffre, ct soil que l’esprit administratif s’associe peu avec 1’eMva- 
tion de Vues, l’activite d’esprit qu’exige la science, soil toute autre 
condition, il est rare que le m&lecin-directeur ne neglige pas un 
peu , suivant sa nature d’esprit, l’une ou l’autre de ces fonctions. 
Toutefois, si l’on considere l’importance enorme de cette unite de pou- 
voir concentre chez le meme individu; si 1’on se rappelle combien de 
plaintes aussi ameres que fondees ont ete faitescontre l'intervenlion 
si rarementintelligente des hommes exclusivement administratifs, 
on ne saurait trop approuver la disposition de la loi qui reunit chez 
le memo hqmme les doubles fonctions de medecin et de directeur. 
Que le medecin laisse a d’autres le travail manuel, la confection des 
regislres , les affaires couranles du bureau, la distribution de Par- 
gent ou des substances en nature, soit, mais que tout cela s’opfere 
par sa volonte, et suivant sa volonte; qu’il ordonne, en un mot; 
que d’autres fassent. C’est la condition Indispensable 4 la bonne 
administration d’un asile d’alienes. 

M. Belloc d’ailleurs le compreud comme nous; il sent toute l’im¬ 
portance d’une semblable disposition : aussi ses reflexions, je n’ose 
dire ses plaintes, ne porlent-elles que sur un fait particulier : la 
dilficulte de la direction a l’asile de St-Dizier. 

A la fin du compte-rendu de M. Belloc, se trouvent, sous le sim¬ 
ple titrc de note, quelques ideeS generales et philosophiques sur 
l’alienation mentale. Il y a la quelques pages assez remarquable- 
ment dcrites pour que nous devions regretter de ne pouvoir les 
titer. 

Pour M. Belloc, la folie consiste uniquement dans la non-per¬ 
ception, et par suite dans la negation par actes ou par paroles de 
Punite qui exisle entre les Sires, dans l’impossibiliie d’etablir les 
rapports justes entre les choses. Ce prdcepte fondamental de sa 
doctrine lui explique les diverses varidtes de folie; il lui montre 
en outre les differences que peuvent presenter deux individus 
ayant le mSme genre de folie , suivant que les rapports qu’ils sont 
capables de saisir deviennent de moins en moins generaux. On ife 
conqoit, c’est tout un sysleme que nous ne pouvons en ce moment 



BIBLIOGRAPHIC. 455 

ni dbvelopper ni critiquer, que M. Belloc d’ailleurs exposera sans 
doute ultbrleuremeht. Nous ne pouvons pourtant laisser passer sans 
protestation les derniferes idbes, im menses au fond , et qui exige- 
raient d’etre coordonnees et discutbes, qui terrainent cette simple 
note. Pour M. Belloc, toute alienation suppose toujours un sophisme 
initial greffb sue une passion dominante, de telle sorte que le delire 
manifeste nbcessairement les idbes et les passions dominantes anlb- 
rieures du sujet. Que ce soil lit un fait comraun , nul ne saurait le 
nier; Pinel l’avait dbjl appuyb de sa grande autorite ; mais que ce 
soit une loi, c’est-ii-dire l’expression d’un fait constant, invariable, 
qu’on doive voir forcement dans l’aliene l’image exageree sans 
doute, pervertie, mais toujours l’image de ce qu’etait 1’homme 
raisonnable, e’est une conclusion evidemment trop absolue. 

Terminons en feiicitant M. Belloc, en l’engageant surtout & for- 
muler quelque jour nettement, scientifiquement, les idees qii’ii 
semble avoir voulu cacher pour le moment dans la modestie d’irne 
simple note. La nouvelle position A iaquelle il a btb appeie, en 
etendant le champ de son observation, l'oblige implicitement A 
livrer plus souvent a la publicite le fruit de ses etudes et de scs me¬ 
ditations. La science, nous en sommes certain, ne peut qu’y 
gagner. M. D. 


RAPPORT 

SDR LES HOSPICES D’ALlfiNfo 

DE L’ANGLETERRE, DE LA FRANCE ET DE L’ALLEMAGNE, 


C. CHOHiaZUBtCK, 

Avec un atlas de 14 planches. — Courtrai, 1842, in-8. 


M. Crommelinck fut charge, en 1842, par le gouvernement de la 
Belgique de visiter les etablissements d’aliends de l’Angleterre, db 
la France et de l’Allemagne. 

Le rapport dont nous allons r'endre compte cst adresse & M. de 
Nothomb , alors ministre de l’interieur: il contient le resuliat des 
observations scienlifiques et administratives de l’auteur en mbme 
temps que quelques impressions de voyage, destinees sans doute a 
tempbrer la sevbritb du sujet. 

lvi. Crommelinck a mis de trop bonne grftce la critique 4 son aiSe 





li 56 


BIBLIOGRAP H IK. 


pour qu’il nous sache mauvais gre de n’accepter ni lous ses senti¬ 
ments ni toutes ses opinions sur les liommes et sur les ch6ses. 
« Je ne redoute, dit-il en commenqant, le jugement d’aucune 
personne, quelle que sojt sa position ou sa profession; je ne re¬ 
clame del’indulgence sous aucun point de rue, et fais, au con- 
traire, un appel & la plus grande sdvdritd possible. » Tout endd- 
ferant en quelques points A cette invitation formelle , je ne puis 
m'empdcher de mettre hors de cause deux mdrites qui brillent 
dans tout l’ouvrage : la franchise et l’inddpendance. ficrit avec une 
verve singulidre, ce rapport n’est pas moins dnergique dans le 
blftme que dans l’dloge; il ddsapprouve sans managements, atta- 
que sans reticences et decide enfin sans appel des rdsultats comme 
des intentions. Or, dans un voyage assez rapide et malgrd toute 
la conscience de 1’auieur, bien des choses ont die vues trop a la 
h4te pour que les appreciations soient si fermes et les jugements 
si positifs. Dans plus d’une circonstance, I’auteur esquisse a si 
grands traits, quelelecteurserieuxne pent ni se former une opi¬ 
nion sur de semblables apercus , ni recevoir de confiance les de¬ 
cisions souveraines quisuivent ce brusque examen. Les comples- 
rendus scientifiques exigent la merne precision que les dessins 
des architectes, parce qu’ils sont, comme eux, destines a une 
application pratique a laquelle on ne peut arriver quo par la plus 
sdvfere et la plus scrupuleuse exactitude. 

L’auteur avoue lui-meme qu’il a visile l’Allemagne moins en 
homme de science qu’en fourisle;' il aurait pu ajouler qu’il avail 
visite la France aulant en touriste qu’en savant. Quand on parcourt 
ainsi une grande contrde , un pays que l’dcrivain lui-mdme appelle 
en debutant la Jerusalem de la science , la terre sainte , ou on 
se sent saisi de respect et d'admiralion , a-t-on le droit d’etre 
aussi severe (et le mot est moddrd) qu’il se monlre h l’dgard des 
medecins allemands ? 

Que M. Roller ne soil pas du mdme avis que M. Crommelinck 
sur les asiles d’Angleterre, est-ce une raison pour dire , et je cite, 
qne le grand-due de Bade a eu le malheur de ne pas rdussir dans 
le choix de l’horame qu'il a investi de sa confiance, et qu’il s’est 
laissd guider, non par le mdrite , mais par la protection ; que l’dta— 
blissement d’Acliern est a miile lienes de ce qu’il devait dire, et 
que M. Roller a fini par s’imaginer qu’il connail le monde comme 
sapoche? Letout pour finir par une vive diatribe conlre la dispo¬ 
sition des cabinets d’aisances. 

h'Esculape de Berlin , « qui devie du bon sens et de l'eutente du 
traitement des maladies meutales, » n’est pas, comme on Je voit, 



BIBLIOGRAPHIE. 457 

mieux trait*? que son confrere. Ilestvrai quo par une compensation 
qui prottvequela rigueur mddicale n’exclut pas la galanterie, les 
dames dc Berlin sont complimcntdes par l’auteur d’une fagon dont 
je lui Iaisse toute la responsabilitd. 

Les observations sur les hospices d’alidnds que renferme l’Alle- 
magne sont beaucoup trop courtes pour que la lecture en soit 
d'aucun profil. Quant aux jugements sur les mddecins, ils ne 
s’excusent qu’en admeltant que l’expression a ete bien au-delJ des 
intentions de l’dcrivain. 

La France occupe dans le rapport une plus grande place, mais 
je n’ose dire une meilleure. M. Crommelinck a resume ses impres¬ 
sions sur plus d’une cdldbritd parisienne par ce vers de Victor 
Hugo: 

L’id&tl tombe en poudre au toucher du reel. 

n Ce prdtentieux Paris, qui veut s’imposer au m pride en tier, » 
a navrd le coeur du voyageur de douleur et d’indignalion, et 
ndanmoins «il n’a pu s’empdcher d’etre hcureux de la supdriorild 
que, dans l’espdce , les Beiges avaient h ajouter a tant d’autres 
qu’ils ont sur la France. » 

Settlement, tandis qu’en Allemagne le mddecin dtait sacrifid 
au profit d'une administration intelligcnte et juste, chez nous le 
mddecin a des dloges et l’administration des reproclies trds durs d 
subir. Ainsi, Charenton, « ce digne reprdsentant de la malpropretd 
et de la mesquinerie frangaises, » ne mdrite qu’un sort, c’esl d’etre 
rase de fonden eonible. Aprfes une opinion si nettement form tilde, 
on comprcnd que 1’auteur se bate d’arrivcr it Bicetre et a la Sal- 
pdtridre. 

L’organisation mddicale de cesdeux etablissements , sur lesquels 
M. Crommelinck enire d’ailleurs dans d’assez grands details, est 
exposde d’une manifcre plus sdrieuse, et qui permet au lecteur 
d’apprdcier, non plus des impressions, mais des fails. II approuve 
particulierement lesexercices intellectuels et manuels, la douceur 
et la confiance comme principesde traitement moral, les distrac¬ 
tions de toute espbce, celle de la musique en . parliculicr, de la 
danse et du spectacle. 

11 n’y a peut-Ctre pas d’enseignements plus profitables pour un 
pays que ceux qu’il regoit d’dtrangers desintdressds et capablesde 
juger froidement. Libres de toute habitude acquise, en dehors de 
toute question de personnes, les voyageurs voient souvent des md- 
rites et dcs ddfauts qui seraient restes longtemps inapergus. Leurs 
critiques sont done aussi profitables que leurs dloges sont prdcietix. 




B1BL10GRAPHIE. 


458 

A ce litre, M. Crommelinck nous aurait trouvd plus dispose que 
personne a tirer parti de ses avertissements; mais comment pro¬ 
filer de renseignements tels qne celui-ci: « Le chef du service (il 
s’agit ici de la Salpdtridre) adore un de ses dlfeves parce qu’il 
touche admirablement du piano, corame il fait ia cour, et cela 
liltdralement comme s’il voulait plaire a quelque jolie femme, a 
quiconque a la bonne volontd de venir racier pour ses malades 
quelques contredanses sur le violon. » 

L’auteur semble avoir rdservd pour l’Angleterre son inspection 
vraiment approfondie. Il passe successivement en revue, h l’occa- 
sion de chaque dtablissement, les bailments etleurs dependences, 
les statutsqui le rdgissent, l’organisation inldrieure etles moyens 
de traitement employes de prdfdrence par le mddecin qui le dirige. 
Souvent mfimeil expose l’histoirede 1’asile en l’appuyant sur des 
documents historiques qu’il reproduit. 

On lira , entre autres , avec interdt, un rapport du docteur Cor- 
sellis, directeur de 1’asiie de Wakefield , et eelui du docteur Co- 
nollv sur cettequestion diversement rdsolue en Angleterre de I'em- 
ploi des moyens coercitifs dans le traitement des alidnds (1). 

L’dtablissement des Quakers, eelui de Bethlem, de Olocester, de 
Northampton sont pour l’auteur l’occasion de rdflexious judicieuses, 
utiles et bien entendues, auxquelles il a joint des relevds statisti- 
ques extraits de comptes-rendus officieJs. 

En rdsumd , la partie du livre de M. Crommelinck qui concerne 
les dlablissements anglais est debeaucoup supdrieure 1 tout le resle 
de l’ouvrage. Les actes offlciels y occupent settlement une place 
qu’on aimerait mieux voir remplie par l’examen mdme du vova- 
geur. Par la , en effet, une partie des avantages d’une visile per- 
sonnelle disparatt devant ces documents dcrits, qui, malgrd leur 
importance, ne doivent dtreque secondaires dans les souvenirs du 
visiteur. 

Si M. Crommelinck avait apportd dans l’dtude des autres pays la 
persdvdrance qu'il a mise dans 1’examen des institutions anglaises, 
nous aurions eu certainement a noter des remarques intdressantes 
et des rdflexions pleines de justesse. 

Nous avons dd dtre sdverc dans I’apprdciation du rapport de 
M. Crommelinck, dans la crainte qu’il n’inspire a quelques per- 
sonnes des iddes au moins conlestables. Nous souhaitons toutefois 
qu’on ne voie dans notre critique aucune intention hostile, mais 
qu’on y trouve seulement un regret de ce que i’auteur a eddd par- 


(i) Voy. Annalet mMico-psycliologiques, t. III, p. 138. 



BIBLIOGRAPHY. 


459 

fois 4 de facheux entratnements, quand dans le mfime ouvrage il 
donnait souvent la preuve que ni les hautes questions, ni les details 
administralifs, ni surtout les sentiments ElevEs et genEreux ne sont 
en dehors des aptitudes de son esprit. C. Las£gue. 


DE QUELQUES POINTS 

RELATIFS 

AU DELIRIUM TREMENS 

A L’lllTAT AIGU , 

PIERRE-VICTOR. DUPEYRE. 

ThEse. — Paris, janvier 1 841. 


Le travail de M. ledocteur DupeyrE a pour objet, non pas l’Etude 
complete du delirium tremens, mais settlement celle de quelques 
points essentiels de 1’histoire de cette maladie. L’auteur debute par 
unc description succincte dans laquelle il insiste stir la dttrEe de 
l’affeciion , qui esl de 3 it 10 jours , sur sa terminaison brusque 
par la mort ou par la santE, et dans ce dernier cas s’opErant 
par des sueurs abondantes, le sommcil et des Evacuations alvines 
uaturelles. Cette sorte de terminaison parait a M. Dupeyre tenir 
essentiellement it la nature propre de la maladie, et Etre tout-4-fait 
indEpendante du traitementauquel on l'a soumise. La plupart des 
auteurs, nEgligeant cette considEration de la marcbe naturelle de 
1’affection, ont pu facilement se faire illusion sur l’aciion du mE- 
dicament mis en usage par eux. Partant done de ce point de vue 
et appuyE sur des fails nombreux, M. DupeyrE arrive aux conclu¬ 
sions sttivanies : 

1° L’opittm est au moins inutile s’il n’est pas nuisible. Jusqu’u 
ce jour il n’a pas liatE la terminaison du delirium tremens; il n’a 
pas empEchE de mourir ceux qui en Etaient atteints gravement, 
et dans tous les cas, avant d’Etre encore pr6nE , il serait nEces- 
saire qu’il fut fait une sErie d’expEriencesnouvelles et variEes. 

2° Les Emissions sanguines doivent Eire bannies du traitement 
du delirium tremens , en tant que mEthode curative ; mais on ne 
doit pascraindre de les meltre 4 profit lorsque quelque complica- 





BIBLIOGRAPHIC 


tion grave compromet immddiatement Ie salut du malade. La ter- 
minaison a did funesle dans tous Ies cas oulessaigndes coup sur 
coup out did mises en usage. 

3° Les bains generaux prolongds contribuent a calmer le dd- 

lire. 

4° Une diaphordse abondante ne hate pas le terme de la maladie. 

6° Les purgatifs sont utiles aprds l’administration de I’opium. 

5° « D’aprds ce qui prdcdde, dit l’auteur, on voit que j’embrasse 
le parti de ceux qui s’attachent & une methode purement expec¬ 
tant , d’autant qu’on ne connait pas, quelque effort qu’on ait fait, 
la nature de la maladie, pour pouvoir lui appliquer un traitement 
rationnel, et que, jusqu’a ce jour, les traitements empiriques 
n’o'nt point eu le succds qu’on leur avail prdtd. » P. 42. 

M. Dupeyrd insiste ensuite avec beaucoup de soin sur la distinc¬ 
tion qui doit ndeessairement dire faitc entre le delire nerceux des 
blessds et le ddlife des ivrognes. Le premier, en effet, edde avec 
une facilitd cxtrflme a l’opium, et, comme le fait judicieusement 
observer l’auteur, il edde a toutes les dpoques de la maladie. lndd- 
pendamment mdme du fait thdrapeulique, on trouve dans les 
sympt&mes du ddlire des blessds, dans son mode d’accroisse- 
ment, etc., des diffdrcnces caractdrisliques. Ainsi on observe 
chez le dipsomaniaque une incertitude de la voix, un tremble- 
ment des ldvres, un ddfaut d’dquilibre, une violence de caractdre, 
des emportements , des troubles de la sensibilitd ; quelquefois un 
peu de fidvre, de 1’irrdgularitd dans les fonctions intestinales, de la 
chassie autour des yeux, phdnomdnes qu’on ne retrouve pas chez 
les individus atteints du ddlire nerveux. 

La tlidse de M. Dupeyrd nous prdsente un modele d’observation 
sous un point de vue capital. La plupart des auteurs , ne tenant 
pas compte de la marche naturelle des maladies, se conlentent, 
en gdndral, d’employer tel ou tel remdde qu’ils proclament bientdt 
comme souverain, ne rdfldchissant pas que la maladie a le plus 
souvent gudri sans le remdde ou quelquefois malgrd le remdde- 
Le raisonnement absurde, post hoc, ergo propter hoc, est beaucoup 
plus frdquent en mddecine qu’on ne pourrait l’imaginer. Honneur 
done d ceux qui ont l’esprit assez juste, le jugement assez droit 
pour dchapper au sophisme. D r Bodrdin. 



BIBLIOGRAPHIC 


461 


STATISTIQUE 

ADMINISTRATIVE ET MEDICALE DE L’ASILE 

PUBLIC D’ALlfiNfiS DE DIJON, 

M. le D r DUG AST, 


L’asilc d’alidnds dc Dijon est d’nne fondation toatc rdcente (1843). 
M. lc docteur Dugast, mddecin-directeur de cet asile, a public unc 
statistique administrative ct mddicale de cet dtablissement pour I’exer- 
cice 1843, a laquelle nous cnipruntons les documents suivants : 

Durant l’annec 1843 , il est entre dans l’asile 153 maiades ( 71 hom- 
mes et82 femmes), dont 117 indigents, 31 pensionnaires des differentes 
classes et 5 passagers. llenestsorti31, dont 19 completement gudris, 5 
amdliores et 7 non ameliords; Hi maiades sont morts , ce qui fait une 
proportion de 1 guerison sur 8 1/9, et de 1 dices sur 9,56. Au 1"' jan- 
vier 1844 ,i! restait dans l’asile 106 maiades, dont 92 indigenls et 14 pen¬ 
sionnaires. 

Sur les 153 maiades admis dans l’hospice cn 1843 , 140 seulement 
appartenaient au ddparlemenl de la Cdte-d’Or : or la population de ce 
ddparlement est de 393,31G; la proportion des admissions dans l’asile 
est done dc 1 alidne sur 2,810 habitants. 

Les dispenses totales de 1’asilc, cn 1843, ont die de 40,061 fr. 1 c., et 
les recetles de 54,207 fr. 10 c , ce qui fait uu excedant de recctte de 
14,146 fr. 9 c. Le prixmoycn de journee, pour les abends indigenls et 
les pensionnaires de la quatrieme classe, est deO r ,9S7, et le prix rnoycn 
dc journde commune est de 1 fr. 41 c. 

M. Dugast a parfaitement compris que, dans la recherche des causes 
de l’alidnation , il n’etait pas possible, le plus souvent, de rapporter a 
une seule cuuse l’invasion de la maladie. Neanmoins, comme document 
administralif, il donne un tableau des causes presuinees et plus ou 
moms immddiales de l’alidnation des 153 maiades admis cn 1843. Nous 
y.yoyons signalds surtout, parmi les causes morales, 1’amour ct la 
jalousie (12 cas), les chagrins (22cas), la frayeur et I'inquidlude (10 
cas); et, pamii les causes physiques, l’hdrdditd (8 cas), les execs alcoo- 
liques ( 8 cas), les ndvroscs (9 cas). Chez 51 maiades , il n’a point did 
possible de ddterminer la cause de la folie. 

L’hcrdditd, signalde septfois ici comme cause ddlerminante, a paru, 
dans septautres cas, ajoutcr son inllucnce prddisposante a I’action des 
causes occasionnelles. Neanmoins, la proportion des Tolies hdrdditaires 
nous parait encore bicn faible dans le tableau de M. Dugast. 

Au point de vue de la nature du ddlire, les 153 maiades refusenl843 
ont dte classds comme il suit: idiots, 30; ddmenis, 57; stupides,4 ,- ma- 
niaques, 43 ; monomaniaques, 15. Parrai ccs maiades, 25 seulement son t 
outrds pour une affection aigue, et prdsentaient des chances de curabilitd. 
annal. med.-psycii. t. vi. Novembre 1845. 10. 30 



662 BIBL10GRAPHIE. 

La stalislique de M. Dugast contient bien d’autres documents que 
nous passerons sous silence, pareeque, pour plusieurs raisons faciles 
a comprendre, et parliculierement a cause de l’admission d’un grand 
nombre d’anciens alidnds generalcment incurables, les rdsultats d’une 
premiere annde sont necessairemcnt assez diflerents de ceux des annees 
suivantes. Nous nous proposons done de donner une place plus dtendue 
aux nouveaux documents qui nous parviendront surl’asile d’aliends de 
Dijon, ainsi que sur tous les autres dtablissements d’aliCnes. L. L. 


Ouvragcs et MCniojics A analyser. 

1° ThCse sur la paralysie generate des abends, par M. Lasalle. 

2° Rapports sur Tasile des alidnds de Fains, pour les annees 1843 
et 1844, par M. Renaudin. 

3° Slate of theNew-York hospital, and Bloomingdale asylum for 
the year 1843. 

4” Reports of the Pensylvaoia hospital for the Insane, for the 
years 1841, 1842 et 1843. 

5" Twenty-seventh annual report for the state of the asylum for 
the relief of persons deprived of the use of their reason, near 
Frankford. 

6" Blik op de Dierlijke vermogens en derzelver Betrekking lot 
de ziel, par J.-N. Ramaer. 

7° Rapport sur Tasile des alidnds de Rouen , par M. Parchappe. 

8° Rdflexions sur l’emploi des evacuations sanguines dans le 
traitement des maladies mentales, par M. Sauvet. 

9° Ddontologie mddicale, par M. Max. Simon. 

10” Voyage medical dans TAfriqUe septenlrionale, parM. Furnari. 

11° Du hachisch et de l’alienation menlale, par M. Moreau. 

12° Analysis of the urine of insane patients, par Alex. Suther¬ 
land and Edw. Rigby. 

13" Twenty-fifth annual report of the directors of the Dundee 
Royal asylum for Lunatics. 

•14“ Nouveau projet de loi sur le regime des aliends en Belgique. 

15“ Rapport sur Tasile public des alidnds des Basses-Pyreudes , 
par M. Cazenave. 

16“ Annual reports of the managers of the slate (New-York) Lu¬ 
natic asylum for the years 1843 et 1844. 

17° The nineteenth and the twentieth annual reports of the of¬ 
ficers of the retreat for the insane at Hartford, 1843 et 1844. 

18“ Report of the Pensylvaoia hospital for the insane, for the 
year 1844. 

19“ Twenty-fourth annual report of Bloomingdale asylum for the 
insane for the year 1844. 

20° De la folie considdree sous le point de vue pathologique , 
philosophique, historique et judiciaire, depuis la renaissance des 
sciences en Europe jusqu’au xix' sidclc, par SI. Cahneil. 

21° Notice sur ie service medical de Tasile public d’aliends de Ste- 
phansfeld, pendant les amides 1842,1843ct 1844, parM. J. Rcederer. 

22” De la Pellagra, par M. Thdophile Roussel. 

23° Manuel de physiologie, par Muller. 



Repertoire d’observations inedites. 


emploi DE EA sonde assophagienne , n’est qu’aprds l’avoir longtemps tour- 
son inxocuite et ses dangers, mentee qu’on parvient a lui faire 
avalcr de force quelques c.uillerdes de. 
C..., agee de yingt-huit ans, cst bouillon. Deux fois elle consent a 
entree lc 29 aofit 1845 dans la seclion (manger une lartine de beurre ct de 
detraitement temporairement confide confitures qu’on lui presente par la 
a mes soins. Cette malade avait die volonii du del, mais immediatement 
prise d’un acces de mclancolie quel- apres elle rdsiste.plus que jamais a 
ques jours seulement avant son ad- toules les exhortations. I.c pouls de- 
mission. Elle demeurait babituelle- yient petit, la pcan froide, l’haleine 
ment avec son pere et se belle-mere, fdtide. On est forcd, dds les premiers 
s’occupant un pcu de tout, travail de jours de seplembre , de recourir a la 
couture et soins du mdnage. Ddja sondeoesophagienne etaux lavements 
triste, elle alia voir une de ses sceurs. d e bouillon. Lc 12, M. Boraud, in- 
On ne sait ce qui se passa entre elles, terne, au moment oil il vient d’in- 
mais elle en revint troublde, agitde, jecter du bouillon dans l’estomae , 
perdit, le sommeil. Quand elle s’cn^ voit tout-a-coup avec effroi une tu- 
dormait, elle ne tardait pas a s’dvcil- meur a la partie droite du cou. Plein 
ler en criant et pretendant voir des d’anxidtd, il retire la sonde, examine 
saints autour de son lit.Elle inangcait cette tumeur, qui crbpite sous la pres- 
peu ou point. On prescrivit et on sion, et demeure convaincu qu’il a 
praliqua une saignfic du bras. La ma- fait fausse route et perfore i’oesophage 
lade prit piusieurs bains froids et et les voics afiriennes. On applique 
reput des douches qui I’agilerent da- ties compresses froides sur cette tu- 
vantage. meur, qui diminue de volume, et 

On la transporta a la Salpetrierc. quand je suis prevenu des fails , 
A son arrivde la maigreur cst deja a ma rentrde dans l’hospice, je ne 
tres grande, elle a une petite toux trouve plus rien. Je console M. Bo- 
seebe a iaquelle on fait d’abord peu raud, qui dprouvait un vif chagrin, et 
d’attcnlion , mais que les parents je le persuade qu’il s’est trornpd. Le 
avaient remarquee , la croyant poi- lendemain T3, il nous quiltait pour 
trinaire comme l’une de ses sceurs. prendre un nouveau service a I’hfl- 
Sa grand’mere est morte aliende ; sa pital Saint-Louis. Je parviens a le 
mire I'a etc a pcu pres seize annees rassurer en lui montrant la malade 
en piusieurs fois ct asuccombe apres tranquille ct sans tumeur. M. Cour- 
avoir fort longtemps souffert de la tillier, interne provisoire, injecte 
gorge. Elle a une soeur dont l’intel- sans aucun accident une semoule 
ligence est peu developpic. ciaire dans l’estomac, puis un demi- 

Trte agitde apres son installation verre de vin. Depuis ce temps les 
dans le service, elle parle beau- injections se font beaucoup mieux 
coup, ne veutpas manger, prdten- qu’auparavant, 1’haleine cesse d’etre 
dant que Dieu le lui ddfend. Ce fetide, lalangue s'humecte, le pouls 



REPERTOIRE. 


se releve. M. Borand vicnt avec in¬ 
quietude s’informer dcs nouvelles de 
sa malade, et la trouve cn bien meil- 
leur dial. Pendant cinq jours ce pro- 
gres satisfaisant continue. On pcut 
lui fairc avaler du bouillon, de 16- 
gers potagcs et du vin sans employer 
la sonde; clle suce des tranches d'o~ 
range, mange quelques fraiscs, et pa- 
ralt renaitre. 

Je me feiicitais de cet heureux 
changement quand lout-a-coup, le 17 
au matin, nous trouvons la face vul- 
tueuse, les yeux brillanls, la langue 
seche , la peau chaude , le pouls ra¬ 
dial filiformc, tandis que les carotides 
font sentir de violentes pulsations. 
La tumeur a reparu. Jc la vois pour 
la premiere fois, et j’y sens cr6piter 
de Pair. La pauyre malade mcurt le 
soir 4 cinq heures. 

L’61eve interne, M. Courtiliier, qui 
fit l’ouverture du corps, dAcouvrit 
un vaste foyer purulent occupant 
toute la region antcrieure du cou. 
Les muscles de la region sus ct sous- 
hyoidienne 6lant dissequ6s, on re- 
connait que le pus a fuse sous les 
clavicules, sous le sternum et occupe 
tout le mAdiaslin anterieur. Con- 
vaincu qu’il y a eu une perforation 
de l’cesophage, on la cherche partout 
sans la trouYer. Cet organe cst sain 
et intact. II n’offre, non plus que 
l’estomac, aucune trace d’inflainma- 
tion. Saisi d’Atonnement, on examine 
de nouveau, on poursuil les investi¬ 
gations, et l’on s’aper?oit que le pus 
a denude toute la parlie posl6rieure 
et le c6te droit de la trach6e. On 
ouvrA ce conduit aerifere, eton Yoit, 
un peu au-dessous du larynx, la 
membrane muqiteuse, dans la moi- 
tib de son pourtour eu arriere ct a 
droite, couverte de pelites ulcera¬ 
tions , et au milieu de cette portion 
malade une perforation asscz consi¬ 
derable pour laisser passer un stylet. 
L’ouverture etaildue aux ulcerations, 
dont on voyait sourdre le pus lors- 
qu’on pressait les paroisde la trachCe. 


[.’inflammation etait limit6e a 2 ouS 
centimetres en tous sens. I.es cris de 
la malade , les douches el les bains 
froids Pavaient-ils causCe, ou bien 
faut-il, quand on se rappelle les cir— 
Constances herCditaires si fAcheuscs 
qui pesaient sur elle, en cberchcr de 
ce c6l6 lc principe? On n’a pas oublie 
que sa mere, scion ce qu’on nous a 
rapporte , est morle d’un tres long 
mal de gorge. — Les autres organes 
examines , les poumons , les intes- 
tins, le cerveau, ses membranes et 
la moelle Cpiniere n’offraient aucune 

Cette observation cst pleine d’intC- 
ret. La malade n’etait pas morte d’unc 
perforation de l’oesophage ; l’oeso- 
phage n’avait pas 616 16s6; l’elevc 
interne ni sa sonde n’Claient pour 
rien dans les accidents survenus, car 
il n’est pas possible de songer que 
1’instrument ait fait fausse route et 
perc6 direclement la trachee. Tous 
les motifs, disons mieux, les fails 
les plus precis repoussent victorieu- 
sement cette pensCe. 1° La malade n’a 
pas toussC lors de 1’introduction de 
la sonde; 2° le bouillon injecte n’est 
pas revenu, n’a determine non plus 
aucune toux, a done p6n6tr6 parrai- 
tement dans l’estomac; 3° la petite 
ouverturc IrouvCe a la trachee et 
souffrant seulement le passage d’un 
stylet de trousse, etait bien loin de 
permettre cclle de l’extr6mite d’unc 
sonde oesophagienne. II seraitabsurde 
etpueril de s’arreler a une supposi¬ 
tion donttrois fails si positifs etablis- 
sent I’impossibilite. Void l’explica- 
tion simple et claire de cequi est ar¬ 
rive. Les ulcerations de la trachCe en 
avaient use et aminci les parois , un 
amasde pus s’y etait forme, y avait 
fait effort. La perforation du tube 
respiratoire avait coincide avec l’in- 
troduclion de la sonde; peut-etre 
m6me ce qui serait arrive quelques 
minutes ou quelques heures plus 
lard avait-il 616 un peu acc61ere par 
la pression de I’oesophage sur la Ira- 



REPERTOIRE. 


465 


elide au moment de l’introduction de 
la sonde. 

Mais comment la malade, si souf- 
fra n te a van t l’acciden t, 1 'avai t-el I e d tg, 
depuis, beaucoup moins ? Comment, 
apres la perforation de l’cesophage, y 
avait-il eu une detente si inarqude ? 
Pourquoi le pouls s’elait-il ralenti et 
developpd, la langne etait-elle de- 
venue humide, les lcvres roses ? 
Pourquoi l'halcine avait-elle cessd 
d’etre fdtide; pourquoi l’alimentation 
et les digestions avaient-elles dtd plus 
faciles et meilleures? II dtait arrive la 
ce qu’on voit survenir a la suite des 
abces ouverts. De la fievre d’abord 
au moment de la tension , puis une 
detente a l’ouverture de l’abces; mais 
le pus , une fois rdpandu en grande 
quantity, a pu Sire rdsorbe et pro- 
duire les accidents qni ontsi promp- 
tement enleve notre pauvre malade. 

N’oublions pas de noler que sans 
l’ouverture du corps et les recherches 
altentives auxqucllcs on s’est livrS; 
apres un examen superficiel, par 
exemplc, au lieu d’une investigation 
minuticuse commc elles doiveut lou- 
jours etre failes, on eut pu restcr 
convaincu que la malade etait morte 
par suite d’une perforation de l’oeso- 
phage causde par la sonde. 

Ces accidents sont heureusement 
fort rares. Je n’en ai jamais vu 
d’excmple, quoiqu’on en cite. La 
sonde cesophagienne ordinaire ou de 
simples sondes urdlhrales, ainsi que 
les emploient plusieurs medecins d’a- 
lienSs qui lesprSferentad’autresplus 
grosses, s’introduisent assez aisement 
dans le conduit alimentaire. II ne 
fautpas perdre devuc, d’aillcurs, 
que ces sortes d’instruments sont mis 
en usage le plus souvent pour agir 
sur l’esprit des malades. lls mangent 
apres avoir vu la sonde, apres en 
avoir entendu l’explication ou apres 
qu’on leur en a fait subir une pre¬ 
miere introduction. Le premier de 
tous lcSagenls,meme sur l’aliend,c’est 
la pensde, e’est lavolontd de l’homme 


raisonnable , et les appareils meca- 
niques ne sont jamais plus utiles et 
meilleurs que lorsqu’ils accroissent 
[’influence du mddecin sur son ma¬ 
lade. Quatre fois sur six, la sonde 
apportde sur le lit ou l’ordre d’aller 
la chercher suffit pour vaincre une 
resistance opiniatre. II n’est rien 
de plus digne de celui qui doit donner 
de la raison aux autres que de se faire 
de tout ce dont il dispose un instru¬ 
ment de cominandement et de puis¬ 
sance , que de converter les objets les 
plus maidriels en elements d’autorite 
morale; car ccllc-la est la plus vraie, 
la plus salutaire et la plus durable. 

Thelat. 

P1QURE AU COEUR. 

Mademoiselle Q..., epileptique, 
aftectee d’erotomanie, d’un caractere 
violent, indiscipline, s’etant d6jali- 
vreea plusieurs tentativesdesuicide, 
et dont 1’observalion curieuse sera 
compieteraent publide dans ce re- 
cueil, est passde depuis quelque temps 
du service de M. Lelut dans le mien. 
Le samedi 23 aoflt dernier, dans un de 
sesacc6sdc tristessc, elle s’introduisit 
une aiguille a coudrc sous la peau a 
la region du coeur, entre la sixieme 
et la septieme cdte. Elle annonga en- 
suitc qu’ellc venait de se donner la 
mort et de se debarrasser de ses cha¬ 
grins. On alia chercher l'eieve de 
garde, qui, ne trouvant a l’exterieur 
aucune saillie d’un corps etranger, 
ne decouvrant pas dans l’etat de la 
malade, dans celui de son pouls, la 
moindre trace du plus ldger accident, 
sachant d'ailleurs que des corps aussi 
tenus que de petites aiguilles a cou- 
dre peuYcnt sejourncr longtemps sans 
danger dans nos organes, ne lit au- 
cune tentative d’cxtraction. Le Ien- 
demain, a la visile, nous revimes 
mademoiselle Q..., parfaitement tran- 
quille, ayant mangd, ayant dormi; 
son pouls dtait a 1’iStat normal. On 
percevait a la region du cccur la sen- 



466 


REPERTOIRE. 


sation d’un petit corps (Stranger. Cette 
exploration, ct memo une pression 
assez prononcfie sur ce petit corps 
determinait it peine une lfigfire dou- 
leur. L’absence d’accidents nous en- 
gagca & ajourner loiite tentative ^ex¬ 
traction. Ne voyant rien au dehors, il 
nous paraissait fort probable que l’ai- 
guille.qui avait complfitement disparu 
: sous la peau , y avait filfi introduite 
obliquemcnt dans le tissu cellulaire. 
Si mademoiselle Q... nefut pas moins 
disposfie & se plaindre et a lourmenter 
scs compagnes que de coutume, elle 
ne le fut pas plus etn’inlerrompit ses 
rcpas en aucune maniere. Le lende- 
main et le surlemain, raeme situation, 
meme absence d’accidents. 

Le mardi 26, nous la trouvons se 
plaignant qu’on lui laisso dans le 
coeur une grande aiguille. Jusque la 
nous n’avions pu nous procurer au- 
cun renseignement sur la longueur 
' du corps fitranger; elle s’fitail abso- 
Iument tueacetfigard.et nous avions 
ddcroire que l’aiguillc filait I’une de 
celles qu’elle cmploie ordinairemenl 
dans ses travaux dc couture , c’est-a- 
dire de fort petite dimension. — A. la 
visile, nous cxaminons dc nouveau 
la region piqufie, et une lfigfire saillie 
se faisant mieux senlir, 1). Boraud , 
interne, armfi d’un bislouri, fait sur 
celte saillie une lfigfire incision. Les 
IfiYres de la plaie (Scarifies, on ne dfi- 
couvrerien, et on sent le corps (Stran¬ 
ger a cfltfi. Une seconde petite incision 
est faite perpendiculairement sur la 
premiere, et aussitflt on apercoit un 
corps noil 1 a deux millimfitres au- 
dessous de la peau. 11 est saisi avcc 
des pinces a dissfiquer, et cc n’est pas 
sans une vivo surprise que nous 
Yoyons sorlir de la plaie une aiguille 
de grande dimension plongfie tout-a- 
fait perpendiculairement au cceur, 
entrela sixifime et la seplieme cdlc, 
ayant dd consfiquemmenl pfinfitrer 
dans le tissu meme du centre dela 
Circulation. Cette aiguille, que je cop- 
serve , est ties grosse, oxidfie par son 


sfijour dans la plaie; elle a un milli¬ 
metre et demi de diamelre A sa plus 
grosse exlrfimitfi, et cinq centimfitres 
de longueur. Sa pointe, la plus aigue, 
est peu longue; elle grossit vite et 
serait, comme on dit pour les lan- 
cettes, a grain d’orge au lieu d’fitrc 
a grain d’avoine, en sorte qu’a moins 
de trois millimetres de son extreme 
pointe, elle a dfija un millimetre de 
diamelre. Elle filait, ainsi que nous 
l’avons dit, directement plongfie sur 
la pointe du coeur et y est restfie 
trois jours entiers. Pourtant elle n’a 
causfi aucun dfisordre dans cet or- 
gane, ne l’a point irrilfi, n’a pas mo- 
difie sa scnsibililfi, car ses battemcnts 
ont toujours 616 les mfimes. Je savais 
1’innocuitfi des piqRres d’aiguille fai- 
tes au cceur, mais cede qu’y a intro¬ 
duite mademoiselle Q... filait beau- 
coup plus grosse et plus longue que 
les aiguilles ordinaires, et l’cxposfi 
de ce fail m’a paru mfiriler quelque 
intfirfit. Tkelat. 

HV'STERIE AVEC PHENOMEKES CATA- 

LEPTIQUES B1EN CAEACTER1SES. — 

CHLOEOSE. — GASTRALGIE. 

La nommfie L... est entrfie a l’hfi- 
pital, le 11 avril 1SI5, dans le service 
de M. Sandras, a l’Hfitel-Dieu an¬ 
nexe. Elle est figfie de dix-sept ans, 
d’un tempfirament nerveux el d’une 
constitution peu forte. Elle n’a pas 
filfi vaccinfie, elle a eu la petile- 
vfirole. 

Sa mere vit encore, fiprouve sou- 
vent des migraines, des attaques de 
nerfs, et est alleinte d’une amaurose 
double. 

Elle a un frere rachitique et une 
sceur qui est tres sujette a avoir des 
maladies de nerfs. 

La nommfie L... n’a pu nous don- 
ner aucun renseignement sur l’fitat 
de santfi de la famille dc son pere. 

Depuis sa plus tendre cnfance 
(qualre ans) elle a des go Cits bizarres; 
elle mange de la craie , du linge, du 




REPERTOIRE. 


U 67 


papier, de lasalade, boit beaucoupde vait de la fievre et une lassitude ex- 
vinaigre, etc., et n’a point d’appfilit treme. 

pour les viandes d’aucune espcce. A Elle est venue a pied a l’hdpital, 
dcs intervalles assez rapproch6s , elle mais peniblement. 

6prouve de violentcs convulsions de Flat acme!. — Le visage est ptte; 
duree variable. Depuis l’ige de cinq l’ovale inferieur priisenle unecolora- 
ans jusqu’a onze, elle dit avoir 6t6 lion jaune-verdatre. 
somnarabule ; elle se levait pendant I.cs 16vres sont un peu d6color6es; 
la nuit, se promenait, se livrait la langue est molle, assez humide’, 
memo a dcs occupations difficiles, et non saburrale ; — la soif assez vive. 

a son reveil elle n’avait pas con.-La malade n’a pas d'appfilit. Les 

science de ce qui s’6tait passe pen- muscles des parois abdominales sont 
dant cet 6tat do somnambulisme, fortementcontraries.La palpation d6- 
dont elle aurait 6t6 gufiric par une lermine une douleur tres vive a l’6pi- 
frayeur. gastre, aiiisi qu’a la region hypogas- 

A neuf ans, elle aurait eu pendant trique; il cxiste de la matite dans les 
plusieurs semaines une paralysie points qui correspondent au gros in- 
caract6ris6e par une perte de la pa- testin. — La constipation persiste dc- 
role et du mouvement. puis plusieurs jours. Rien de notable 

R6glee a dix ans, elle l’a tonjours pour la respiration. 

6t6 r6gulierement; dans ees dernicrs Les bruits du coeur sont bien frap- 
temps, elle a remarqu6 que ses 6po- p6s; dans la region de la crosse de 
qucs avanpaientde plusieurs jours, l’aorte, il existc au premier temps 
que le sang 6tait moins abondant el un souffle doux et moelleux. 
moins colore : — elle assure n’avoir Les veines du poignet sont effac6es. 
jamais eu de leucorrhde. Dans les arteres carotides, l'oreille 

perpoit un bruit de souffle doux au 
premier temps. 

Pour traitement, de la tisane de 
tilleul, une potion avcc ether sulfu- 
rique 4 gr., 4 pilules de Valette, un 
bouffiies de chaleur au visage, des bain froid (25°). 
cssoufflements j depuis, ces pheno- Dans la journ6e L... a 6prouv6 une 
menes ont persiste etsont meme de- attaquc analogue a celle de la nuit 
venusplusintenses. L’appetencepour qui a precede son-entree it 1’hdpital. 
les mels acides, la craie, le char- Appel6unedemi-heureapr6sled6but 
bon, etc., a 616 plus vive, etles con- del’acces, j’aiconstat6Iesph6nomenes 
vulsions plus fortes et de plus longue suivants : la malade, couch6e sur le 
duree. dos, les jambes fortement fl6cbies sur 

Il y a deux jours, pendant la nuit, i’abdomen, se plaint d’un poids qui 
elle avait 616 prise d’une c6phalalgie Ini comprimerait I’hypogastre et les 
frontale Ires vive. d’une douleur si6- hypochoudres. 
geant dans les r6gions epigastrique, Le ventre est m6diocrement d6ve- 
lombaire et hypogastrique; cctte dou- lopp6, tres douloureux 6 la pression, 
leur, d’abord gravative, devenait par eties muscles des parois abdominales 
instant Iancinante, et cheque 61ancc- fortement contract6s. 
ment determinait dcs convulsions; il Par instants, les jambes et les bras 
lui semblait qu’on VtbmiUaU; elle sont agit6s par des sccousses brusques 
n’a point perdu connaissance pendant et vtolenles; il y a grinccment des 
cet acces, qui a dure au moins six dents et c6phalalgie tr6s Vive. L’in- 
heures. —Le matin, la malade 6prou- telligcnce est nclte, bien conscrv6e. 


Depuis 1’Sge de treize ans, elle sc 
livre a des acces alcooliques et v6n6- 
riens. 

A qualorzc ans, elle a bprouve pour 
la premiere fois des palpitations, des 





468 


REPERTOIRE. 


line application de veniouses seches 
sur le ventre a fait cesser rapidemcnt 
cet acccs, qui plusieurs fois s’est re- 
nouveie pendant le sfijour de la ma- 
lade. 

On a continue le meme traitement: 
et on avait observe une amelioration 
notable, lorsque le 16 au soir, L... 
fut prise d’une allaque plus forte que 
les precedents. 

L’aumOnier de l’hflpital mettait J 
l’extreme-onction une malade de la 
salle; L..., comme plusieurs de ses 
compagncs, s’etait mise a genoux 
pour assister a celle triste c6remonie; 
peu de temps apres elle perdit con- 
naissancc; tous ses membres se roi- 
dirent. On me fit appeler immediate- 
men t ; je la trouvai couchec sur le 
cote droit; lesjambes etaient flOchies 
sur les cuisscs, et je fis de grands 
efforts pour les etendre; les mains 
etaient rapprochees comme pendant 
la prierc : je parvins c.ependanl a les 
separer Tune de l’autre, et les bras 
conserverent la position que je leur 
donnai. Les machoires Olanl forte- 
ment serrOes, par moment on enten- 
dait des claquemenls et des grince- 
menls de dents. La malade ne rdpon- 
dait a aucune des questions qu'on lui 
adressait, et I’insensibilitO dtait gene- 
rale et complete: Les yeux etaient 
tournds vers la paupiere superieurc; 
les pupilles fortement dilatees. Le vi¬ 
sage etait pille et exprimait l’etonne- 
ment; la respiration etait lente; on 
entendait a peine le murmure vesi- 
culaire; le pouls etait petit, filiforme. 
Les extremites etaient froidcs. 

Je me procurai de I’eau glacee, et 
apres uneirngauon de trente sccondes 
environ , la malade fit une forte in¬ 
spiration, se mit brusquement sur 
son seant cn me criant : Asset as¬ 
set!!! elle avait repris connaissance. 
La contracture avait ccss6. Je l’inter- 
rogeai sur cc qu’elle avait 6prouv6: 
elle me repondit qu’clle se rappclait 
seulement la frayeur qu’cllc avait 


ressenlic 0 la vue des preparatifs de 
. la cdremonie dont elle avait etd le 
tdmoin. 

Elle fut un peu agitde pendant la 
nuit, et Timpression qu'elle avait 
refue la veille fut si vive qu'elle dc- 
manda le lendemain matin sa sortie. 
' Ri[lexions. — En analysant les de¬ 
tails de cetle observation, on peut 
suivre revolution des affections ner- 
veuses anxquelles la nommOe L... a 
ete sujetle depuis sa plus lendre en- 
fance : d’abord on observe une pre¬ 
disposition hereditaire qu’elle tient 
de sa mere, qui dprouve non seule¬ 
ment des migraines, des attaques de 
nerfs, mais qui est aussi atteintc 
d’une amaurose double. 

Cette predisposition aux maladies 
nerveuscs nous explique comment, 
depuis l’dge de quatre ans, L... estsu- 
jet te a des convulsions, a des gofils bi- 
zarres , la craie , le charbon , etc.; a 
ncufans, a une paralysie, avec perte 
de la parole et du mouveincnt, etc. 

A quatorze ans, unc chlorose bien 
caracterisee se declare evidemment 
sous l’influence d’une mauvaise ali¬ 
mentation provoquee par celle appe¬ 
tence anormalc, par les souffranccs , 
les insomnies des affections nerveuses 
anterieures. Nous voyons alors tons 
les symptomes deja observes s’aggra- 
ver. Cc ne sont plus de simples con¬ 
vulsions, c’esl l’hysterie avec pheno- 
mcnes catalcpliqucs. 

On ne saurait, il me semble, eicvcr 
de doute sur noire diagnostic : si la 
calalepsie est caracterisee par la sus¬ 
pension plus on moins complete de 
I’enlendement el par une roideur 
comme USlanique, g6nerale ou par- 
tiellc, du sysleme musculaire, tous les 
phenomcnes que nuus avons notes 
pendant la derniere attaque sont 
evidemment ceux de la calalepsie. 

Ainsi il y aurait cu d’abord sim¬ 
ples convulsions , gastralgic, plus tard 
chlorose, hyst6rieavec calalepsie. 

J. Macquet. 




VARIETES. 


A M. Baillarger, ridacteur des Annales medico-psyciiologiques. 

Mon cher collogue, 

A limitation du docteur Ldlut, je viens me servir de l’organe de 
votre journal, veritable tribune de la spdcialitd des maladies mentales, 
pour soumctlre a I’apprecialion de mes confreres un mode de couchage 
qui me parait etrc d’une application tres utile dans une foule de cas. Je 
ne suis point l'invenleur des lits dont je vais vous parlor; feu le docteur 
Guiaud, de regrettable mdraoire, en a cu le premier l’id6e; je n’ai eu 
d’autre mdrile, si merited y a, que d'avoir suivi les traces de ce me- 
decin, d'avoir introduit quelques modifications aux modelcs qu’il avail 
imagines ct de les avoir propagds dans le nouvel asile de St-Pierre. Je 
n’ai point vu de ces sortes de lits dans les hdpitaux de Paris; mais peut- 
ctre cn cxistc-t-il ailleurs de pareils, et d’autres avantnous,s’ensont-ils 
serYis. D’ailleurs, peu importe ici la priorite, pourvu que la chose 
atlcigne le but auquel on la destine. 

A l’dpoque de la nouvelle organisation de l’asile de Marseille, nous 
trouvdmes, sous le rapport du couchage, les abends gdteux dans une 
situation affreuse : ils couchaicnt pele-mele, conrme des anirnaux 
immondes, les uns a cote des autres, sur des las de paille, placds dans 
des sallcs basses, humides, mat dclairdes et mal adrdes. On changeait 
chaque matin la paille de place; on l’cnlassail un jour sur l'un des cdtds 
dela salle, le lendemain sur le cdtd opposd. C’etait une infection re- 
poussante, c’etait hideux a voir, c’etait de plus une source incessante 
de maladies et une cause dpouvanlable de mortality. 

La nouvelle administration dut faire cesser cet dtat de choses, et nous 
devons dire a sa louange que, quelque faibles que fussent ses res- 
sources, elle mit le plus grand empressement a amdliorer cette partie du 
service: les salles furent raieux adrdes, elles furent chauffdes en hiver, 
on les agrandit pour qu’il n’y eut pas encombrement. Je parvins, pour 
ma part, a force de soins et de vigilance, a tirer de ce cloaque plusieurs 
abends galeux ct a pouvoir les faire coucher dans les dortoirs ordinaires. 
Ceux qui restaient furent placds, les uns dans de nouveaux lits a une 
seule place, rdpondanl plus ou moins bien a leur destination; les autres 
coucherent au nombre de cinq ou six sur de vastes triieaux en bois, 
garnis de deux paillasses, une pour la moitid supdrieure, l’autre pour 
la moitid infdrieure du corps; l’espace intcrmddiaire, recevant le bassin 
des alidnes, dtait rempli de paille que l’on renouvelait tous les jours. 
La paille reposait sur une claire-voie, et au-dessous se trouvait un tiroir 
allonge, destine a rccueillirles urines. On donnait, en outre, aux ma- 
lades des draps de lit et des couvcrlurcs. Ces trdteaux ou lits a six places 
avaient plusieurs inconvdnicnts; le principal dtait le couchage cncom- 
mun, qu’onn’avait pas fait cesser par ce moyen. Mais on nepouvait faire 
mieux, faute de rcssoiirces; les las de paille avaient disparu; les 
urines et les ordures ne sc rdpandaient plus sur le sol; c’etaitdpnc une 




470 VARlfiTES. 

amelioration, un progres, comparativement a ce qui existait avant 
nous. 

A l’dpoque de l'organisation du nouvel hospice, toute’notre literie 
ayanl dtd rcnouveldc, jesaisis cette occasion pour demander que chaque 
malade gileux edit un lit sdpard, ct je proposal a cet effet deux modeles 
d’une simplicity extreme qui furent acceptes par I’autorite supdrieure. 
Je sais que, sous ce point de vue, on a fait des inventions de plusieurs 
genres: je n’ignore point qu’a Bicetre, par exemple, les iits des gAteux, 
dus a l’intelligente combinaison de M. Ferrus, fonctionnent parfaile- 
ment bicn, et que les salles ou couchcnt ces malades sont rcmarquables 
par unc propretd excessive et l’absence de toute odeur malfaisante. 
Mais il fallait ici du bon marchd, et l’dconomie la plus sdvdre m’ayant 
dtd recommandde, je dus renoncer a parler de toutcs les inventions qui 
auraient dtd trop coilteuses, pour chcrcherce qu’il pouvait y avoir de 
plus simple cn ce genre. Yoici en quoi consistent ces lils, dont les uns 
out simplement la forme d’une auge, dont les autres sont surmontds 
d’un couvercie a forme de cerceau. 

1» Le premier modele est un lit en bois, supports sur quatre pieds , 
formant une auge veritable par l’eldvalion au meme niveau des parties 
Iaterales, supdrieure ct infdrieure. Le fond, fait en bois de chene durj 
prdsente des rainures et une concavild qui aboutit a une ouverture cen- 
trale, grillagde, par ou les urines s’dcoulent. Sur la surface infdrieure 
de ce fond et a son milieu, glisse dans une coulisse un petit tiroir en 
zinc qui peut etre fixd, et que I’on retire chaque matin pour etre lavd, 
commc on le ferait d’un vase ordinaire. On remplit jusqu’a moitid le lit, 
ottpour mieux dire I’auge qu’il forme, de paille fonlee, tres fine, ct 
non de paille grossidre, parce qu’elle blesserait les malades. On met un 
drap de lit sur la paille, ainsi que les couvertures ndeessaires suivant 
les sais ons. 

On voit tout de suite le mdcanisme de ce genre de lit: l’urine fillrc a 
travers la paille ; la concavild du fond, aidde de ces rainures, la ras- 
scmble vers le centre, et de la elle tombe dans le rdservoir placd 
immddiatemcnt au-dcssous. Le matin on enleve la paille mouillde, on 
jetteun peud’eau sur la partie centrale du fond ou l’urine s’est rassem- 
blde, on vide le tiroir et on le lave avec soin. Quant aux draps du lit, 
on les change ou on les fait sdcher simplement, suivant qu’ils ont did 
plus ou moins salis. L’entretien est excessivement simple et peu coft- 
teux; il n’y a de mouilld ordinairement que quelques poigndes de 
paille, celle qui correspond au bassin de l’individu. 

Je ne prdtends pas , du reste, que ce mode de couchage soitplus 
avantageux que celui qui est adoptd a Paris; mais ces lils sont incon- 
leslablement moins chers, tout cn alteignant parfaitement le but de 
leur destination; ce qui n’est pas a dddaigner, quand les ressources 
financieres ne permellenl pas de grands sacrifices. Je n’ai eu qu’a m’en 
louer depuis huit ou dix mois qu’ils fonclionnent dans la nouvelle 
maison de Saint-Pierre. Les malades y sont couchds mollement, ils y ont 
une bonne chaleur, les escarres sont tres rares, et l’odenr est nulle 
quand on a soin de les bien tenir. Le bois du fond ne se laisse pas im- 



VAM&TfiS. Ml 

prfigner d’urine, parce que ce liquide n’y fait quo passer et n’y sejourne 
point; mais il y aurait avantage, a raon avis, de doubler ce fond en 
zinc, afin de preserver entierement le bois de I’action corrosive de ce 
liquide. 

2° Le second modele est un lit exactement semblable a celui que je 
viens de dicrire; mais il est en outre surmontd d’un couvercle a 
forme de cerceau, destine a empecher que les abends n’en sortent a 
volontd. Ce cerceau, aclaire-voie, s’adapte parfaitement surles rebords 
du lit, etcn occupe toute la longueur. Il est assez dleve pour que les 
mouvemenls du malade ne soient point geuds; il olfre d’un cdtd des 
charnieres qui lui permettent de se mouvoir, comme le dessus d'une 
malle; et de 1’autre cdtd, il est rendu fixe pendant la nuit a l’aide de 
deux crochets. 

Ce mode de couchage semble barbare au premier abord, parce que 
l’alidnd s’y trouve emprisonnd dans une sorte de cage d’ou il ne peut 
sorlir. Pour moi, j’y trouve des avantages inconlcstables ; je ne connais 
aucun syslcme de lit qui puisse mieux que ceux-ci atteindre le but auquel 
je les destine. Voici dans quel cas je m’en sers. 

Il est des malades, ceux surtout attcints de ddmence paralytique, qui, 
ne voulant jamais rester dans leur lit, passent toute la nuit a se prome- 
nerou restent accroupis sur le sol; de la des enflures de jambe, des 
uledres tres dtendus, des catarrhcs et des inflammations pulmonaires 
qui viennent souvent les emporter. Il en est d’autres qui ayant des plates 
aux jambes, ou etant atteints d’une maladie accidentelle , ne veulent 
jamais garder le lit; de la ndccssairement des plaies intarissables et une 
aggravation des maladies accidentelles, par le seul fait de 1’absence du 
repos et de la cbaleur. Il existe enfin quelques malades qui ont l’habi- 
tude chaque matin de tapisser de leurs ordures les murs de la salle ou 
des cellules oii ils couchent; de la une odeur infecte et un entretien 
continuel. Nous avions de ces trois sortes de malades dans l’asile de 
Marseille; que fallait-il en faire? Devions-nous, comme on le fait 
ailleurs, les fixer sur un lit ordinaire i l’aide de sangles et d’une cami¬ 
sole? Je n’avais jamais rccours a ce procede qu’avec une sortede repu¬ 
gnance, parce que les liens ont quelque chose de repoussant, parce qu’ils 
genent les mouvements et exasperent l’aliend, parce qu’ils peuvent le 
blesser ou etre cause d’erysipele et d’escarres au sacrum par suite du 
froltement continuel que le malade execute. Cette contrainte n’existe 
point, et tous les inconvenients que je signale disparaissent en placant 
les aliends dans ces lits a cerceau, ou ils peuvent se mouvoir en tous 
sens avec la plus grande liberie, n’eprouvant qu’unegfine, celle de ne 
pouvoir se tenir debout. 

Dejrnis l’introduction de ces lits , je n’ai plus vu survenir que Ires 
rarement de ces enflures et de ces ulcerations aux jambes qui ne recon- 
naissent de cause que la privation du repos pendant la nuit. Quand des 
oedemes ou des plaies arrivent, il suffit d’y placer les malades pendant 
quelques jours pour cn obtenir la guerison. Ceux qui salissaient les murs 
ne le font plus; ceux qui couchaient habituellement sur le sol restent 
chaudement dans ces sortes de lits; et quand des affections pulmonaires 



472 VARIfiTfiS. 

ou autres se declarent, il csl plus facile de cettc manicre de les soigner 
et dc s’en rendre maitre. J’ai vu des aliencs qui, apres y avoir couche 
un certain temps, ont pu elre replaces dans des lits ordinaires, ayant 
perdu l'habitude de salir les murs ct de se lever pendant la nuit. Tels 
sont les avantages que j’ai Tetires de ce mode de eouchage; je me Kli- 
cite tous les jours d’avoir contribue a l’introduire dans l’asile de Mar¬ 
seille. 

J’avais dernierement un malade qui, voulant se suicider, s’etait lance 
plusieurs fois la tctc baissfie contre les murs. C’tSlait le cas de lc placer 
dans une cellule matelassec; mais n’en ayant point, je le faisais sur- 
veiller avec soin pendant le jour, et je le metlais la nuit dans un lit k 
cerceau. II n’a jamais essaye de se blesscr pendant qu’il etait couche; 
il n’aurait pu du reste y rfiussir, n’ayant pas assez d’espace pour se 
lancer avec force contre les parois du cerceau. J’y ai place aussi qucl- 
quefois des malades assez agites, et, chose remarquable, je n’ai jamais 
vu le moindre accident en resuller, ni le dilire s'esalter davantage; 
j’ai vu au contraire dans certains cas l’agilation se calmer sous l’in- 
fluence de cette sortc de reclusion. J’y ai place encore avec avantage 
des epileptiques dont les acces dtaient ties frequents et tres intenses. Je 
n’ai pas vu un seul malade se blesser en frappant de la tete contre le 
bois; mais il serait facile de remidier a cet inconvenient, dont on com- 
prend la possibility, en matelassant le cerceau avec soin. Du reste, je ne 
veux pas gdneraliser ce mode de eouchage plus qu’il ne le merite; je le 
regarde comme une exception dans une maison d’alienis , mais je sou- 
liens qu’il est avanlageux dans les cas qui ofTrent les indications pos6es 
ci-dessus. J’approuve, pour tna part, le lit d’fipiieplique imagine par 
M. L61ut, et je regrette de ne pas l’avoir connu a l’6poque ou notre 
literie a 6t6 renouvelee. Nos Epileptiques conchent mainlenant sur des 
lits en fer ordinaires dont les pieds ont quelques centimetres seulement 
d’yidvation. 

Je vous prie (fexcuser, mon chcr confrere, la longueur de cette 
Iettre; vous voudrez bien me pardonner cette exposition ddtaillEe , en 
considiration de la speciality de votre journal, dont le but principal est 
l’amyiioration des alienys. Or, vous savez qu’en cela rien n’est a ny~ 
gliger, que les plus petites choscs sont quelqucfois les plus utiles et 
amenent les meilleurs resultats. 

Veuillcz recevoir, mon cher confrere, l’assurance de mon cstime et de 
ma consideration dislinguee. 

Marseille, le25 mai 1845. 

Aubakel, 

Midecin en chef de i’asil? de§ nU6ne§ de MarieHle. 



TABLE DES 1ATIERES 

CONTENUES DANS LE TOME SIXIEME. 


PREMIERE PARTIE. 

ME MOIRES ORIGIN AUX OU TRADUITS. 

I. Pltgaiologie. 

Nodvelles experiences relatives a la sodstraction dd liqdide 
cfiRfiBRO-SPiNAL; par M. Longet. . ..157 

II. JPatltologie. 

MALADIES MESTALES. 

De l’influence de l’£tat intermediaire a la veille et ad 

SOMMEIL SUR LA PRODDCTION ET LA MARCHE DES HALLUCINA¬ 
TIONS; par M. Baillarger , medecin de ]a SalpfStrifcre. 1 et 168 

Btudes historiques sdr l’alienation mentals ( U ‘ article). — 
ecole pstchiqde allemande. — Langermann et Ideler; par 
M. Gh. Lasegue... . 29 

Pathologic mentale en Belgique, en Hollande et en Alle- 
magne ; par M. Morel .196 ct 350 

llEMARQUES SDR LE DELIRE CONS&DTIF ADX FL&VRES TYPH01DES ; 

par M. Sadvet. ... . 223 

Des hallucinations ; par M. le docteur Macario (1" article). 323y 

NEVBOSES. 

Lemons sdr les n£vroses (3' et /i e lecons). — de la choriSe 
( suite). Demonstration de I'identild entrc la choree sporadique 
et la choree epidemique. — Interpretation des symptOmes prin- 
cipaux de la choree. — Des causes de la choree sporadique. — 
Trois sortes de causes produisent ia choree epidemique. — Exa- 
men des causes , et division etiologique de la choree. — En quoi 
consiste la choree. — Autres nevroses avec lesquelles on peut la 
confondre; par M. Pdccinotti , professeur a la Faculte de 
Pise.53 

III. MIetlecitte legate. 

Kleptomanie : accusation de vol, condamnation par defaut, appel 
du jugement; rapport medico-legal pour constater l’alienation 
mentale; acquittement; par M. II. Girard, medecin de l’asile 
d’alienes d’Auxerre. .231 

Rapports jddiciaires et considerations miSdico - legales sdr 
qdelques cas de FOLiE homicide ; par M. le docteur Adbanel 
medecin en chef de l’asile des alienes de Marseille. . . 359 









TABLE DES MATURES. 


UVl 

ETABUSSEMEWTS D’AMESTKS. 

Visite A l’etablissement d’aliiSniSs d’Illenad (pres Achern, 
grancl-duchd tie Bade) , et considerations gdndrales sur les asiles 
d’alidnds (2 e et dernier article) ; par M. Falret, medecin de 

l'hospice de la Salpetriere.. 69 

Note relative a ox prikcipales conditions qde doivent offrir 

LES LIEDX -D’AISAISCES DANS LES ASILES D’ALigNis ; pal’ M. H. Gl- 

rard, mddecin de l’asile public d’alidnds d’Anxerre. . . 107 
Administration des asiles d’alienes (suite et fin). — Considd- 
ralions gdndrales sur le budget.—Budget des ddpcnses.—Budget 
des recettes. —Cldture de l’exercice. — Chtipitres additionnels. 
— Compte adminislratif; par M. L.-F.-E. Renaudin, directeur- 
mddecin en chef de l’asile public d’alienes de Fains (Meuse). 

.2/|3 et 3S6 

Note relative a la quantity d’eau n£cessaire a dn asile 
D’ALidNEs contenant 350 malades; par M. II. Girard, mdde¬ 
cin de l’asile public d’alidnds d’Auxerre.. 283 


SECONDE PARTIE. 

REVUE FRANCAISE ET ETRANGERE. 


I. Mevtte ties o ffowrawits; jtuliciniyes. 



Icpsifc, A la surtll-miilitc , etc., par M. J. Mokeau , medecin dc 
l’hospice de Bicetre. 


(Iprddcsti nation; vision religieuse.Ill 

Meurtre; suicide. 112 

Alidnation menlale ; suicide (varidlc non encore signalde) . 113 

Homicide; alidnation mentale. . ll/i 

Alidnation mentale; interdiction..A29 

Six meurtres; suicide.430 

Duel improvisd.A30 

Ivrognerie; meurtre; suicide. ..A31 

Meurtre; alidnation mentale. 431 

Imbdcillild; vol, .. . ., . .. . . . . . . .. . .. A32 

ffiemte ties j&zia'zmwoc tie attetlecime. 

JOURIJAIIX PRAKT^AIS. 

f Ddlire partiel avcc hallucinations.. . 1 ill 

■ Observations sur le tdtanos des enfants nouveau-nds ... 117 

Du vertige et du traitement qu’il convient de lui opposer. . 118 

Observation de tumeur squirrbeuse de la base du cervelet. . 119 

ipilepsie incomplfete. 120 

Ddlire aigu h la suite d’une chute sur la idle, ..... 120 



















TABLE DES MATURES. 


Recherches sur la rage humaine.121 

Traitement indien du tdtanos. 287 

Lemons sur les maladies de I’encdphale.288 

Liniment antindvralgique.288 

Nouveaux modes de traitement de l’dpilepsie, . . . . . 288 

Apoplexie nerveuse.289 

Tubercule ddveloppe dans la protuberance annulaire. . . . 290 

Observation de maniefufiense gudrie parl’expnlsion detrois vers 

lombrics. 292 

Quelques considerations sur i’incertitude des fonctions altribuees 
au cervelet et sur l’absence de symptdmes ou signes propres i 
faire reconnaltre pendant la vie les divers eta Is maludifs de 


Note sur une nouvelle sonde destinee 4 l’alimentation des alid— 

nes.411 

Du catheterisme de loesophage cliez les alidnds; difficul Ids et dan¬ 
gers qu’il prdsente; perforation du pharynx, suivie de mor't; 
introduction de la sonde dans le larynx; injection des aliments 
dans la trachde; emploi d’une sonde it double mandrln et 4 ob- 

tiirateur pour prdvenir ces accidents. . ..413 

De l’asthme thymique dans sesrapports avec les convulsions. 422 
Des bains de tilleulprolongds, et de la belladone 4 haute dose dans 

le traitement de certaines ndvroses. 423 

Observation de luxation produite par la seule contraction muscu- 
laire pendant des attaques d’epilepsie. ..423 

JOBAUAUX AKTG1AIS ET AMERICAINS. 

Du pools chez les abends.. . 424 

Des relations pathologiques de la moelle dpinidre. .... 426 

Observation de delirium tremens. ...4:27 

De l’irritabilitd de la fibre musculaire dans les membres paraly¬ 
ses. 428 

SIS. Soeietes snvateSes. 

Recherches sur le syslfeme nervcux splanchnique.122 

De la localisation de la parole dans les lobes antdrieurs du cer- 

veau. .. 122 

Quelques considerations sur l’alidnation mentale, au point de vue 

de la psychology.123 

De l’dtendue de la surface du cerveau, et de ses rapports avec le 

ddveloppement de l’intelligence.133 

Influence negative du fluide cdphalo-rachidien sur la locomo- 


Eclampsie puerpdrale. . . . . . 

Eclampsie puerpdrale. 

Du suicide. ..... . . . 

Douchoir.. 

Des nerfs des membranes sdreuses. 

£ De l’estime de soi. 

Sur la durde de la cliorde. . . . 


Ldgisiation des alidnds en Angleterre et dans le pays de Galles. 435 





























476 TABLE DES MATllSRES. 

IV. ISeSnSiotft'ttpftic. 

Exposition anatomique de 1’organisation du centre nerveux dans les 
quatre classes d’animaux vertebres; par M. Natalis Guillot 

(analyse par E. Cloquet)...135 

f De l’influence de l’hdrdditd sur la production de la surexcitation 
' nerveuse, sur les maladies qui en rdsultent, et des moycns de les 
gudrir; par M. Gadssail (analyse par M. le docteurBourdin). 143 
Mdmoire sur la rdpa'ration on cicatrisation des foyers hdmorrhagi- 

ques ducerveau ; par M. Max. Ddrand-Fardel.147 

Traitd pratique, dogmalique et critique de l’hypochondrie; par 
M. MichiSa (analyse par M. Ed. Carriftre). . . . . . 296 

Des hallucinations, on Ilistoire raisonnde des apparitions, des vi¬ 
sions, dessonges, de 1’extase, du mngndtisrae et du somnam- 
bulisme; parM. Brierre de Boismont( analyseparM. Cerise). 300 
Notice sur l’asile ddpartemental de Saint-Dizier; par M. Belloc. 

...452 

Rapport sur les hospices d’alienes de l’Angleterre, de la France et 
de 1’Aliemagne; par ledocteur Crommelinck (analyse par M. Ch. 

Lasdgue). 455 

Be quelques points relatifs au delirium tremens 5 l’dtat aigu ; par 

M. DdpeyrjI (analyse par M. Bourdin).450 

Slatislique administrative et mddicale de l’asile public d’alidnds de 
Dijon; par M. Dugast. . ..461 

ISe&ertoire tVohset'meiioviu inedites. 

/Ddmonomanie provoqude par des hallucinations de l’oui'e; acces 
i convulsifs ddmonomaniaques; raison apparente; par M. J. Bail- 

v LARGER.131 

Apparence de ddmence et de paralysie gdndrale; gudrison inespe- 

rde; par M. Trelat. 312 

Emploi de la. sonde oesophagienne; son innocuite et ses dangers; 

par M. Trelat. ..463 

Piqflre au cceur; par M. Tr£lat.465 

Hystdrie avec phenomenes cataleptiques bien caractdrises; chlo- 
rose; gastralgie ; par M. J. Macquet.466 

Vitrietes. 

Letlre de TU. Lannurier sur un lit destind aux dpilepliques. — 
Leltre de M. Micheasur l’hypocliondrie, en rdponse ii M. Bra- 
chet. — Sousci-iplion pour le monument de Foderd. — Congrfcs 
scientifiquc de France. — Statistique du suicide. — Nouveiles 

diverses. .. 154 

Letlre de M. Bracliet sur l’hypochondrie. —Prix dela Socidtd md- 

dico-chir'urgicale de Montpellier.316 

Lettre de M. Aubanel sur un nouvea.u mode de couchage des alid- 


Paris.—‘ Imprimeria de Bourgogne et Martinet, rue Jacob, 3o.